|
. |
|
L'histoire
de la médecine
La médecine au XVIIe siècle |
Le
XVIIe siècle
inaugure une ère nouvelle, surtout caractérisée par
la disparition du règne de l'autorité. La découverte
de l'imprimerie au XVe
siècle, le réveil des lettres
et de la philosophie platonicienne, la réforme
religieuse accomplie au XVIe
siècle y contribuèrent puissamment,
bien que cette dernière, par les sanglantes luttes qu'elle suscita,
ait retardé les progrès de la pensée et l'essor de
la médecine et des sciences en
général, du moins dans quelques pays tels que la France
et l'Allemagne. La querelle de l'idéalisme
et du réalisme avait engendré
la critique et le scepticisme surtout représentés
par Montaigne et par Francisco
Sanchez. Mais le coup de grâce fut porté au principe d'autorité
par Francis Bacon de Verulam qui remit en honneur
la logique d'induction, base de la méthode
expérimentale, et par René Descartes,
qui donna les règles de la méthode
rationnelle.
Ces deux grands penseurs exercèrent une influence considérable sur l'ensemble des sciences, influence inégale cependant, surtout en ce qui concerne la médecine. A cet égard, l'influence de Descartes fut plus grande. D'ailleurs, Bacon n'inventa pas la méthode d'induction dont Aristote avait parfaitement formulé les règles, et que ses contemporains, Kepler, Galilée, appliquèrent avant qu'il ne la codifiât en quelque sorte. On peut même lui reprocher d'avoir, dans les applications, attaché une importance excessive aux procédés logiques qu'il substitue volontiers à l'observation et à l'expérimentation, sans compter que trop souvent il revient aux préjugés du Moyen âge : telle son explication de la physique et d'une foule de phénomènes naturels par l'intervention d'esprits invisibles et intangibles. Si, en médecine, il donne avec raison une grande importance à l'anatomie et à la physiologie, qu'il fait reposer sur les vivisections, en thérapeutique à la chimie, en revanche, en hygiène, il poursuit la chimère de la panacée universelle, l'or potable, nécessaire selon lui pour la prolongation de la vie. Descartes
a été beaucoup plus médecin que Bacon;
aussi, bien qu'il affectât quelquefois du mépris pour la méthode
expérimentale, a-t-il exercé sur cette science une influence
bien supérieure à celle de Bacon. La grave erreur de Descartes
a été sa prétention de ramener la philosophie,
par l'union des méthodes analytique et synthétique, à
la certitude mathématique. D'ailleurs les règles fondamentales
dans lesquelles il renferme sa célèbre Méthode se
trouvent déjà dans Aristote, et
souvent il a lui-même négligé de les suivre, procédant
a priori là où il aurait fallu employer la déduction
et n'enfantant ainsi que de vaines hypothèses.
Quoi qu'il en soit, Descartes a été physiologiste et, comme
tel, il a reconnu le rôle important que joue la cellule
dans la formation des organismes, contribué à propager la
découverte de la circulation du sang,
étudié le rôle du suc gastrique dans la digestion et
surtout établi la théorie de la vision; en faisant des vaisseaux
capillaires le siège des principaux phénomènes
de la nutrition et du cerveau le siège de toutes nos facultés
intellectuelles et morales, l'organe supérieur de la pensée
et du sentiment, il ne s'est pas trop éloigné
de la vérité.
L'âme est,
il est vrai, répandue dans tout le corps pour Descartes - c'est
une réminiscence du système
péripatéticien - mais elle a pour organe immédiat
la glande pinéale, lieu de passage obligatoire pour tous les esprits
animaux émanés du sang. A part cette localisation singulière,
en remplaçant le mot « esprits animaux » par celui d'«
influx nerveux », on constatera que les idées de Descartes
sur la fonction cérébrale ne sont pas si absurdes qu'on a
bien voulu le dire. Quoi qu'il en soit, en faisant jouer un rôle
si important aux mouvements des parties solides et liquides dans le fonctionnement
des organismes, il a engendré les deux grands systèmes qui
ont régné dans la médecine au XVIIe
siècle, l'iatromécanisme
et l'iatrochimisme.
William Harvey. La découverte de la circulation par William Harvey (1578-1658) qu'on peut considérer comme l'événement capital de l'histoire médicale au XVIIe siècle, a exercé une influence prépondérante sur les progrès de l'art de guérir. Cette influence ne se fit pas sentir immédiatement, il est vrai, car si la découverte de Harvey a eu ses partisans, tels que Descartes et Pecquet, elle a eu aussi ses adversaires, parmi lesquels le célèbre Riolan, doyen de la faculté de Paris, et Plemp, qui fit amende honorable. Les Aselli, les Pecquet, les Van Horne, les Rudbeck, les Th. Bartholin, les M. Malpighi, les Cowper, etc., vinrent compléter la découverte de Harvey par de nouvelles découvertes. En même temps, l'anatomie progresse entre les mains de Malpighi (1628-1694), de Ruysch (1638-1734), de Leeuwenhoeck (1632-1723), dont les travaux fondent l'anatomie des tissus (histologie). Parmi les grands anatomistes de cette époque noue aurions à citer encore bien des noms : Swammerdam, de Graaf, en Hollande; les Bartholin, Stenon, au Danemark; Verheyen, en Flandre; Brünner et Payer, en Allemagne; Havers, Willis et Wharton, en Angleterre; Vieussens, Littre, Méry, Duvernoy,en France; Lancisi, en Italie, etc. Enfin, Bartholin, Tulp, Wepfer, Ruysch, Payer perfectionnent l'anatomie pathologique, dont les débuts remontent au XVIe siècle et qui devait faire la gloire de Morgagni au XVIIIe siècle. La chirurgie est
également représentée par des noms illustres tels
que Cesare Magati (1597-1647),
en Italie; Dionis, le médecin de Louis XIV,
mort en 1718;
Méry (1645-1722);
Beaulieu ou Baulot (1651-1714),
en France; Tulp (1593-1674),
Van Horne (1621-1670),
C. Van Solingen (1641-1687), Van Roonhuyzen, Van Deventer, Paltyn, etc.,
en Hollande; Fabrice de Hilden (1560-1634),
Scultet (1595-1645),
Purmann (1648-1721),
en Allemagne, etc. Dans l'art obstétrical, nous relevons les noms
de Louise Bourgeois (née vers 1564),
de Marguerite de La Marche, de Mauriceau (mort en 1719),
de Portal (mort en 1703),
de Peu (mort en 1707),
de Justine Siegmundin (morte en 1705),
de Job. Van Hoorn (1661-1724),
etc.
Leçon d'anatomie de Willem van der Meer, par Jansz van Mierevelt (1617). Médecine
pratique.
Borelli
(1608-1679),
plutôt philosophe et mathématicien que médecin, peut
en être considéré comme le créateur; son élève
Bellini (1643-1704)
n'ajouta pas grand-chose au système de Borelli, qui resta entre
ses mains une sorte de compromis entre la chimiatrie et l'iatromécanisme.
C'est G. Baglivi (1669-1707),
élève de Malpighi, qui donna à
la nouvelle doctrine sa consécration et son indépendance.
Bon clinicien, excellent observateur, expérimentateur à la
façon hippocratique, il a su éviter en médecine les
erreurs théoriques dans lesquelles il est tombé en physiologie
et en anatomie. A côté de lui se place Ramazzini (1633-1706),
qui fut également un habile praticien. Les iatrophysiciens anglais
furent moins indépendants et firent plus de concessions à
l'iatrochimisme, dont ils conservèrent les esprits vitaux et les
ferments. Leur principal représentant fut Archibald Pitcairn (1652-1743)
d'Edimhourg. Partout ailleurs l'iatrochimisme était prédominant;
mais il ne devait pas tarder à succomber sous les coups de ses adversaires,
et naturellement ce qu'il pouvait renfermer de bon disparut avec lui.
Page de garde du De Motu Animalium de Borelli. latrochimisme.
C'est François de Le Boë ou Sylvius (1614-1672), anatomiste éminent, clinicien remarquable, qui a fait de la chimiatrie un système cohérent. L'archée de Van Helmont est remplacé par un corps subtil, mais matériel, qui dirige les réactions chimiques, les fermentations, les effervescences, etc., dont les opérations vitales sont l'expression. Le maladie consiste en des réactions anormales, dues aux âcretés alcalines ou acides des humeurs, et la thérapeutique trouve dans la chimie le moyen de calmer ces acrimonies. L'Angleterre
fit bon accueil à l'iatrochimisme, dont le principal partisan dans
ce pays fut Thomas Willis (1622-1675),
surtout célèbre par son Anatomie du système nerveux,
mais peu heureux dans sa pratique. Dans sa pathologie, il exagéra
le rôle des fermentations. En Allemagne,
les principaux chimiatres furent Ettmüller (1644-1683),
professeur à Leipzig; W. Wedel (1645-1741),
professeur à Iéna, et Schelhammer (1649-1746),
également professeur à léna;
et c'est aussi dans ce pays que ce système vécut le plus
longtemps. Mais en Angleterre, l'iatrochimisme eut pour ennemis le chimiste
Robert Boyle et surtout le clinicien Sydenham,
qui mérita le nom d'Hippocrate anglais que l'histoire a consacré.
En Italie
et en Hollande,
il succomba sous les coups de l'iatromécanisme; en France,
il eut à lutter contre le galénisme, qui réussit à
proscrire l'antimoine de la thérapeutique par deux décrets
du parlement. Mais l'antimoine triompha, dans une maladie de Louis
XIV, en 1658,
entre les mains de Guénaut, et il fut solennellement réhabilité
par le parlement en 1665.
Malgré ce triomphe, la chimiatrie avait vécu, comme système.
R. Morton (1635-1698), contemporain et émule de Sydenham, partisan comme lui de la méthode hippocratique, l'un des introducteurs du quinquina en Angleterre, fut plus érudit que Sydenham, mais se perdit davantage dans les théories. En France, deux cliniciens de Montpellier, Barbeyrac et Chirac, jouirent d'une réputation égale à celle de leurs rivaux anglais, mais ils ne la méritaient pas. Mentionnons enfin, parmi les praticiens éminents du XVIIe siècle : J.-J. Manget (1652-1742), le grand bibliographe de Genève, et Théophile Bonet (1620-1689), célèbre par son Sepulchretum (Genève, 1679), puis C. Bonnet (1617-1655), qui a publié le Theatrum tabidorum (Londres, 1656); Fr. Glisson (1597-1671), de Cambridge, célèbre par ses travaux sur le foie et sur le mouvement des animaux, ainsi que par son traité De Rhachilide (Londres, 1660), le précurseur de la théorie de l'irritabilité; R. Lister (mort en 1711), de Londres, auteur des Exercitationes; P. Tulp (1593-1678), bien connu par ses Observations medicae (Amsterdam, 1652); I. Van Diemerbroeck (1609-1647), de Nimègue, qui décrivit l'effroyable peste de 1635-1637; J. Bont (mort en 1631), célèbre par un ouvrage sur la médecine des Hindous; G. Lepois ou Piso (1611-1678), connu par sa Topographie médicale du Brésil, parue en 1658 avec l'ouvrage de Bont; enfin J.-J. Wepfer (1620-1695), de Schaghouse, dont on a un remarquable ouvrage sur l'apoplexie (1658) et à qui l'on doit une série d'expériences sur les poisons. La thérapeutique galénique reçut, au XVIIIe siècle, des coups dont elle ne se releva pas. C'est surtout l'introduction dans la thérapeutique du quinquina qui fut fatale au galénisme; préconisé par Sydenham et par Morton, ce précieux médicament trouva des adversaires irréconciliables dans l'école de Paris, et, en Allemagne, dans Stahl. Après la publication de l'ouvrage de Torti sur les fièvres périodiques (1709), le triomphe du quinquina fut définitif. L'ipécacuanha eut également de la peine à se faire accepter; dès 1648, Piso signala l'emploi qui en était fait au Brésil; le médecin français Le Gras l'introduisit en Europe en 1672;Helvétius, le fils, en vendit le secret 1000 louis à Louis XIV, et alors seulement acquit droit de cité dans la thérapeutique. L'arsenic, l'un des arcanes des paracelsistes, devint d'un usage courant comme caustique et fut employé à l'intérieur, grâce à Fowler, mais ses nombreuses propriétés n'ont guère été étudiées qu'au XIXe siècle. Enfin, l'art pharmaceutique se perfectionna notablement à la suite de la publication de la Pharmacopée de J.-C. Schreeder (1600-1664), médecin de Francfort, et surtout de l'ouvrage capital, De Pharmacia moderno saeculo accomodata (Gotha, 1671), mis au jour par D. Ludwig de Weimar (1625-1680). Sciences naturelles.
|
. |
|
|
||||||||
|