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Le commerce à l'époque moderne
Le commerce des Français, des Allemands
et dans les pays du Nord
La France.
L'histoire commerciale de la France (comme d'ailleur celle de de l'Allemagne) est fort intéressante et variée, mais nous ne ferons que l'esquisser ici, parce qu'elle n'a pas l'unité de l'histoire commerciale des républiques italiennes, de la Hanse, de la Hollande ou de l'Angleterre. Quelle qu'ait été l'importance du commerce extérieur, elle n'a jamais eu celle du commerce intérieur, et même l'histoire du commerce extérieur se place mieux à propos des grandes provinces frontières qu'à propos de l'histoire générale. La Flandre en a fourni un exemple frappant. Pour tous les faits antérieurs à la centralisation monarchique du XVIe et du XVIIe siècle, nous renverrons donc aux articles consacrés à chaque province et aux grandes villes. Nous signalerons seulement la prospérité des cités méditerranéennes, surtout deMarseille, rivale de Gênes et de Barcelone dès les croisades, l'importance capitale de la grande route du transit entre la Méditerranée et l'océan Atlantique par le Rhône et la Seine, celle de l'entrepôt lyonnais et ses relations avec l'Italie et l'Allemagne méridionale, le commerce de Bordeaux avec l'Angleterre, du nord de la France et de Paris avec les Pays-Bas, les qualités des marins, pêcheurs et marchands des côtes de l'Océan, gascons, saintongeois, bretons, normands, de Bayonne, Bordeaux, la Rochelle, Nantes, Dieppe, etc., les traités conclus par François Ier avec les Turcs, qui assurèrent aux Français et à leurs protégés un véritable monopole pour le commerce du Levant. 

Au XVIIe siècle le commerce français fut stimulé par le système mercantile et colonial, dont Colbert reste peut-être le plus illustre représentant. L'ensemble des mesures qu'il fit décréter est exposé à sa biographie. 

Les tarifs de douane et les droits de tonnage différentiels employés contre les concurrents hollandais et anglais permirent à la marine marchande de se développer. On ne saurait exagérer l'importance de Colbert qui est un personnage unique dans l'histoire commerciale des grandes nations européennes. 

Les guerres et les fautes politiques de la fin du règne de Louis XIV mirent à néant la prospérité due à Colbert. En 1714 la France exportait pour 105 millions de marchandises et en importait pour 71 millions ; le commerce d'exportation portait pour 36 millions sur les produits agricoles français, pour 45 sur ceux de l'industrie, pour 18 sur ceux des colonies, pour 6 sur ceux des articles étrangers réexportés. Dans la Méditerranée et surtout dans les ports du Levant, le pavillon français dominait; avec les pays du Nord, le commerce se faisait par Hambourg et par la HoIlande; malgré les guerres politiques et les guerres de tarifs, le trafic avec l'Angleterre était considérable, la contrebande déjouant toutes les prohibitions; la France vendait des soieries, des bijoux, de l'eau-de-vie. Un grand traité en 1786 inaugure une ère nouvelle. 

Le commerce avec l'Espagne devint considérable quand les Bourbons régnèrent des deux côtés des Pyrénées; on évaluait les déclarations en douane de produits industriels français importés en Espagne à 26 millions vers le milieu du XVIIIe siècle; l'Espagne pavait en métaux, argent surtout, qu'on réexportait en Inde. Dans les mers d'Asie le trafic laissait un bénéfice de 50% presque absorbé parles frais de transport, de commission, d'entrepôt, d'assurance; celui des Antilles était bien plus avantageux, et avec lui celui du Levant. Pendant le XVIIIe siècle, le progrès régulier de ce trafic fut considérable; en 1785 les importations atteignent 375 millions, les exportations 425 dont 93 millions de denrées agricoles françaises, 123 d'objets manufacturés, 165 millions de produits des colonies d'Amérique, 41 millions de produits des colonies d'Asie, 40 d'articles étrangers réexportés. 

La progression depuis Louis XIV était grande, mais il faut se souvenir que les chiffres de 1714 sont ceux d'une période de ruine, que la valeur nominale des objets avait beaucoup haussé, enfin que le développement du commerce dans le reste de l'Europe s'était fait parallèlement. Les faits les plus curieux de l'histoire commerciale de la France au XVIIIe, siècle sont le système de Law et les travaux des philosophes et des économistes, qui inspirèrent les réformes de Turgot et la Révolution française.

L'Allemagne.
Dans la première période des temps modernes, le commerce allemand est en décadence; il ne se relève qu'au XVIIIe siècle. Le développement du commerce maritime, l'abandon des vieilles routes commerciales firent grand tort au transit par l'Allemagne entre le nord et le sud de l'Europe; la haute Allemagne en souffrit beaucoup; la ruine de la Hanse ne fut pas moins préjudiciable à la basse Allemagne où, seules, Brême et Hambourg grandirent, étendant leurs relations vers l'Ouest et s'engageant dans le grande navigation. Succursale du commerce anglais, Hambourg grandit avec lui. Au centre Erfurt, Brunswick, Cologne sont dépassées par Francfort et Leipzig dont les foires assurent la fortune. Le morcellement politique entraîne la multiplication des péages et des douanes; l'Allemagne sert de champ de bataille à l'Europe et sort ruinée de la guerre de Trente Ans. La puissante centralisation nationale qui protège si efficacement le commerce français et anglais lui manque. Son industrie, écrasée par la concurrence, diminue. Seule la fabrication des toiles (indispensables aux Européens sous les tropiques et par suite très demandées depuis l'extension des colonies) compense les autres pertes. L'émigration des protestants de France fut le début d'une ère nouvelle; ils apportèrent leurs industries et surtout leur méthode de travail en fabrique, bien supérieur au régime des corporations. Ne pouvant suffire aux besoins de son mar ché intérieur, l'Allemagne n'exportait guère au XVIIe siècle que sa toile vers l'Espagne, des denrées agricoles et des bois vers la Hollande, du bétail en France. Au XVIIIe siècle les industries vivifiées par les réfugiés français ont fait de grands progrès; les grands marchés intérieurs sont encore Francfort et Leipzig ; mais Hambourg devient un des plus grands marchés du monde; son commerce avec la France grandit et en 1785 représente 112 millions, les quatre cinquièmes des importations, la moitié des exportations d'Allemagne en France. Les fournitures militaires de la guerre de Sept Ans, les affaires d'argent faites par les Juifs (réfugiés portugais), contribuent à sa prospérité. Libre du fardeau de dettes et d'impôts qui écrase la Hollande, sa marine arrive à transporter à meilleur marché. Hambourg profita plus qu'aucune autre ville de la guerre d'Amérique; sa neutralité lui permit de supplanter les belligérants sur bien des points; l'affranchissement des Etats-Unis lui ouvrit un vaste marché, et ses navires furent admis dans les Antilles françaises et espagnoles, d'où ils portèrent directement à l'Allemagne et aux pays de la Baltique les denrées coloniales au lieu de les acheter en France et en Angleterre; sortant de leur rôle d'intermédiaires et de commissionnaires, ils donnèrent à l'Allemagne une part au grand commerce international.

Europe septentrionale. 
L'histoire commerciale des Etats scandinaves n'a qu'une importance secondaire; affranchis de la Hanse, ils furent desservis par les marines hollandaise et anglaise, mais s'en créèrent une à leur tour, surtout la Norvège, enrichie par la vente de ses bois de construction et par la pêche. Le côté le plus intéressant de l'histoire commerciale de ces pays est la série d'efforts qu'ils firent pour avoir part au commerce et à l'exploitation coloniale au lieu de se réserver l'exploitation des richesses naturelles de leur sol.

En Pologne, les Juifs expulsés d'Allemagne à la fin du XIIe siècle accaparèrent tout le commerce; vis-à-vis de l'étranger le rôle des Polonais fut passif; ils négligèrent la navigation de la mer Noire et ne furent jamais bien maîtres de Dantzig (Gdansk) par où passait leur commerce avec l'Europe occidentale; l'exportation portait sur les blés, des bois, l'importation sur les denrées coloniales, vins, fruits du Midi, objets manufacturés. On a souvent cité l'exemple de la Pologne oh la liberté commerciale (limitée aux nobles) empêcha la création de l'industrie et d'une classe intermédiaire qui eût sauvé le pays. 

Le commerce eut en Russie une influence bienfaisante et décisive; mais son histoire se confond si bien avec celle des progrès de la civilisation dans ce vaste empire qu'il y a avantage à ne pas l'en séparer. On la trouvera aux pages consacrées à l'histoire de la Russie. (A.-M. B).

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