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L'architecture grecque |
De tous les arts du dessin pratiqués et perfectionnés par les Grecs, l'architecture a été le plus idéal, c.-à-d. celui qui s'est le plus détaché des conditions de la matière et des passions qu'elle suggère. Née de l'utile, elle s'en est bientôt détachée; opérant avec le bois et la pierre, elle les a peu à peu cachés, au point de les faire disparaître aux yeux du spectateur pour ne lui présenter que des formes pures et immatérielles. Dans la période de son déclin, cet art n'a jamais fait reparaître la matière dont il s'était affranchi, et c'est plutôt par l'abus de la forme qu'il s'est éloigné de sa propre perfection. - Le Parthénon, à Athènes. Source : The World factbook. C'est une opinion exagérée et exclusive de faire dériver toute l'architecture des Grecs de primitives constructions en bois, et de l'opposer par ce côté seul à celle des Égyptiens, qui n'ont pas, eux non plus, emprunté leurs modèles uniquement à d'antiques maisons en pierres. La voûte telle que les Grecs l'ont pratiquée, à une époque fort ancienne, ne dérive nullement d'un échafaudage de bois, non plus que les murs des villes, dont les formes les plus antiques existent encore et ne supposent que la pierre. Toutefois, les plus beaux édifices de la Grèce, ses temples, ses théâtres, ses portiques, ses odéons présentent des formes évidemment issues de la maison de bois, de même qu'en Égypte les édifices d'un genre analogue ne supposent l'emploi de cette matière que dans quelques-unes de leurs parties accessoires. De bonne heure l'architecture, dont les conceptions sont géométriques, s'annexa deux arts qui lui sont naturellement étrangers, mais qui peuvent ajouter beaucoup à l'effet idéal des édifices, la sculpture et la peinture. Mais, jusque dans les derniers temps, les sculpteurs et les peintres subordonnèrent leur conception et leur travail à l'oeuvre de l'architecte; et les ouvrages d'un goût médiocre que produisit l'âge de la décadence conservèrent ainsi leur unité et leur ensemble. Ce principe se retrouve appliqué avec rigueur dans l'art grec tout entier, qui sut toujours subordonner la partie décorative d'une oeuvre à l'oeuvre elle-même. La période archaïque. La Porte des lions, à Mycènes. Après les invasions doriennes. L'ordre ionique parut à une époque qu'il est impossible de fixer, mais qui est certainement antérieure à l'année 580 av. J.-C. Les colonnes à bases, avec volutes au chapiteau, le distinguent de l'ordre dorique; mais cette première différence, unie à la légèreté du fût, en entraîne d'autres dans toutes les parties de l'édifice. L'élégance ornée caractérise cet ordre; moins essentiellement grec que le précédent, et qui ne prit un grand développement que dans les temps postérieurs. Nous voyons toutefois que, dans les édifices fort anciens, l'ordre ionique était employé à l'intérieur, même avec de grandes dimensions. Le temple d'Artémis à Éphèse était entièrement ionique, et ne date cependant que du commencement du VIe siècle; l'art de tailler la pierre et la science des formes étaient donc déjà fort avancés à cette époque. L'Olympieion (temple de Zeus olympien), à Athènes. Treize des colonnes subsistent. A l'origine, cette structure massive s'appuyait sur 104 colonnes . Elle avait été commencée en 520 avant JC mais n'a pas été entièrement terminée avant l'an 132 de notre ère. La période classique. L'invasion des Perses (Les Guerres médiques) causa en Grèce une sorte de révolution, qui se fit sentir aussi bien dans les arts que dans la politique; la dévastation des cités détruisit un grand nombre d'édifices religieux ou militaires d'une date souvent assez récente et qu'il fallut relever. Le développement politique et maritime d'Athènes fit affluer dans cette ville les richesses du monde grec, et lui permirent de sortir de ses cendres avec une magnificence inconnue aux temps postérieurs. L'art était alors dans toute sa force et touchait à sa maturité. On refit en marbre, avec une perfection à peine croyable pour nous, les édifices de pierre dévastés. Les temples, les théâtres, les odéons, les propylées, les portiques ont été construits dans toute leur beauté noble, grandiose et élégante, avec toutes les ressources des arts accessoires, à partir de l'administration de Cimon, et jusqu'à la prise d'Athènes par Lysandre en 404. Les quarante années de l'administration de Périclès ont vu l'architecture s'élever à son idéal le plus parfait. De Cimon date le temple de Thésée à Athènes, ouvrage d'une rare élégance. Mais un artiste d'un talent supérieur, Phidias, imprima à toutes les oeuvres architecturales de ce temps un caractère de beauté qui n'a point été égalé depuis : la force sans lourdeur, l'élégance sans affectation, l'idéal soutenu par une incroyable science de la statique et des proportions. Les lignes droites ont entièrement disparu; il n'y a plus, dans ces édifices qui semblent carrés, aucune surface horizontale ou verticale sur laquelle une ligne droite puisse s'appliquer; tout est courbe, du pavé au faite; les murs, les colonnes, sont inclinés avec une science infinie; l'effet visuel est calculé dans ses plus petits détails. La solidité n'a jamais été ménagée avec autant d'art que dans les oeuvres de ce temps. Sous la direction de Phidias, Ictinos éleva le Parthénon, Mnésiclès les Propylées. - Architecture grecque. 1. Parthénon; 2. Mosaïque du temple d'Olympie; 3. Chapiteau du monument de Lysicrate, à Athènes; 4. Ornement en brique du temple d'Artémis (Eleusis). Toutes les constructions de ce temps nous montrent l'art de bâtir dans sa perfection : grands blocs de marbre égaux ou symétriques, reproduisant pour leur part les courbes et les inclinaisons dans lesquelles ils sont compris; nul ciment pour les joindre; surfaces polies s'adaptant au point de devenir indiscernables; nul glissement possible, les courbes et les pentes étant combinées en vue de la solidarité des parties et de l'unité compacte du tout. Ces beaux temples de marbre blanc n'en étaient pas moins couverts du stuc orangé traditionnel; car, pour être le plus parlait des matériaux, le marre n'en est pas moins une matière, que l'art tout idéal des Grecs devait s'attacher à faire disparaître. La sculpture, dont Phidias est à cette époque le plus illustre représentant, apporta son concours à la décoration des temples : les frises du Parthénon sont les plus grandes oeuvres de sculpture que nous ait laissées l'Antiquité; mais elles étaient de beaucoup surpassées par la statue même de la déesse, toute d'ivoire et d'or, oeuvre de Phidias. Sous l'impulsion donnée par cet artiste et par Périclès, la Grèce se couvrit d'ouvrages d'architecture d'un caractère grandiose et d'une richesse tout idéale. On n'éleva pas seulement des temples, mais aussi des théâtres de pierre contenant jusqu'à 150 000 spectateurs, des portiques ou galeries couvertes ornées de colonnes et de peintures, des salles de musique, des hippodromes à gradins, divers ouvrages d'utilité publique. La guerre du Péloponèse, le règne de l'oligarchie, la prise d'Athènes par Lysandre, la tyrannie des Trente, ruinèrent une ville dont la peste avait déjà démoralisé les habitants. L'esprit public se détourna de l'intérêt de l'État vers les jouissances individuelles. l'architecture se mit, ainsi que les autres arts, au service des particuliers, et leur éleva des maisons qui rivalisaient avec les temples des dieux. On construisit fort peu d'édifices publics depuis 404 jusqu'à la bataille de Chéronée; mais les villes étalèrent un luxe inconnu aux temps antérieurs; non, seulement on abattit les maisons anciennes pour en élever de nouvelles, mais les rues devinrent plus larges et plus régulières. Le Pirée fut rebâti de la sorte, ainsi que Sybaris ou Thurii et d'autres cités, soit en Grèce, soit dans les colonies. La période hellénistique. C'est sous ces influences combinées que s'éleva de toutes pièces la ville d'Alexandrie, dessinée et construite par Dinocrate, et qui fut un modèle pour les temps postérieurs. Antioche ne le céda en rien à Alexandrie pour la régularité de son plan et la splendeur des habitations particulières. A cet extérieur magnifique répondait une décoration intérieure pleine de goût et d'élégance, en même temps que de richesse et d'éclat. Toutefois, cette profusion venait en grande partie d'une passion souvent désordonnée pour le luxe et les plaisirs, et d'une ostentation plus favorable aux architectes qu'à l'architecture : car les grands architectes qui avaient élevé le Parthénon et décoré les Propylées ne recevaient qu'une rétribution minime pour leur travail; ceux, au contraire, qui travaillaient à satisfaire le goût des princes et des particuliers s'enrichissaient; mais le caractère idéal de leurs oeuvres s'abaissant avec le but à atteindre, ils ont élevé en majeure partie des édifices sans nom. C'est pendant cette période que se développa dans toute sa richesse l'ordre corinthien, moins élégant, mais plus somptueux que l'ionique. C'est lui qui fut adopté de préférence dans les siècles qui suivirent. L'utile, soit dans la vie privée, soit dans la vie publique, domine l'architecture au temps des Romains; mais ce principe est appliqué d'une manière grandiose et qui ne souffre rien de mesquin; quoique l'art de bâtir n'ait jamais produit sous les empereurs rien de comparable au Parthénon, cependant les constructeurs grecs employés par eux ont laissé des édifices très solides et parfois d'un grand caractère. L'arcade avait à peine paru dans les édifices grecs des temps antérieurs elle prend une importance majeure dans cette dernière période; elle a pour conséquence naturelle la voûte et le dôme, et pour complément les piliers remplaçant les colonnes. L'addition de colonnes; soit détachées, soit engagées, à l'extérieur de ces édifices, produisit un mélange de formes dont le goût du temps de Périclès n'eût pas été satisfait : mais ce mélange provenait du besoin de rendre plus légères en apparence les formes lourdes d'arcades portées sur d'énormes piliers. C'est ce même besoin qui fit naître le chapiteau composite, mélange plus riche encore que le corinthien, mais d'une composition toujours difficile et rarement heureuse. Les grandes dimensions des édifices, composés de plusieurs étages, suggérèrent l'idée de placer les ordres les uns au-dessus des autres, en commençant par le plus simple; mais à l'ordre dorique, qui n'a point de base, fut substitué le toscan, plus en harmonie avec le genre des nouvelles constructions. Tels sont les membres principaux auxquels se reconnaissent les ouvrages nés sous l'influence du génie romain. On en éleva dans tout l'Empire, depuis l'époque de la conquête, et principalement sous Auguste secondé par Agrippa, sous les Flaviens et sous les Antonins. les constructions romaines, que les Grecs d'autrefois avaient à peine pratiquées ou même entièrement ignorées, sont surtout les thermes, les aqueducs, les arcs de triomphe, les amphithéâtres, les basiliques. La grandeurs de ces constructions n'eût pas permis d'y appliquer l'art infini du Parthénon; il fallut donc recourir à des moyens, plus économiques : de là l'usage universel alors de la brique ou des petites pierres carrées à l'extérieur des murs comme revêtement, et du mortier jeté à l'intérieur avec des débris de toute forme et se prenant en une masse unique et presque indestructible; de là aussi l'emploi de pierres de taille dont l'extérieur n'est que dégrossi. Quant à la valeur architecturale des constructions de l'Empire, elle est en général très petite : les membres, empruntés aux ordres grecs, ne servent plus qu'à dissimuler la lourdeur des formes réelles des édifices; ces membres, on les modifie, on les accouple, on les engage, on les superpose, ou bien on s'en sert comme de points d'attache à des ornements étrangers, de manière qu'ils perdent entièrement leur signification et leur valeur architectonique. Par cet abus qui prodigue la variété sous tant de formes, on tombe réellement dans une déplorable uniformité. C'est par ce mélange arbitraire de toutes les conceptions antiques que finit l'architecture grecque. Elle avait commencé par des formes herculéennes; sous Périclès, elle avait atteint son point de maturité, forte, gracieuse, naturelle, idéale; elle périssait sous le poids de la richesse, du bien-être et du luxe, accablée par ses ornements. (Em. B.).
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