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de 1870-1871 |
Aperçu | Origines de la guerre | Fin du Second Empire | Débuts de la IIIe République | Traité de Francfort |
La guerre franco-allemande de 1870-1871 a été l'événement capital de la politique européenne dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce fut à la fois la dernière des guerres entreprises par la Prusse pour unifier l'Allemagne à son profit et la dernière des guerres entreprises par Napoléon III pour s'assurer l'hégémonie de l'Europe et consolider sa dynastie. Elle eut pour résultat la constitution d'un nouvel empire d'Allemagne héréditaire dans la famille des rois de Prusse, la chute de Napoléon III, l'annexion à l'Allemagne de l'Alsace-Lorraine arrachée à la France contre la volonté de ses habitants, l'établissement en Europe de la prépondérance militaire de l'Allemagne. Les belligérants La guerre, voulue par Bismarck, fut déclarée le 15 juillet 1870 par Napoléon III. Tandis que les jours suivants le premier obtenait sans peine l'alliance militaire des États du Sud (Bavière, Bade, Wurtemberg), le second se voyait refuser celle de l'Autriche, qui ne voulait rien risquer, et de l'Italie, qui mettait son concours au prix de l'acquisition de Rome. La lutte qui s'engageait allait donc réunir toute l'Allemagne contre la France isolée. Quelle était la proportion de leurs forces respectives? Le foudroyant éclat des succès remportés par le vainqueur lui a fait longtemps attribuer, même par le vaincu, toutes les supériorités : non seulement celles du nombre, de l'armement et de la stratégie, mais encore celles de l'esprit public, du sentiment du devoir, de la science et des institutions politiques. Le recul du temps et l'expérience d'une autre guerre ont réduit à leur juste valeur ces explications trop simplistes. Si les Français furent écrasés par le nombre à Wissembourg, à Froeschviller, à Saint-Privat et à Sedan, ils combattirent à égalité à Spickeren, et avec des forces supérieures à Borny, à Rezonville et pendant toute la seconde partie de la guerre. Lors de l'armistice final, ils se trouvaient même avoir mobilisé plus d'hommes que leurs adversaires (1.814.000 contre 1.452.000), mais trop tard pour en faire des soldats exercés, et sans les avoir employés au moment opportun et aux points décisifs. Les défaites de la France ne s'expliquent pas non plus par son infériorité morale ou même militaire: elle ne le cédait pas à la Prusse en patriotisme, et entre leurs deux armées il n'y avait que la différence de deux systèmes - armée de métier ou nation armée - présentant chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Elle a été battue pour avoir commis, surtout au début, quelques erreurs stratégiques irréparables, tenant elles-mêmes à de graves insuffisances de commandement et d'organisation. La bataille de Rezonville, par Aimé Morot. L'empereur Napoléon III avait cru devoir à son nom et à son titre de prendre le commandement suprême de l'armée, comme pendant la campagne d'Italie. Il n'y était préparé ni par ses goûts, ni par ses capacités, et ne devait porter dans la conduite de la guerre que l'indécision de son caractère et la funeste influence de préoccupations politiques. Parmi ses collaborateurs, les maréchaux (Leboeuf, Bazaine, Canrobert, Mac-Mahon) n'étaient que de bons divisionnaires, sans autre science militaire qu'un empirisme formé dans les expéditions d'Algérie; aux plus savants, comme Frossard, on pouvait reprocher d'être surtout des théoriciens. Au-dessous d'eux enfin, les officiers d'état-major avaient peu à peu oublié l'étude et la préparation de la guerre, objet principal de leur mission, dans l'automatisme d'occupations purement bureaucratiques. En Prusse également, le souverain était le chef suprême de l'armée en campagne; mais il s'entraînait depuis sa jeunesse à remplir cette tâche, considérée dans sa maison comme la plus essentielle des fonctions royales, et il pouvait en toute confiance en laisser la charge à son chef d'état-major, le fameux général de Moltke. Sans être ni un stratège génial, ni un émule de Napoléon, auquel l'ont comparé de maladroits panégyristes, ce dernier avait sur ses adversaires l'avantage d'une pensée nette, d'une volonté inflexible, et surtout d'une doctrine de la grande guerre, contestable sans doute, mais cohérente, longuement méditée, consacrée par les succès de 1866, entretenue par un grand état-major pénétré des idées de son chef. A tous les degrés de la hiérarchie militaire régnaient enfin, avec un sentiment très développé de la discipline, un esprit d'initiative qui inspirait à des sous-ordres l'audace d'offensives heureuses et un esprit de solidarité qui leur assurait l'appui immédiat de leurs voisins. D'après des témoignages autorisés, ces précieuses qualités ont aussi efficacement contribué aux succès du début que les savantes combinaisons de Moltke. En 1870, déjà, c'était le talent de l'organisation qui représentait le mérite le plus incontesté des Allemands. Ils lui devaient le groupement permanent de leurs troupes en formations de guerre, la discipline de feu de leur infanterie, l'aptitude de leur cavalerie aux missions de reconnaissance, l'excellence de leur matériel d'artillerie, la prévoyance et la ponctualité qui présidaient au fonctionnement de tous les services de l'arrière. Le déroulement de la guerre Le 30 juin 1870, Emile Ollivier dit au Corps législatif : « A aucune époque le maintien de la paix en Europe n'a paru plus assuré. »Et le 7 juillet, Hammond, secrétaire permanent au Foreign Office : « Jamais le ciel de l'Europe ne m'a paru plus pur de nuages. »Le 15 juillet, c'était la guerre. Cette guerre, qui dura jusqu'au 28 janvier 1871, peut être divisée en trois périodes : Du 15 juillet au 4 septembre. Du 4 septembre au 5 décembre. Du 5 décembre 1870 au 28 janvier 1871. De Versailles à Francfort Après la cessation des hostilités, le passage de l'état de guerre à l'état de paix s'accomplit en trois étapes successives : 1°) Assemblée nationale et présidence de Thiers. L'Assemblée fut élue avec le mandat de faire la paix. Les monarchistes arrivèrent en majorité à Bordeaux, parce qu'ils s'étaient déclarés hautement contre la continuation de la guerre. La République incarnait la guerre à outrance, bien que nombre de républicains fussent résignés à traiter. Il n'y eut que sept bonapartistes. La majorité royaliste fut nommée surtout par les campagnes. Thiers fut choisi dans vingt-six départements, à cause de son opposition à la guerre ; Gambetta dans dix (dont le Haut et le Bas-Rhin, la Moselle et la Meurthe) comme le héros de la résistance. L'Assemblée élut pour président Grévy, quoique républicain, mais parce que favorable à la paix. Thiers fut nommé chef du pouvoir exécutif de la République, « en attendant qu'il fût statué sur les institutions de la France ». C'était une sorte de dictature du bon sens et de la sagesse que monarchistes et républicains conféraient au vieil homme d'Etat dont la voix n'avait pas été écoutée par le Corps législatif de l'Empire. Il prit pour ministres des républicains modérés (Dufaure, Jules Favre, Jules Simon, Ernest Picard) et des royalistes libéraux (Lambrecht, de Larry). 2°) Préliminaires de Versailles. Bismarck formula aussitôt les exigences de l'Allemagne : le paiement par la France d'une indemnité de 6 milliards, jusqu'au paiement complet l'occupation d'une partie du territoire, et la cession de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine (Lorraine mosellane), y compris Metz et Belfort. Il n'avait aucun doute sur la volonté des Alsaciens-Lorrains de rester Français. Il invoqua simplement le droit de conquête, rien que les raisons militaires et politiques. La France, qui ne songeait pourtant pas à l'appliquer à ses colonies, argua du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, notion de droit moderne qui n'existait pas pour Bismarck; même il n'attachait qu'une importance oratoire aux arguments ethniques et historiques des savants allemands. La lutte fut inégale entre « le sauvage de génie » qui avait voulu la guerre et l'éloquent vieillard qui n'avait pas pu l'empêcher. La faiblesse de Thiers, ce fut sa conviction trop apparente que la guerre, « faute de moyens », ne pouvait pas être reprise. Pourtant, il menaça de rompre, non pas sur Metz, mais sur Belfort. Bismarck, d'autre part, s'inquiéta de la conférence qui siégeait à Londres pour la révision, réclamée par la Russie, du traité de 1856. Il était sûr du tsar Alexandre, sans qui la victoire allemande, de l'aveu même de l'empereur allemand, eût été impossible; mais l'Autriche « n'approuvait pas la réserve absolue de l'Europe indifférente », et l'opinion anglaise commençait à reprocher sa passivité au gouvernement de Gladstone. Si la guerre reprend, que fera la conférence? Il céda donc sur Belfort et sur le chiffre de l'indemnité, réduite d'un milliard, mais à une condition cruelle : l'entrée des Allemands à Paris, dans le quartier de l'Arc de Triomphe et des Champs-Elysées, où ils resteraient jusqu'à la ratification du traité. Thiers ne vit que Belfort à sauver, accepta, puis, brisé de douleur, courut à Bordeaux pour presser la ratification et abréger le supplice de Paris. La discussion ne prit qu'une séance. L'Assemblée, décidée à approuver, se soulagea en votant d'abord, à la presque unanimité, la déchéance de Napoléon III, « responsable de la ruine, de l'invasion et du démembrement de la France ». Puis, 546 voix contre 107 - les Alsaciens-Lorrains, l'extrême gauche, Hugo, Gambetta, Chanzy - adoptèrent le traité. La même douleur étreignit ceux qui se résignèrent, ceux qui refusèrent de consentit à la paix de démembrement. Grosjean, l'un des représentants des provinces sacrifiées, déposa alors sur la tribune leur démission collective et leur protestation : « Livrés, en dépit de toute justice et par un odieux abus de la force, à la domination de l'étranger, nous déclarons, encore une fois, nul et non avenu, un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. La revendication de nos droits reste à jamais ouverte. » (1er mars).Les « protestataires », au milieu d'un grand silence, sortirent de la salle des séances; Kuss, maire de Strasbourg, mourut le soir même. Gambetta, sur sa tombe, annonça la revanche du droit : « La force nous sépare, mais pour un temps seulement, de l'Alsace, berceau traditionnel du patriotisme français. »L'échange des ratifications eut lieu à Versailles, le 2 mars; l'empereur Guillaume avait fixé au 5 son entrée triomphale à Paris. Les préliminaires de paix furent convertis en traité, à Francfort, au mois de mai. 3°) Le Traité de Francfort. Les conséquences de la guerre Proclamation de l'Empire allemand. Changements politiques et économiques. L'évolution politique. Aussi bien que dans la construction intérieure des États, le principe de la souveraineté populaire triomphe, sous le nom de principe des nationalités, dans leurs relations extérieures. Il a eu jusqu'alors pour adversaires les dynasties, intéressées au maintien de l'ordre territorial établi par les traités de 1815. Il trouve désormais un souverain, Napoléon III, pour s'en proclamer le champion, et deux autres, les rois de Prusse et de Piémont, pour le personnifier et en devenir les bénéficiaires. Cette alliance des trônes et de la révolution représente un fait nouveau dans l'histoire de l'Europe; elle donne lieu à des mouvements nationaux qui conduisent certains peuples à se libérer de la domination étrangère, d'autres à se grouper en vastes agglomérations politiques. Déjà, la formation de deux grandes puissances, l'Italie et la Prusse, l'affranchissement de deux nationalités nouvelles, la Roumanie et la Serbie, ont modifié profondément, entre 1856 et 1870, la carte de l'Europe et les conditions de son équilibre. Dans l'ordre économique enfin, la période du second Empire et des commencements de la IIIe République, caractérisée par les progrès de la richesse publique et du bien-être privé, présente, comme un phénomène commun à tous les États de l'Europe occidentale, le développement de la grande industrie et l'affluence d'ouvriers salariés dans les villes où elle se concentre; la composition intérieure des peuples se trouve transformée par l'apparition d'une classe sociale nouvelle, dont les aspirations politiques et les rapports avec le capital qui la rétribue soulèvent une série de problèmes économiques destinés à devenir la grande préoccupation des décennies suivantes. L'Allemagne de son côté gagnait à la guerre tout ce qu'y perdait la France. Le sacrifice relativement léger de 49.000 vies humaines lui avait valu l'avantage d'obtenir par la proclamation de l'Empire son unité définitive, par l'absorption des Etats du Sud un accroissement d'un quart en territoire et en population, par la conquête de l'Alsace-Lorraine un bastion défensif et même offensif contre la France, par l'encaissement d'une indemnité bien supérieure à ses dépenses réelles les résultats matériels d'une bonne affaire après le prestige d'un éclatant triomphe. Elle était devenue la grande puissance militaire de l'Europe centrale, sur laquelle elle allait exercer pendant une vingtaine d'années une véritable prépondérance. Par l'ébranlement qu'elle avait communiqué au reste de l'Europe, la guerre en avait également modifié les conditions d'équilibre. Elle profitait indirectement à l'Italie et à la Russie, ayant permis à l'une de compléter son unité par l'occupation de Rome, à l'autre de faire abolir dans la Conférence de Londres les restrictions apportées par le traité de Paris à sa liberté d'action dans la mer Noire (janvier 1871). L'Autriche par contre cédait définitivement à une autre son rôle de grande puissance germanique et l'Angleterre semblait renoncer pour un temps à celui d'arbitre du continent. Enfin les conquêtes violentes de la Prusse, poursuivies au mépris des traditions diplomatiques comme des voeux populaires, semblaient inaugurer en Europe le régime de la force brutale, et développaient en elle un état d'inquiétude, de défiances réciproques et d'instabilité morale qui devait ouvrir dans son histoire et caractériser pour l'avenir la période dite de la « paix armée ». (NLI / M. Petit / J. Reinach). |
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