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jusqu'en 1900 |
Les
premières populations qui se fixèrent sur le littoral de
la Méditerranée
et sur les pentes des contre-forts les plus méridionaux des Alpes,
appartenaient à la confédération des Ligures.
Mais il est difficile de déterminer l'emplacement des diverses tribus
de cette confédération, les Oxybiens, les Suelteri. Certains
auteurs placent les Oxybiens dans les Alpes-Maritimes, sur le territoire
de Cannes, d'autres dans le bassin de l'Argens,
de ce fleuve aux eaux blanches qui a donné son nom au département
du Var, bien que, depuis l'annexion de 1860, il ne l'arrose plus. Suivant
les travaux des archéologues, Agai ou Agay (anciennement Agathon)
serait probablement le port des Oxybiens.
Les Grecs de Marseille apportèrent les premiers sur la côte ligurienne les sciences et les arts; mais, bien avant eux les Phéniciens avaient des ports et des comptoirs sur la côte. Les Phocéens de Marseille s'emparèrent de ces établissements, en créèrent de nouveaux, et imposèrent à tous des noms grecs. Il reste peu de traces de ces colonisations, traces qui furent plus durables sur la côte des Alpes-Maritimes. A Antibes et à Nice, les noms romains sont plus fréquents. Quoiqu'il soit aujourd'hui éloigné de la mer par les alluvions séculaires de l'ancien Argenteus (l'Argens), le port de Fréjus (Forum Julii) rappelle César : ce fut une colonie de soldats de la huitième légion, et le surnom de Classica (maritime) que portait cette colonie témoigne du rôle important qu'elle devait jouer pour l'équipement des flottes romaines. Quant à la ville grecque d'Athenopolis, ou l'identifie , à tort ou à raison, avec la ville de Saint-Tropez. Après avoir contourné la presqu'île montagneuse de Saint-Topez, on devait, en se dirigeant vers l'ouest, trouver, selon les mesures de l'itineraire maritime, au fond de la baie de Cavalaire, l'ancien port d'Heraclea Caccabaria, primitivement consacré à Melqart, l'Hercule phénicien. Venaient ensuite les îles Staechades (îles d'Hyères), sur les côtes ,desquelles se faisait la pêche du corail, même dès le temps des Gaulois, car ces peuples aimaient à orner de corail leurs épées et leurs boucliers. On hésite sur l'emplacement de l'ancienne Pomponiana, qu'on doit, semble-t-il, placer dans la presqu'île de Giens, et de la ville d'Olbia, colonie de Marseille, qu'il faudrait chercher près d'un point nommé Almanarre. Puis la mer creuse, a l'ouest du golfe de Giens, la grande rade de Toulon, et la nature semble avoir offert de tout temps un refuge aux navires dans le havre de cette ville, aujourd'hui si considérable, mais alors très modeste sous le nom de Telo Martius. Enfin, à quelque distance de Toulon, dans la baie de la Ciotat, se trouvait la ville de Tauroeis ou Tauroentum, dont les ruines ont été retrouvées. Au temps des Romains, Telo Martius n'est signalé que pour sa teinturerie; on y teignait en pourpre. Mais, parmi les établissements grue les Romains formèrent dans le pays à partir de l'an 125 avant J.-C., lorsque d'alliés de Marseille ils furent devenus conquérants, nul n'égala la grandeur de Forum Julii, qui offre encore une mine aux recherches archéologiques. Des traditions longtemps
accréditées dans le pays font remonter au Ier
siècle de l'ère chrétienne la prédication des
Évangiles
sur la côte de la Méditerranée. Selon ces traditions,
dès l'an 62 après J.-C., les Juifs
persécuteurs des fidèles jetèrent dans une nacelle
sans gouvernail Marie Jacobé, Marie Salomé et Sara, leur
servante, Marie-Madeleine et Marthe,
Marcelle et Lazare le ressuscité, Sidoine, Maximin, Ruf, Cléone
et Joseph d'Arimathie. Ces premiers
disciples de Jésus auraient abordé
aux embouchures du Rhône,
et, tandis que saint Lazare allait prêcher à Marseille, saint
Maximin et saint Sidoine, à Aix,
sainte Cléone venait à Toulon et sainte Madeleine se retirait
à la Sainte-Baume. C'est la légende fameuse, dans les discussions
religieuses, sous le nom de légende des Trois Maries, et que nous
rappelons parce qu'elle explique un grand nombre de noms d'églises
dans la basse Provence. Mais c'est seulement
au IVe siècle que nous voyons définitivement
constituées les Eglises de la première province romaine devenue
la seconde Narbonnaise. En 374, Acceptus,
élu par le peuple et le clergé, puis saint Quillinus se montrent
à Fréjus, qui avait Aix pour métropole.
La domination
romaine, qui avait commencé sur le littoral de la Méditerranée,
un siècle avant l'ère chrétienne, finit au IVe
siècle après J.-C., bien avant la chute de l'empire
d'Occident. Les Wisigoths, dès
les premières années du Ve
siècle, puis les Ostrogoths,
au VIe, occupèrent la Provence.
Les Francs, maîtres, après
Clovis, de presque toute la Gaule, parurent ensuite
et disputèrent le littoral de la Méditerranée aux
Goths, qui furent refoulés en Italie,
aux Lombards qui essayèrent en
vain, à plusieurs reprises, de s'établir en deçà
des Alpes, enfin aux Sarrasins venus
d'Espagne. Les Arabes franchirent
le Rhône, dévastèrent tout le pays compris entre les
Alpes et la mer, et y dominèrent jusqu'à ce que le fameux
duc des Francs, Charles Martel, l'eût
délivré. Pépin le Bref,
Charlemagne, affermirent la puissance des
Francs dans le midi de la Gaule, mais, après leurs règnes,
les malheurs et les désordres recommencèrent.
Aux guerres des seigneurs féodaux se disputant les lambeaux du pays se joignirent, au IXe siècle, de nouveaux ravages des Sarrasins qui, cette fois, vinrent par mer. Ayant débarqué au golfe de Grimaud et s'étant fortement établis à la Garde-Freinet , ils faisaient de continuelles excursions sur tout le littoral. Les montagnes du département du Var leur fournirent un point d'appui : ils y demeurèrent si longtemps cantonnés que le nom de montagnes des Maures leur est resté. Un comte de Provence, Guillaume Ier, fils de Boson II, s'illustra par ses guerres heureuses contre les bandes de pillards qui rendaient inhabitables de si belles contrées et s'empara du repaire des Sarrasins, la Garde-Freinet, en 972. Parmi les seigneurs qui se distinguèrent dans cette campagne, on remarqua Grimaldi et ses deux fils, Guido et Gibelin. Gibelin de Grimaldi gravit hardiment le Mont-Maure et y planta son étendard victorieux. Le butin, très considérable, fut partagé entre les combattants, et le pays théâtre de ces sanglants combats devint la récompense du brave Gibelin de Grimaldi, qui donna son nom à l'ancien golfe de Sambracie, appelé dès lors golfe de Grimaud; son frère Guido fut confirmé dans la possession de Monaco. Au XIIe
siècle, la Provence passa à Raymond-Bérenger, comte
de Barcelone (1112). Le dernier comte de
la maison de Barcelone, Raymond-Bérenger V, maria une de ses filles,
Marguerite, au roi de France, Louis IX; une autre,
Béatrix, au frère de Louis IX, Charles
d'Anjou. Malgré ces alliances, Louis IX considérait encore
la Provence comme tellement étrangère à son royaume
qu'il hésita à y descendre lorsqu'il revint de sa croisade
d'Égypte en 1254; cependant il aborda
à Hyères.
La Provence aurait dû au moins devenir française lorsqu'elle passa, par le mariage de son héritière Béatrix, au frère de saint Louis, Charles d'Anjou. Mais Charles d'Anjou conquit le royaume de Naples et ne s'occupa que de l'Italie. Sous son règne et sous celui de ses successeurs, les villes de Provence se trouvèrent impliquées dans toutes les guerres du royaume de Naples : elles paraissaient plutôt des villes italiennes. La reine Jeanne de Naples (1343-1382) eut à défendre sa couronne contre des princes de sa famille, notamment Charles de Durazzo (ou de Duras). Jeanne se réfugia en Provence, mais, après sa mort, la lutte continua entre les Duras et les princes français de la seconde maison d'Anjou, appelés par Jeanne à hérites de ses domaines. Les villes de la Provence se divisèrent, prenant les unes parti pour les Duras, les autres pour la maison d'Anjou; l'anarchie fut au comble, et, à la faveur de cette anarchie, le comté de Nice se détacha de la Provence, pour se placer sous la suzeraineté de la Savoie. Le bassin du Var se trouva divisé : Grasse, Antibes, demeurèrent à la Provence, ce qui explique comment elles firent partie de la France bien avant Nice. La Provence haute
et basse devint française dès l'année 1482, après
la mort de Charles du Maine, héritier du roi René; mais,
privée du comté de Nice, elle était ouverte sans cesse
aux invasions qui se succédèrent rapidement au XVIe
siècle.
Les guerres civiles de religion succédèrent presque sans intervalle aux guerres d'Italie. Elles commencèrent, dans cette partie de la Provence, dès l'année 1559. Antoine et Paul de Richieu, seigneurs de Mauvans, anciens capitaines des vieilles troupes de François ler, s'étaient prononcés énergiquement pour la Réforme. Antoine se rendit un jour à Draguignan, dans le but d'avoir une conférence avec les catholiques. Le peuple le reconnut, se jeta sur lui et le mit en pièces; son cadavre fut mutilé et traîné dans les rues. La ville de Draguignan, comme la plupart des cités de la Provence, tomba tour à tour au pouvoir des divers partis. Sous le règne
d'Henri III, les protestants, irrités
contre le gouverneur de la Provence, Carcès, s'insurgèrent.
Catherine de Médicis crut apaiser
les esprits en nommant à la place de Carcès le maréchal
de Retz ; de là les factions des Carcistes et des Razats. Le parti
carciste représenta les catholiques; le parti razat, les protestants
et les politiques mécontents. La Ligue,
dont le duc de Guise était l'âme, s'étendit jusqu'à
la Provence, où elle eut pour chef le baron de Vins, mais les ligueurs
ne tardèrent pas à appeler l'étranger. Le duc de Savoie
envahit la Provence a plusieurs reprises. Après la mort d'Henri
Ill, en 1589, la confusion devint extrême, et les lieutenants d'Henri
IV durent reconquérir pied à pied les rives du Var et
de l'Argens. Ce fut l'époque la plus malheureuse pour toutes les
villes de la Provence, et ce pays fut un des derniers pacifiés.
Le duc d'Épernon, même après avoir reconquis la Provence
pour Henri IV, en 1593, méconnut bientôt l'autorité
royale, et Henri le remplaça par le duc de Guise (le
Richelieu, à qui n'échappait rien de ce qui intéressait la grandeur de la France, comprit l'importance de la situation de Toulon : il en améliora le port comme celui de Brest. Aussi, durant la guerre de Trente Ans, Toulon put servir de point de réunion aux flottes que commandèrent le comte d'Harcourt et l'archevêque de Bordeaux, Escoubleau de Sourdis. Ces flottes tinrent tête à la marine espagnole et concoururent à la reprise des îles de Lérins, dont les Espagnols s'étaient emparés. Toutefois, la fortune
de Toulon date réellement du règne de Louis
XIV. De ce port sortirent les flottes de Vivonne et de Duquesne, qui,
durant la guerre de 1672 (guerre de Hollande), parcoururent victorieuses
la Méditerranée et dispersèrent les flottes espagnoles
et hollandaises. Vauban fut envoyé à
Toulon pour activer les travaux d'agrandissement et de fortification. Le
marquis de Seignelay, ministre de la marine, y vint à son tour (1684),
et c'est de là que partirent les navires qui allaient, sous les
ordres de Duquesne, bombarder Alger
et Gênes.
Aussi Toulon devint-il, quelques années après, l'objectif principal des armées impériale et hollandaise, lorsque, après leur victoire de Turin (1706), elles envahirent la Provence sous les ordres du duc de Savoie, Victor-Amédée, et du prince Eugène. Toulon, assiégé par terre et par mer (1707), résista, grâce au courage de ses habitants et à la vigueur du comte de Grignan, gouverneur de Provence, gendre de madame de Sévigné. Les abords de la place avaient été occupés et si bien mis à l'abri des attaques de l'ennemi, que le prince Eugène et le duc de Savoie s'écrièrent, avec dépit « qu'ils avaient été gagnés de vitesse par le vieux comte de Grignan ». Tous les assauts livrés aux ouvrages des Français furent repoussés. La flotte essaya alors de bombarder la ville, mais elle n'y causa aucun dégât, et l'artillerie de Toulon força la flotte anglaise à la retraite (1707). La région méridionale de la Provence, qui avait été fort éprouvée pendant la guerre de la Succession d'Espagne, le fut encore, en 1721, par la peste qui désola Marseille. Toulon ne fut pas épargné, et, dans ces tristes circonstances, le premier consul d'Antrechaux, les consuls adjoints Jacques Portalis et André Tournier, les commissaires généraux Garnier de Fonsblanche et Pierre de Creyssel, ainsi que l'évêque La Tour-du-Pin-Montauban, déployèrent un grand courage. Lors des guerres du XVIIIe siècle, la marine de Toulon fut encore appelée a rendre de nouveaux services. Mais bientôt des revers découragèrent les ministres de Louis XV, qui laissèrent tomber la marine française. Choiseul la releva; mais, sous le règne de Louis XVI, la guerre de l'indépendance américaine eut surtout pour théâtre l'Océan Atlantique. Toulon fut alors éclipsé par Brest. Il n'en continuait pas moins de se développer, lorsque la Révolution de 1789 vint arrêter un moment cette prospérité et soumettre la ville aux plus cruelles épreuves. L'agitation avait été très vive à Toulon, dès les premiers jours de la Révolution, parmi les ouvriers du port. Dans un des soulèvements qui eurent lieu, les administrateurs et le procureur-général-syndic du département du Var furent massacrés (28 juillet 1792). A la suite de cet attentat, le gouvernement transféra à Grasse le siège du département. Les clubs dominèrent la ville , et le contre-amiral de Flotte fut pendu, le 10 septembre 1792, devant la porte de l'arsenal. Mais la guerre étrangère avait éclaté. Les flottes anglaise et espagnole se rapprochèrent de Toulon et favorisèrent une réaction, girondine d'abord, royaliste ensuite. La Convention mit alors Toulon hors la loi (1793), et les royalistes ouvrirent la rade et le port aux Anglais. L'armée républicaine, commandée par le général Cartaux, vint mettre le siège devant la ville : ce fut à ce siège, on le sait, qu'eurent lieu les débuts d'un jeune commandant d'artillerie nommé Bonaparte. Celui-ci ne cessait de répéter que, pour prendre Toulon, il n'y avait qu'à forcer la flotte anglaise à la retraite, et indiquait les points où l'on devait établir des batteries. Enfin le général Dugommier, ayant remplacé Cartaux, comprit le plan du jeune officier d'artillerie et l'exécuta. Un des points dominants, le fort de l'Eguillette, occupé par l'ennemi, fut enlevé. L'émotion fut extrême dans Toulon; les habitants se sauvèrent en foule sur la flotte espagnole et la flotte anglaise. L'amiral anglais, Sidney Smith, avant de quitter le port, fit incendier les vaisseaux de la marine française et chercha à détruire par le feu les magnifiques établissements de Toulon, qui excitaient la jalousie de l'Angleterre depuis tant de siècles. Mais l'artillerie française ne lui en laissa pas le temps; elle l'obligea à se retirer, et les troupes républicaines entrèrent dans la ville où elles éteignirent l'incendie. Les conventionnels Fréron et Fouché, impitoyables pour les habitants qui étaient restés, exercèrent sur eux de sanglantes représailles. La Convention décréta même que Toulon serait rasé, et qu'on ne conserverait que les établissements nécessaires à la guerre et à la marine. Heureusement, ce décret ne put être exécuté. Toulon se repeupla et, sous le Directoire, il était redevenu le premier port militaire de la France sur la Méditerranée. Ce fut à Toulon que Bonaparte organisa sa fameuse expédition d'Egypte, et, sous l'Empire, les bassins, les chantiers, les forts de Toulon, reçurent des agrandissements successifs. C'est de Toulon que partit, en 1850, l'expédition d'Alger; la conquête de l'Algérie, les guerres de Crimée et d'Italie ont constamment développé l'activité, l'importance de cette place maritime. Le département du Var joue un rôle remarquable dans la vie de Napoléon Ier. C'est au siège de Toulon qu'il avait révélé ses talents militaires. C'est à Saint-Raphaël, près de Fréjus, qu'il débarqua le 9 octobre 1799, à son retour d'Egypte, pour aller à Paris renverser le Directoire par le coup d'État du 18 brumaire. C'est à Saint-Raphaël , que le 28 avril 1814, après avoir parcouru et fatigué l'Europe, il s'embarqua, sous la surveillance des commissaires des alliés, pour l'île d'Elbe, qui paraissait alors mais qui n'était pas encore sa dernière étape. (A. Joanne). |
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