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Les royaumes chrétiens de l'Espagne médiévale La Reconquista |
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La lutte contre les Maures (L'Espagne musulmane) installés tout près d'eux a été dès le premier jour ( c'est-à-dire depuis le début du VIIIe siècle) et pendant plusieurs siècles, la grande préoccupation des souverains chrétiens de l'Espagne médiévale; on s'en rendra compte en étudiant les lignes principales de l'histoire des royaumes indigènes, depuis le moment même où les Arabes ont été installés dans la Péninsule. Ainsi, comprendra-t-on comment ces États se sont formés, comment ils ont évolué depuis le premier jour, comment ils ont pu mener à bien la reconquête des différentes parties du territoire de la Péninsule sous le pouvoir des Musulmans, comment enfin, peu à peu, se sont développées chez eux des institutions qui devaient faciliter la grande oeuvre d'unification menée à bien, à la fin du XVe siècle, par les célèbres rois catholiques, qui s'appellent Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille (L'Espagne pendant la Renaissance). La « Reconquista » Les débuts des États Chrétiens. Ramire Ier (842-850), le successeur d'Alphonse II, dut repousser une invasion des Vikings qui, en 844, firent leur apparition sur le littoral de la Galice et des Asturies. Son fils Ordoño Ier (850-866) vainquit à Clavijo le renégat Moûsâ, de la famille des Beni Casi, une famille qui descendait d'un certain Cassius, un colon romain, qui avait continué de prospérer sous les Wisigoths, et qui s'était désormais islamisée et avait même fondé un État en Aragon. Après lui, Alphonse III le Grand (866-910) battit les Musulmans à Zamora et les refoula jusqu'à la Sierra Morena il fit alliance avec le roi de Navarre, Garcia, dont il épousa la fille, Chimène. Mais la reine et ses fils conspirèrent contre lui et se partagèrent son royaume : Garcia prit le Leon, Ordoño la Galice et Fruela les Asturies. Tandis que ces événements se déroulaient dans la région du Nord-Ouest de la Péninsule Ibérique, d'autres États chrétiens se constituaient plus à l'est. L'exemple de Pélage (Pelayo) avait, en effet, été suivi par d'autres chefs chrétiens. Quelques années après la bataille de Covadonga, des seigneurs basques et gascons avaient fondé dans le territoire de Sobrarbe des principautés chrétiennes qui, accrues peu à peu d'autres territoires, formèrent au IXe siècle le royaume de Navarre. Cependant, sur la frontière orientale des Asturies, un certain nombre de chefs militaires ou comtes se fortifiaient dans leurs castillos ou châteaux, au fur et à mesure que les Arabes perdaient du terrain. Ils finirent par former, avec Burgos pour centre, le comté de Castille, qui devint indépendant en 930. Auparavant déjà, sur les rivages de la Méditerranée, les Catalans avaient constitué comme le noyau de la résistance aux Musulmans. Ils appelèrent à leur aide les Francs qui s'emparèrent de Barcelone en 800, et bientôt on compta en Catalogne, dans la «-marche d'Espagne », jusqu'à neuf comtes, wisigoths ou francs. L'un d'eux, Guifré le Velu, comte de Barcelone (874-896), soumit ses voisins à sa suzeraineté et se rendit indépendant des Carolingiens de France. Ses successeurs continuèrent I'oeuvre de la reconquête, jusqu'au moment où l'un d'eux, Bérenger IV monta, au XIe siècle, sur le trône d'Aragon. Ainsi se constitua contre la puissance arabe, de la Corogne au cap Creus, une chaîne ininterrompue de petits États chrétiens. La formation du royaume de Léon. Union de la Castille avec le Léon. C'est seulement au début du XIe siècle que finit cette période, avec le fils et successeur de Bermude, Alphonse V le Noble, qui fit contre les Maures, au Portugal, une campagne victorieuse marquée par la bataille de Calatañazor ( = la Montagne de l'Aigle) [1002]. Tué devant Vizeu, qu'il assiégeait, Alphonse V eut pour successeur son fils Bermude III (1027-1037). Celui-ci, au lieu de poursuivre la lutte contre les Musulmans, voulut agrandir ses États au détriment de son beau-frère Ferdinand de Navarre, un fils cadet de Sanche le Grand, qui avait épousé la veuve du comte de Castille Garcia, et avait pris le titre de roi de Castille. Bermude fut battu et tué, en 1037, à Tamaron et Ferdinand se fit alors proclamer roi de Castille et de Leon, réunissant ces deux royaumes sous un même sceptre. Ferdinand Ier le Grand et Alphonse VI. Fueros. - On désigne ainsi en Espagne les droits et privilèges particuliers de certaines provinces du Nord, ainsi que les chartes qui les consacrent. L'origine de ces privilèges remonte aux commencements de la monarchie espagnole; ils existaient déjà au temps de la lutte des petits rois de l'Espagne septentrionale contre les Maures, et paraissent modelés sur les lois des Wisigoths. Le premier des fueros écrits qui soit connu est celui de Léon qui date de 1020. C'est à Alphonse VI qu'on doit la plupart des fueros les plus populaires : en 1076, ce prince rédigea le fuero de Sepulveda, qui, destiné d'abord à l'Estramadure, fut ensuite étendu à la plupart des villes de la Castille. Les provinces basques (Guipuzcoa, Alava, Biscaye et Navarre) se montreront, à partir du XIXe siècle, fort attachées à leurs fueros: excitées par don Carlos, elles prendront les armes en 1833, pour les défendre et obtiendront de les conserver.Laissant la Navarre à son neveu, Ferdinand concentra toute son activité guerrière contre les Maures et porta les limites de son royaume jusqu'aux abords de Séville. La seule erreur politique de ce prince intelligent fut de diviser son royaume entre ses enfants et de donner la Castille à l'aîné d'entre eux, Sanche II, le royaume de Leon au cadet Alphonse, la Galice au cadet Garcia et les seigneuries de Zamora et de Toro à ses filles Urraca et Elvire. De là, lorsque mourut sa veuve, doña Sanche, qui avait su maintenir la paix entre ses enfants, une guerre fratricide à laquelle prit part le célèbre chevalier castillan Ruy (Rodrigo) Diaz de Vivar ou Cid Campeador, et qui se termina par la mort de Sanche II, assassiné au cours du siège de Zamora (1072). - Doña Urraca, fille d'Alphonse VI, et son époux Alphonse I le Batailleur, roi d'Aragon (gravure du XVIIe siècle). Son frère Alphonse VI, qui avait fui à la cour du roi maure de Tolède, se fit alors proclamer roi de Leon et de Castille, puis enleva la Galice à Garcia. Ayant ainsi à peu près reconstitué l'empire de son père, il reprit l'oeuvre de reconquête sur les Musulmans (1073) et s'empara notamment de Tolède, en mai 1085. Ce succès considérable amena la soumission de nombreux chefs arabes, mais les troupes Au temps d'Alphonse VII, d'Alphonse VIII et de Ferdinand III. En 1135, osant davantage, Alphonse VIII se fit proclamer empereur d'Espagne en présence du roi de Navarre, du comte de Barcelone, du comte de Toulouse et de rois maures alliés, ses vassaux. Aussi s'étonne-t-on qu'il ait, en mourant commis l'erreur de diviser son royaume entre ses fils Sanche et Ferdinand, qui héritèrent respectivement de la Castille et du Leon. Le règne éphémère de Sanche III le Désiré (1157-1158) ne s'impose à l'attention que par une irruption des Almohades en Castille et, en souvenir de la défense de Calatrava contre les Arabes, par la fondation de l'ordre qui porta désormais le nom de cette ville. Alphonse IX (1158-1214) était encore mineur quand il succéda à son père, et sept années d'effroyables luttes civiles marquèrent d'abord son règne. Une fois majeur, Alphonse VIII, qui avait épousé Éléonore, fille de Henri II, roi d'Angleterre, s'efforça de mettre fin aux troubles qui désolaient son royaume; il s'allia au roi d'Aragon, put ainsi s'imposer non seulement en Castille, mais encore en Alava et en Guipuzcoa et même lancer un défi au souverain des Almohades, Yoûsouf (1194), qui le mit en déroute complète à Alarcos (1195) et, en souvenir de cette victoire, édifia la Giralda de Séville. Toutefois, Alphonse VIII ne tarda pas à prendre sa revanche; lorsque 500000 Musulmans s'avancèrent vers le Nord sous la conduite de Mohammed Ibn Yoûsouf, il fit appel aux rois de Leon, de Navarre et d'Aragon, ainsi qu'à de nombreux princes étrangers, obtint des troupes des communes et groupa l'Espagne entière contre les Musulmans, tandis qu'une guerre qui fut présentée comme une croisade était prêchée par le pape-Innocent III. Une sanglante bataille se livra, le 16 juillet 1212, à Las Navas de Tolosa (province de Jaén), où les Musulmans furent complètement défaits (L'Espagne musulmane). Ferdinand III, roi de Castille. (gravure du XVIIe siècle). Le rôle des ordres religieux militaires. Ses successeurs ne purent ou ne voulurent pas continuer la lutte contre les Maures du royaume de Grenade; aussi, l'abandon de la Péninsule ibérique par les Maures ne fut-il effectué qu'un siècle et demi plus tard, sous le règne de Ferdinand et d'Isabelle. Il ne faudrait cependant pas croire que personne alors ne s'intéressa plus, en Castille, à l'entreprise de la reconquête. Les membres des trois ordres religieux et militaires, fondés au XIIe siècle, à l'imitation des célèbres ordres des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et des Templiers, ne cessèrent, comme par le passé, de batailler contre les Arabes et de protéger contre eux la frontière de la Castille. Convertir, ou plus exactement combattre l'Infidèle, défendre la foi contre lui, telles étaient les obligations des chevaliers des trois grands ordres castillans d'Alcantara, de Calatrava et de Saint-Jacques de Compostelle, ainsi que de l'ordre portugais d'Evora, qui fusionna, en 1213, avec l'ordre de Calatrava. La formation du royaume d'Aragon. Le fils et successeur de celui-ci, Alphonse Ier (1104-1134), gendre d'Alphonse VI de Castille, se trouvant sans héritier, laissa son royaume aux deux ordres des Templiers et des Hospitaliers (1134). Les nobles d'Aragon, se refusant à sanctionner cette disposition, élirent roi son frère, Ramire II, qui était moine dans un monastère de Narbonne. Relevé de ses voeux par le pape, Ramire épousa Agnès d'Aquitaine, dont il eut une fille, Pétronille, puis maria celle-ci au comte de Barcelone, Bérenger IV, et lui laissa aussitôt la couronne pour se retirer dans son couvent (1137). Ainsi se trouvèrent réunis sous un même sceptre l'Aragon et la Catalogne, auxquels ne tardèrent pas à s'ajouter au temps de Raymond Bérenger, qui régna sous le nom d'Alphonse II, le duché de Provence et le comté de Roussillon, puis, sous Pierre II, le comté de Montpellier. Ce souverain se fit couronner roi par le pape, à Rome, en 1204, et prit le premier le titre de « catholique ». Mais ce roi catholique, dont les vassaux hérétiques du sud de la France étaient vaincus par les croisés de Simon de Montfort, ne sut pendant longtemps quel part prendre pour concilier sa foi et ses intérêts. Enfin, comme Simon de Montfort, devenu vicomte de Béziers et de Carcassonne, ne voulait pas lui rendre les hommages féodaux, Pierre Il se déclara ouvertement pour les Albigeois; mais il ne tarda pas à se laisser battre et tuer à Muret (13 septembre 1213), et Simon de Montfort prit comme otage l'héritier même d'Aragon, Jaime, à qui d'ailleurs il rendit bientôt la liberté (1214) sur l'intervention énergique du pape Innocent III. Alors commence une longue époque d'intrigues et de rivalités entre les nobles, tous révoltés contre le pouvoir royal, qu'ils convoitent. Elle s'étend sur la minorité de Jaime, qui a pour tuteur le maître de l'ordre des Templiers, Guillem de Monredo, choisi comme régent par les barons d'Aragon et de Catalogne réunis à Lérida, et elle se continue pendant tout le règne de ce souverain. Néanmoins, Jaime put effectuer sur les Musulmans la conquête des Baléares, qui devinrent une terre catalane, conquérir Valence en 1238, envoyer une expédition de croisés en Palestine (1269-1270) et s'emparer de Ceuta (1273). L'Aragon doit sa prépondérance politique dans la Péninsule à ce souverain, qui utilisa ses loisirs à écrire l'histoire de son règne, dicta des lois sages et fonda des écoles. On doit lui reprocher, toutefois, d'avoir, comme tant d'autres monarques du temps, partagé son royaume entre ses deux fils et donné l'Aragon (avec la Catalogne et Valence) à son aîné, Pierre, et les Baléares à Jaime. Du moins, en mariant Pierre avec la fille aînée du roi de Sicile, Manfred, créa-t-il à l'Aragon l'origine de ses droits sur ce pays et contre-balança-t-il l'effet produit par le mariage de la duchesse de Provence, à la même époque, avec Charles d'Anjou. Le Royaume de Navarre. - Sceau de Fontarabie (Guipuzcoa), 1297. Les origines du Royaume du Portugal (1093-1431). Dès ce moment, le royaume de Portugal commença de mener une vie indépendante, au cours de laquelle s'affirma l'originalité de ses institutions, tandis que ses frontières empiétaient sur les pays musulmans du Sud. La victoire d'Ourique (1139), la conquête du royaume des Algarves, au temps d'Alphonse III (1248-1279) constituent les principaux épisodes de cette lutte; les rois chrétiens, que domina le Saint-Siège jusqu'à la Convention d'Elvaes (1351), y eurent pour collaborateurs les Templiers qui, après la suppression de leur ordre par le pape Clément V, constituèrent au Portugal, au temps du roi Denis, le « Père du peuple », le « Roi travailleur » (1282-1325), la « Milice de Notre Seigneur Jésus-Christ », c'est-à-dire le célèbre Ordre du Christ. Les souverains successeurs du « Mestre d'Aviz », de Jean Ier, agirent à cet égard exactement comme les descendants de Henri de Bourgogne. A peine l'indépendance de leur pays assurée par la victoire d'Aljubarotta (1385), et avant même que cette indépendance eût été définitivement reconnue par les Castillans au traité de Médina Sidonia (1431), ils poussaient jusqu'en terre d'Afrique et prenaient Ceuta sur les côtes du Maghreb (1415), consolidant ainsi leur long effort pour rejeter les Musulmans hors du Portugal. Les royaumes chrétiens aux XIVe et XVe siècles Si les rois de Castille durent, malgré eux, à leur corps défendant, reconnaître l'indépendance des souverains du Portugal et renoncer pendant un temps à combattre les Musulmans (L'Espagne musulmane); si, d'autre part, leur histoire, comme aussi celle des rois de Navarre et d'Aragon, fut pleine d'épisodes tragiques au cours des XIVe et XVe siècles, il convient d'en chercher l'explication dans les difficultés suscitées à ces souverains par leurs propres sujets. Pour assurer le concours constant de ces derniers contre les Maures, au cours de la Reconquista, tous avaient dû leur consentir de nombreux et importants privilèges, les mettant ainsi en état de braver leur propre autorité et d'en entraver l'exercice. Les « fueros » de la Navarre et de l'Aragon. Nous qui, séparés, valons autant que vous, qui, réunis, pouvons plus que vous, nous vous faisons notre roi, à la condition que vous respecterez nos fueros; sinon, non.Mais, ce qui demeure acquis, c'est que l'obéissance des Aragonais à leurs rois n'allait pas sans conditions. Enfin, c'était encore une garantie pour maintien des libertés locales, que cette réunion périodique Cortès où les délégués des trois ordres du royaume d'Aragon votaient, sous l'influence des grands barons ou ricos hombres, tous les impôts nouveaux demandés par le monarque. Nobles et villes en Castille; les Cortès. Sceau équestre d'Alphonse X. Les fueros s'étendirent peu à peu à toutes les villes, leur donnant, en termes plus ou moins différents, une législation de même origine, que les souverains de Castille s'efforcèrent d'unifier. Alphonse X, le premier, fit rédiger, dès 1254, le code municipal de Castille (Fuero castellano ou Libro de los Concejos). Les seigneurs eux-mêmes, laïques ou ecclésiastiques, accordèrent ces mêmes fueros aux bourgs placés sous leur dépendance ou sous leur protection. Les communes constituèrent donc, de bonne heure, une force sociale, comme la noblesse et le clergé. Cette situation explique la composition des Cortès, autrement dit des États généraux du royaume de Castille. On y distinguait trois ordres ou brazos : le clergé, la noblesse, qui comprenait les nobles de première catégorie (ricos hombres) et de deuxième catégorie (milites, infanzones ou hidalgos), et enfin les députés des villes (personeros, procuradores); ces derniers pouvaient formuler leurs doléances, leurs cahiers (cuadernos) avant de voter l'impôt, mais ne possédaient pas les moyens de faire obstacle à la royauté, comme en Aragon et surtout en Navarre. Le pouvoir royal en Castille entre 1252 et 1474. La mort d'Alphonse XI marque pour la Castille le début de jours très sombres (1350-1474). L'intervention de la France et de l'Angleterre durant la rivalité de Pierre le Cruel et de son frère naturel et successeur Henri de Trastamare, les échecs subis par Jean Ier dans ses tentatives imprudentes pour annexer le Portugal à ses États héréditaires (bataille d'Aljubarotta, 1385) ont, en effet, porté des coups funestes à la monarchie castillane; la noblesse s'empressa d'en tirer avantage. De là, au temps de Jean II, prince faible et indécis, à qui son père, Henri III, avait laissé un État en pleine anarchie, la sentence de mort imposée à ce monarque contre son favori Alvaro de Luna; de là, en 1465, la déposition de l'indigne Henri IV à Avila et le coup de pied symbolique donné par un seigneur au mannequin qui figurait ce souverain; de là, enfin, le refus d'obéir à la fille de ce roi, de cette Jeanne qu'ils appelaient la Beltraneja (du nom du favori Beltran de la Cueva, qu'ils prétendaient être son père) et la proclamation de la jeune soeur de Henri IV, Isabelle, comme héritière de celui-ci (traité de Guisando, 1468). Peu après (1469), et avant même la mort de son frère - car Henri IV ne décéda qu'en 1474 - Isabelle épousait, à Valladolid, Ferdinand d'Aragon, prince un peu plus jeune qu'elle, mais déjà réputé pour l'intelligence et pour l'habileté qu'il montrait au milieu des difficultés que traversait le royaume, dont lui-même était l'héritier présomptif. Le royaume d'Aragon entre 1276 et 1478. Démêlés de Jean II avec Don Carlos de Viane. Cette mort amena une révolte de la Catalogne, qui se déclara indépendante, mais qui finit par rentrer dans l'obédience de l'Aragon (1472), grâce à l'intervention du roi de France-Louis XI, à qui fut cédé le Roussillon pour prix de ses bons offices. Quant à la Navarre, toujours frémissante sinon absolument soulevée contre l'autorité du roi d'Aragon, elle revint à Éléonore, l'épouse du comte de Foix et la fille cadette de Jean II, qui avait, pour obtenir cette couronne, fait empoisonner sa soeur aînée Blanche, femme du roi Henri IV de Castille. Ces sombres drames de famille montrent bien quelle violence persistait encore en Navarre, comme, d'ailleurs, dans les autres contrées pyrénéennes, au milieu du XVe siècle; ils expliquent pour leur part les difficultés que Jean II rencontra dans l'exercice du pouvoir royal dans ses vastes États. Ils permettent aussi de comprendre certains traits du caractère de son fils Ferdinand V, qui proclamé dès 1468, par les trois États réunis à Saragosse, roi de Sicile et héritier d'Aragon. monta sur ce dernier trône en 1479, cinq ans après avoir commencé de collaborer, avec sa femme Isabelle, au gouvernement des royaumes de Castille et de Leon. Les Rois catholiques Ferdinand d'Aragon, petit-fils du roi de ce pays et lui-même roi de Sicile, avait épousé, en 1469, Isabelle, soeur du roi Henri IV de Castille et héritière de la couronne. A la mort de Henri IV, la princesse et son mari furent déclarés conjointement souverains de Castille, los Reyes, comme on les appelle (1474); une courte guerre avec le roi du Portugal qui soutenait les droits de la Beltraneja, fille de Henri IV, supposée bâtarde, se termina à l'avantage d'Isabelle et de Ferdinand, et en 1474 ce dernier hérita de la couronne d'Aragon. Ils avaient alors sous leur autorité la plus grande partie de l'Espagne; une guerre de dix ans contre les Maures du royaume de Grenade (1482 à 1492) leur donna ensuite toute l'Andalousie et acheva l'oeuvre de la reconquête du pays sur les Musulmans (L'Espagne musulmane); cette même année, Christophe Colomb ouvrait à leur ambition les immenses contrées du Nouveau-Monde, et les deux souverains catholiques, tout à leur fanatisme, s'enorgueillissaient d'avoir chassé près, de 200 000 Juifs de la Péninsule. L'Espagne avait ainsi à peine ébauché son unité qu'elle intervint dans la politique européenne dont jusqu'alors elle s'était tenue à l'écart; ce fut à propos des guerres d'Italie, à propos des droits de la couronne d'Aragon sur Naples et les Deux-Siciles. Ferdinand, qui, au traité de Narbonne en 1493, s'était allié, moyennant la cession du Roussillon, à Charles VIII, organisa contre celui-ci la Sainte Ligue et envoya le fameux Gonzalve de Cordoue rétablir sur le trône de Naples son parent, Ferdinand II (1496). Un partage qui eut lieu peu après la mort de ce dernier entre la France et l'Aragon ne pouvait durer; une longue guerre s'ensuivit. En même temps que l'Espagne se mêlait ainsi à la politique européenne par la guerre, elle s'y immisçait par une alliance entre Philippe le Beau, fils de l'empereur Maximilien, et Jeanne, la fille de Ferdinandet d'Isabelle. Ce mariage causa bien des chagrins à la reine de Castille; elle avait perdu son fils Jean qui donnait de belles espérances, une fille mariée au roi du Portugal, et cet autre enfant donnait déjà des signes de cette aliénation d'esprit qui lui a valu dans l'histoire le nom de Jeanne la Folle. La reine, qui avait montré une énergie sans faille au siège de Grenade, qui avait compris et soutenu Colomb, qui, par une habile administration, avait réprimé la turbulente noblesse de ses États, mourut en 1504. Par testament, elle laissait la couronne de Castille à sa fille Jeanne, et, dans le cas où elle ne pourrait gouverner, la régence à son mari Ferdinand jusqu'au jour de la majorité du prince Charles, le fils de Jeanne et de Philippe le Beau. Ferdinand se saisit aussitôt de la régence, mais il était mal vu des Castillans qui appelèrent Philippe le Beau; celui-ci accourut et Ferdinand, dépouillé de la régence, partit pour l'Italie, ne conservant l'autorité que sur les États de la couronne d'Aragon. Philippe, cependant, mourut subitement en 1506 et les grands confièrent la régence au cardinal Ximenez de Cisneros. Celui-ci réprima les séditions et les révoltes des grands, et, quand Ferdinand revint de Naples exercer une seconde fois la régence de son petit-fils, il n'eut que peu d'efforts à faire pour pacifier le pays et laissa le pouvoir à Ximenez. Cet habile ministre, de 1508 à 1517, commença les expéditions en Afrique avec l'espoir de convertir par la force les Maures, tandis que Ferdinand guerroyait et intriguait en Italie contre Louis XII. En 1515, un an avant de mourir, ce monarque heureux et perfide eut encore la bonne fortune de conquérir la Navarre, et c'est ainsi qu'il laissa à son petit-fils Charles les domaines d'Aragon et de Castille, soit toute l'Espagne, plus les conquêtes récentes en Italie, en Afrique et au Nouveau-Monde (1516). Le règne de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille, los reyes catolicos, n'a pas été marqué seulement par les conquêtes qui ont doublé l'étendue de l'Espagne et ouvert à ce pays de brillantes destinées; il a vu aussi s'accomplir des événements intérieurs qui ont donné à la nation son caractère moderne et qui ont notablement influé sur son histoire. L'indépendance des grands a été réduite par des mesures législatives, et le pouvoir leur a été enlevé par la création des conseils : Consejo de Indias, Consejo supremo de la guerra, Consejo de Aragon. Les grands ordres militaires de Santiago, Calatrava, furent désormais sous la dépendance du roi et incorporés avec leurs vastes domaines à la couronne. Les assemblées nationales ou Cortès se virent à peu près réduites au rôle de législateurs; les lois furent refondues et la justice réorganisée. Une institution particulière, la Sainte-Hermandad, eut pour objet d'assurer la sécurité des personnes et devint entre les mains du roi une arme puissante. Tout tendait, en un mot, à l'établissement du pouvoir absolu. Dès lors commença à fonctionner avec une rigueur incroyable le tribunal de l'Inquisition qui devait couvrir l'Espagne de bûchers. Le développement de l'esprit monarchique et de l'intolérance religieuse, du goût des aventures et du mépris du travail régulier, apparaissent déjà nettement. (HGP). |
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