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[ L'histoire du commerce ] / [ L'histoire de l'Italie]
Histoire du commerce depuis 1500
Le commerce de l'Italie
Au début du XVIe siècle, l'Italie est encore l'un des centres de commerce les plus actifs d'Europe. Les grandes cités maritimes comme Venise, Gênes et Florence dominent les échanges entre l'Orient et l'Occident. Venise contrôle les routes vers le Levant, ses navires sillonnent la Méditerranée et transportent les épices, la soie et les produits de luxe venus d'Asie. Gênes s'impose comme une puissance financière, ses banquiers prêtent aux rois d'Espagne et gèrent les flux d'argent issus du Nouveau Monde. Florence, sans accès direct à la mer, prospère grâce à son industrie textile et à la puissance de ses marchands-banquiers comme les Médicis.

A partir du milieu du XVIe siècle, le centre de gravité du commerce européen commence à se déplacer vers l'Atlantique. Les grandes découvertes bouleversent les routes traditionnelles : les Portugais contournent l'Afrique, les Espagnols exploitent les Amériques, et les marchands italiens perdent le monopole des échanges avec l'Orient. Venise tente de résister en maintenant ses liens avec l'Empire ottoman et en développant des manufactures d'armes, de verre et de tissus, mais son influence décline lentement. Gênes, elle, s'adapte en devenant la grande place financière du monde espagnol : ses banquiers gèrent les transferts de métaux précieux d'Amérique et assurent les avances de fonds à la monarchie ibérique.

Le XVIIe siècle voit l'Italie fragmentée entre puissances étrangères. L'Espagne domine le sud, le Piémont se renforce au nord, et la Toscane se replie sur une économie régionale. Les grandes foires de Lyon, d'Anvers et d'Amsterdam remplacent peu à peu les marchés italiens. Le commerce intérieur reste vif, mais l'Italie devient davantage un pays de transit qu'un centre de production mondiale. Les cités marchandes vivent du négoce des produits agricoles, du vin, de l'huile d'olive, de la soie brute et du corail. Dans les ports, les échanges avec la Méditerranée continuent, mais la concurrence française et hollandaise s'intensifie.

À Gênes, la puissance financière décline avec les crises espagnoles du début du XVIIe siècle. Les faillites des grands banquiers génois ruinent une partie de la noblesse et précipitent le repli sur des activités plus locales. À Venise, le commerce se maintient grâce aux échanges avec les Balkans et le Levant, mais la ville ne peut plus rivaliser avec les grandes flottes du Nord. Les routes terrestres reliant Milan, Mantoue ou Ferrare continuent d'alimenter les échanges régionaux; les artisans italiens conservent un savoir-faire réputé, notamment dans la soie, les armes, la verrerie et la bijouterie.

Au XVIIIe siècle, un lent renouveau s'esquisse. Le Piémont, sous les ducs de Savoie, développe une politique économique plus cohérente et modernise ses infrastructures. Milan, sous domination autrichienne, devient un centre manufacturier actif et un modèle d'administration économique. Les ports de Livourne et de Naples se réorganisent : Livourne attire des marchands juifs, grecs et arméniens grâce à un régime fiscal très libéral, devenant un carrefour du commerce méditerranéen. Naples profite de son rôle de grand port agricole et de la redistribution des produits du sud.

L'économie italienne reste encore dominée par la fragmentation politique, la lourdeur des douanes intérieures et la faiblesse des réseaux unifiés. Pourtant, un esprit nouveau circule. Les réformateurs inspirés par les Lumières encouragent l'agriculture, la liberté du commerce et la réduction des privilèges corporatifs. Les produits italiens - soieries, vins, huiles, objets d'art - retrouvent une place dans les échanges européens, mais l'Italie demeure dépendante des puissances maritimes du Nord. Sa bourgeoisie marchande conserve des réseaux anciens, et ses ports gardent la mémoire d'un âge d'or où les routes du monde passaient encore par la lagune de Venise et les quais de Gênes.

Dans les dernières années du XVIIIe siècle, l'Italie reste morcelée en une mosaïque d'États : le royaume de Sardaigne, le grand-duché de Toscane, les États pontificaux, le royaume de Naples et de Sicile, ainsi que les territoires autrichiens de Lombardie et de Vénétie. Le commerce y est limité par les frontières intérieures, les douanes multiples et l'absence d'un marché unifié. Les grands ports, comme Gênes, Livourne, Venise et Naples, servent encore de relais entre la Méditerranée et l'Europe du Nord, mais leur activité décline face à la montée de Marseille et de Trieste. Livourne garde un rôle d'entrepôt franc, où se croisent négociants juifs, grecs et levantins, tandis que Venise survit grâce à un commerce de redistribution en Adriatique.

Lorsque la Révolution française et les guerres napoléoniennes bouleversent le continent, les structures économiques italiennes se transforment. Les républiques soeurs et le royaume d'Italie créés par Napoléon imposent une rationalisation administrative et abattent de nombreuses barrières douanières. Les idées de liberté du commerce et d'unité économique circulent. Les ports italiens participent à l'effort continental napoléonien, mais le blocus continental et les guerres détruisent les flottes marchandes et appauvrissent les villes côtières. Après la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne rétablit les anciens États, mais le goût pour une économie plus intégrée demeure.

Au cours de la première moitié du XIXe siècle, la révolution industrielle naissante en Europe du Nord transforme les échanges. L'Italie reste à l'écart des grands circuits industriels : son commerce repose encore largement sur les produits agricoles, la soie, le vin, l'huile et quelques manufactures textiles. Les régions du Nord, en particulier la Lombardie et le Piémont, profitent de la proximité de la Suisse et de la France pour moderniser leurs structures. Les banquiers génois et milanais participent au financement des premières lignes ferroviaires et de l'industrie métallurgique. Dans le Sud, le royaume des Deux-Siciles reste dominé par une économie latifundiaire tournée vers la production agricole d'exportation, notamment le vin, l'huile et le soufre sicilien.

L'unification italienne, entre 1861 et 1870, bouleverse les conditions du commerce. L'État nouveau abolit les barrières intérieures et tente de créer un marché national. Les ports sont modernisés, les chemins de fer relient désormais Turin à Naples et Gênes à Milan. Le commerce intérieur croît rapidement, mais le pays reste dépendant des importations industrielles du Nord de l'Europe. Les exportations reposent sur la soie, les produits agricoles, les agrumes du Sud et les oeuvres d'art. Gênes retrouve une position stratégique grâce à son port, qui devient la principale porte commerciale du pays, tandis que Trieste, sous domination autrichienne jusqu'en 1918, prospère comme port libre de l'Empire des Habsbourg.

La fin du XIXe siècle voit naître les premières grandes industries italiennes : l'acier, les textiles mécaniques, la chimie, et bientôt l'automobile avec Fiat à Turin. Ces transformations s'appuient sur un commerce intérieur plus dynamique et sur l'ouverture de l'Italie aux marchés extérieurs. Les exportations augmentent, mais le déficit commercial persiste. Les régions du Nord attirent les capitaux et la main-d'oeuvre, tandis que le Sud s'enfonce dans la stagnation et l'émigration. Les liaisons maritimes se multiplient entre Gênes, Marseille, New York et l'Amérique du Sud, alimentées par le flux des migrants italiens qui emportent avec eux du vin, de l'huile, des denrées sèches et ramènent des devises.

Au début du XXe siècle, le commerce italien s'inscrit dans une économie mondiale désormais dominée par les puissances industrielles. L'Italie importe du charbon, du blé et des métaux, et exporte des produits agricoles, du textile, du verre et des machines légères. Les ports se modernisent encore, les banques se développent, les compagnies maritimes italiennes rivalisent sur la Méditerranée. La Guerre de 1914-1918 interrompt brutalement cette expansion : le blocus maritime, la mobilisation industrielle et la destruction des circuits financiers désorganisent le commerce. L'Italie sort appauvrie et endettée.

Après 1918, la reconstruction s'accompagne d'une inflation et d'un déséquilibre profond entre le Nord industriel et le Sud agricole. Le commerce reprend difficilement, miné par la crise internationale et les tensions sociales. Les années 1920 voient l'État intervenir davantage dans l'économie : les tarifs douaniers augmentent, les échanges internationaux se réduisent, et la politique économique se tourne vers l'autosuffisance. Gênes, Livourne et Naples continuent de commercer avec le monde, mais l'Italie entre dans une période où le nationalisme économique commence à dominer la logique du libre-échange. Vers 1925, le pays se trouve à la croisée des chemins : il possède une industrie capable d'exporter, un réseau commercial ancien et une marine marchande importante, mais son commerce est désormais étroitement lié à la politique, à la recherche d'indépendance économique et à la construction d'un État fort. Le régime fasciste oriente progressivement l'économie vers l'autarcie. L'État contrôle les importations, limite la dépendance aux produits étrangers et favorise la production nationale. La politique de « bataille du blé » cherche à réduire les achats de céréales à l'étranger, tandis que l'industrie lourde reçoit des subventions pour développer l'acier, la chimie et les carburants de synthèse. Les échanges avec les puissances démocratiques diminuent, mais les liens commerciaux se renforcent avec l'Allemagne, la Hongrie et les Balkans. Les colonies africaines servent de débouchés protégés pour les produits italiens, notamment textiles et mécaniques.

Dans les années 1930, la crise mondiale frappe durement le commerce italien. Les exportations chutent, les importations sont restreintes par le contrôle des devises, et le pays se replie sur lui-même. L'invasion de l'Éthiopie en 1935 entraîne des sanctions de la Société des Nations, isolant encore davantage l'économie italienne. L'État accentue alors la planification, développe les échanges de troc avec les pays alliés et favorise les industries militaires. Le commerce perd sa liberté, soumis à la logique de la guerre et à la propagande nationaliste.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, le commerce extérieur s'effondre presque totalement. Les blocus maritimes, les destructions et la désorganisation des transports plongent l'économie italienne dans la pénurie. Les ports de Gênes, Naples et Trieste sont bombardés, les flottes marchandes sont détruites ou réquisitionnées. Les circuits commerciaux traditionnels disparaissent. À la fin de la guerre, l'Italie sort ruinée, son appareil productif en partie détruit, ses échanges réduits à l'essentiel.

Après 1945, le pays entame une reconstruction rapide grâce à l'aide américaine du plan Marshall. Le commerce extérieur redevient vital : les importations de charbon, de machines et de blé nourrissent la reprise, tandis que les exportations de produits agricoles et de textiles reprennent. L'Italie rétablit ses relations avec l'Europe occidentale et s'intègre aux nouveaux circuits du commerce mondial. Dans les années 1950 et 1960, le « miracle économique » transforme le pays : l'industrie mécanique, la sidérurgie, la chimie et surtout l'automobile deviennent les moteurs de la croissance. Les grandes entreprises comme Fiat, Pirelli ou Olivetti exportent en Europe, en Amérique et en Afrique du Nord. Les ports de Gênes, Trieste et Naples se modernisent, les routes et les chemins de fer se densifient.

L'Italie profite pleinement de son intégration à la Communauté économique européenne à partir de 1957. Les échanges avec la France, l'Allemagne et les Pays-Bas explosent. Le pays passe d'une économie d'exportation agricole à une puissance industrielle moyenne. Le commerce extérieur devient excédentaire dans les années 1970 pour les produits manufacturés, notamment les biens d'équipement, les automobiles et la mode. Parallèlement, les entreprises familiales et les districts industriels du Nord-Est et du Centre développent un modèle fondé sur la flexibilité et la qualité : la production de meubles, de textiles, de chaussures et de céramiques conquiert les marchés mondiaux.

Les chocs pétroliers des années 1970 perturbent cette expansion, mais le commerce italien s'adapte en diversifiant les débouchés. Dans les années 1980 et 1990, l'Italie devient l'un des plus grands exportateurs mondiaux de produits de luxe, de design, de machines-outils et d'alimentation. Milan s'impose comme une capitale économique et financière, et les ports du Nord retrouvent une activité intense liée au commerce européen. L'intégration à l'Union européenne renforce la stabilité commerciale et monétaire, surtout après l'adoption de l'euro en 1999.

Au XXIe siècle, l'Italie fait face à une concurrence mondiale accrue. La mondialisation fragilise certaines industries traditionnelles, mais le pays conserve une position forte dans les secteurs à haute valeur ajoutée : mode, automobile, agroalimentaire, robotique, pharmacie et design. Le commerce avec les autres pays de l'Union européenne représente la majeure partie des échanges, tandis que la Chine, les États-Unis et les pays méditerranéens gagnent en importance. Les ports de Gênes, Trieste et Gioia Tauro deviennent des points névralgiques du trafic de conteneurs, intégrés aux routes maritimes mondiales.

Après la crise financière de 2008, l'Italie subit une contraction du commerce mais parvient à maintenir un excédent grâce à ses exportations industrielles. Les entreprises italiennes s'appuient sur la qualité, la spécialisation et la marque « Made in Italy ». Le pays reste très dépendant des importations d'énergie et de matières premières, mais il exporte des biens à forte valeur symbolique et technologique. La pandémie de 2020 perturbe temporairement les échanges, avant une reprise soutenue portée par les industries de la santé, du luxe et des machines.

Depuis 2020, le commerce italien continue de se transformer sous l'effet de la transition écologique et numérique. Les investissements se concentrent sur l'énergie renouvelable, la mobilité électrique et l'innovation industrielle. L'Italie cherche à consolider sa position au sein des chaînes de valeur européennes tout en renouant des liens commerciaux plus équilibrés avec l'Afrique et l'Asie. 

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