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Les trois derniers voyages Le deuxième voyage (1493-1496). La flotte partit de Cadiz le 25 septembre 1493; de l'île de Fer le 13 octobre; le médecin Chanca nous a laissé une bonne relation du voyage. Dès le 3 novembre on aperçut des terres: une île basse, sans rade, ni port, qui fut baptisée la Désirade; une autre haute et plus grande qui fut baptisée la Dominique (c'était un dimanche); enfin une troisième inhabitée qui reçut le nom de la galère amirale, Marie-Galante. Le lendemain on aborda à une quatrième que Christophe Colomb nomma la Guadeloupe, exécutant une promesse faite aux religieux de Notre-Dame de Guadalupe en Estremadure. Dans ces parages on constata la présence de cannibales, plus civilisés du reste et plus énergiques que les Indiens des Bahamas et de Cuba. Continuant sa route vers le Nord, la flotte reconnut successivement Montserrat, Santa Maria la Redonda, Antigua, Saint-Martin, Sainte-Croix, les îles Vierges; le 16 novembre, on mouilla à Porto-Rico; le 22 on retrouva Hispaniola, en un point appelé par les indigènes Haïti. On se rendit en hâte à Navidad où l'on espérait trouver enrichis les colons laissés un an auparavant. On ne retrouva que les cadavres de quelques-uns; tous étaient morts, leur fort avait été brûlé. Le prince du pays, Guacapagari, s'excusa mal, alléguant des maladies, une agression venue d'une autre tribu. On ne vengea pas le massacre. Un autre établissement fut créé à quelque distance, à Isabella; les ruines de cette première ville européenne du nouveau monde subsistent encore. Le 2 février 1494, Christophe Colomb renvoya douze de ses navires en Espagne sous le commandement de Antonino de Torres, rapatriant les malades. Lui-même fit, après Ojeda, une expédition dans l'intérieur, fonda un fort près de montagnes aurifères; il se croyait au pays d'Ophir, célèbre depuis Salomon. Laissant à Isabella son frère Diego comme administrateur, il partit le 24 avril 1494 avec trois navires, pour revoir le continent, c.-à-d. Cuba. Il en côtoya la côte méridionale, découvrit la Jamaïque (13 mai), qu'il nomma Santa Gloria, il y fut attaqué par les indigènes dont les canots mesuraient jusqu'à 96 pieds de long, les défit aisément et revint à Cuba; il vit les îles qu'il appela Jardin de la Reine, mais ne continua pas sa roule vers l'Ouest; il eût vu que Cuba était une île et fût arrivé au Mexique ou au Yucatan. Ses provisions s'épuisant, il revint à Isabella (29 septembre 1494) où il retrouva son frère Barthélemy qu'il n'avait pas vu depuis huit ans. On le lui avait expédié avec trois caravelles pour le ravitailler. Christum Ferens, fac-simile de la signature de Colomb. Affaibli par la maladie, blessé dans son orgueil, Christophe Colomb devenait de plus en plus mystique. Il débarqua sous une robe de bure, ceint du cordon de Saint-François. Il s'attachait à son idée de la fin prochaine du monde, vers l'an 1656, attribuait ses découvertes aux prophéties d'Isaïe, déclarait que leur principal effet était d'avoir retrouvé le Paradis terrestre et qu'il était indispensable de consacrer les bénéfices de ses entreprises à la délivrance de Jérusalem. S'entourant d'une mise en scène savante, revêtant ses Indiens captifs de parures d'or, l'amiral des Indes se rendit à la cour. Celle-ci était occupée d'affaires de la plus haute gravité, guerre avec la France, mariage des héritiers des couronnes d'Espagne avec ceux de la maison d'Autriche et de Bourgogne. Christophe Colomb fut bien accueilli, ses privilèges, la nomination de son frère Barthélemy comme andelantado, confirmés. Mais on ne pouvait s'occuper surtout de lui. Ne trouvant pas assez de colons pour Hispaniola, il eut la fâcheuse idée de recruter des criminels. Il entra en lutte avec l'évêque Fonseca, préposé aux affaires de l'Inde. Il fut ainsi retenu deux ans en Espagne. Le troisième voyage (1498-1500). Christophe Colomb n'avait jusque-là abordé que des îles, malgré son illusion persistante au sujet de Cuba. Nous suivons le récit de Harrisse. Le 3 août 1498 Colomb lève l'ancre à la Punta del Arenal (dans l'île de la Trinité), traverse le golfe de Paria, évite les écueils de la Bouche du Dragon et atterrit à la pointe Peña; il longe la côte de Paria au Sud-Ouest, et le 5 août mouille dans la baie Pato où il fait débarquer ses hommes qui prennent possession du pays au nom du roi d'Espagne. Il avait navigué dans le golfe sur des eaux douces, ce qui lui prouva le voisinage d'un grand fleuve (l'Orénoque). Il reconnut aussi que les tourbillons du golfe de Paria provenaient du choc de ces masses d'eau fluviale avec les courants maritimes et que l'île de la Trinité était un fragment séparé de la terre ferme par la violence des eaux. Mais à ses observations, il joint les élucubrations les plus bizarres. D'une étude mal conduite sur la situation de l'étoile polaire (Petite Ourse), il infère que la Terre n'est pas sphérique (Histoire de la géodésie), comme il l'a toujours lu, mais a la forme d'une poire; le sommet de la poire serait près de l'équateur dans la région qu'il vient d'explorer. Il n'hésite pas à y placer le Paradis terrestre dont l'Orénoque serait un des quatre fleuves. Abandonnant l'exploration du continent, Christophe Colomb se dirigea vers sa colonie d'Hispaniola qu'il avait quittée depuis vingt-neuf mois. Son frère Barthélemy y avait étendu la domination espagnole, et fondé la ville de San-Domingo. Mais pendant son absence, la faiblesse de son frère Diego avait laissé éclater une révolte dirigée par le juge Francisco Roldan. Les aventuriers, qui n'avaient pas trouvé l'Eldorado promis, étaient fort irrités, s'en prenaient à la famille Colomb, qu'ils accusaient de monopoliser l'or, de les exploiter. Il ameutèrent les Indiens et quand l'amiral arriva il trouva la colonie divisée, ses frères impuissants. Lui-même se montra mauvais administrateur; il ne sut pas se procurer de ressources et transigea avec les mutins; alternativement violent et faible, il finit par leur céder (septembre 1499). En Espagne les plaintes affluaient; on était mécontent de tirer si peu de profit d'une découverte qui remontait déjà à sept années; au contraire, même il fallait sans cesse ravitailler la colonie qui, sans les secours de la métropole, n'eût pu subsister. L'anarchie qui y régnait et l'évidente incapacité administrative de Colomb décidèrent le gouvernement à intervenir. Francisco de Bobadilla fut chargé d'une enquête, avec pouvoir d'éloigner de la colonie ceux dont la présence serait jugée dangereuse (mai 1499). Il arriva le 23 août 1500. Christophe Colomb venait de supplicier sept Espagnols dans la semaine. Bobadilla se prononça sur-le-champ contre lui, mit ses papiers et sa fortune privée sous sequestre, abolit ses droits et autorisa la libre recherche de l'or. Christophe Colomb et ses deux frères (que Bobadilla ne voulut même pas voir) furent emprisonnés, chargés de chaînes et embarqués sur la caravelle la Gorda commandée par Andrès Martin (octobre 1500). Alonso de Vallejo, le gentilhomme chargé de les escorter, voulut faire ôter les fers rivés aux pieds de l'amiral. Celui-ci refusa et débarqua avec ses chaînes à Cadiz à la fin de novembre 1500. Il avait écrit à la nourrice du prince royal, favorite de la reine Isabelle. Le scandale fut grand, lorsque l'amiral qui avait découvert les Indes occidentales reparut enchaîné. Les souverains furent très mécontents de l'outrage fait à leur vice-roi et d'une indignité dont la honte allait rejaillir sur eux. Ils donnèrent l'ordre de mettre les Colomb en liberté, de les traiter avec les plus grands égards, ils firent donner à l'amiral 2000 ducats pour qu'il pût se présenter à la cour d'une manière digne de son rang. Bobadilla fut destitué, ses mesures rapportées, les droits de Colomb et sa fortune lui furent rendus. Mais il eût été imprudent de lui rendre la direction de la colonie; celle-ci fut confiée à Ovando, et en fait la vice-royauté de Christophe Colomb supprimée. Pendant un an il fut même en défaveur à la cour et ce n'est qu'en septembre 1501 qu'il put faire renouveler officiellement ses privilèges; le 14 mars 1502 on lui assura de nouveau leur maintien pour lui et ses fils. Le quatrième voyage (1502-1504). Armées à Séville, les caravelles partirent de Cadiz le mercredi 11 mai 1502, de l'île de Fer le 26 mai; le 15 juin on reconnut l'île de Matinino (Sainte-Lucie ou la Martinique), on passa à la Dominique et par les petites Antilles. Christophe Colomb se rendit à Hispaniola pour réparer ses avaries; Ovando lui interdit le débarquement (29 juin). Il faillit périr dans la tempête qui submergea Bobadilla et Roldan, ses ennemis; de vingt navires un seul échappa qui portait la fortune de l'amiral. Celui-ci avait prédit la tempête par des arguments astrologiques (opposition de Jupiter et de la Lune, conjonction de Mercure et du Soleil) et il avait mis sa flottille à l'abri. Continuant vers l'Ouest, il passa par la Jamaïque et aborda à la côte de Honduras, près de l'île de Guanaja. Il y fut en contact avec la population du Yucatan, relativement civilisée et longea la côte vers l'Est, cherchant un détroit. Le 12 septembre, il doubla le cap Gracias à Dios et suivit la côte dans la direction du Sud, jusqu'aux lagunes de Chiriqui et au pays de Veragua. Il croyait longer la côte du pays de Ciampa (Chine) ; il évaluait à 50 000 pieds la hauteur des montagnes et se croyait à dix-neuf journées du Gange; les mines d'or de Veragua étaient de la Chersonèse d'Or, celles d'où Salomon avait tiré les sommes employées à édifier le temple de Jérusalem. Il continua de longer l'isthme, sans trouver de bras de mer, revint sur ses pas au pays de Veragua, n'en put tirer beaucoup d'or, et essaya vainement d'y fonder une colonie (janvier 1503). Battu par les tempêtes, il erra dans la mer des Antilles perdant un navire sur la côte de Veragua, échouant finalement avec les trois autres à la Jamaïque (juin 1503). Il y resta une année avec ses navires désemparés, incapables même de regagner Hispaniola. Diego Mendez et Fieschi y passèrent dans des canots d'Indiens (août 1503). Mais Ovando refusa de croire à la détresse de Christophe Colomb, accusant une ruse pour rentrer à Hispaniola. Il finit par envoyer Escobar, ennemi de l'amiral, qui remit seulement à ce dernier une lettre d'excuses du gouverneur et repartit aussitôt. Menacé par les Indiens, qu'il intimida en leur prédisant une éclipse de Lune, il eut ensuite à lutter contre ses marins mutinés qui voulaient suivre les traces de Diego Mendez et de Fieschi; il finit par leur livrer bataille et les vaincre. L'énergie de son frère Barthélemy le sauva. Enfin le 28 juin 1504 arriva une caravelle, frétée par Diego Mendez avec les revenus de l'amiral. Le 13 août, celui-ci était à Saint-Domingue et le 7 novembre il abordait à San Lucar en Espagne. (André Berthelot). |
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