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Jacques II
de Chabannes, seigneur de La Palice
est un des plus grands capitaines de son temps , suivit Charles
VIII, à la conquête de Naples
, et fut nommé lieutenant de ce royaume, après la mort du
comte d'Armagnac. Il aida Louis XII à
recouvrer le Milanais (Les
Guerres d'Italie). En 1502, il fut nommé juge du combat singulier
entre Bayard et Alonso de Sotomayor. La même
année, commandant dans Rubos, il envoya des trompettes défier
Gonzalve de Cordoue et les Espagnols
renfermés dans Barletta : il ne craignit
pas de se présenter plusieurs fois, suivi de trente ou quarante
hommes, aux portes de la place, ou de faire le tour de ses remparts, sans
que l'ennemi, insulté par ces bravades, osât sortir pour le
combattre.
«
Heureux La Palice! s'écria un jour Mendoce. Que Ferdinand avec toute
sa puissance, que Gonzalve avec toute son habileté, me paraissent
petits auprès de toi! »
Cependant, l'année suivante, Nemours,
qui commandait en chef, ayant dégarni Rubos pour aller chasser les
Espagnols de Castellanet, Gonzalve, profitant de cette erreur, vint, au
milieu de la nuit, foudroyer les murs de Rubos , qui tombaient en ruine.
En vain La Palice se montra partout habile général et soldat
intrépide; il fut forcé de céder au nombre. La ville
fut emportée; et, sans avoir le temps de gagner la citadelle, déjà
blessé, pouvant à peine se soutenir, debout contre une muraille,
ayant son casque brisé, il arrêtait la fureur des combattants,
lorsqu'un soldat l'atteignit à la tête avec sa pique, et le
fit prisonnier. On le présente à Gonzalve, qui le menace
de la mort, s'il n'oblige sur le champ son lieutenant à rendre la
citadelle. Il est aussitôt conduit aux pieds des remparts. Il appelle
son lieutenant :
«
Cormon, s'écrie-t-il , Gonzalve que vous voyez, menace de m'ôter
la vie, si vous ne vous rendez promptement. Mon ami, regardez-moi comme
un homme déjà mort ; et si vous pouvez tenir jusqu'à
l'arrivée du duc de Nemours, faites votre devoir! »
Cormon se défendit : la citadelle fut
emportée d'assaut; mais Gonzalve ne ternit pas sa gloire par un
assassinat : il fit même soigner La Palice par les plus habiles chirurgiens
de son armée. On peut néanmoins lui reprocher d'avoir rejeté
toutes les offres qui lui furent faites pour la rançon de son prisonnier
: il ne pouvait, au reste, mieux louer ses talents militaires et sa bravoure.
En 1507, La Palice se signala dans l'expédition de Louis XII contre
les Génois, et fut blessé à
la gorge après avoir fait des prodiges de valeur. Il fut encore
blessé, en 1509, à la bataille d'Agnadel.
La même année, il empêcha Vérone
et Vicence de se soulever, en forçant, avec sept cents lances, les
troupes vénitiennes à s'éloigner. Maximilien
lui donna de grands témoignages d'estime au siège de Padoue.
La Palice était, de tous les généraux
français, celui en qui cet empereur avait le plus de confiance.
En 1512, lorsque Nemours tomba sur le champ de victoire de Ravenne,
toute l'année demanda l'assaut et La Palice pour général.
Ravenne se rendit. La Palice arrêta la furie du soldat, et fit pendre
le capitaine Jacquin, dont la troupe s'était portée à
d'indignes excès. Bientôt après, l'armée française
fut obligée d'évacuer l'Italie,
et La Palice la ramena en-deçà des monts : Bayard
fut blessé dans cette retraite. La Palice entra en Navarre,
dont Ferdinand le Catholique s'était
emparé; mais cette expédition ne fut pas heureuse. En 1513
, il fat battu à Guinegatte, où
Bayard, le duc de Longueville, Clermont d'Anjou, et Bussy d'Amboise, furent
faits prisonniers.
En 1515, François
Ier monta
sur le trône, et créa La Palice maréchal de France;
mais il lui retira la charge de grand-maître, pour la donner à
Gouffier de Boisy, qui avait été son gouverneur. Peu après
La Palice commanda un des grands corps de l'armée qui passa les
Alpes
avec le monarque français, et combattit avec gloire à la
bataille de Marignan, qui décida
la conquête du Milanais. En 1521, il se rendit , avec le chancelier
Duprat, à Calais, où Wolsey
vint ouvrir des conférences pour la paix. Gattinara, grand-chancelier
de Charles-Quint, y assista pour son maître
: elles n'eurent d'autre résultat que de laisser à Charles-Quint,
à Henri VIII et à François
Ier le temps de se préparer à
la guerre. Chabannes fut enfin rappelé, et nommé lieutenant
du duc de Vendôme dans la campagne de Flandre,
qui fut sans grands événements, mais où François
Ier vit Charles-Quint abandonner son armée
, à la veille du combat, et s'enfuir aux Pays-Bas.
La même année Chabannes se trouva, en Italie, à la
malheureuse affaire de La Bicoque, où commandait Lautrec, et que
suivirent la défection des Suisses
et la perte du Milanais. La Palice ayant fait d'inutiles efforts pour détourner
Lautrec et les Suisses de se battre .
«
Eh bien, s'écria-t-il, que Dieu favorise donc aux fols et aux superbes.
Quant à moi, afin qu'on ne pense point que je refuse le péril,
je m'en vais combattre à pied avec la première infanterie.
Et vous, gendarmes français, combattez si vaillamment que l'on connaisse
qu'en tel cas périlleux la fortune vous a plutôt manqué
que non pas le courage. »
La Palice prit, peu après, le commandement
de l'armée qui battit les Espagnols devant Fontarabie,
et délivra, cette place près de succomber. En 1523, il fut
chargé, par François Ier
d'aller arrêter, avec ses compagnies d'ordonnance, le connétable
de Bourbon dans le château
de Chantelle. Mais le connétable ne l'avait pas attendu. L'année
suivante, La Palice eut à le combattre en Provence,
dont le connétable s'était
rendu maître : il assiégeait Marseille,
et prenait déjà, dans les saufs-conduits qu'il délivrait,
le titre de comte de Provence. La Palice s'empara d'Avignon,
s'avança jusqu'à Salon,
et contraignit le connétable à se retirer en Italie. Il l'atteignit
au passage du Var, tailla en pièces son arrière-garde, et
le fit poursuivre jusque dans le comté de
Nice. La Palice se trouva, en 1525, à la fatale journée
de Pavie. Il était d'avis, avec le vieux
La Trémouille et le maréchal de Foix, qu'il fallait éviter
la bataille. Il ne s'agissait que de temporiser Dans quinze jours l'armée
du connétable devait se débander, faute de solde et de subsistances.
«
Si résolument, disait La Palice, on ne leur donne présentement
de l'argent, ils feront révolte et amutinement; ou bien ils se retireront
tous qui deçà, qui delà, en leurs pays et maisons.
Notre gent gagnera la force avec l'espace et la tardance; et au contraire
la leur se débilitera du tout. »
L'auteur espagnol de la vie de Pescaire observe
que La Palice parlait contre son naturel belliqueux, et qu'il était
mas valeroso y bravo, que moderado y recatado. Mais Bonivet, Chabot,
et quelques jeunes favoris se déclarèrent contre l'avis des
vieux capitaines; et la bataille fut résolue.
«
La Palice, dit Brantôme, fit en ce jour d'aussi beaux combats
que jamais il en avait fait au plus beau de son âge. »
Il avait renversé deux fois tout ce
qui se trouvait devant lui, lorsqu'entraîné par la chute de
son cheval, il fut fait prisonnier par un capitaine italien nommé
Castaldo. En ce même moment, un capitaine espagnol, nommé
Busarto, prétendit avoir sa part de la capture, et du prix de la
rançon qu'offrait le prisonnier. Mais l'Italien ne voulant pas de
partage l'Espagnol appliqua son arquebuse sur la cuirasse du vieux guerrier,
et le renversa mort sur le champ de bataille. Il ne pouvait mourir autrement,
dit Brantôme; car qui a bon commencement
a bonne fin.
Le nom de La Palice fut longtemps cher
aux soldats français qui célébraient ses exploits
dans des chansons guerrières.Quelques-uns de ces couplets, répandus
au lendemain de la bataille de Pavie, inspirèrent bien plus tard
à Bernard de la Monnoye (1641-1728)
une chanson plaisante, dont voici la fin :
" Monsieur
de la Palisse est mort,
il est mort devant
Pavie,
Un quart d'heure
avant sa mort,
il était
encore en vie.
Il fut par un triste
sort
blessé d'une
main cruelle,
On croit, puisqu'il
en est mort,
que la plaie était
mortelle.
Regretté de
ses soldats,
il mourut digne
d'envie,
Et le jour de son
trépas
fut le dernier de
sa vie.
Il mourut le vendredi,
le dernier jour
de son âge,
S'il fut mort le
samedi,
il eût vécu
davantage.
J’ai lu dans les
vieux écrits
Qui contiennent
son histoire,
Qu’il irait en Paradis,
S’il n'était
en Purgatoire."
Delà les termes de lapassidade
ou de vérité de La Palisse pour désigner un
truisme...
Les Espagnols appelaient La Palice, el
gran capitan de muchas guerras y victorias. On trouve sa biographie
dans les Hommes illustres de Thevet, dans les Capitaines français
de Brantôme, et dans la Vie de plusieurs grands Capitaines,
par François de Pavie, baron de Forquevault, Paris, 1643 in-4°.
(V-ve). |
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