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Grégoire
VII (Saint), 162e'
pape, élu le 22 avril 1073, mort
le 25 mai 1085. Paul Il avait permis à l'archevêque de Salerne
de l'honorer comme saint; Grégoire XIII
introduisit son nom dans le calendrier romain. A la fin de son pontificat
(1729), Benoît XIII autorisa sa légende
et condamna les écrits composés contre cette canonisation
qui fut vivement repoussée en France
et en Allemagne, à cause des entreprises
de Grégoire contre les droits des Eglises nationales et surtout
contre ceux de l'Etat, représenté par les princes.
Grégoire VII naquit vers 1013 ou 1015, à Soano ou Soana, petite ville de Toscane; son père, Bonic ou Bonizon, y faisait le métier de charpentier. On ne sait rien de précis sur sa famille; mais son nom, Hildebrand, semble bien indiquer une origine germanique. Il fit ses premières études dans le couvent de Sainte-Marie-sur-l'Aventin. On dit qu'il y eut pour maître Jean-Gratien; celui-ci, devenu pape (Grégoire VI), le prit pour chapelain. Quand ce pape, qui avait inauguré par un acte de simonie la réforme de l'Eglise, fut exilé en Allemagne, Hildebrand le suivit et resta auprès de lui jusqu'à sa mort (1048). Puis il se retira dans le monastère de Cluny, dont l'abbé Odilon avait fait une puissance qui suscita et soutint très efficacement les entreprises des papes réformateurs et dominateurs. On y recueillait et on y systématisait, sur la souveraine juridiction de l'Eglise à l'égard des princes, les maximes que les prélats francs avaient si hautement affirmées et si durement appliquées dès le temps de Louis le Débonnaire; mais, comme l'avaient déjà fait alors les moines de Corbie, Wala et Paschase Radbert, et, peu après, les Fausses Décrétales, on attribuait à la papauté le suprême exercice de toute la juridiction de l'Eglise. On y rêvait une Eglise affranchie des principautés et des prélatures séculières, détachée des dépendances et purifiée des souillures que les gens du siècle lui avaient infligées, gouvernant le monde sous le sceptre du pape secondé par les moines et par un clergé réduit à la continence ou, au moins, au célibat. De leur côté, plusieurs empereurs allemands avaient fait des efforts très sincères pour relever la papauté de l'avilissement où elle était tombée, et pour réformer les moeurs du clergé. En 1048, Brunon, évêque de Toul et parent de l'empereur, avait été proclamé pape par une diète tenue à Worms. Il n'accepta qu'à la condition d'obtenir le consentement du clergé et du peuple romains. Il fut confirmé dans cette résolution par Hildebrand, dont il avait remarqué les talents et la vie austère, et qu'il voulait attacher à sa personne. Celui-ci lui persuada de quitter ses vêtements épiscopaux et de se rendre à Rome comme un simple pèlerin, pour demander le renouvellement et la confirmation de sa nomination. Elu par le clergé et par le peuple (12 février 1049), Brunon prit le nom de Léon IX, nomma Hildebrand sous-diacre et le chargea de l'administration des revenus du Saint-siège, laquelle était dans le plus grand désordre. Les actes les plus importants de ce pontificat furent conseillés et dirigés par Hildebrand, dont l'influence ou plutôt l'autorité s'accrut de jour en jour. Il en fut de même sous les successeurs de Léon IX : Victor II (1055-1057), Etienne IV (1057-1058), Nicolas II (1058-1061), Alexandre II (1061-1073). Les règnes de ces papes ne forment guère que des chapitres de l'histoire de Hildebrand; nous y renvoyons, afin d'éviter les répétitions et pour l'indication des moyens dont usa et des vues qui guidèrent constamment celui qui, avant de devenir pape lui-même, avait été pendant vingt-cinq ans, non seulement le conseiller, mais le directeur des papes, et même faiseur de papes. Les vers suivants, qui lui furent adressés par Pierre Damien, sous le pontificat d'Alexandre II, montrent la souveraineté dont il était investi aux yeux de ses contemporains, même avant son couronnement : Papam rite colo, sed te prostratus adoro;Aussitôt après la mort d'Alexandre II, Hildebrand fut élu par les cardinaux, sous la pression tumultueuse du peuple. Cette élection effraya les évêques, qui redoutaient sa sévérité. Comme on n'avait pas attendu, pour y procéder, le consentement impérial, ainsi que l'exigeait encore le droit établi, les évêques de France, qui avaient subi l'expérience de son zèle réformateur, quand il était venu chez eux comme légat, supplièrent l'empereur Henri IV de ne pas la reconnaître. Hildebrand en sollicita la confirmation, et il ne prit possession du siège apostolique qu'après l'avoir obtenue; mais, dans l'intervalle, il avait accompli des actes importants du pouvoir pontifical. Il adopta le nom de Grégoire, et on attribue généralement ce choix au souvenir pieux qu'il avait voué à Grégoire VI. Dès son avènement, il réclama, en vertu de la donation de Constantin, la Corse, la Sardaigne et même l'Espagne; il soutint que la Saxe avait été donnée au Saint-siège par Charlemagne, la Hongrie par le roi Etienne; et il réclama de la France le denier de Saint-Pierre. Mais, comme la poursuite de ces prétentions aurait rencontré des résistances fort difficiles à surmonter, il concentra tous ses efforts dans la lutte qu'il avait commencée sous ses prédécesseurs, pour réduire les prêtres au célibat, réprimer la simonie, et, ce faisant, affranchir l'Eglise de toute dépendance envers les laïques et soumettre tous les chrétiens à sa juridiction souveraine. Dans un concile tenu à Rome (1074), Grégoire fit interdire l'entrée des églises aux prêtres coupables de fornication. c.-à-d. aux prêtres mariés ou vivant en concubinage. Le même concile condamna, comme simonie, toute investiture de bénéfice ou de dignité ecclésiastique, donnée par des laïques; défendant, en conséquence, aux seigneurs de la donner, et aux évêques et aux abbés de la recevoir. L'exécution de ces décisions fut poursuivie en divers pays, avec des différences qui semblent montrer que chez Grégoire la rigueur n'excluait pas complètement la souplesse. Dès 1073, il avait attaqué Philippe ler, roi de France, pour simonie; en 1074, il essaya de soulever contre lui les évêques de son royaume; il leur écrivit : « Entre tous les princes qui, par une cupidité abominable, ont vendu l'Eglise de Dieu, nous avons appris que Philippe, roi des Français, tient le premier rang. Cet homme, qu'on doit appeler tyran et non roi, est la tête et la cause de tous les maux de la France [...]. S'il ne veut pas s'amender, qu'il sache qu'il n'échappera pas au glaive de la vengeance apostolique. Je vous ordonne de mettre son royaume en interdit. Si cela ne suffit pas, nous tenterons, avec l'aide de Dieu, par tous les moyens possibles, d'arracher le royaume de France de ses mains; et ses sujets, frappés d'un anathème général, renonceront à son obéissance, s'ils n'aiment mieux renoncer à la foi chrétienne. Quant à vous, sachez que, si vous montrez de la tiédeur, nous vous regarderons comme complices du même crime, et que vous serez frappés du même glaive. »Philippe promit de s'amender, mais continua sa « male vie »; les évêques ne mirent pas le royaume en interdit, et le pape s'abstint de donner suite à ses menaces. En Angleterre, où Guillaume était conseillé et soutenu par Lanfranc, archevêque de Canterbury, le concile de Winchester (1076) mitigea, de sa propre autorité, les décrets romains sur le célibat, en permettant aux prêtres des villages et des châteaux de garder leurs femmes; le roi continua d'exercer le droit d'investiture, et le pape céda ou se tut. Ce fut contre l'empereur Henri IV que Grégoire dirigea tous ses efforts. II y était encouragé par les rebellions des sujets de ce prince qui leur avait donné de trop nombreux sujets de mécontentement. Dans un concile tenu à Rome (1075), il excommunia comme simoniaques plusieurs conseillers de Henri IV, déposa les évêques qui avaient reçu de lui l'investiture, et le cita à Rome, pour répondre aux accusations de simonie, sacrilège et tyrannie. Aux fêtes de Noël de cette année, une révolte fut organisée à Rome, par Censius, chef de la noblesse opposée aux réformes. Le peuple aida le pape à la réprimer. Le 24 janvier 1076, la diète de Worms déposa Grégoire comme hérétique, magicien, adultère, flatteur de la populace, usurpateur de l'Empire, bête féroce et sanguinaire; des mesures furent prises pour lui donner un successeur. Dans les conciles de Plaisance et de Pavie, les évêques lombards adhérèrent à ces décisions. Grégoire y répondit en excommuniant tous les évêques qui avaient assisté à la diète de Worms, en excommuniant et en déposant l'empereur, et en défendant à ses sujets de lui obéir 22 février). Ce jugement, rédigé sous la forme d'une invocation fougueuse à saint Pierre, fut publié dans une lettre adressée à toute la chrétienté. Les évêques désertèrent, les uns après les autres, le parti de l'empereur, implorant le pardon du pape. Au mois d'octobre, les princes allemands, réunis à Tribur (Oppenheim), sommèrent Henri, avec menaces de déposition, de donner satisfaction au pape, dans le délai d'un an. Incapable de résister, il se rendit, en costume de pénitent, au château de Canossa, en Toscane, où Grégoire se trouvait chez la comtesse Mathilde, qui s'était éprise pour lui d'une ardente dévotion, non seulement mettant au service de sa cause toutes les ressources de ses Etats, mais le suivant partout, pour lui prodiguer les soins d'une très humble et très affectueuse servante : livrant ainsi ce pape aux médisances de ses adversaires, et particulièrement des ecclésiastiques qu'il avait séparés de leurs femmes. Après avoir tenu, pendant trois jours, à la porte du château, l'empereur, vêtu de la chemise de laine, pieds nus sur la terre couverte de glace et de neige, Grégoire lui accorda l'absolution, en se réservant de prononcer ultérieurement sur sa restauration (25-28 janvier 1077). Malgré cette absolution, la majorité des princes allemands donna la couronne à Rodolphe de Souabe (mars 1077), à qui Grégoire envoya plus lard une couronne avec cette inscription : Petra dedit Petro, Petrus diadema Rudolpho. Soutenu par ses vassaux lombards. Henri résista à une nouvelle excommunication (novembre 1078) et releva son parti en Allemagne. Après avoir défait Rodolphe dans une première bataille (27 janvier 1080). il fit renouveler par les conciles de Mayence et de Brixen la déposition de Grégoire. A Brixen (juin 1080), on élut un antipape, Guibert, archevêque de Ravenne, qui prit le nom de Clément III. Rodolphe fut tué à la bataille de Mersebourg (octobre). En mars 1081, Henri passa en Italie, ravagea les domaines de la comtesse Mathilde, puis marcha sur Rome. Après trois attaques repoussées, il entra dans la ville, dont les nobles lui avaient livré les portes (1084); il y installa son pape Clément, qui le couronna empereur. Grégoire, enfermé dans le
château Saint-Ange, fut délivré par Robert
Guiscard, qu'il avait excommunié en 1074, mais avec qui il s'était
réconcilié pour résister à Henri IV. Ne pouvant
rester à Rome, où le peuple lui reprochait les horreurs commises
par les Normands, ses alliés, il se retira avec eux à Salerne.
C'est là qu'il mourut, environ une année après. On
dit que ses dernières paroles furent : J'ai aimé la justice
Avant de mourir, il avait levé toutes les excommunications prononcées par lui, à l'exception de celles qui concernaient Henri IV, l'antipape Guibert, leurs fauteurs et leurs adhérents,c.-à-d, tous ses adversaires. On attribue à Grégoire un Commentaire sur les psaumes de la pénitence; mais ses véritables oeuvres se rapportent, soit a l'exposition, soit à la réalisation de ses maximes gouvernementales : Gregorii VII registri sive epistolarum libri, chez Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio (Florence, 1759, t. XX, p. 60, 31 vol. in-fol.); Monumenta Gregoriana, chez Jaffé, Bibliotheca rerum Germanicarum (Berlin, 1864, t. II); Giesebrecht, De Gregorii registro emendando (Brunswick, 1858); Horoy, S. Gregorii VII epistolae et diplomata; accedunt vita ejusdem pontificis et appendices amplissimae veterum et recentiorum monumenta, perplurima Gregorii apologetica, complectentes (Paris, 1877, 2 vol. in-8). On a contesté l'authenticité des XXVII Dictatus, intitulés : Quid valeant pontifices Romani, et placés dans le Registre, en 1075; mais ils présentent bien, pour la pensée et pour l'expression, ce que les autres écrits de Grégoire font attendre de lui; il est vraisemblable qu'ils sont au moins un extrait systématique de ses écrits. F. Rocquain (Journal des savants, 1872) considère cette composition comme authentique, mais il y voit une oeuvre privée du pape, et non une déclaration. (E -H Vollet). |
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