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| [ L'histoire du commerce ] / [ L'histoire de la Chine] |
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Le commerce de la Chine |
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Le
commerce
de la Chine s'inscrit dans une très longue évolution, marquée par
une alternance d'ouverture et de repli, de domination interne et d'influences
étrangères. Pendant des siècles, la Chine impériale fut le centre d'un
vaste réseau commercial asiatique, fondé sur la supériorité de ses
productions artisanales et agricoles. Dès la dynastie Han,
à partir du IIe siècle avant notre ère,
le commerce s'étendit vers l'Asie centrale grâce à la route
de la Soie, un ensemble d'itinéraires reliant Chang'an à l'Empire
romain par l'Asie centrale et la Perse.
Les caravanes transportaient la soie, le thé, la porcelaine et le papier
chinois, échangés contre des pierres précieuses, de l'or, des chevaux
et des épices. Ce commerce terrestre, bien qu'épisodique et réservé
à une élite marchande, affirma la place de la Chine comme puissance manufacturière
et culturelle dominante de l'Eurasie.
Sous les Tang (618-907), le commerce connut un essor exceptionnel, soutenu par la stabilité politique et les relations diplomatiques avec les royaumes voisins. Chang'an et Guangzhou (Canton) devinrent de grands centres marchands internationaux. Les échanges maritimes s'étendirent jusqu'à l'Inde, l'Arabie et la côte orientale de l'Afrique. Des marchands arabes et persans s'installèrent dans les ports du sud, créant les premiers comptoirs étrangers en Chine. Cette ouverture commerciale s'accompagna d'un enrichissement culturel et technologique sans précédent. Sous les Song (960â€--1279), le commerce intérieur et maritime atteignit un degré de sophistication remarquable : la monnaie papier, les marchés urbains, la navigation à boussole et les jonques à grande capacité favorisèrent une véritable révolution économique. Les ports de Quanzhou et Hangzhou étaient parmi les plus actifs du monde, exportant soie, thé, porcelaine, laque et cuivre, tandis que la Chine importait épices, ivoire, encens et pierres précieuses. L'époque mongole des Yuan (1271-1368) renforça encore les échanges transcontinentaux. L'empire de Kubilaï Khan, relié à la Perse et à l'Europe par la Pax Mongolica, ouvrit la Chine à des marchands étrangers, notamment les Vénitiens comme Marco Polo. Les routes terrestres et maritimes furent plus sûres, et le commerce de la soie et des produits de luxe connut une intensification remarquable. Cependant, sous les Ming (1368-1644), la Chine adopta progressivement une politique plus restrictive. Après les grandes expéditions maritimes de Zheng He au début du XVe siècle, l'empire se replia sur lui-même, interdisant la navigation privée et limitant les échanges étrangers à des circuits tributaires officiels. Les marchands étrangers devaient passer par un système contrôlé de tributs, où le commerce se faisait sous couvert de diplomatie. Malgré ces restrictions, un commerce clandestin et semi-légal continua, notamment avec les marchands japonais, portugais et plus tard hollandais. À partir du XVIe siècle, l'arrivée des Européens bouleversa profondément l'économie chinoise. Les Portugais, établis à Macao dès 1557, servirent d'intermédiaires entre la Chine, le Japon et les Indes. Les Espagnols, depuis Manille, introduisirent d'immenses quantités d'argent américain dans le système monétaire chinois, ce qui stimula le commerce intérieur mais rendit le pays dépendant de ce métal. Au XVIIe siècle, les Hollandais et les Anglais participèrent activement au commerce maritime chinois, principalement à travers le port de Canton, seul port autorisé au commerce occidental sous les Qing (1644-1912). Ce « système de Canton » imposait aux Européens de traiter exclusivement avec un groupe de marchands chinois agréés, les hong, sous la supervision du gouvernement impérial. Au XVIIIe siècle, la Chine demeurait un géant économique, exportant en masse du thé, de la soie et de la porcelaine, tout en important très peu de produits étrangers. Cet excédent commercial inquiétait les puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne, qui voyait ses réserves d'argent s'épuiser. Pour rétablir l'équilibre, les Britanniques introduisirent illégalement l'opium indien sur le marché chinois. La dépendance croissante des consommateurs chinois et la résistance du gouvernement Qing aboutirent à la première guerre de l'opium (1839-1842). La défaite de la Chine entraîna le traité de Nankin, qui mit fin au système de Canton, ouvrit cinq ports au commerce étranger et céda Hong Kong au Royaume-Uni. Ce fut le début d'une ère de « traités inégaux » imposés par les puissances occidentales. La seconde moitié du XIXe siècle vit la multiplication de ces traités et la création de concessions étrangères à Shanghai, Tianjin, Guangzhou et d'autres ports. Les puissances européennes, ainsi que les États-Unis et le Japon, obtinrent des droits d'extraterritorialité et contrôlèrent directement une part croissante du commerce chinois. Les importations d'opium, de produits manufacturés et de biens occidentaux transformèrent l'économie traditionnelle, tandis que la Chine exportait toujours thé, soie et produits artisanaux. Les guerres de l'opium, la révolte des Taiping (1850-1864) et les défaites face aux puissances étrangères affaiblirent considérablement l'État impérial. Des tentatives de modernisation, connues sous le nom de Mouvement d'auto-renforcement, cherchèrent à introduire des techniques industrielles et maritimes occidentales sans abandonner les structures confucéennes, mais elles demeurèrent limitées. À la fin du XIXe siècle, la Chine était devenue un espace semi-colonial, où les puissances étrangères contrôlaient une grande partie du commerce maritime, des douanes et des infrastructures portuaires. Les chemins de fer, les banques et les compagnies maritimes étrangères dominaient les échanges, tandis que le gouvernement impérial perdait toute capacité de régulation. Les défaites contre le Japon en 1895 et les interventions occidentales après la révolte des Boxers (1900) confirmèrent cette dépendance. Lorsque la dynastie Qing s'effondra en 1911 et que la République de Chine fut proclamée en 1912, le commerce chinois était déjà largement intégré à l'économie mondiale, mais sous des conditions inégales, marquées par la perte de souveraineté et la domination étrangère. Les années qui suivent sont marquées par une forte fragmentation territoriale et institutionnelle : l'éclatement en seigneuries militaires et la faiblesse de l'État central limitent la capacité de régulation des échanges, mais paradoxalement stimulent le développement industriel local et la création d'entreprises commerciales modernes, surtout dans les grands ports et les régions côtières. Les premières décennies du XXe siècle voient la croissance d'une industrie textile et d'une finance d'exportation, tandis que l'agriculture reste largement orientée vers des cultures commerciales (soie, thé, coton, huile) destinées aux marchés étrangers - ce qui rend l'économie sensible aux chocs internationaux comme la Grande Dépression. La période 1927-1937 (la « décennie Nankin » sous le Kuomintang) apporte une stabilisation relative, une politique de protection pour favoriser l'industrie nationale et des efforts pour moderniser les infrastructures (chemins de fer, ports, douanes). Malgré cela, l'économie reste incomplètement intégrée et soumise à la domination de capitaux étrangers dans les ports et aux barrières institutionnelles (extraterritorialité, concessions), ce qui maintient une dépendance à l'égard des marchés mondiaux pour les matières premières et certaines filières d'export. L'invasion japonaise après 1931 puis la guerre totale à partir de 1937 détruisent des capacités productives et perturbent gravement les flux commerciaux. Avec la victoire communiste et la fondation de la République populaire en 1949, le commerce extérieur est réorganisé autour d'un modèle centralisé : priorité aux échanges avec l'URSS et les pays socialistes, planification des importations (matières premières, machines) et des exportations (produits agricoles, quelques biens manufacturés basiques). Les années 1950 bénéficient d'un transfert technologique soviétique mais, après la rupture sino-soviétique à la fin des années 1950 et surtout les politiques intérieures du Grand Bond en Avant (1958-1961) et de la Révolution culturelle (1966-1976), la capacité d'exportation stagne, beaucoup d'industries sont consacrées à l'autosuffisance et le commerce extérieur se réduit fortement en volume et en diversité. À partir de la politique de réforme et d'ouverture lancée en 1978 sous Deng Xiaoping, le commerce chinois entre dans une nouvelle phase. Les réformes institutionnelles (zones économiques spéciales, incitations aux IDE, libéralisation graduelle des échanges) font de la Chine une plateforme d'assemblage exportatrice : importations de composants et de machines, transformation, puis export massif de produits manufacturés à faible coût. Cette stratégie d'« insertion par l'exportation » transforme l'économie : hausse rapide du volume du commerce, création d'une chaîne d'approvisionnement orientée vers les marchés nord-américain et européen, et diffusion d'emplois manufacturiers à large échelle. Les données montrent une croissance très rapide des exportations après l'ouverture, accélérée encore après l'entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, qui a réduit les barrières et ancré la Chine dans les règles commerciales multilatérales - la période post-2001 voit une envolée des exportations manufacturières et une croissance soutenue du commerce international chinois. Les deux décennies suivantes (années 2000-2010 et 2010-2020) sont caractérisées par un double mouvement : d'une part une très forte spécialisation dans les produits manufacturés et l'électronique, d'autre part une montée en gamme progressive — montée des investissements en R&D, développement des entreprises d'équipements et d'ICT, puis des exportations de produits à plus forte valeur ajoutée (automobiles, machines, télécommunications). L'intégration verticale internationale (supply chains) fait de la Chine un maillon central des exportations mondiales, situation qui lui permet d'atteindre le rang de premier exportateur mondial en valeur. Les crises mondiales (la crise financière de 2008) exposent toutefois la vulnérabilité à la demande étrangère et poussent la Chine à chercher davantage d'équilibre entre exportations et demande intérieure. Dans les années 2010, la stratégie commerciale chinoise se diversifie : initiatives de politique industrielle visant l'« innovation » (ex. programmes pour la robotique, les véhicules électriques), création d'infrastructures internationales et politiques d'investissement extérieur (notamment l'Initiative des Nouvelles Routes de la Soie) pour sécuriser routes d'approvisionnement et marchés. Parallèlement, la montée des tensions commerciales avec les États-Unis, culminant avec l'escalade des droits de douane et restrictions technologiques à partir de 2018, marque le début d'une ère de frictions commerciales et de tentatives de « dé-dépendance » technologique dans des secteurs clés. Ces tensions poussent la Chine à accélérer la substitution locale dans certains segments et à renforcer ses relations commerciales régionales et avec des partenaires alternatifs. La pandémie de covid-19 (2020–2022) a eu un effet double : d'un côté, des perturbations sévères des chaînes d'approvisionnement et un ralentissement des importations, surtout durant les confinements stricts en Chine; de l'autre, une demande mondiale forte pour certains biens (équipements médicaux, produits électroniques) qui a soutenu les exportations chinoises. Après la levée progressive des mesures strictes (réouverture fin 2022-2023), l'économie et le commerce ont cherché à retrouver un équilibre, mais avec des changements durables : montée des services numériques, redéploiement de chaînes vers des sites de production diversifiés (partiellement nearshoring ou friendshoring), et montée des enjeux géopolitiques qui pèsent sur l'accès aux technologies avancées. Sur le plan des montants et du rôle dans le commerce mondial, la Chine est devenue la première puissance commerciale en valeur au monde : selon les dernières compilations internationales, la Chine figure comme le premier exportateur mondial et un importateur majeur, avec un excédent commercial important certains exercices. Les bases de données internationales (WITS/Banque mondiale, OMC) confirment une position centrale dans le commerce de marchandises au milieu des années 2020. Ces chiffres traduisent la transformation d'une économie auparavant semi-coloniale et fragmentée en une plate-forme industrielle globale. Les principaux leviers et caractéristiques qui expliquent cette trajectoire sont récurrents-: politique industrielle orientée vers l'export et la fabrication, vaste marché intérieur capable d'absorber une partie de la production, investissements massifs dans les infrastructures (ports, routes, zones industrielles) et l'éducation technique, et un recours important aux investissements directs étrangers et aux multinationales pour transférer technologies et savoir-faire. À ces facteurs structurels s'ajoutent des éléments institutionnels (contrôle étatique, réglementation des changes, tarifs et barrières non tarifaires gérés stratégiquement) et des choix géopolitiques qui ont modelé les partenaires commerciaux prioritaires à chaque époque. Les défis contemporains sont multiples : reconfiguration des chaînes d'approvisionnement sous l'effet de tensions géopolitiques et de politiques de dé-dépendance , pression pour monter plus rapidement en matière d'innovation face à des restrictions d'accès aux semi-conducteurs et à la haute technologie, et la nécessité d'une transition vers un modèle de croissance davantage porté par la consommation intérieure et les services. En même temps, la diversification des routes d'échanges (commerce intra-asiatique, accords régionaux, liens renforcés avec la Russie, l'Afrique et l'Amérique latine) et le poids des exportations de technologies propres et d'équipements industriels positionnent la Chine dans une dynamique où elle reste incontournable, tout en étant confrontée à des risques politiques et économiques accrus. |
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