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Histoire de l'Europe > La France > La France Capétienne > La période féodale / Histoire du Languedoc |
Aucun témoignage précis, ni des Cathares eux-mêmes, ni des contemporains qui les ont combattus, ne relatant l'origine de cette secte, nous ne pouvons rapporter sur ce point que des opinions fondées sur des conjectures. Au Moyen âge, l'opinion commune des gens d'église considérait les cathares comme des manichéens : ce qui permettait de leur appliquer les pénalités fort cruelles anciennement édictées contre les manichéens. Cette opinion, très naturellement ou très spécieusement déduite des analogies que présentent les doctrines, les moeurs et la discipline des deux sectes, est encore professée, avec plus ou moins de modifications, par plusieurs historiens modernes. Mais elle ne tient compte que des ressemblances qui semblent identifier les manichéens et les cathares; ressemblances qui peuvent être tout simplement expliquées par le fait que ces hérétiques se sont accidentellement rencontrés sur un point commun, le dualisme, lequel implique partout et toujours certaines conséquences inévitables; elle néglige les différences, pourtant très caractéristiques, qui distinguent les uns des autres; d'autre part, elle n'indique pas, ce qui serait fort important, la succession historique qui relierait les derniers aux premiers. Ce qui seulement peut être admis, sans trop de difficultés, à l'égard de cette filiation, c'est que des réminiscences manichéennes ont pu coopérer à la naissance de l'hérésie cathare dans le milieu gréco-slave où elle s'est formée, et des vestiges du manichéisme en faciliter la propagation dans les pays où de pareils vestiges auraient subsisté, persistance assez problématique. Bossuet (Histoire des variations, II) fait provenir les cathares des manichéens, par l'intermédiaire des Pauliciens de Bulgarie (Bogomiles), et il suppose que leur doctrine fut prêchée en France d'abord par Pierre de Bruys et son disciple Henri, lesquels n'ont jamais eu rien de commun ni avec les cathares ni avec les manichéens. Il est vrai que dès le milieu du XIIe siècle, on donna communément aux cathares, dans le nord de la France et en Angleterre, le nom de poblicans, altération du mot paulicien; mais ce nom semble avoir été introduit par les croisés, peu experts en matière d'hérésie et confondant des choses fort différentes. Muratori est le premier historien qui ait rapporté directement aux pauliciens l'origine des cathares; après lui, Mosheim. Pour compléter l'énumération des conjectures relatives à l'origine des cathares, ajoutons que plusieurs auteurs les ont rattachés soit à des sectes gnostiques, soit à des sectes dualistes différentes des Manichéens, notamment aux priscillianistes. Selon Ch. Schmidt, dont l'oeuvre magistrale a fourni la substance de la plus grande partie de notre notice, l'hérésie dualiste des cathares, kaqaroi ( = les purs) est une hérésie sui generis, indépendante de celles des Manichéens et des Pauliciens. Constituée vers le XIe siècle, parmi les Slaves, probablement parmi ceux de la Macédoine, cette secte se répandit rapidement, à l'aide d'une propagande très zélée, dans les autres pays de langue slave, et de là en Italie et dans le midi de la France. Elle obtint même quelques succès dans le nord de la France, en Flandre et en Allemagne. Dans la dernière moitié du XIIe siècle et au commencement du XIIIe, elle possédait des évêchés en Macédoine, en Bulgarie, en Thrace, en Bosnie, en Dalmatie, en Italie et dans la France méridionale. De nombreux adeptes, dégoûtés de l'Eglise catholique par la corruption du clergé, s'étaient attachés à elle; des magistrats, des seigneurs et des princes la toléraient ostensiblement; quelques-uns même la protégeaient. Jusqu'au pontificat d'Innocent III, elle brava toutes les attaques de ses ennemis. On verra dans la page sur la Guerre des Albigeois par quels moyens elle fut extirpée de la France. En Italie, où le peuple leur avait donné le nom de patarins, qu'ils avaient accepté volontiers, la résistance des cathares fut plus longue. Au temps d'Innocent III, ils occupaient une forte position en Lombardie. Milan était leur centre; soutenus par les seigneurs, ils siégeaient dans les conseils des villes, célébraient publiquement leur culte et provoquaient à des disputes les théologiens catholiques. Les persécutions ordonnées par Innocent III et ses successeurs restèrent longtemps inefficaces contre eux; l'Inquisition elle-même n'obtint pas un meilleur résultat. Ce ne fut que dans le cours du XIVe siècle qu'on parvint à les réduire. Dans les pays slaves, ils se maintinrent, malgré les fréquentes persécutions qui les décimèrent, et ils n'y disparurent que lorsque la Bosnie, qui était le foyer de leur secte, eut été conquise par les Turcs; dans ce dernier pays, beaucoup se firent musulmans, par haine des catholiques persécuteurs. Les cathares avaient des écoles, des docteurs très versés dans la connaissance des textes bibliques et très habiles à les interpréter, tantôt d'après la lettre, tantôt d'après l'allégorie, pour les adapter à leurs thèses; des versions du Nouveau Testament et de quelques parties de l'Ancien, des livres théologiques et des livres liturgiques, des écrits et des chants populaires; ils se servirent aussi de deux apocryphes : Visio Isaiae prophetae Trinitatis arcana et redemptionem generis humani manifestans; Narratio de Interrogationibus S. Johannis et de Responsionibus Christi Domini. Malheureusement, de tous les ouvrages qui leur étaient propres on n'a retrouvé jusqu'à ce jour qu'un Rituel et une traduction du Nouveau Testament en langue provençale; et on est encore réduit à ne juger de leur doctrine que d'après les témoignages justement suspects de leurs ennemis. Mais de ce côté, les renseignements sont nombreux; et, quoiqu'ils émanent d'auteurs divers et concernent des lieux et des temps différents, ils présentent une concordance qui leur donne une réelle valeur. De ces documents impartialement interprétés il résulte que le fondement de la religion des cathares est une certaine conception du caractère divin. Ils concevaient Dieu comme l'être souverainement parfait et essentiellement bon. Ses oeuvres doivent être comme lui parfaites et bonnes, le bon arbre ne pouvant porter de mauvais fruits. C'est pourquoi il est impie d'attribuer à Dieu la création du monde visible. La matière porte en elle-même un principe de corruption qui la condamne irrévocablement à la décomposition et à l'anéantissement; elle est de plus la cause ou l'occasion de maux sans nombre; l'eau recèle les naufrages et les dévastations; l'air, les tempêtes et les orages; le feu, les incendies qui détruisent la maison du pauvre, et il allume les bûchers qui consument les amis de la vérité. Parmi les créatures vivantes, beaucoup ont été formées de manière à ne pouvoir vivre qu'en déchirant et en dévorant les autres. La part la plus avantageuse est faite chez elles aux plus méchantes et aux plus cruelles, et elle est prise sur les meilleures et les plus douces. L'humain lui-même est enserré dans un corps qui l'entraîne au péché et qui est destiné à mourir, après avoir enduré des souffrances de toute espèce. Cependant il y a dans le monde visible des dispositions habiles et une ordonnance qui ne peuvent être imputées à l'effet du hasard. Comme le mauvais fruit dénonce le mauvais arbre, la création et l'organisation du monde visible démontrent l'oeuvre d'un auteur intelligent, mais souverainement mauvais, qui a donné aux bêtes féroces leurs griffes et leurs dents, aux serpents leur venin, aux plantes leurs poisons, et qui a semé tant de germes de désordre, de souffrance et de mort dans les éléments que compose la matière. L'opinion la plus répandue chez les Cathares était que l'auteur du mal est aussi absolu, aussi éternel que Dieu. De là, deux natures qui sont essentiellement et éternellement contraires, et deux créateurs. L'un est le principe de la lumière; l'autre, celui des ténèbres. Dieu a créé les esprits, les êtres purs qui ne tombent pas sous les sens. Son monde est le monde invisible, où tout est bon et parfait. Ce monde des anges et des âmes célestes a été créé tout à la fois, à la même époque, au commencement de toutes choses. Faisons remarquer ici pour l'intelligence de ce qui suit, que selon la doctrine du catharisme absolu, la création du monde spirituel ayant été accomplie tout entière au même moment, il n'a pu se produire plus tard aucune âme digne de ce nom. Il importe aussi de ne pas confondre les âmes célestes avec les anges qui sont leurs gardiens : les anges n'ont pas suivi dans leur chute ces âmes, qui en réalité étaient des humains revêtus de corps ou de substance céleste; et le premier mode du relèvement de ces âmes doit être la réconciliation de chacune d'elles avec l'ange qui lui a été primitivement associé. Le créateur mauvais, que les Cathares appelaient communément le Diable, Lucifer ou Luciabel, et auquel plusieurs d'entre eux prêtaient deux femmes, Collant, Collibant, a produit tous les êtres visibles, matériels et caducs; il préside à leur conservation et à leur gouvernement; il est la providence de notre bas monde terrestre, théâtre de tant de misères et de tant d'iniquités; il engendre aussi des âmes essentiellement mauvaises comme la sienne et comme elle impropres à tout salut : ce sont les âmes des tyrans, des scélérats et des irréconciliables persécuteurs de la vérité. Non seulement chacun des deux principes a sa création et son monde, mais chacun d'eux a sa révélation. Dieu, le Dieu qui bénit, l'auteur de tout bien et de tout don parfait, s'est révélé dans le Nouveau Testament. L'autre, celui qui maudit, celui que l'Ecriture montre se repentant, sans doute parce que ce qu'il a fait est mauvais, se révèle dans l'Ancien Testament, où il se décrit avec une figure, des organes et des sentiments d'humain, colère et vengeance; il est l'auteur du Déluge et de la confusion des langues, l'ordonnateur de la religion et de la législation sanguinaires des Israélites, le prescripteur des exterminations accomplies par ce peuple. En conséquence, ce que les Israélites appellent la Loi, n'ayant pas été donné par le Dieu bon, ne doit point être observé. Cette loi ne conduit pas au salut, mais à la mort. Lucifer, jaloux de voir Dieu régner sur un peuple saint et heureux, prit la figure d'un ange resplendissant de lumière et de beauté, et s'introduisit dans le ciel. Il parvint à se faire aimer des âmes célestes et à les entraîner vers la terre, où elles furent obligées d'abandonner leur corps céleste et de se laisser enfermer dans la nature matérielle. Dieu permit qu'elles fussent ainsi enchaînées dans la matière, afin qu'elles y subissent le châtiment mérité par leur infidélité et qu'elles y fissent la pénitence qui doit les rendre de nouveau dignes de reprendre dans le ciel la place et le corps qu'elles y ont laissés. L'enfer, pour ces âmes, c'est la terre; il n'y en a pas d'autre. Finalement elles doivent toutes être délivrées, en vertu de leur origine divine; car, rien de ce que Dieu a créé ne peut ni périr ni rester perpétuellement dans le mal. Ce que nous avons déjà exposé de la doctrine des Cathares indique d'avance que dans l'oeuvre de Jésus ils ne pouvaient admettre la réalité ni de son incarnation, ni de ses souffrances, ni de sa mort, ni de sa résurrection. Ces choses n'ont été que des apparences destinées à tromper Lucifer et à mettre Jésus en rapport avec les humains. Les cathares professaient à cet égard le docétisme le plus complet. Jésus n'a pu s'incarner, c.-à-d. prendre un corps humain, matériel, parce que la matière est précisement une prison pour les âmes auxquelles il venait annoncer et enseigner la délivrance, et parce que tout contact volontaire avec la matière est une souillure. II est descendu sur la terre avec le corps céleste qu'il a révélé à ses disciples sur le mont Thabor, au jour de la Transfiguration et dont la substance lui permettait de marcher sur les eaux du lac de Génésareth. C'est avec ce corps céleste qu'il est entré dans Marie, de laquelle il est sorti aussi pur qu'il était entré en elle, sans qu'elle lui eût communiqué aucun principe matériel. C'est pourquoi il a pu dire à sa mère : Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi? D'ailleurs, Marie était un ange qui n'avait de la femme que l'apparence. C'est pourquoi l'Evangile, qui donne la généalogie de Joseph, ne donne pas la sienne. Jésus n'a pas souffert, il n'est pas mort réellement, et par conséquent, il n'est pas ressuscité, parce qu'un corps céleste ne peut ni souffrir ni mourir. Son ascension est un simple retour au ciel, où il n'y a pas de place pour aucun corps matériel. Les Cathares étaient conséquents avec ces croyances, en excluant de leur culte la croix, instrument d'un supplice imaginaire. Dans ces conditions, l'oeuvre de Jésus ne pouvait être une rédemption telle que les chrétiens orthodoxes la conçoivent; c'était une mission ayant pour objet de manifester la méchanceté de Lucifer et la gloire de Dieu, d'enseigner aux humains leur origine et leur destination et de leur indiquer les moyens de faire plus promptement pénitence, enfin de former une église pure composée de tous ceux qui acceptent ses révélations et se soumettent à ses lois : l'Eglise cathare. Rappelons ici que toutes les âmes d'origine céleste doivent finalement retourner au ciel; car rien de ce que Dieu a fait ne peut périr ni rester perpétuellement dans le mal; mais il faut qu'elles accomplissent la pénitence qui doit les rendre de nouveau dignes du ciel. Rappelons encore que l'enfer pour elles c'est la terre, et qu'il n'y en a pas d'autre. Lorsque meurt le corps dans lequel une âme se trouve, celle-ci doit, si elle n'a pas achevé sa pénitence, passer dans un autre corps, et cela indéfiniment. Il n'y a pas d'autre purgatoire que cette métempsycose. Elle dut être le sort de toutes les âmes avant la venue de Jésus; car auparavant aucune âme ne connaissait ni ne pouvait accomplir les véritables conditions de la pénitence parfaite, qui résident en l'initiation à l'Eglise cathare. Il semble inutile de dire que la doctrine de cette Eglise est absolument inconciliable avec la croyance catholique en la résurrection de la chair. Le témoignage le plus pur de Dieu et de Jésus se trouve, suivant les Cathares, dans l'Evangile de saint Jean. Ils s'en servaient de préférence aux autres dans leur culte; plusieurs même l'attribuaient à un ange descendu vers la terre avec Jésus pour rendre témoignage de lui, et qui, comme Jésus, n'avait eu qu'une existence humaine apparente. Dans l'esquisse qui précède, nous n'avons résumé que la doctrine des Cathares professant le dualisme absolu. C'était la plus répandue et peut-être la plus ancienne. Elle reçut en divers lieux des atténuations, dont les principales constituèrent ce qu'on a appelé le système des Cathares de Concorezo. D'après ce dualisme mitigé, Dieu seul est éternel et absolu; il était avant le monde et avant le mal. Lucifer, créature de Dieu, a commencé par être bon; mais il s'est séparé de Dieu par orgueil. Dieu avait créé la matière; mais avec cette matière, Lucifer forma le monde et les corps des premiers humains. Les humains ont des âmes d'origine céleste, mais celles-ci ne sont pas venues toutes à la fois sur la terre; issues d'un premier couple, elles se transmettent comme l'enseignait l'ancien traducianisme. Le retour des âmes au ciel n'est pas une nécessité; car elles jouissent du libre arbitre. Il y aura donc un jugement, qui pourra infliger une damnation finale. Malgré ces différences, les Cathares paraissent s'être accordés sur les principes de leur morale, sur leur discipline et sur leur culte. Les bonnes oeuvres ne confèrent aucun mérite, parce qu'elles ne sont que l'accomplissement du devoir. Le pardon des péchés et la délivrance qui restitue à l'âme sa place au ciel ne s'obtiennent que par l'entrée en l'Eglise cathare, en dehors de laquelle il n'y a pas de salut. La réception dans cette Eglise se faisait, non par le baptême d'eau, baptême perpétré avec de la matière et, par conséquent, réprouvé comme une institution de Lucifer, mais au moyen du consolamentum, baptême du Saint-Esprit, opéré par la seule imposition des mains accompagnée d'une prière. Il était administré par les parfaits, et on devait s'y préparer par un jeûne de trois jours entiers. Le consolamentum est le sacrement suprême de l'Eglise cathare il unit de nouveau l'âme avec l'ange commis, primitivement à sa garde et dont elle avait été séparée par sa chute, il lui assure le pardon des péchés et la remise de la peine, et il la remet ainsi dans son état de pureté originelle. A proprement parler, le nom de Cathare, c.-à-d. pur, ne convient qu'au consolé. Le bénéfice du consolamentum pouvant être enlevé par un péché ultérieur, il y eut des Cathares qui se mirent in indura, après l'avoir reçu, et qui se laissèrent mourir de faim ou même se tuèrent pour éviter une rechute. Cependant le consolamentum pouvait être renouvelé après rechute. Cet acte s'appelait reconsolatio; il était accompli en secret, afin de ne pas contrister les fidèles, et de ne pas couvrir de confusion le pécheur repentant. Ceux qui avaient reçu le consolamentum prenaient le titre de Parfaits. Ils s'appelaient aussi Amis de Dieu, Bons chrétiens, Bons hommes; et il semble que le peuple au milieu duquel ils vivaient ratifiait volontiers ces qualifications justifiées par leur vie. Nous avons indiqué plus haut ce qui leur était interdit par la morale de leur Eglise. Ils étaient, en outre, obligés d'aller de lieu en lieu, assistés d'un compagnon, pour présider les réunions religieuses, pour prêcher et enseigner, et pour donner le consolamentum. Ils faisaient trois jeûnes rigoureux de quarante jours chaque année, et de plus trois jeûnes par semaine, au pain et à l'eau. Ils portaient d'ordinaire des vêtements noirs; sous leurs manteaux, une bourse de cuir contenant un Nouveau Testament. Ils avaient des signes secrets pour se reconnaître. Les femmes parfaites étaient pareillement vêtues de noir; mais elles n'étaient pas tenues, comme les hommes, de voyager; ou bien elles habitaient seules dans des cabanes, ou bien plusieurs vivaient ensemble dans des maisons communes, s'occupant de travaux manuels, de l'éducation des jeunes filles et du soin des malades et des pauvres. Dans les cas urgents, elles pouvaient administrer le consolamentum. Les parfaits et les parfaites se donnaient entre eux les noms de frères et de soeurs. Le nombre des parfaits parait avoir été assez restreint; car, en principe, on ne donnait le consolamentum qu'aux adultes, et après épreuves sérieuses; et leur régime était singulièrement austère. La grande majorité des Cathares se composait de ceux qu'on appelait les croyants. Ceux-ci pouvaient se marier, posséder des biens, se nourrir de tout ce que produit la nature, faire le commerce et même la guerre. Mais toutes ces tolérances n'étaient que provisoires; car mourir inconsolé, c'était mourir sans espoir de salut immédiat. Pour avoir une bonne fin, les croyants faisaient avec les parfaits un pacte, convenenza, par lequel il s'engageaient, en cas de danger de mort, à recevoir le consolamentum et à observer ensuite toute la discipline de leur Eglise. Il semble bien, en regardant au fond des choses, que les parfaits pouvaient remplir toutes les fonctions essentielles du ministère religieux. Néanmoins, on trouve au-dessus d'eux une hiérarchie comprenant des évêques et des diacres. Les évêques tenaient le premier rang dans toutes les cérémonies, consacraient les ministres inférieurs et présidaient les assemblées des parfaits; ils étaient assistés d'un fils majeur et d'un fils mineur, dont les attributions ne sont pas bien définies. Les diacres étaient préposés aux localités ou résidaient des croyants assez nombreux pour nécessiter la présence permanente d'un ministre. Les évêchés correspondaient d'ordinaire aux diocèses catholiques. Les villes, les bourgs, les châteaux compris dans la circonscription de ces évêchés étaient répartis en diaconies. L'Eglise cathare eut même des synodes auxquels assistèrent des évêques de diverses contrées. Quelques écrivains parlent d'un pape cathare; mais aucun témoignage certain n'en constate l'existence. Comme le culte de toutes les églises persécutées ou malveillamment tolérées, le culte des Cathares ne pouvait qu'être très simple. Cette simplicité était d'ailleurs motivée chez eux par leur doctrine et par leur réprobation des pompeuses matérialités de l'Eglise catholique. Dans les pays où ils en trouvaient la possibilité, comme dans plusieurs villes et châteaux-forts du Midi, ils avaient des maisons spécialement destinées à leurs réunions; en Bosnie, ils eurent des temples jusqu'au XVe siècle. Dans ces lieux, aucun ornement; une table recouverte d'une nappe blanche servait d'autel; on y plaçait le Nouveau Testament, ouvert au premier chapitre de l'Evangile de saint Jean. Le culte commençait par la lecture du Nouveau Testament que le ministre interprétait ensuite. Après cette prédication, une sorte de bénédiction dialoguée entre les croyants agenouillés, d'une part, les ministres et les parfaits, d'autre part. Cette bénédiction tenait une place importante dans leurs rites. L'assemblée récitait ensuite l'Oraison dominicale, la seule prière que les Cathares crussent permise aux Chrétiens et dans laquelle ils substituaient les mots panem supersubstantialem aux mots panem quotidianum. Enfin, l'adoration et une nouvelle bénédiction. Pour le consolamentum, ils disposaient, le long des murs, des flambeaux allumés, pour symboliser le baptême du feu; avant la cérémonie, tous se lavaient les mains, afin que rien d'impur ne souillât le lieu. A chaque repas, les parfaits bénissaient, suivant certaines formes, le pain et ils en donnaient à tous les assistants des morceaux, que ceux-ci appelaient le pain bénit ou le pain de la sainte Oraison, et dont ils conservaient une partie pour en manger chaque jour quelques miettes. Les Cathares avaient coutume de faire à certaines époques une confession publique, pratiquée par les parfaits aussi bien que par les simples croyants et qui aboutissait soit à des pénitences, soit à une réconsolation. La confession des parfaits entre eux était appelée service ou appareillamentum, c.-à-d. exercice par lequel on se disposait à une observation plus sévère des règles de la vie parfaite. Quoique les cathares condamnassent, d'une manière générale, l'usage de consacrer des jours particuliers au culte divin, ils avaient conservé plusieurs des grandes fêtes chrétiennes, notamment Noël, Pâques et la Pentecôte. Ils avaient, en outre, trois temps sacrés dans l'année, chacun d'environ quarante jours, affectés à des jeûnes rigoureux. (E.-H. Vollet). |
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