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La grammaire

Les signes orthographiques
La ponctuation
L'accent tonique
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Le discours
Les phrases et les mots
La proposition
Les fonctions
Le sujet, le complément, l'attribut
L'épithète, l'apposition
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La signification
Synonymes
Homonymes
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La syntaxe
L'ordre des mots
L'analogie
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Les parties du discours
Verbes, noms, adjectifs, articles, pronoms, prépositions, adverbes, conjonctions, interjections
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L'analyse grammaticale
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Des fautes de grammaire
Solécisme, barbarisme, pléonasme
Les formes grammaticales
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Les flexions

Les désinences
Les accords
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Le genre et le nombre

Le genre
Le nombre
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Les cas et les déclinaisons
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Les cas directs

Nominatif
Vocatif
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Les cas obliques

Génitif, datif, accusatif, ablatif
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Autres cas

Causatif, circonférentiel, instrumental, locatif, narratif, etc. 
La conjugaison des verbes
Typologie des verbes
Verbes neutres, transitifs et intransitifs, auxiliaires, fréquentatifs
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Les modes
Les modes personnels
Indicatif, impératif, conditionnel, subjonctif, optatif
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Les modes impersonnels
Infinitif, participe,
gérondif, supin
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Les temps
Présent
Passé
Imparfait,
Aoriste
Futur
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Les voix (formes des verbes)
Actif, passif,
déponent, moyen

Les personnes

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La grammaire (latin grammatica, du grec gramatikhtexnh, c.-à-d. à proprement parler la connaissance des lettres (grammata), l'art de lire et d'écrire), a pour objet une étude du langage dans une certaine perspective. Cette étude se propose un double but : 
1° l'élucidation des structures et des règles qui permettent de bien parler, écrire une langue particulière; 

2° la mise en évidence systématique des éléments constitutifs d'une langue particulière. 

Le nom de grammairiens s'applique à ceux qui s'occupent de ces études, bien qu'il soit aujourd'hui peu en honneur et qu'on aime mieux se traiter de philologue, de linguiste ou de tout autre nom qui semble plus relevé. Il est vrai aussi, que l'objet de la grammaire a changé au fil du temps et que le termes de philologue, de linguiste et de grammairien ne sont plus synonymes. On a ainsi considéré d'abord  comme faisant partie de la grammaire les études consistant à analyser et comprendre les textes, principalement dans les langues anciennes, ce qui relève aujourd'hui de la philologie. De plus, on a assigné à la grammaire pour but de faire la comparaison des différentes langues, ce qui a donné naissance à la grammaire comparée et qui est aujourd'hui du domaine propre de la linguistique (linguistique synchronique). La linguistique s'occupe également de l'évolution des langues (linguistique diachronique, étymologie), ainsi que de l'étude des sons articulés (phonétique, phonologie).

La grammaire proprement dite se borne donc, dans sa forme la plus traditionnelle, à étudier une seule langue, dans sa forme la meilleure et la plus conforme au bon usage, en donnat les règles pour la bien parler et l'écrire correctement. Dans une acception plus contemporaine, elle vise simplement à l'établissement des règles permettant de produire tous les énoncés possibles dans une langue donnée.  Il y a ainsi la grammaire de chaque langue, de chaque variété de langage. La grammaire d'une langue se propose classiquement de connaître deux objets :

1° la manière dont les sons articulés sont combinés pour signifier les idées; c'est ce qui est nommé quelquefois la morphologie

2° la manière dont les mots constitués sont construits pour exprimer la pensée; c'est la syntaxe.

Histoire de la grammaire.
La grammaire est née de la nécessité d'interpréter les textes dont la langue était morte ou vieillie; elle s'est développée spontanément chez les Indiens, qui voulaient interpréter les Védas, et chez les Grecs, pour lesquels la langue d'Homère avait besoin d'être expliquée. L'Inde communiqua la science grammaticale à la Chine; la Grèce la donna à Rome, d'où elle passa chez les peuples occidentaux, et aux Syriens, qui la transmirent aux Persans et aux Arabes. Les premiers grammairiens, chez les Grecs, furent les philosophes et les dialecticiens, qui commencèrent à étudier la proposition et les parties du discours; Platon (Cratyle, le Sophiste), Aristote (Rhétorique, peri ermeneias  et les Stoïciens nous montrent les débuts de cette science. Mais l'influence de la dialectique sur l'étude du langage ne se fit guère sentir après l'école stoïcienne; après Chrysippe, la grammaire s'attacha plutôt à étudier les poètes qu'à continuer les théories philosophiques. Aristophane de Byzance fut pour ainsi dire le père de cet enseignement; il eut pour élève Aristarque, qui lui-même compta de nombreux disciples, parmi lesquels Denys le Thrace, auteur d'une tekne  grammatke, où nous trouvons une définition de la grammaire qui nous montre le sens qu'on attachait alors à ce mot : 
« La grammaire est la connaissance expérimentale de ce qui se rencontre le plus communément chez les poètes et les prosateurs. Elle contient six parties : l'art de la lecture; l'explication des tropes; l'art de reconnaître les archaïsmes et les détails de mythologie et de géographie ; l'exposé raisonné des règles de déclinaison et de conjugaison; la critique littéraire qui est la plus belle partie de l'art. » 
D'autres grammairiens, contemporains ou successeurs de Denys, comprirent la grammaire de la même façon; les plus célèbres sont Apollonius Dyscole et son fils Hérodien, dont nous possédons encore quelques ouvrages. A la fin du second siècle après J.-C., des lexicographes, comme Phrynichos et Moeris, étudièrent surtout le dialecte attique. Pendant la période byzantine, la grammaire se composa, en général, d'extraits d'Hérodien.

Les Latins suivirent exactement les Grecs; Quintilien (1, 4, 2) définit la grammaire : recte loquendi Scientia et poetarum enarratio. Les grammairiens latins les plus connus furent Varron (De Lingua Latina), Verrius Flaccus, dont l'ouvrage nous est parvenu abrégé par Festus (De Verborurn significatione), Palémon (Ars grammatica), Probus (Catholica), Donat, le maître de saint Jérôme (Ars grammatica), dont un abrégé (Ars minor) fut en usage jusqu'au XVIe siècle; Charisius, Diomède et enfin Priscien, professeur à Constantinople au commencement du VIe siècle, dont les Institutiomes grammaticae en dix-huit livres contiennent tout ce qu'on enseignait alors sur les parties du discours et la construction. Donat et Priscien furent les deux guides des grammairiens latins du Moyen âge, comme Hérodien servit de maître aux grammairiens grecs de cette époque. 

Les premiers, à partir du XIIe siècle, s'occupèrent assez peu d'étudier les mots et leurs fonctions; leurs ouvrages ne furent que des compilations qui devaient servir de thème à l'argumentation et au commentaire; l'esprit scolastique s'en tenait principalement à l'étude des traités passant pour faire autorité, dont on discutait les théories en commentant les idées générales sans se soucier beaucoup de l'usage; tout au plus se référait-on au latin de la Vulgate et des Pères de l'Église. Pierre Elie, Alexandre de Villedieu, Ebrard de Béthune sont les plus connus de ces grammairiens. Mais il fallut arriver à la Renaissance pour que la grammaire latine se fondât sur l'usage des écrivains latins classiques; Lorenzo Valla (Elegantiaes linguae latinae) fut en quelque sorte le rénovateur de ces études. 

Antonio de Lebrija, Despautère, Sanchez (en latin Sanctius), le jésuite Alvarez (Alvarus), continuèrent cette tradition au XVe et au XVIe siècle; le plan d'Alvarez fut suivi, en général, par les jésuites qui s'occupèrent des langues américaines, et la grammaire latine de Lancelot (Grammaire latine de Port-Royal, 1644) fut faite d'après la Minerva de Sanctius. La grammaire grecque, déjà même avant la prise de Constantinople, fut traitée par des érudits comme Chrysoloras et Théodore Gazis, qui connaissaient les grands écrivains et songèrent plus à donner les règles de la langue classique qu'à s'occuper de discussions subtiles; aussi leurs ouvrages sont-ils bien supérieurs aux grammaires latines contemporaines; et celle de Lascaris, qui vint après, est loin d'être dépourvue de valeur; mais les premières grammaires grecques qui eurent de la réputation sont dues à des savants occidentaux, le Flamand Clénard et le Toscan Canini. 

D'autres savants, et quelques théologiens du XVIe siècle, en vue d'une étude approfondie du Nouveau Testament, composèrent des grammaires grecques : Enoch, Sanchez, Ramus, Crusius, Sylburg, etc., jusqu'à ce qu'enfin Lancelot (Grammaire grecque de Port-Royal, 1655) fit pour le grec ce qu'il avait fait pour le latin en réunissant dans une vaste compilation les vues et les théories de ceux qui l'avaient précédé. Les grammaires dites de Port-Royal jouirent d'une grande renommée en France et à l'étranger, et servirent longtemps de manuels pour l'étude des langues latine et grecque; mais, à mesure qu'on pénétra davantage dans la connaissance des chefs-d'oeuvre anciens, qu'on collationna les manuscrits, qu'on remania les textes, et qu'on se rendit un compte plus exact des caractéristiques de chaque langue, les théories se développèrent avec plus de précision, et les traités de grammaire, jusque-là presque exclusivement empiriques, prirent un essor tout nouveau, en s'appuyant sur des principes plus raisonnés. 

La grammaire des langues anciennes devint de plus en plus grammaire historique, et l'origine même des formes, ainsi que leur évolution, fut un des principaux objets d'études; la syntaxe, jusqu'alors assez négligée, fut une des parties importantes de tous les ouvrages. Il sortit de là des grammaires à l'usage des classes, comme la grammaire latine de Lhomond et les méthodes de Burnouf, et de véritables traités scientifiques, comme les ouvrages de Buttmann, de Matthiae, de Lobeck, de Kühner, de Kruger, de Madvig, et d'autres maîtres de notre époque. Enfin, pour contribuer plus efficacement encore à la connaissance des langues, des savants plus particulièrement familiarisés avec un auteur classique entreprirent de donner des grammaires de la langue spéciale d'un grand écrivain; c'est ainsi que nous avons des études sur la langue d'Homère, de Virgile, des Pères de l'Eglise, etc. La connaissance du sanscrit, favorisée surtout par l'occupation anglaise des Indes, fut le point de départ des études de grammaire comparée; nous renvoyons pour l'histoire du développement de cette science à l'art. Linguistique; (de même l'histoire de la grammaire générale trouvera sa place aux articles Langage et art Oratoire.

La grammaire française.
L'étude de la langue française ne commença guère qu'au XVIe siècle; au Moyen âge, il n'y a pas de grammaires françaises, bien qu'il existe déjà, en Angleterre, des traités de prononciation du français. Nous distinguerons, pour l'histoire  de la grammaire du français, deux périodes 1 ° de Palsgrave (1530) à Vaugelas (1647); 2° après Vaugelas. Dans la première période, nous trouvons deux classes de grammairiens : les uns, connus sous le nom de maîtres de langues, font des grammaires pour apprendre le français aux étrangers, Anglais, Allemands, Hollandais; les autres sont des Français qui composent des ouvrages pour donner de l'importance à leur langue et rivaliser avec les grammairiens latins et grecs ; ils s'occupent surtout de la prononciation et de l'orthographe. Parmi les premiers, Palsgrave est le plus connu; citons encore Cauchie, Naupas, Martin, Oudin; les autres, qui furent plutôt des théoriciens, sont notamment Dubois, en latin Sylvius (In Linguam Gallicam isagogae, 1531), qui, seul de son temps, parle des permutations de lettres du latin en français, Meigret, Ramus, Robert et Henri Estienne. 

Les Remarques de Vaugelas (1647) font époque dans l'histoire de la grammaire française; elles eurent une grande influence surtout sur la langue écrite, et assurèrent au style français deux qualités précieuses: la netteté et la régularité. Vaugelas est pourtant un faible grammairien, en ce sens qu'il s'occupa exclusivement de l'usage et voulut décider des cas douteux seulement par le raisonnement, sans chercher d'appui ni dans le latin ni dans la langue du Moyen âge. Ménage le fit, mais de telle façon que son érudition indigeste détourna de cette méthode; d'ailleurs, le goût du XVIIe siècle n'était pas à ce genre de travaux. Cependant Patru rechercha les causes de certains faits dans l'ancienne langue. Après Vaugelas et à son exemple, le P. Bonhours et Andry dit Bois-Regard publièrent des remarques sur la langue française. 

D'autres firent des grammaires : le P. Chifflet, de La Touche, Regnier Desmarais, secrétaire perpétuel de l'Académie, le P. Buffier, Restaut, etc. La publication du Dictionnaire de l'Académie (1694) et ses éditions successives ravivèrent encore les études grammaticales et surtout la recherche du bon usage; les travaux sur cette partie de la grammaire deviennent de plus en plus nombreux au XVIIIe siècle; citons les noms de d'Olivet, Dumarsais, de Wailly, Domergue. La compilation de Girault-Duvivier (Grammaire des grammaires, 1811) est depuis longtemps insuffisante, bien qu'elle ait eu un grand nombre d'éditions en peu de temps. Plus près de nous, enfin, Auguste Lemaire publia une grammaire bien supérieure, dont les définitions sont généralement nettes et justes, et qui a le mérite de citer exclusivement des écrivains faisant autorité; notons encore la Grammaire comparée de la langue française du professeur suisse Ayer. Nous ne pouvons terminer cette rapide histoire de la grammaire française jusqu'au seuil du XXe siècle sans citer le grand nom de Littré, dont les travaux sur la langue française ne sont pas un des moindres titres de gloire. (Mondry Beaudouin)

De tels ouvrages ont été composés pour toutes les langues, et chaque peuple peut faire ainsi l'histoire de sa grammaire; dans l'exposé qui suivra, nous nous bornerons nécessairement à faire une histoire succincte de la grammaire française. D'autres savants, guidés par une pensée plus philosophique, s'attachèrent à considérer le langage en lui-même, dans son essence première, et à découvrir les lois de sa structure intérieure, dans leur rapport avec les opérations de l'esprit, indépendamment de toute langue particulière; ce genre d'études fut appelé grammaire générale, ou « la science raisonnée des principes communs à toutes les langues » (Littré). Mais les théories grammaticales n'en sont pas restées là; la grammaire se créa encore d'autres domaines, ou plutôt l'observation des phénomènes du langage donna lieu à des études plus élevées, à mesure que la connaissance des langues devint plus étendue. Des esprits chercheurs et audacieux ne se contentèrent plus d'étudier le langage en purs philosophes ou en simples grammairiens; ils considérèrent non plus le langage dans ses principes, ni une langue unique dans sa structure; ils embrassèrent dans leurs travaux plusieurs langues qui leur parurent avoir des affinités, puis, tentant enfin une classification des langues, les distinguèrent en groupes et en familles, pour étudier les divers idiomes d'un même groupe dans leurs ressemblances et leurs différences, les ramener à leurs types primordiaux et découvrir les lois de leur évolution respective, au triple point de vue phonétique, flexionnel et syntactique : c'est là l'objet de la grammaire comparée, terme qui chez nous s'est substitué dans l'usage au nom plus exact de grammaire comparative (vergleichende Grammatik) que lui donne la science allemande. Enfin l'on reconnut, en ce qui concerne une langue unique, qu'il ne suffisait plus de l'étudier dans sa forme actuellement vivante, et de constater simplement les lois de son développement général; on voulut connaître les intermédiaires entre son origine et son état présent; on rechercha les monuments de cette langue aux différentes époques de sa vie, on en publia et commenta les textes, on reconnut les stades de son évolution, les aspects divers qu'elle revêt dans le cours des siècles, et l'on établit ainsi, par une méthode d'investigation appropriée, à l'aide de la diplomatique et de la paléographie, la grammaire historique de cette langue, c.-à-d. l'histoire de ses états successifs et de leur enchaînement pendant toute la durée de son existence.

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