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Encyclopédie

On nomme encyclopédie un ouvrage embrassant l'ensemble des connaissances humaines; ces enseignements sont distribués sous une forme méthodique, de manière à faire ressortir la cohésion intime des diverses sciences et des divers arts et à les ordonner selon des cadres rationnels. Une encyclopédie est donc plus et mieux qu'un dictionnaire, lequel se borne à réunir le plus de renseignements possibles sur un sujet donné. En dehors des encyclopédies générales ou universelles, il existe des encyclopédies spéciales exposant seulement une science ou un groupe de sciences, mais toujours d'un point de vue d'ensemble et en rattachant les faits de détails aux principes fondamentaux.

Le mot d'encyclopédie ne fut appliqué à ces traités universels qu'à partir de la seconde moitié du XVIe siècle; cependant le mot et la chose remontent à l'Antiquité. Ce que les anciens appelaient encyclopédie (Egkyklios paideia), c'était l'ensemble des connaissances générales que tout humain instruit devait posséder avant d'aborder la vie pratique ou de se consacrer à une étude spéciale. On y comprenait la grammaire, la musique, la géométrie, l'astronomie, la gymnastique; c'était à peu près la même chose que ce qu'on dénommait les arts libéraux, dont le nombre fut fixé à sept après Martianus Capella : grammaire, dialectique, rhétorique, arithmétique, géométrie, musique, astronomie (Trivium et Quadrivium). Terentius Varro, dans son grand ouvrage (Disciplinarum libri IX), et Martianus Capella, dans le Satiricon (vers 415 ap. J.-C.), donnent des encyclopédies au sens ancien du mot, c.-à-d. quelque chose d'analogue à nos manuels du baccalauréat. Il existait aussi des encyclopédies spéciales, comme celle rédigée par Speusippe, disciple de Platon, le traité d'archéologie de Varron (Rerum humanarum et divinarum antiquitates) et l'Histoire naturelle de Pline.

Au Moyen âge, on a rédigé de véritables encyclopédies. On a essayé de rassembler en un ouvrage la totalité des connaissances humaines, et, à mesure que domina davantage l'esprit philosophique, on s'efforça de les coordonner à des points de vue généraux. Les Originum seu etymologiarum libri XX d'lsidore de Séville (vers l'an 600) ne sont guère dépassées par le De Universo de Raban Maur, mais le sont tout à fait par les ouvrages de Vincent de Beauvais, dont le Speculum majus, rédigé vers 1260, est une oeuvre colossale.

An temps de la Renaissance, lorsque l'imprimerie se fut répandue, on vit paraître plusieurs compilations encyclopédiques, celles de Riagelberg (Cyclopaedia, Bâle, 1559), de Scalich (Encyclopredia, Bâle, 1559), de Martini (1606), d'Alsted (Encyclopaedia, Herborn, 1620). Elles sont d'une valeur médiocre : l'esprit philosophique leur manque, et la classification est défectueuse. Celui qui prépara les encyclopédies vraiment dignes de ce nom, en établissant les principes de la classification des sciences, fut le fameux Francis Bacon. C'est d'après la même méthode que fut composée la fameuse Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
Diderot et d'Alembert s'entourèrent des collaborateurs spéciaux les plus compétents et comptèrent parmi eux Voltaire, Montesquieu et Rousseau. Diderot n'oublia pas la technologie. Visitant les ateliers, faisant démonter devant lui les machines et les outils dont se servaient alors les différents métiers, il fit une grande part aux arts mécaniques et donna à son oeuvre un caractère vraiment encyclopédique.

L'Encyclopédie fut un instrument de guerre, en même temps qu'une oeuvre de science. Tous les novateurs, les libres penseurs qui voulaient modifier la société au point de vue religieux et politique s'y rencontrèrent pour élaborer les principes nouveaux et détruire les croyances du passé. Bornée d'abord à dix volumes, l'Encyclopédie élargit son cadre; elle ne fut achevée qu'après une série de tribulations. En 1749, Diderot est enfermé à Vincennes; en 1759, le privilège des libraires est révoqué; d'Alembert se retire; cependant, l'impression se poursuit, grâce à la protection occulte de Mme de Pompadour, du directeur de la librairie, Lamoignon de Malesherbes, et du lieutenant de police Sartines. L'impression fut terminée en 1765. L'ouvrage comptait 17 volumes; Panckouke y ajouta quatre volumes de supplément. (On trouvera beaucoup plus de détail sur cette oeuvre à la page qui lui est dédiée : L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.)

L'Encyclopédie méthodique.
De nombreuses contrefaçons, les unes simples réimpressions, les autres reproductions altérées et défigurées de l'Encyclopédie, furent imprimées à l'étranger; mais elles nuisirent peu au succès de l'Encyclopédie française. En dépit de ces contrefaçons d'une introduction d'ailleurs difficile en France, le succès de l'Encyclopédie n'était pas encore épuisé quand Panckouke s'ingénia à le renouveler sous une autre forme : renonçant cette fois à l'ordre alphabétique, le plus commode à coup sûr, mais assurément le moins scientifique, il lança, en 1781, le prospectus d'une refonte générale par ordre de matières. La spéculation au début s'annonça comme excellente, mais les événements politiques, aussi bien que le progrès des sciences, la rendirent par la suite singulièrement onéreuse, et, quand elle fut enfin achevée (1832), cinquante ans s'étaient écoulés entre la publication du premier et celle du dernier de ses 166 volumes, accompagnés de 6439 planches! Diderot, qui avait pu voir le début de cette entreprise colossale, avait autorisé Naigeon à insérer, en les retouchant au besoin, ses articles sur l'histoire de la philosophie; ceux de d'Alembert sur les sciences exactes avaient également reparu avec des additions par Condorcet, Bossut, La Chapelle, etc. Aussi Panckouke avait-il légitimement décoré le frontispice de l'Encyclopédie méthodique d'une très belle planche d'Augustin de Saint-Aubin offrant, avec les médaillons accolés de Diderot et de d'Alembert, ceux des principaux coopérateurs de l'ancienne et de la nouvelle Encyclopédie : Voltaire, Rousseau, Daubenton, Lamarck, Condorcet, Dumarsais, Marmontel, etc. Les principales divisions de l'Encyclopédie méthodique se répartissent ainsi qu'il suit :

Agriculture, par l'abbé Tessier, Thouin, Fougeroux de Bondaroy, Bosc et Baudrillard (1787-1821, 7 vol. in-4). - Anatomique (système), par Vicq d'Azyr et Cloquet (Termes d'anatomie et de physiologie. Quadrupèdes,mammifères et oiseaux, reptiles, mollusques, poissons, etc.) (1792-1830, 4 vol. in-4 et 1 vol. de pl., 1825). - Animaux (histoire naturelle des), par Daubenton, Mauduit, Latreille, Godard, Lamarck, Bory de Saint-Vincent, Bonnaterre, etc. (1782-1832, 14 vol. in-4 et 16 t. en 14 vol. de pl.). - Antiquités, mythologie, diplomatique et chronologie, par Mongez (1786-an II, 5 vol. in-4 et 1 vol. de pl.).- Aratoire (art) et jardinage, par Jacques Lacombe (an V, in-4, et 1 vol. de pl., 1802). - Arbres et arbustes. - Architecture, par Quatremère de Quincy (1788-1825, 3 vol. in-4). - Art militaire, par Kéralio (1784-1797 et 1 vol. de pl.). Le 4e vol. renferme un Supplémentt par Lacuée de Cessac et Joseph Servan. - Artillerie, par la colonel H. Cotty (1822, in-4). - Arts et métiers mécaniques (1782-1794, 8 vol. in-4 et 8 t. en 6 vol. de pl.). - Assemblée nationale constituante, par Peuchet (t. II, seul paru, 1792, in-4). - Atlas encyclopédique contenant la géographie ancienne et la géographie moderne, par Bonne et Desmarets (17871788, 2 vol. in-4). - Beaux-Arts, par Watelet et Lévesque (1788-1791, 2 vol. in-4 et un vol. de pl.). - Blason et Chronologie (1787-1804, 6 vol. in-4 et 1 vol. de pl.). - Botanique, par Lamarck et Poiret (17831823, 11 vol. in-4 et 4 vol. de pl.). - Chasses et Pêches (dictionnaire de toutes les espèces de) (an III, in-4 et 1 vol. de pl.). - Chimie, pharmacie et métallurgie, par Guyton-Morveau, Maret, Duhamel, Fourcroy, Chaussier, Vauquelin (1786-1815, 6 vol. in-4 et 1 vol. de pl.). - Chirurgie, par La Roche et Petit-Radel (1790-1792, 2 vol. in-4 et 1 vol. de pl.). - Economie politique et diplomatique, par Démeunier (1784-1788, 4 vol. in-4) Encyclopaediana ou Dictionnaire encyclopédique des Ana (1791, in-4). - Equitation, escrime, danse et art de nager (1786, in-4). - Finances, par Rousselot de Surgy (1784-1787, 3 vol. in 4). - Forêts et bois, arbres et arbustes, par L.-M. Blanquart de Septfontaines et Jean Senebier (Physiologie végétale) (1791-1815, t. Ier). - Géographie ancienne, par Mentelle (17871792, 3 vol. in-4 et p1. dans l'Atlas de Bonne et Desmarest). - Géographie moderne, par Robert et Masson de Morvilliers (1782-1788, 3 vol. in-4 et pl, dans l'Atlas de Bonne et Desmarest). - Géographie et physique, par N. Desmarest, Bory de Saint-Vincent, Doin, Ferry et Huot (an III-1828, 5 vol. in-4 et un atlas). - Grammaire et littérature, par Marmontel (1782-1786, 3 vol. in-4). - Jeux mathématiques (et jeux de société), par Jacques Lacombe (an VII, in-4). - Jurisprudence, par Lerasle et Peuchet (1782-1791, 10 vol. in-4). - Logique, métaphysique et morale, par Lacretelle (17861791, 4 vol. - Manufactures, arts et métiers, par Roland de La Platière, Doin et Pontet (1785-1828, 4 vol. in-4 et 2 vol. de pl.).- Marine, par Vial de Clairbois (1793, 4 vol. in-4 et 175 pl.). - Mathématiques, par d'Alembert, l'abbé Bossut, Lalande, Condorcet, Charles, etc. (1784-1789, 3 vol. in-4). - Musique, par Framery, Ginguené et de Momigny (1791-1818, 2 vol. in-4). - Pêches. - Philosophie ancienne et moderne, par Naigeon (1794-an II, 3 vol. in-4). - Physique, par Monge, Cassini, Bertholon, Hassenfrantz (1793-1822, 4 vol. in-4 et 1 vol. de pl. en deux parties). - Théologie, par l'abbé Bergier (1780-1790, 3 vol. in-4). 
Les Encyclopédies aux XVIIIe et au XIXe siècle.
L'oeuvre des encyclopédistes français du XVIIIe siècle est l'Encyclopédie par excellence, et toutes les publications analogues qui se sont multipliées depuis l'ont plus ou moins imitée. Cependant on continua encore quelque temps à donner le nom d'encyclopédie à de simples traités de classification des sciences, comme celui de Schmid (Allgemeine Encyklopaedie und Methodologie der Wissenschaften; Iéna, 1810) ou de Schaller, dont le titre indique bien le caractère élémentaire (Encyklopaedie und Methodologie der Wissenschaften für angehende Studierende; Magdebourg, 1812), les ouvrages de Kirchner (Akademische Propaedeutik; Leipzig, 1842, et Hodegetik; Leipzig, 1852), ont été rédigés sur le même plan. Enfin, les Allemands ont très souvent donné le titre d'encyclopédie et méthodologie à des traités relatifs à l'ensemble d'une science, comme les traités de philologie classique de Boeckh, de philologie romane de Koerting, de théologie de Hagenbach, Raebiger, Zoeckler, de sciences juridiques d'Arndt, Holtzendorff, Merkel, de sciences politiques de Mohl, de pédagogie de Stoy, d'agriculture de Dunkelberg. Ce sont là plutôt des manuels généraux, et certains auteurs ne leur conservent pas le nom d'encyclopédie, appliqué de préférence aux ouvrages conçus sur le plan de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Celle-ci a été, ainsi que nous l'avons expliqué, ordonnée tour à tour selon l'ordre méthodique et selon l'ordre alphabétique. Les publications postérieures ont suivi tantôt l'un, tantôt l'autre. Cependant la grande majorité ont adopté l'ordre alphabétique, lequel est plus commode et assure mieux la vente de l'ouvrage entier et l'homogénéité de la rédaction.

L'ordre alphabétique, mis à la mode par l'Encyclopédie de Diderot avait été employé déjà par les lexicographes byzantins, tels que Suidas. Il l'avait été plus récemment dans les dictionnaires de Furetière (Rotterdam, 1690, 2 vol.) et de Thomas Corneille (Paris, 1694, 2 vol.), principalement consacrés aux sciences et aux arts, et dans ceux de Moreri (Paris, 1673; 20e éd., 1759, 10 vol.) et de Bayle (Dictionnaire historique et critique, 1696), principalement consacrés à l'histoire, à la biographie, à la géographie. Le succès du dictionnaire de Bayle fut remarquable. Parmi les lexiques ou dictionnaires universels du même genre, il faut citer le Lexicon universale de Hoffnann (Bâle, 1677, 4 vol.); celui de Zedler (Leipzig, 1731-1750, 64 vol. et 4 vol. supplém.); celui de Jablonski, Allgemeinen Lexikon der Künste und Wissenschaften (Leipzig, 1721); enfin, en Angleterre, la Cyclopaedia d'Ephraïm Chambers (Londres,1728, 2 vol.). On sait que le succès de librairie obtenu par cette dernière publication contribua à faire décider par Diderot, d'Alembert et leurs amis, celle de leur fameuse Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772). On a dit l'immense influence exercée par cette oeuvre, d'une portée philosophique exceptionnelle. Aussitôt, non contents de la traduire, les pays voisins cherchèrent à l'imiter. 

En Allemagne, Koester et Roos commencèrent une Deutsche Encyklopaedie (Francfort, 1778-1804. t. I à XXIII) qui demeura inachevée; Ersch et Gruber en entreprirent une autre à Leipzig, en 1818 l'Allgemeine Encyklopaedie der Wissenschaften und Künste, divisée en trois sections, à laquelle participeront Brockhaus et Leskien (en  1886, il en avait déjà paru 162 volumes). Sur un plan différent, conservant l'ordre méthodique, Snell, moins ambitieux, avait été plus heureux, et il put mener à bien son Encyklopaedie soemmtlicher Kenntnisse oder Schulwissenschaften (Giessen, 1805-1815, 19 vol.). Mais, dès ce moment, un plan un peu différent et un titre nouveau avaient été adoptés en Allemagne. Loebel publia un Konversations-Lexikon (1796) dont Brockhaus fit l'acquisition en 1808. La treizième édition publiée en 1882 en atteste le succès persistant; il est d'ailleurs très mérité par le soin apporté à la rédaction et l'abondance des renseignements. A titre de complément, le même libraire a publié Bilder-Atlas (Leipzig, 1868-1874. 2e éd., 8 vol.) et une revue intitulée Die Gegenwart (1848-1856), puis Unsere Zeit (1857 et suiv.). Un résumé en deux volumes du Konversations-Lexikon de Brockhaus s'est aussi beaucoup vendu (4e éd., 1885). La concurrence suscita des dictionnaires encyclopédiques analogues à celui de Brockhaus. Pierer publia Universal-Lexikon oder vollstaendiges encyklopaedisches Waerterbuch (Altenburg, 1822-1836, 26 vol.; 14 vol. de supplém. parurent de 1840 à 1856). La sixième édition en a été donnée (Oberhausen, 1873-79, 18 vol.); le dictionnaire de Pierer est complété par des revues annuelles : Jahrbücher der Wissenschaften, Künste und Gewerbe. La librairie juive a oppose au Brockhaus un Konversations-Lexikon au moins aussi bien fait et dont la dernière édition est plutôt supérieure, celui de Meyer (Hildburghausen, 1840-1852, 46 vol., plus 6 vol. supplém.), réédité à Leipzig (18571860, 15 vol.; 4e éd., 1885-87, 16 vol.); il est complété par des suppléments annuels et un abrégé en a été donné (Meyers Handlexikon des allgemeinen Wissens., 2 vol.; 3e éd., 1885). 

Les grands dictionnaires de la conversation de Brockhaus et de Meyer étaient des ouvrages très remarquables et répondant pleinement au but que se proposait l'acheteur d'avoir sous la main un magasin de renseignements sur toutes les questions. Ils faisaient une très grande place à la géographie et à l'histoire contemporaine. Ils étaient relativement courts, se composant d'une quinzaine de volumes in-8 de 1000 pages sur deux colonnes, mais, en raison de leur format, très maniables et d'un usage facile. D'autre part, le côté encyclopédique était un peu sacrifié; la philosophie générale y tenait peu de place; les différents groupes de connaissances sont isolément bien exposés, mais n'étaient guère reliés les uns aux autres. C'étaient, comme leur titre l'indique, d'excellents lexiques plutôt que des encyclopédies. Cette remarque s'applique à plus forte raison aux publications analogues que l'on trouve en Allemagne à la même époque; deux sont spécialement destinées aux catholiques : Allgemeine realencylclopaedie oder Konversations Lexikon für das katholische Deutschland (Ratisbonne, 1846-1850, 12 vol.; 4° éd., 1880 et suiv.) et Konversations-Lexikon, de Herder (Fribourg, 1853-57, 5 vol.; 2° éd., 1876-1879, 4 vol.). Citons encore Die deutsche Encylclopaedie (Leipzig, 1885 et suiv., 8 vol.) et l'ouvrage de vulgarisation de Spamer (Illustriertes Konversations-Lexikon für das Folk (Leipzig, 1869-1880, 8 vol. in-4 et 2 vol. de supplément). Sur un plan plus méthodique et renonçant à l'ordre alphabétique fut publiée Neue Encyklopaedie der Wissenschaften und Künste (Stuttgart, 1847-1852, 8 vol.).

En Angleterre, l'imitation de Diderot et d'Alembert a produit un chef-d'oeuvre, la célèbre Encyclopaedia Britannica publiée à Edimbourg; qui existe toujours au XXIe siècle, et dont la première édition qui parut en 1771 n'avait que 3 vol. in-4. La seconde (1778-1783) en comptait  10 ; la troisième (1797) en comptait 18 auxquels vinrent s'ajouter 2 vol. de supplément. La neuvième édition a paru de 1875 à 1889 (24 vol. in-4). Cette publication est parfaitement digne de son titre d'encyclopédie; les questions y sont traitées avec les développements les plus complets en de grands articles dont chacun forme un petit traité dépassant de beaucoup l'étendue d'un livre ordinaire; le vocabulaire est donc assez restreint, et les petits articles tiennent peu de place dans l'ensemble; c'est tout le contraire d'un dictionnaire. Ajoutons que tous les articles sont signés et plusieurs de noms très connus. L'Angleterre avait produit au cours du XIXe siècle une autre encyclopédie non moins remarquable, pour laquelle on s'en était tenu à l'ordre méthodique, sans classement alphabétique, l'Encyclopaedia metropolitana (Londres, 1818-1845, 3 vol.) rédigée d'après le plan de S. Taylor Coleridge. Sur un plan analogue furent composés lés 132 vol. de la Cabinet Cyclopaedia de Lardner (Londres, 1830 et suiv.). Les autres encyclopédies anglaisés n'ont pas le mérite exceptionnel de l'Encyclopaedia Brilannica et de l'Encyclopedia metropolitana; elles se rapprochent plutôt du type du Dictionnaire de la conversation. Citons : The English Cyclopaedia de C. Knight (Londres, 1853-1862; 2e éd., 1866-68, 23 vol. supplém. depuis 1869); Chambers Encyclopaedia (Londres, 1860-68, 10 vol., rééd. en 1874); l'Encyclopaedic Dictionary de Hunter (Londres, 1879 et suiv.). 

Aux États-Unis, on publia d'abord : Encyclopaedia Americana (Philadelphie, 2e éd., 1829-1846, 14, vol.) ; l'ouvrage le plus remarqué fut celui d'Appleton, New American Cyclopaedia (New-York, 1858-1863,16 vol.), complété depuis 1861 par des suppléments annuels, d'après le système allemand (Annual Cyclopaedia); on peut encore mentionner la National Encyclopaedia de L. Colange (New-York, 1872 et suiv.), l'Illustrated Universal Cyclopaedia de Johnson (New-York, 1874-78, 4 vol. in-4), l'Encyclopaedia Americana de Stoddart (Philadelphie, 1883 et suiv.), enfin le Deutsch-Amerikanische Konversations-Lexikon de Schem (New-York, 1870-74).

En France, il faut arriver au milieu du XIXe siècle pour retrouver des dictionnaires encyclopédiques originaux; ils se rapprochent autant du type de celui de Brockhaus que de celui de Diderot. L'Encyclopédie des gens du monde (Paris, 1833-1845, 22 vol.); l'Encyclopédie du XIXe siècle (Paris, 1836-1859, 75 vol. pet. in-8, rééd. en 1883; l'Encyclopédie moderne de L. Renier (Paris, 1846-1851, 30 vol., plus 12 vol. de supplém., 1856-62) reçurent un accueil assez médiocre; bien supérieur est le Dictionnaire de la conversation et de la lecture (2e éd., 1851-58, 16 vol., plus 5 vol. de supplém., 1864-1882) par la qualité de ses articles. Tous furent éclipsés par le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse (Paris, 1864-1876, 15 vol. et 2 vol. supplém., 1878-1890). Cette énorme compilation dut à son caractère anecdotique et aux facilités qu'elle offrait aux journalistes pour la rédaction de leurs chroniques une vogue très grande. Par la suite, elle sera encore considérée comme un très amusant dictionnaire, mais le manque de plan méthodique et de proportion entre les articles, l'absence presque complète d'esprit critique en rendront très vite l'usage hasardeux; ce n'était, d'ailleurs, en aucune manière, une encyclopédie. On a tenté de compléter le Dictionnaire Larousse et de le  tenir au courant par une Revue encyclopédique qui paraîtra à partir de décembre 1890. Les éditions Larousse ont ensuite décliné sous diverses formes, tout au long du XXe siècle, et jusqu'à nos jours, cet ouvrage inaugural. 

Dans les autres pays . - En Italie, nous trouvons Nuova Encyclopedia italiana (Turin, 1841-1851, 14 vol.; 6e éd., par Boccardo, 1875 et suiv., 25 vol.); Dizionario universale di scienze, lettere ed arti de Lessona et C.-A. Valle (Milan, 1873 et suiv.) et l'Enciclopedia popolare economica de G. Berri (Milan, 1871 et suiv.).  - En Espagne, l'Enciclopedia moderna de Melledos (Madrid, 18481851, 34 vol.).  - Au Portugal, le Diccionario universal portuguez de Costa. Aucun de ces ouvrages n'est comparable aux grandes publications françaises, allemandes ou anglaises de la même époque.   - La Russie possède les encyclopédies en langue russe de Startschéwski (Saint Petersbourg, 1847-1855, 12 vol.) et de Pljuschar, Krajéwski et Beresin (Saint-Petersbourg, 1880, 15 vol.); celles en langue polonaise de S. Orgelbrand , l'Encyklopedya powszechna (Varsovie, 1859-1868, 28 vol.; abrégée en 12 vol., 1871 et suiv.). - Les Tchèques ont celle de L. Rieger et Maly (Prague, 18541874, 1874, 12 vol.; abrégée en  1873). - Les Hollandais ont Niewenhuis woordenbœk van kunsten en wetenschappen (La Haye et Leyde, 1851-1868,10 vol.); Algemeene Nederlandsche Encyclopedie vor den beschaafden stand (Zutphen, 1865-68, 15 vol.); Geillustreerde Encyclopedie de A. Wintler-Prins (Amsterdam, 1868-1882, 15 vol.). - Au Danemark, on a Nordisk Conversationslexikon (Copenhague; 3e éd., 1883 et suiv.) et Kortfattet Conversationslexikon (Copenhague, 1880, 2 vol.), en Suède, Nordisk familjebok (Stockholm, 1875 et suiv.) et en Norvège, Norsk Haandlexikon (Christiania, 1879 et suiv.).  - Rappelons enfin la tentative faite par Bistany (Beyrouth, 1876) pour publier une encyclopédie arabe.

La Grande Encyclopédie. 
De l'exposé historique qui précède, il résulte que, sauf en Angleterre, il n'avait été publié depuis le XVIIIe siècle aucun ouvrage comparable à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. En 1882, une société de savants et de gens de lettres entreprit, à l'instigation de Camille Dreyfus et de l'éditeur Baer, de combler cette lacune. Il ne s'agissait d'abord que de réaliser une entreprise analogue à celle de Brockhaus et d'Appleton. Mais bientôt le plan fut élargi par Dreyfus, d'accord avec les directeurs, aux proportions d'une véritable encyclopédie. Il prit son extension définitive lorsque Lamirault assuma l'exécution de cette grande entreprise. 

Ce qui caractérise l'oeuvre, c'est son impartialité complète; elle veut être l'inventaire exact et précis des faits connus et des doctrines acceptées ou discutées à  son époque. Sa publication a commencé en 1885 et elle a été achevée, en 1896, comprenant alors 31 volumes  de 1200 pages, chacune de ces pages renfermant 146 lignes de 50 signes. (L'édition de 1902, dont sont repris et adaptés dans des proportions diverses de très nombres articles de ce site, comprend en outre un atlas).

Rien n'a été abandonné au hasard; l'oeuvre était dirigée par un comité de douze membres : Marcellin Berthelot pour les sciences physiques et chimiques; Laurent et Laisant pour les sciences mathématiques et leurs applications; le Dr Hahn pour les sciences naturelles et médicales; Camille Dreyfus pour les sciences politiques, l'administration et les finances; Glasson pour le droit; Marion pour la philosophie; Levasseur pour la géographie; Waltz pour l'Antiquité classique;Derenbourg pour la philologie orientale; Giry pour l'histoire de France et d'Europe; Müntz pour les beaux-arts. Avec l'aide de leurs collaborateurs et du secrétariat de la rédaction, les directeurs dressaient d'abord, pour chaque lettre de l'alphabet, la liste des articles qui devraient être traités; ce vocabulaire était imprimé; on savait d'avance quelle devait être la part de chaque lettre dans l'ensemble; on répartissait entre les directions le total des lignes disponibles. Chacun des directeurs procèdait alors à la distribution entre ses collaborateurs des articles à traiter, en indiquant à chacun le nombre de lignes qui lui est assigné et la date de livraison des articles. Ceux-ci étaient visés en manuscrit par le directeur; le secrétariat vérifiait ensuite s'ils ne dépassent pas les limites fixées, s'ils traitaient bien la question sans empiéter sur une spécialité voisine, ni sur un mot déjà traité ou qui devait l'être ultérieurement. Ils étaient alors envoyés à l'imprimerie. 

Après les corrections d'épreuves, on établissait une mise en pages provisoire qui était soumise à une double révision par chacun des directeurs, de telle sorte qu'ils puissent contrôler non seulement leur spécialité, mais ses rapports avec l'ensemble. Ces contrôles multiples assuraient l'homogénéité de la Grande Encyclopédie; les articles étaient groupés d'après un système de renvois tel que de chacun on puisse se reporter à tous ceux qui traitent d'une question et remonter aisément aux principes généraux et philosophiques de chaque art et de chaque science. La qualité de chacun des articles pris isolément était garantie par le fait que tous ceux de quelque importance étaient signés et que les collaborateurs de la Grande Encyclopédie comptaient parmi les auteurs les plus qualifiés. Outre les directeurs, qui tous ont, contribué largement à la rédaction, quelques-uns par de véritables ouvrages (art. Alchimie de Berthelot, Alpes de Levasseur, Cassation et Dot de Glasson, Commune de Giry, etc.), nous mentionnerons Liard (art. Descartes), Boutroux (art. Aristote), Sarrau (art. Energie), Ferdinand Brunetière (art. Boileau, Bossuet, Corneille, etc.), Oppert (art. Assyrie, Babylone), etc.

Chacun des articles était d'ailleurs accompagné d'une notice bibliographique qui permettait de vérifier ses assertions et de trouver tous les renseignements complémentaires. Enfin, à côté de près de 15 000 gravures, l'Encyclopédie contenait plus de 200 cartes formant un atlas presque unique en France à cette époque. Elle réunisait les avantages des dictionnaires spéciaux ou des ouvrages comme le Conversations-Lexikon de Brockhaus à ceux d'une encyclopédie, car elle avait un vocabulaire plus riche qu'aucune autre.

La Grande encyclopédie comptait plus de 200 000 articles; un grand développement étant donné à la partie biographique et, par une innovation remarquable, on fit autant de place aux personnalités de l'étranger (surtout occidentales!) qu'aux personnalités nationales; les biographies espagnoles, italiennes, anglaises, russes, scandinaves, étaient plus complètes que dans nul autre dictionnaire de France, ou de l'étranger. Ce qui était remarquable, c'est que le comité de direction avait pu donner cette abondance et cette variété de détails sans rien sacrifier du caractère encyclopédique de l'oeuvre. (MauriceTourneux / A.-M. B.).



Alain Rey, Miroirs du monde, une histoire de l'encyclopédisme, Fayard, 2007. - Dans la conscience collective, les mots encyclopédie et dictionnaire sont étroitement liés. Ils sont définis sous le terme vague d'ouvrages de référence. Indispensables, ils sont souvent soumis à la critique : quelle est leur utilité? Peuvent-ils être tout à fait objectifs? Quelle est leur efficacité didactique? L'histoire de l'encyclopédie est indispensable à qui veut saisir la problématique du genre. De l'Antiquité à la Renaissance, en passant par l'Islam et l'Asie, Alain Rey, collaborateur de Paul Robert dès 1952 et lui-même auteur de plusieurs dictionnaires, en retrace les grandes lignes, suivant ainsi également l'évolution des langues et de leur étude. (couv). 
 
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