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Le
Nouveau Testament, Novum testamentum, se veut,
chez les Chrétiens
le support d'une "Nouvelle Alliance" (concept que vise à traduire
l'appellation latine) avec Dieu,
et qui avait été annoncée par le prophète Jérémie.
En ce sens, le terme et la chose s'opposent à l'Ancien Testament,
ou "Ancienne alliance", qui était celle conclue par Moïse
pour le peuple hébreu. Cette seconde partie de la Bible
chrétienne nous est parvenue à travers des textes écrits
en Grecs. Certains sont très probablement des traductions de textes
antérieurs (perdus) écrits en araméen.
Le Nouveau Testament,
est formé d'un regroupement de textes rédigés par
les premiers Chrétiens au cours des deux premiers siècles,
et reconnus comme des fondements de leur religion, au même titre
que les livres de l'Ancien Testament, à partir du milieu
IVe siècle, quand un accord est
trouvé sur la liste des "textes canoniques", que cette collection
doit contenir. Ils sont au nombre de 27 :
On distingue les quatre Évangiles,
attribués aux apôtres,
et qui relatent la vie et l'enseignement de Jésus-Christ.
Ceux de Matthieu, Marc et Luc sont dits synoptiques, car ils suivent un
plan similaire. Celui de Jean, d'une écriture très différente,
a été qualifié d'Évangile spirituel
par Clément d'Alexandrie.
Les Actes des Apôtres livre
attribué à Luc, relate le développement des premières
communautés chrétiennes.
Les Épîtres, qui sont
une collection de lettres destinées à diverses communautés,
la plupart sont de Paul.
L'Apocalypse de Jean, qui termine
la Bible des Chrétiens. C'est le texte qui a eu le plus de
mal à s'imposer comme canonique.
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On a vu à
la page Canon du Nouveau Testament
comment s'était formée la collection des livres sacrés
propres à l'Eglise chrétienne. Les premiers chrétiens,
qui étaient des israélites réformés, qui constituaient
une secte ou branche particulière du judaïsme promptement séparée
et détachée du tronc, professaient avec leurs coreligionnaires
d'origine la foi en l'inspiration divine des livres sacrés de la
synagogue; mais ils appliquèrent à ceux-ci un système
d'interprétation justifiant leur propre position, système
d'après lequel la loi (Thora), les prophètes et les hagiographes
n'étaient qu'un premier degré de la révélation
accordée par Dieu aux descendants d'Abraham, que le premier étage
d'un bâtimerit, dont le couronnement était l'oeuvre de Jésus
de Nazareth, proclamé comme Messie ou Christ. Il était donc
essentiel, du moment où la révolution surnaturelle qu'espérèrent
les premiers disciples de Jésus se faisait attendre, de donner une
forme matérielle et précise au système d'interprétation
de la Bible adopté par le christianisme, de mettre par écrit
les souvenirs relatifs à la personne de Jésus et aux débuts
de la communauté chrétienne, d'exposer et de justifier le
dogme et les institutions propres aux disciples du crucifié. Le
recueil ainsi formé, qui seul livrait le sens profond et définitif
des livres sacrés du judaïsme, devait jouir d'une autorité
au moins égale à ceux-ci. Il se composa des Evangiles, traités
historico-dogmatiques, destinés à démontrer que Jésus
de Nazareth est le Messie annoncé par les prophètes, et des
Actes des apôtres qui relatent les faits essentiels de la constitution
de la société chrétienne. On y joignit treize lettres
de l'apôtre saint Paul, Epîtres aux Romains, aux Corinthiens
(au nombre de deux), aux Galates, aux Ephésiens, aux Philippiens,
aux Colossiens, aux Thessaloniciens (au nombre de deux), à Timothée
(au nombre de deux), à Tite et à Philémon, une lettre
anonyme,
dite Epître aux Hébreux, une lettre attribuée
à saint Jacques, deux à saint Pierre, trois à saint
Jean, une à saint Jude, toutes lettres qui défendent la doctrine
chrétienne et fixent des points de discipline et d'organisation;
enfin une oeuvre, conçue sur le modèle des prophéties
dites apocalyptiques, l'Apocalypse de saint Jean, qui annonçait
le triomphe complet de l'Église chrétienne.
On trouvera une analyse suffisante de ces
écrits aux pages suivantes de ce site : Evangiles,
Actes
des Apôtres, Pierre (saint), Paul
(saint), Epîtres,
Epîtres
de saint Pierre, Epîtres de saint
Paul, Epître aux Hébreux,
Jacques
(saint), Jean (Saint), Jude (Saint) et
Apocalypse de Saint Jean, en même
temps que des indications sur leur origine probable.
Il est très remarquable que la totalité
de ces livres soit écrite en langue grecque, qui fut ainsi la langue
officielle de la nouvelle forme religieuse. Comme ancienneté relative
de ces différents écrits, l'avantage revient aux épîtres
de saint Paul reconnues authentiques (notamment les épîtres
aux Galates, aux Corinthiens et aux Romains); ce sont les seuls écrits
pour lesquels on puisse proposer décidément une date antérieure
à la destruction de Jérusalem
par Titus (70 de notre ère). Les autres livres paraissent appartenir
au dernier quart du Ier siècle, quelques-uns au premier ou au second
quart du IIe siècle, ils sont rédigés dans une langue
assez médiocre et dans le dialecte dit hellénistique, c.-à-d.
dans le grec tel qu'on l'écrivait en Syrie et en Asie Mineure. Ici
encore, il faut distinguer les écrivains du Nouveau Testament selon
leur degré de culture, visiblement très médiocre chez
quelques-uns. On trouvera à la page Critique biblique et bibliographie
de la Bible toutes les indications nécessaires sur l'évolution
qui a, peu à peu, substitué les règles d'une interprétation
historique, reposant sur les principes de la critique rationnelle appliquée
aux oeuvres littéraires, à l'interprétation dogmatique,
qui a prévalu sans contradiction sérieuse jusque dans le
cours du XVIIIe siècle.
Le Nouveau Testament est, pour la science
moderne, un document d'un prix infini pour l'histoire des idées
et des institutions religieuses, mais ce document doit être abordé
dans les conditions de rigueur et de précision que réclame
l'étude de tous les monuments à nous parvenus des littératures
anciennes. Il doit être soustrait aux polémiques des différentes
Eglises qui appuient leur doctrine ou leur pratique sur son contenu, pour
rentrer dans le cercle de ce qu'on petit appeler, au sens large, les humanités,
par, quoi nous entendons les institutions et les idées qui ont joué
un rôle essentiel dans le développement de la Grèce,
de l'empire romain et du monde occidental jusqu'à nos jours.
Dans les traités dits Introductions
au Nouveau Testament, on discute les questions touchant l'aspect que devaient
offrir les manuscrits originaux des livres entrés dans la composition
de ce recueil, manuscrits qui se sont perdus et qui ne nous sont connus
que par l'intermédiaire de copies de date plus récente. Nous
possédons notamment deux copies, qu'on peut faire remonter jusqu'au
IVe siècle de notre ère, l'une dite le Codex Sinaïticus,
l'autre le Codex Vaticanus, qui contenaient, à l'origine, l'Ancien
Testament grec ainsi que le Nouveau. Le premier a été découvert
en 1844 par le paléographe Tischendorf
dans la riche bibliothèque du couvent grec (orthodoxe) du Sinaï
et publié en 1862, et il est connu sous la lettre hébraïque
aleph; le Codex du Vatican (désigné par la lettre B) représente
un texte plus correct, malheureusement il offre une lacune assez considérable.
Le nombre des manuscrits de date plus récente est considérable.
A leur aide et en invoquant le témoignage d'anciennes traductions
en diverses langues on des citations que
fournissent les textes des anciens écrivains ecclésiastiques,
on a cherché à corriger le texte établi provisoirement
par les savants de la Renaissance et à reconstituer, d'une façon
quelque peu arbitraire, il faut l'avouer, le texte primitif des écrits
sacrés du christianisme. Ce texte vulgaire, dit texte reçu,
avait été lui-même établi sur des manuscrits
trop modernes et renfermait, à côté de quelques grosses
interpolations, de nombreuses erreurs de détail. A ce travail minutieux
et délicat de correction sont attachés les noms de Griesbach,
de Lachmann, de Tischendorf, de Tregelles,
de Westcott et Hort.
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Frontispice
et début de l'Evangile de Saint Luc en arabe.
Nous emprunterons à Sabatier
quelques indications autorisées touchant la délicate question
de la reconstitution scientifique du texte grec du Nouveau Testament
(Texte du Nouveau Testament, dans l'Encyclopédie des sciences
religieuses de Lichtenberger)-:
« Le texte du Nouveau
Testament, ditce savant, n'est pas arrivé jusqu'à nous sans
modifications. Il a une histoire, qui est l'exposé de ces vicissitudes
et de ces changements. On y peut distinguer trois parties : l'histoire
des modes de conservation, celle des altérations subies et celle
enfin des efforts persévérants de la critique pour retrouver
autant que possible le texte primitif. Dans ces trois parties, la découverte
de l'imprimerie marque un moment capital, qui divise en deux périodes
profondément distinctes l'histoire du texte du Nouveau Testament.
Les manuscrits originaux, ceux que l'on
pourrait appeler les autographes
mêmes des premiers livres chrétiens, ont disparu sans laisser
dans l'histoire aucune trace certaine. Il faut tenir pour des fables tout
ce que l'on raconte, dans l'Antiquité et dans les temps modernes,
de documents de cette nature retrouvés ou conservés dans
quelques bibliothèques.
Les premières copies que l'on fit
des livres apostoliques ne tardèrent pas à présenter
de nombreuses variantes, qui se multiplièrent encore avec le nombre
des copies elles-mêmes. C'était une chose inévitable.
On peut ranger les variantes en deux classes : la première comprenant
les erreurs involontaires des copistes; la seconde, les modifications conscientes
et intentionnelles. Rien n'est plus difficile que de copier exactement
un long manuscrit; et il faut compter toujours :
1° avec les erreurs des yeux.
si le scribe lit lui-même le texte qu'il reproduit, qui lui font
prendre un mot pour un autre ;
2° avec les erreurs de l'oreille,
s'il écrit sous la dictée, qui lui font confondre des sons
voisins;
3° avec les erreurs de la mémoire,
qui lui font échanger des synonymes ou des mots semblables;
4° avec les erreurs de l'intelligence,
qui lui font mal interpréter une phrase et mal lime ou partager
les mots.
Il vaut mieux insister sur la seconde
classe de variantes, bien autrement importantes et qui proviennent dune
intention évidente d'améliorer le texte qu'on avait à
reproduire :
1° on a voulu corriger la
langue, la rendre plus correcte et plus claire là on elle paraissait
fautive et obscure. Un grand nombre des variantes de l'évangile
de Marc, par exemple, ont cette origine;
2° on voulait écarter certaines
erreurs géographiques ou historiques qui paraissaient évidentes;
3° des variantes ont été
amenées par des usages liturgiques, comme la doxologie introduite
dans l'Oraison dominicale de Matthieu;
4° enfin, il faut noter les préoccupations
dogmatiques. Sous ce rapport, les grandes controverses des premiers siècles
ont exercé sur le texte du Nouveau Testament une action bien plus
considérable qu'on ne le croit communément. »
Après avoir donné à cet
égard de curieuses indications, Sabatier déclare
« qu'il est d'autres traces
d'altérations plus profondes. On sait, par exemple, que la fin actuelle
de l'évangile de Marc, (XVI, 9-20) est une addition postérieure,
quoique très ancienne [...]. La fin de l'Epître aux Romains
présente une confusion étonnante [...] J'oserais de même
soupçonner les trois premiers versets de l'Apocalypse, qui ne sont
qu'un titre ajouté au livre, sans doute après coup. Le récit
de la femme adultère (Jean, VIII, 1-9) n'appartient pas plus au
quatrième évangile que le passage 2 Corinthiens, VI, 14-VII,
1 n'appartient à cette lettre de Paul. On doit en dire autant du
fameux passage des trois témoins (1 Jean, V, 7) et des versets Jean,
V, 3 et 4, qui ont tout à fait l'air de glose explicative passée
peut-être de la marge dans le texte, etc. On voit combien la critique
a eu à faire pour arriver, je ne dis pas au texte certain, mais
au texte probable des écrits apostoliques. Encore aujourd'hui, ce
qu'elle peut scientifiquement établir, ce sont les textes les plus
généralement admis d'une époque donnée, comme
celles du Ve siècle et du IVe; mais elle ne peut remonter au delà
que par des conjectures toujours sujettes à discussion. »
Voici enfin quelques indications touchant
la constitution du texte grec, dit textus receptus, et les différentes
familles de manuscrits du Nouveau Testament :
« Erasme publia en 1516,
à Bâle, sa première édition, très hâtivement
faite, du Nouveau Testament. On a retrouvé les trois ou quatre manuscrits,
fort peu anciens, où Erasme a puisé son texte et l'on s'est
rendu compte de son audace, pour ne pas dire de sa témérité.
En 1519, il publia une seconde édition, beaucoup mieux étudiée
[...] - Robert Estienne, son fils Henri et Théodore de Bèze
réunirent cependant de nouveaux manuscrits et de nombreuses variantes.
L'édition de 1550, surnommée la Royale, est célèbre.
C'est dans celle de 1554, faite à Genève, qu'apparaît
pour la première fois notre division vulgaire et souvent absurde
du texte en chapitres et versets. Henri Estienne raconte que son père
l'aurait faite à cheval durant son voyage de Paris à Lyon.
Les éditions de Théodore de Bèze ne sont guère
que la reproduction du texte des Estienne, qui est devenu aussi, à
peu de chose près, celui des Elzévir. C'est dans la préface
de leur seconde édition (1633) qu'ils présentèrent
leur texte comme le texte reçu par tous (textum nunc habes ab omnibus
receptum). Cette réclame de librairie, qui n'avait sans doute dans
la pensée des éditeurs aucune valeur absolue, devint bien
vite un dogme consacré par la superstition des théologiens,
en sorte que toucher au texte reçu sembla longtemps un sacrilège
intolérable ».
Griesbach, il y a deux siècles, eut
le grand mérite d'esquisser pour la première fois une histoire
ancienne des textes du Nouveau Testament; il classe les manuscrits dans
trois familles. Lachmann, à son tour, distingue entre un type oriental
et un type occidental.
« Le travail critique poursuivi
depuis Erasme est loin d'être achevé, déclare Sabatier.
La tâche consisterait à pouvoir suivre sûrement, à
travers les siècles et les pays, les modifications du texte en remontant
aussi haut que possible. Pour cela il faudrait, mieux qu'on ne l'a fait
encore, établir l'histoire et la généalogie des manuscrits
grecs et les comparer individuellement entre eux et avec les Pères
de l'Eglise, comme avec les versions ou les lectionnaires auxquelles ils
correspondent par leur date et leur lieu d'origine. Quand cela sera fait,
on pourra écrire avec quelque précision une histoire du texte
du Nouveau Testament. »
On voit que la constitution du texte du Nouveau
Testament obéit exactement aux mêmes règles que l'établissement
scientifique de n'importe lequel des textes littéraires de l'Antiquité
classique. Mais la difficulté est rendue plus grande, d'une part
par l'abondance extraordinaire des manuscrits, de l'autre par les préoccupations
dogmatiques dont les paléographes ne savent pas toujours se débarrasser.
(Maurice
Vernes). |
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