|
. |
|
Les Bellini sont une famille de peintres vénitiens des XVe et XVIe siècles. Ce nom a été illustré par trois maîtres considérables qui ont joué un rôle capital dans la création de l'école de Venise : Jacopo Bellini. On sait, par des témoignages autographes, que Jacopo a longtemps parcouru l'ltalie et qu'il s'est arrêté avec passion devant les ruines et les monuments de l'art antique. Infatigable dessinateur, Jacopo nous a laissé deux recueils de ses croquis. Le premier de ces albums porte, d'une main qui n'est pas la sienne, le nom de l'artiste avec le mot Venetus et la date 1430, indication vraisemblable de l'époque où ces dessins ont été commencés ou réunis. Ce recueil célèbre est un des trésors du British Museum. Le second album n'est pas moins précieux : il a été acquis, en 1884, par le Louvre, qui ne possédait alors que deux dessins de Jacopo, une Flagellation et un Monument funéraire, provenant de la donation de His de la Salle (1878). Les deux recueils du British Museum et du Louvre ont eu la valeur d'une révélation historique. Ils expliquent l'influence qu'a pu exercer Jacopo Bellini lorsqu'il est revenu dans l'Italie du Nord, si bien disposée d'ailleurs à s'associer au mouvement de la Renaissance. L'auteur est un curieux qui s'intéresse à toutes les possibilités, à toutes les formes de l'art graphique. La nature vivante l'émeut autant que l'Antiquité. Il dessine des animaux comme son contemporain Vittore Pisano, il étudie des projets de compositions à nombreux personnages, il cherche des attitudes mouvementées et difficiles, il s'exerce aux problèmes de la perspective, il crayonne des portraits pleins de caractère, il multiplie avec une patience d'archéologue les reproductions d'après les monuments épigraphiques, les statues, les bas-reliefs, le décor sculpté du monde romain. A ce point de vue, Jacopo Bellini est le précurseur immédiat et le vrai maître d'Andrea Mantegna qui devait plus tard devenir son gendre. Aux approches de 1430, Jacopo était de retour à Venise. Les oeuvres qu'il y fit alors sont perdues ou, si elles existent, elles n'ont pas de date certaine. En 1436, il est provisoirement fixé à Vérone. Il peignit sur un des murs de la cathédrale une Crucifixion, qui n'a été effacée ou recouverte qu'au XVIIIe siècle par un évêque ennemi de la peinture archaïque. Une autre Crucifixion de la même époque serait conservée au palais épiscopal de Vérone. De retour à Venise, Jacopo exécuta des fresques dans une chapelle de l'église San Zaccaria (1442). Il en reste encore quelques vestiges fort délabrés et noircis : c'est à peine si l'on y reconnaît la main d'un artiste qui n'a pas tout à fait rompu avec les rudesses primitives. Un peu plus tard et sans doute à partir de 1444, Jacopo Bellini fit un assez long séjour à Padoue, où il put connaître Donatello qui travaillait alors au modèle de la statue équestre de Gattamelata; il y rencontra aussi un maître fort autorisé, Squarcione, et il semble avoir été un instant son rival. Jacopo parait s'être installé à Padoue, et y était encore en 1459. Il avait amené avec lui ses deux fils, Gentile auquel il s'était plu à donner le prénom de son cher maître Gentile da Fabriano, Giovanni qui, comme son frère, s'exerçait déjà à la peinture, et la jeune Nicolosia dont Mantegna allait devenir le mari. C'est à ce moment que Jacopo peignit au Santo le tableau d'autel de la chapelle de Gattamelata. Ses fils l'aidèrent dans cette oeuvre qui a péri, mais qui portait l'inscription suivante : lacobi Bellini Veneti patris ac Gentilis et Joannis natorum opus, avec la date 1460. L'écrivain anonyme dont J. Morelli a publié les notes a vu à Padoue d'autres ouvrages de Jacopo. Il y avait de lui une figure à fresque sur un des pilastres du Santo; et chez des amateurs, de précieux portraits, celui du père de Leonico Tomeo et celui à jamais regretté de Gentile da Fabriano. Il est possible qu'après avoir terminé les travaux qui le retenaient à Padoue, Jacopo soit retourné à Venise et qu'il y soit mort; mais nous ne savons rien d'exact sur les dernières années de sa vie. Gentile Bellini. En même temps, Gentile faisait beaucoup de portraits, et - chose nouvelle pour Venise - il les peignait à l'huile, car, comme son frère, il s'était lié vers 1473 avec Antonello de Messine qui, au retour de son voyage en Flandre, avait mis à la mode ce procédé, déjà connu sans doute en Italie, mais encore inusité. Bien que Gentile Bellini n'eût pas donné dès cette époque l'exacte mesure de ses forces, il était déjà l'espoir de l'école et il jouissait de la considération universelle. On en eut la preuve lorsque Mehemet II pria la République de lui envoyer son meilleur peintre. Gentile fut désigné, et, le 3 septembre 1479, il partit pour Constantinople. Il fut très noblement accueilli : il peignit le portrait du sultan, celui sans doute qui se retrouve en Angleterre dans la collection de sir Henry Layard. De plus, comme il savait modeler, il fit aussi une belle médaille de Mehemet Il, oeuvre précieuse. Enfin son esprit étant de plus en plus ouvert et curieux des choses nouvelles, Gentile profita beaucoup de ce court voyage en Orient. Dès son retour, on le voit aborder un ordre de compositions où l'école vénitienne, si courageuse pourtant, ne s'était pas encore essayée. Affranchi des formules étroites et des arrangements symétriques de la peinture religieuse telle que les derniers Vivarini persistaient à la pratiquer, l'aîné des Bellini peint dans de vastes cadres des scènes à nombreux personnages, des cérémonies publiques, de pompeux cortèges dont l'intérêt se rehausse par l'éclat des costumes, l'introduction de portraits aisément reconnaissables et le pittoresque des édifices qui constituent le décor des anecdotes représentées. Procession sur la place Saint-Marc, à Venise, par Gentile Bellini (1496, Accademia). C'est à cette manière nouvelle que se rattachent les derniers tableaux de Gentile. Plusieurs ont péri; mais il nous reste encore au musée de l'Accademia de Venise la Procession sur la place Saint-Marc (1496) et le Miracle de la Sainte-Croix (1500). Ces deux peintures, qui proviennent de la Scuola de Saint-Jean-l'Evangéliste, ne sont pas seulement précieuses pour l'art; elles ont une valeur archéologique indiscutable, car elles conservent, avec l'autorité d'un témoin fidèle, l'aspect de Venise au moment où finissait le XVe siècle. La galerie Brera à Milan possède, dans le même genre, un vaste tableau, la Prédication de saint Marc à Alexandrie, qui doit être une des dernières productions du maître, puisqu'elle date de 1507, année de sa mort. La scène, curieuse pour les portraits et pour les costumes, se passe dans une Alexandrie imaginaire construite avec des souvenirs rapportés d'Orient. Toutes ces peintures de Gentile Bellini sont essentiellement vénitiennes, c.-à-d. que, malgré la somptuosité des détails, elles restent très harmonieuses et ne se permettent aucune vivacité criante. L'artiste a renoncé aux anciennes méthodes; il est habile à rompre les tons, à les mêler les uns aux autres, à utiliser certains gris blonds, en un mot à inaugurer les principes que Véronèse appliquera plus tard. Gentile Bellini n'a pas été seulement un peintre de scènes historiques; il a peint des madones, comme celle du musée de Berlin; il a été aussi un éminent portraitiste, assidu à conserver la physionomie particulière de ses modèles et à dire quelque chose de leur caractère moral. Indépendamment de l'effigie de Mehemet, on cite de lui le portrait d'un doge (musée Correr à Venise), celui de la reine Cornaro à Budapest, et au Louvre, le tableau, d'une exécution à la fois si généreuse et si souple, qui réunit en un même cadre les visages de deux jeunes gens. Ces portraits ne sont pas, comme un le croyait jadis, ceux de Gentile et de son frère. Mais, pour être inconnus, les deux personnages représentés n'en sont pas moins d'une distinction suprême et d'une saveur toute vénitienne. Ici, il ne reste plus rien des procédés méticuleux du passé et des sécheresses d'Antonello de Messine. Avant 1507, l'école deVenise est complètement affranchie dans le portrait. Titien va venir. Giovanni Bellini. Cet exemple - et l'on en pourrait citer d'autres - suffit à établir que le second des Bellini a obéi longtemps à l'inspiration mantegnesque. Elle est lisible encore dans l'admirable tableau de la galerie Brera, où l'on voit le Christ mort soutenu par la Vierge pleurante et par saint Jean. De toutes les peintures de l'école de Venise, c'est peut-être la plus expressive. Giovanni lui-même n'est jamais allé plus loin dans la note pathétique. Mais peu à peu il remplaça cette passion pour le drame par des qualités nouvelles. En 1474,. il travaillait avec son frère à la décoration de la salle du Grand Conseil au palais des doges et il y montra dans de vastes compositions historiques une curieuse entente du mouvement et de la vie. C'est alors que, s'étant lié avec Antonello de Messine, il apprit de l'artiste voyageur les procédés de la peinture à l'huile et renonça presque complètement à la détrempe qui jusque-là lui avait suffi. Il trouva dans ce nouveau mode de travail des souplesses qui lui permirent d'exprimer de la manière la plus délicate le modelé des carnations féminines ou juvéniles et de marier les tons dans un ensemble plus harmonieux. Bientôt Giovanni Bellini commença cette suite presque innombrable de Madones pour lesquelles il a créé un type particulier fait de gravité mélancolique, de mystère et de douceur maternelle. Celle de l'Académie des Beaux-Arts (Gallerie dell'Accademia) de Venise, où l'enfant est représenté debout retenu par les deux mains de sa mère, date de 1487. Mais déjà l'âge du chef-d'oeuvre était venu pour Giovanni. C'est une incomparable merveille que le tableau à trois compartiments qu'on peut admirer à l'église Santa Maria dei Frari (1488). L'oeuvre affecte encore les dispositions traditionnelles : le cadre est découpé et sculpté à l'ancienne mode. La Vierge, tenant l'Enfant sur ses genoux, est assise comme une statue sur un socle accosté de deux petits anges musiciens : dans les compartiments latéraux, de saints personnages se tiennent debout et recueillis. Les ornements d'une architecture simulée se suivent dans les trois panneaux du triptyque et donnent de l'unité à l'oeuvre, si grave d'ailleurs, si puissante et si douce dans son harmonie chaleureuse. On peut étudier ici ces carnations ambrées qui expliquent historiquement Giorgione, Vittore Carpaccio et Titien. La même année (1488) le maître acheva une autre peinture célèbre, conservée à San Pietro de Murano, la Vierge adorée par le doge A. Barbarigo. Les figures principales, les saints qui les assistent, les anges ravis de leur propre musique, tous les acteurs de la scène vivent dans une atmosphère chaude, lumineuse et respirable. Présentation de Jésus au Temple, par Giovanni Bellini (1459, Galleria Querini Stampalia, Venise). . A la fin du XVe siècle, Giovanni vieillissait, mais il était encore plein d'ardeur et, plus que jamais, il se sentait entraîné vers l'art nouveau. Quelques-unes de ses dernières peintures sont des chefs-d'oeuvre. De ce nombre est la grande composition qui décore une des chapelles de l'église San Zaccaria (Venise). La Vierge glorieuse y trône, superbe et douce, ayant auprès d'elle saint Jérôme et saint Pierre, sainte Catherine et sainte Lucie. Cette composition, où la grandeur s'allie à la grâce, est de 1505. Le sentiment est toujours le même, l'exécution ne trahit aucune lassitude et cependant l'auteur était presque octogénaire. Albrecht Dürer, qui se trouvait à Venise en 1506 écrit que Giovanni Bellini est bien vieux, mais qu'il est encore le meilleur des peintres de la ville. Qu'eut-il dit, s'il fut revenu en 1513? Il aurait vu Giovanni peindre pour l'église San Gian Crisostomo le beau tableau, où se groupent, dans un profond paysage, les ascétiques figures de saint Jérôme, saint Christophe et saint Augustin. Les années passaient légères et clémentes sur le front du maître infatigable. Extase de Saint François, par Giovanni Bellini (ca. 1480). . - Il est sorti de l'atelier de Giovanni une légion d'élèves qui, pour la plupart, sont devenus des maîtres : Giorgione et Titien sont les plus fameux; mais l'histoire ne doit oublier ni Lorenzo Lotto, ni Cima da Conegliano, ni Girolamo da Santa Croce. Lorsqu'il mourut en 1516, Bellini avait transformé l'art vénitien, et son action fut aussi durable que bienfaisante. (Paul Mantz). | ||||||
Bellini (Laurent). - Célèbre anatomiste, né à Florence en 1643, mort en 1704, professa pendant 30 ans la médecine et l'anatomie à Pise. Ainsi que Borelli, son maître, il appliqua la mécanique et le calcul à la physiologie. On lui doit un mémoire sur la structure et l'usage des reins et la découverte des canaux urinifères dits tubes de Bellini. Ses ouvrages ont été recueillis en 1708 à Venise, 2 vol. in-4. | ||||||
Bellini (Vincent). - Compositeur né à Catane (Sicile) en 1802, mort à Puteaux près Paris en 1835, a fait pour les théâtres de Naples, de Milan et de Paris, plusieurs opéras qui eurent un grand succès : il Pirata, la Straniera, la Sonnambula, Norma, i Puritani; il promettait de nouveaux chefs-d'oeuvre quand il fut enlevé par une mort prématurée. Cet artiste laissait à désirer pour l'harmonie et l'orchestration; mais il excellait dans l'expression des sentiments tendres et mélancoliques : ses accents vont au coeur. Norma est regardée comme son triomphe. |
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|