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jusqu'en 1900 |
Le département
de l'Aisne a joué un rôle important dans l'histoire
de la France. Des événements remarquables par leurs résultats
se sont passés sur son territoire.
Avant la conquête des Gaules par Jules César, le sol du département de l'Aisne, couvert de vastes forêts, avait pour habitants des tribus gauloises dont les principales étaient les Sylvanectes, les Vermandues, les Rèmes et les Suessons. Divitiac, l'un des chefs de ces derniers, avait étendu sa domination sur une grande partie de la Gaule; il avait même porté ses armes jusque chez les Bretons au delà de la Manche et soumis à son autorité une grande partie des îles Britanniques. L'an 58 avant J.-C., lorsque les Romains, sous la conduite de César, soumettaient les uns après les autres tous les peuples gaulois, Galba, roi des Suessons, leur opposa une résistance énergique. Mais, après avoir pris part à la grande lutte dans laquelle Vercingétorix succomba (52). constatant l'inutilité de ses efforts, il s'allia avec César et lui fournit des troupes. Ces secours, fort utiles au général romain, contribuèrent pour une grande part à la victoire qu'il remporta sur la puissante confédération des Belges coalisés, dans la sanglante bataille de Bibrax, aujourd'hui Bièvres près de Laon (?). Soissons, qui auparavant s'appelait Noviodunum, prit le nom d'Augusta Suessionum. Elle fut après Reims la ville la plus importante de la Belgique, quand celle-ci eut été réduite en province romaine; le territoire désigné alors sous le nom de Gaule Belgique ou simplement de Belgique avait une plus grande étendue que l'actuelle Belgique. Les Romains, maîtres du pays, s'y fortifièrent. Ils y bâtirent des villes (Laon, primitivement Laudunum, date de cette époque), ils y tracèrent des routes, dont les restes, visibles encore de nos jours, sont connus sous le nom de voies romaines ou de chaussées Brunehaut, parce la légende veut que cette reine les fît partout réparer avec le plus grand soin. L'industrie, les moeurs, les coutumes, la langue des Romains, s'implantèrent rapidement chez les Gaulois; et, quand le christianisme fut prêché dans tout l'Empire romain, des apôtres répandirent, là comme partout ailleurs, la propagande chrétienne. Parmi ces hommes nous citerons surtout saint Quentin, saint Crépin, saint Crépinien, saint Sinice. Malgré les persécutions, la religion nouvelle s'établit peu à peu. Elle était très répandue à l'époque où les invasions des germaniques vinrent enlever les Gaules à l'Empire romain. Les Francs, sous la conduite de Chlodowig ou Clovis, portèrent le dernier coup à la domination romaine. Ils gagnèrent une grande bataille (486) sur Syagrius, général romain, sous les murs de Soissons. Leur victoire, complète et décisive, doit être regardée, à cause de ses conséquences, comme l'un des événements les plus considérables de l'histoire de France. La bataille de Soissons décida en effet de l'avenir du pays. L'empereur Zénon,
qui n'avait plus qu un droit nominal sur les provinces conquises par les
Francs, les céda à Clovis, leur chef. Le clergé tourna
les yeux vers ce dernier et voulut s'en faire un protecteur. L'un des premiers,
saint Remi, arche vêque de Reims, entra en relations avec le chef
barbare. Il lui réclama un vase précieux de l'église
de Reims, vase qui se trouvait dans le butin fait à la bataille
de Soissons. Clovis, voulant satisfaire au désir de l'archevêque,
demanda ce vase à ses compagnons d'armes pour sa part de butin;
mais l'un d'eux lui répondit fièrement : « Tu l'auras
si le sort te le donne, » et d'un coup de sa hache il brisa le vase.
A quelque temps de là, dans une revue, Clovis arrache des mains
de ce soldat sa francisque ou hache d'armes, qu'il jette à terre,
et, tandis que le soldat se baisse pour la ramasser, il lui tend la tête
en s'écriant : « Souviens-toi du vase de Soissons. »
Cette anecdote montre combien l'autorité du roi franc était
alors précaire. Mais bientôt, grâce à ses conquêtes,
à l'appui des évêques après sa conversion au
christianisme et son baptême (496), grâce aux meurtres successifs
de tous ses parents, Clovis devint seul roi des peuples francs avec une
puissance et une autorité absolues.
Toutefois les Neustriens, à la mort de Pépin, tentèrent de reconquérir leur indépendance et de ressaisir la suprématie; mais ils furent de nouveau battus avec leurs alliés les Aquitains sous les murs de Soissons (718) par Charles Martel, fils de Pépin d'Héristal. Pépin le Bref, fils et héritier de Charles Martel, voulut avec le pouvoir royal posséder le titre de roi. Il se fit proclamer roi dans une assemblée de leudes et d'évêques réunie à Soissons. Le légat du pape le sacra immédiatement (752). Un peu plus tard à Saint-Denis, près de Paris, le pape confirma lui-même ce sacre provisoire par une consécration solennelle. Louis le Débonnaire, le faible successeur de l'empereur Charlemagne, fut emprisonné deux fois (829-833) à Soissons : une première fois par ses fils révoltés contre lui; la seconde fois, en exécution de la sentence d'un tribunal d'évêques qui, trompés ou abusés par ce prince qui s'accusait de crimes imaginaires, le condamnèrent à la prison. Sous le règne de Charles le Chauve, commencent les attaques des Vikings. Ils apparaissent pendant le règne de Louis III et Carloman sous les murs de Saint-Quentin, qu'ils pillent et qu'ils brûlent (883). Château-Thierry éprouve le même sort (884). Soissons attaquée par eux put leur résister (886), non sans avoir vu toutefois brûler ses faubourgs. Un village (Manicamp) s'est élevé sur l'emplacement du camp qu'ils occupaient, lorsqu'ils firent le siège dit château de Kierzi ou Quiérsy, résidence favorite des rois francs, et où Charles le Chauve avait signé, en 877, le fameux capitulaire dit de Quiersy, qui consacra légalement le régime féodal. En 923, Charles IV, dit le Simple. perdit, sous les murs de Soissons, une bataille contre son compétiteur Robert (qu'il tua de sa propre main). Après la mort de Louis V, Hugues Capet, s'étant proclamé roi de France (987), vint mettre le siège devant la ville de Laon, dernière possession des Carolingiens. Cette ville fut prise en 991. Cependant les idées d'indépendance et de liberté s'étaient répandues peu à peu parmi les populations des villes. Le grand mouvement communal du nord de la France commence et s'accomplit avec des vicissitudes diverses. Saint-Quentin se constitue en commune, en 1103; Soissons, en 1131; Château-Thierry, en 1231; Chauny, en 1167; la Fère, en 1207; Laon, érigée en commune dès 1110, eut à lutter longtemps pour conserver ou recouvrer ses privilèges, qu'elle se vit retirer à plusieurs reprises. En 1259 seulement, plus d'un siècle plus tard, elle put enfin jouir en paix et sans contestation de ses franchises municipales, jusqu'à sa suppression en 1331. Ces privilèges ne font qu'accroître la puissance de la féodalité. De 1225 à 1230 Enguerrand III, sire de Coucy, fit construire le château dont les ruines attestent encore la splendeur. C'était un baron si puissant qu'une ligue de nobles lui offrit d'être roi à la place de Louis IX encore enfant. Il refusa. Guillaume, un de ses descendants, quoique possesseur de domaines immenses, abandonna tout autre titre pour garder celui de Coucy. Peut-être est-ce à ce seigneur (mort en 1555), qu'il faut rapporter la devise fameuse : « Roi ne suis, ne prince, ne duc, ne comte aussy, je suys le sire de Coucy. »La guerre de Cent ans (1340-1453), qui désola une si grande partie de la France, causa, principalement dans ces contrées qui plus tard devaient faire partie du département de l'Aisne, des désastres, des famines et des douleurs effroyables. La terrible insurrection des Jacques, qui éclata en 1558, fut due principalement à ces malheurs. Les paysans soulevés pillèrent les villes, incendièrent les châteaux, dont ils massacrèrent les habitants. De nombreuses victimes périrent dans le Soissonnais, le Laonnois, le Vermandois, le Valois. A ces calamités vinrent s'ajouter les Guerres de religion (1559-1598), où catholiques et protestants s'égorgèrent mutuellement. En 1557, pour se venger de l'appui que le roi de France prêtait aux protestants d'Allemagne et des Pays-Bas, Philippe II, roi d'Espagne, mit le siège devant Saint-Quentin, tailla en pièces (10 août 1557) l'armée de secours envoyée par Henri II, emporta la ville d'assaut (27 août) et la livra au pillage de ses soldats pendant cinq jours. Quinze cents bourgeois trouvèrent la mort dans ce siège héroïque. Mais, par leur courageuse résistance, ils avaient sauvé le royaume, en permettant d'organiser la défense. En 1559, la ville était rendue à la France. La Ligue,
qui ne voulait pas d'un roi huguenot sur le trône de France, trouva
de nombreux partisans dans toutes les villes de cette contrée. Henri
IV fut obligé de les assiéger presque toutes, et elles
ne se rendirent pour la plupart qu'après son abjuration (1594).
La paix de Vervins (1598) vint enfin rendre
un peu de calme et de tranquillité à ce pays si tourmenté
par ces calamités sans nombre.
Histoire depuis
1789.
Au point de vue de l'administration
financière et politique, le département de l'Aisne était
presque tout entier pays d'élection, c.-à-d. où les
impôts étaient répartis par les officiers royaux, et
la majeure partie en appartenait à la généralité
de Soissons : à savoir presque toute l'élection de Château-Thierry,
la moitié de l'élection de Crépy-en-Valois
(Oise), presque toute l'élection de Guise, celle de Laon, sauf un
tout petit fragment, un tiers à peu près de celle de Noyon
(Oise),
la plus grande partie de celle de Soissons. En outre l'élection
de Saint-Quentin, dont les deux tiers sont aujourd'hui dans le département,
appartenait à la généralité d'Amiens;
trois ou quatre petits territoires frontières appartenaient à
la généralité de Champagne (élections de Reims
et de Sézanne) et à la généralité de
Paris (élection de Meaux). Enfin, tout à fait sur la lisière
septentrionale, une dizaine de villages se trouvaient en pays d'État,
où les impôts étaient répartis par les états
de la province, et relevaient de l'intendance de Valenciennes
ou du Hainaut, et de l'intendance de Lille
ou de Flandre.
Au point de vue ecclésiastique, il se partageait inégalement entre les évêchés de Laon, de Soissons et de Noyon, suffragants de Reims, et l'évêché de Meaux, suffragant de Paris; quelques paroisses relevaient de l'archevêché de Cambrai. Le département de l'Aisne fut constitué en 1790, avec les six districts de Laon, Soissons, Chauny, Vervins, Saint-Quentin et Château-Thierry. Malgré les vives instances de Soissons, qui avait été un centre administratif très important sous l'Ancien régime, Laon fut choisi pour chef-lieu. Le Consulat, lors de la division en arrondissements, supprima le district de Chauny et le rattacha à l'arrondissment de Laon. En même temps, le canton d'Orbais fut enlevé à l'arrondissement de Château-Thierry pour être donné à celui d'Epernay, dans le département de la Marne. Enfin, le traité de Paris, du 30 mai 1814, complété par la convention de Courtray, du 28 mars 1820, rectifia légèrement la frontière qui touche à la Belgique. C'est surtout à la fin des guerres de l'Empire que le département de l'Aisne fut le théâtre de grands événements. En 1814, le sort de la France et la fortune de Napoléon Ier se décidèrent sur son territoire. En vain celui-ci usa-t-il de toutes les ressources de sa féconde intelligence, il ne put triompher du nombre de ses ennemis qui l'entouraient et l'accablaient de toutes parts. La lutte était devenue impossible. La victoire de Craonne (6 et 7 mars) fut infructueuse, la bataille de Laon (9 et 10 mars) resta indécise. Soissons fut, pendant cette campagne, prise et reprise plusieurs fois. L'année suivante (1815), après le désastre de Waterloo, elle servit, ainsi que Laon, de centre de ralliement à nos troupes si éprouvées par cette courte et désastreuse campagne de Belgique. Elle capitula alors devant l'armée russe seulement le 14 août. En 1870-1871, l'armée prussienne occupa toute l'étendue du département de l'Aisne. Elle y leva d'énormes contributions de guerre (8,500,000 francs). Soissons, assiégée, capitula, le 16 octobre 1870, après plusieurs jours de bombardement. Laon s'était rendue dès le 5 septembre; la prise de possession de la citadelle en avait été signalée par une soudaine et terrible explosion de sa poudrière. Le 8 octobre, Saint-Quentin, ville ouverte, se signala par sa résistance à l'ennemi. Le 19 janvier, le général Faidherbe, commandant en chef de l'armée du Nord, perdait la bataille de Saint-Quentin contre un ennemi de beaucoup supérieur en nombre. Le département de l'Aisne a été évacué par l'armée prussienne après la signature de la paix. . (A. Joanne : GE). |
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