| Pierre IV, roi d'Aragon, dit le Ceremenioso et En Pere del Punyalet, né à Balaguer (Lérida) en septembre 1317 ou 1319, mort à Barcelone le janvier 1387 (L'Espagne médiévale). II était fils du roi Alphonse IV et de sa première femme, la reine Thérèse de Entenza. Les premières années de son règne (1366-1368) furent occupées par des querelles domestiques avec la reine veuve, doña Leonor, et ses frères les infants Ferdinand et Juan, terminées par la médiation de don Juan Manuel de Castille et de l'infant don Pedro, oncle du roi. Bientôt l'attention de celui-ci fut attirée par le péril de nouvelles invasions des Maures (L'Espagne musulmane); pour repousser ces invasions, il prêta son aide au roi castillan Alphonse XI. Après la défaite des Maures à Salado, Pierre se proposa de réaliser un de ses vieux politiques, le rattachement de Majorque au royaume aragonais. Profitant des vues de la France sur la ville de Montpellier, qui appartenait au roi de Majorque Jacques II, son vassal, au lieu de l'aider, il formula contre lui plusieurs griefs, Jacques accourut à Barcelone pour se défendre, mais Pierre, qui voulait donner une autre tournure aux choses, fit semblant de croire que Jacques conspirait contre lui et l'accusa de haute trahison. La guerre déclarée pour ce motif, le roi d'Aragon se dirigea contre Majorque (1343), dont il s'empara aisément. Puis, il annexa également le Roussillon. Mais, cependant, à l'intérieur, la lutte contre la noblesse anarchique et la couronne était toujours latente, et le plus simple prétexte pouvait la faire éclater de nouveau. Ce prétexte, le roi l'offrit, en dépouillant son frère Jacques, procureur général du royaume, de ce titre et de ses droits de succession à la couronne, pour les transférer à sa fille, l'infante Constance. La noblesse d'Aragon et celle de Valence se révoltèrent, aidées par quelques villes et dirigées par Jacques, formant de nouveau l'alliance dite l'Union, qui avait déjà fait fléchir Pierre II et d'autres rois. Pour le moment, Pierre IV dut aussi se soumettre; il accéda, dans les Cortès de Saragosse de 1347, aux pétitions de la noblesse. Mais la lutte n'était pas terminée. Le 12 novembre de la même année, Jacques mourait, d'après la voix populaire, empoisonné, et les partisans de l'Union se révoltèrent de nouveau à Valence. Pierre accourut. A Murviedro il fut capturé par les révoltés dont il eut à supporter les insultes. Il réussit à s'évader, il réunit une nouvelle armée brisa complètement les forces des unionistes d'Aragon à Epila, fit son entrée triomphale à Saragosse et abolit le privilège de l'Union avec lequel les nobles avaient conquis des droits abusifs pendant le règne d'Alphonse III (Les royaumes chrétiens médiévaux). Il fixa les attributions du Justicia Mayor comme procureur général, lui donna deux lieutenants ou adjoints (lugartenientes) et lui désigna pour résidence invariable Saragosse; mais il ne toucha pas aux lois politiques consignées dans le Privilegio general du temps de Pierre III, différent de celui de l'Union. On dit que le roi déchira lui-même, avec son poignard, le parchemin où était écrit ce dernier privilège, avec une telle furie qu'il se blessa. A cause de cela, il fut appelé Pierre du Poignard (En Pare del Punyalet). Le roi couronna sa victoire en faisant tuer plusieurs personnes affiliées à l'Union. Puis, il marcha contre les révoltés de Valence, qu'il vainquit aussi. Quelques-uns furent obligés de boire le bronze fondu de la cloche qui convoquait aux assemblées de l'Union. Débarrassé de la guerre civile, Pierre concentra son attention sur les affaires de Sardaigne et d'Italie. Allié avec les Vénitiens, il lutta avec succès contre les Génois. Peu après éclata la guerre avec Pierre Ier de Castille, qui se prolongea jusqu'en 1369. Pendant ce temps, il eut encore à se préoccuper des troubles de Sardaigne, et, plus tard, des prétentions du duc d'Anjou au comté de Roussillon. On fut sur le point de résoudra la question par la force (1376) ; mais, grâce à la médiation des rois de France et de Castille, le duc renonça à ses droits. En 1386, la Sardaigne se soumit. En 1381, Pierre avait accepté la suzeraineté du duché d'Athènes, fondé par des aventuriers catalans, aragonais et navarrais (les Almogavares). Les malheurs domestiques précipitèrent la mort du roi, abandonné, aux derniers moments, de toute sa famille. Il fut marié quatre fois la première, avec Marie, fille du roi de Navarre (1338); la seconde, avec Eléonore, fille du roi du Portugal, AIphonse IV; la troisième, avec une autre princesse, Eléonore de Sicile (1349), et la quatrième, avec Sibilia de Forcis (1377). Par succession d'Eléonore de Sicile, il réunit de nouveau cette île (1380) à la couronne d'Aragon. Pierre IV était de caractère aussi énergique, mais plus faux, que son rival Pierre de Castille. II savait dissimuler ses desseins sous les dehors d'une politesse qui lui valut le nom de Ceremonioso. II fonda l'Université de Huesca, protégea les hommes de lettres; lui-même écrivit des vers en provençal. Il a été enterré au monastère de Poblet. (R. Altamira). | |