| Nous nous contenterons de rappeler ici les grandes lignes de l'histoire de la Mer Egée, renvoyant pour les détails aux pages consacrées à l'histoire de la Grèce. Les civilisations et les peuples primitif de la Grèce, ou du moins celles que nous y trouvons à l'aurore des temps historiques, nous sont surtout connues par les fouilles exécutées sur les rives de la Mer Egée; c'est par mer que se faisait le commerce et que se propageait l'influence des peuples orientaux, qui firent part aux Hellènes des progrès qu'ils avaient réalisés. Les Phéniciens paraissent avoir dominé la Mer Egée jusque vers le XIIe siècle, au moins associés aux Cariens ; vint ensuite l'époque de la thalassocratie crétoise dont le souvenir se retrouve dans la légende de Minos. Un peu plus tard, les mouvements de peuples, provoqués par les invasions thessalienne, béotienne et dorienne dans l'Hellade, l'émigration des Eoliens et des Ioniens vers l'Est, les luttes qui s'ensuivirent, sont rappelés par la légende de la guerre de Troie. Dans les siècles qui suivirent, les diverses populations grecques prirent, sur les côtes et dans les îles de la Mer Egée, leurs situations définitives. Les côtes du Péloponnèse avec les îles voisines (dont Egine), la Crète avec Carpathos, les Cyclades méridionales (Mélos, Théra, Anaphé, Astypalaea), les Sporades méridionales jusqu'à Calymna (Rhodes, Télos, Cos et Calymna), et la partie de la côte d'Asie Mineure qui leur fait face, furent occupées par des populations doriennes. L'Attique, l'Eubée avec les îles qui en dépendent, la plupart des Cyclades, les Sporades septentrionales, les autres au Nord de Léros, les grandes îles de Samos et de Chios, la côte asiatique depuis le golfe de Iassus jusqu'à celui d'Izmir, les îles du Nord de la mer Egée, la Chalcidique, appartenaient aux Ioniens qui avait, en outre, colonisé une partie de la côte de Thrace. Des Eoliens occupaient la côte d'Asie du golfe d'Izmir à l'Hellespont (Mer de Marmara), l'île de Lesbos et les côtes de Thessalie; ils avaient colonisé la Chersonèse de Thrace (presqu'île de Gelibolu). Aucune des cités riveraines de la Mer Egée ne fut d'abord assez forte; pour y établir son hégémonie; vers le VIIe siècle, la prépondérance appartenait aux Ioniens d'Asie (Milet en tête) et aux Eubéens (Chalcis et Erétrie). Signalons, un siècle et demi plus tard, la puissance des tyrans de Samos dont le plus célèbre est Polycrate. Les îles de la côte asiatique tombèrent au VIe siècle sous le protectorat des rois de Lydie, puis sous la domination des Perses. Après les désastres essuyés par ceux-ci dans les guerres médiques, la Mer Egée à peu près entière, côtes et îles, forma l'empire maritime d'Athènes; après la chute de cet empire et la tyrannie éphémère de Sparte, les îles conservèrent une indépendance relative, qu'elles surent défendre contre Athènes (357-355); elles obéirent ensuite à la Macédoine, furent disputées entre les successeurs d'Alexandre, et passèrent sous la domination romaine; Rhodes conserva sa prospérité, certaine autonomie jusqu'au temps de Dioclétien. Elle a d'ailleurs eu de tout temps son histoire à part qu'on trouvera à l'article Rhodes. Les temps qui suivirent la perte de l'indépendance furent pour la Mer Egée comme pour la Grèce continentale une époque de déclin total. Quand l'empire romain se démembra, la Mer Egée resta à l'empire d'Orient. Les Vénitiens conquirent les îles de 1185 à 1210 (surtout à partir de 1207). C'est à cette époque, semble-t-il, que les marins italiens commence à appeler la Mer Egée sous le nom d'Archipel et le général vénitien Marco Sanudo prit même le titre de duc de l'Archipel (ses descendants conservèrent le titre de ducs de Naxos). Une dénomination qu'elle conservera jusqu'au début du XXe siècle. L'étymologie de ce nom est douteuse : on le dérive d'Aegeon pelagus (mer Egée), qui était déjà le nom utilisé dans l'Antiquité, d'Agiopelagos (mer Sacrée), d'Archepelagus (grande mer) ou d'Aegon pelagos (mer Blanche). Ce nom d'Archipel fut donné non seulement à la mer elle-même, mais aux îles innombrables dont elle est semée, à tel point qu'on en a fait un nom commun qui désigne tous les groupes d'îles de quelque importance. En 1383 la maison des Crispi, dynastes de Milo ou Mélos, les élimina. En 1566 le sultan Sélim II déposséda le dernier des Crispi, et donna les îles en gage à son banquier juif Juan Miquez qui prit le titre de duc de Naxos et des Cyclades; en 1579, elles furent annexées à l'empire ottoman. Les Turcs les gardèrent jusqu'à l'insurrection de la Grèce; encore le traité de 1830 leur a-t-il laissé la Crète, les îles de la côte d'Asie et de la côte de Thrace, quoique leurs habitants eussent combattu avec autant d'énergie que les autres Grecs pour la cause de l'indépendance. Seules les Cyclades, l'Eubée et les Sporades septentrionales firent partie du royaume de Grèce jusqu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui vit le rattachement de la plupart des autres îles à la Grèce. (A.-M. B.). - La mer Egée pendant l'Antiquité. | |