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Le
Protérozoïque
(du grec ancien, signifiant avant les animaux) est l'époque géologique
(éon) qui suit l'Archéen et précède le Cambrien
(première période du Paléozoïque). Il
s'étend de 2,5 milliards à 541 millions d'années avant notre ère, représente
une étape essentielle dans l'histoire de la Terre, tant sur le plan géologique
que biologique. Cette période se caractérise par la stabilisation
progressive des continents grâce à la formation
et la consolidation des cratons, blocs continentaux
anciens qui serviront de socle aux futurs continents. Durant cette longue
ère, plusieurs supercontinents
se forment et se fragmentent, notamment le Rodinia,
modifiant les circulations océaniques et atmosphériques et influençant
profondément le climat global.
Un événement majeur
du Protérozoïque est la Grande oxydation, survenue vers 2,4 milliards
d'années, où la photosynthèse des cyanobactéries
provoque une augmentation notable de l'oxygène
dans l'atmosphère ( La
biosphère). Cette transformation entraîne
l'oxydation des minéraux, la formation
de gisements de fer rubané et modifie durablement
la chimie des océans. Cette hausse d'oxygène a
des conséquences biologiques importantes, favorisant l'apparition des
premiers eucaryotes et rendant possible une
diversification ultérieure des organismes vivants.
Le climat connaît
également de grands bouleversements, notamment avec des glaciations
d'ampleur exceptionnelle. La glaciation huronienne au Paléoprotérozoïque
est l'une des premières connues, suivie, plus tard, par les glaciations
globales du Cryogénien, où la Terre a pu être entièrement recouverte
de glace, phénomène qualifié de « Terre boule de neige ». Ces épisodes
extrêmes alternent avec des périodes plus chaudes, façonnant les environnements
terrestres et marins.
Sur le plan biologique,
le Protérozoïque marque l'émergence d'innovations évolutives déterminantes.
Après l'apparition des eucaryotes, la vie unicellulaire devient plus complexe,
avec la diversification des algues et des premiers
organismes pluricellulaires. Vers la fin de cette ère, au cours de l'Édiacarien,
apparaissent les premiers animaux à corps mou (faune édiacarienne). Ces
organismes préfigurent la grande diversification de la vie qui surviendra
Ă l'explosion cambrienne.
Les ères protérozoïques
Le Protérozoïque est
subdivisé en trois ères (Paléoprotérozoïque, Mésoprotérozoïque
et Néoprotéroozoïque), qui correspondent à des étapes majeures
de l'évolution géologique et biologique de la Terre. Elles voient
passer notre planète d'un monde dominé par des formes de vie microbiennes
à un environnement où les conditions deviennent favorables à la complexité
biologique, tout en connaissant d'importantes réorganisations continentales
et climatiques.
Paléoprotérozoïque.
Le Paléoprotérozoïque,
couvre la période de 2,5 à 1,6 milliard d'années. Cette ère débute
par la stabilisation de vastes cratons qui formeront les noyaux des futurs
continents. C'est également durant cette phase qu'apparaît l'événement
d'oxygénation majeur, connu sous le nom de Grande oxydation, vers 2,4
milliards d'années. Celui-ci résulte de l'activité photosynthétique
des cyanobactéries, provoquant une hausse significative de l'oxygène
dans l'atmosphère et la précipitation des formations de fer rubané.
Cette transformation chimique modifie profondément les océans et l'atmosphère,
et entraîne également des glaciations globales comme celle de Huronien.
Vers la fin de ce segment, les premiers eucaryotes font leur apparition,
posant les bases de l'évolution cellulaire. Cette ère est découpée
en quatre périodes :
Sidérien.
Le Sidérien (2,5
à 2,3 milliards d'années) est caractérisée par la formation étendue
de bandes de fer rubanées, conséquence de l'accumulation d'oxygène produit
par les cyanobactéries dans les océans primitifs. Cet oxygène, initialement
piégé par les ions ferreux, conduisit progressivement à la saturation
des océans en fer oxydé, marquant les prémices de la Grande oxydation.
Durant cette période, les premiers continents stables se mirent en place,
formant des cratons qui constituent aujourd'hui les noyaux des continents
modernes.
Rhyacien.
Le Rhyacien (2,3
à 2,05 milliards d'années) est associé à l'un des événements glaciaires
les plus importants de l'histoire terrestre, appelé la glaciation huronienne.
Cette glaciation, qui dura des dizaines de millions d'années, fut probablement
déclenchée par l'augmentation de l'oxygène atmosphérique et la diminution
des gaz à effet de serre comme le méthane.
Parallèlement, des supercontinents primitifs tels que le Kenorland commencèrent
à se fragmenter, modifiant les configurations océaniques et climatiques.
La
glaciation huronienne est une période de refroidissement intense,
caractérisée par l'apparition de glaciers sur une grande partie de la
Terre, entraînant la formation de calottes glaciaires et de dépôts glacières.
Les preuves de cette glaciation proviennent notamment de strates géologiques
trouvées dans la région du lac Huron, au Canada,
d'où son nom. L'extension de la calotte glaciaire aurait touché des régions
situées près du pôle, mais aussi des zones plus proches de l'équateur,
ce qui en fait une glaciation globale majeure. Cettte glaciation est vue
comme le premier épisdode de Terre boule de neige.
Orosirien.
L'Orosirien (2,05
à 1,8 milliard d'années) se distingue par une intense activité tectonique
et volcanique. C'est au cours de cette période que se formèrent d'importants
orogènes,
témoignant de collisions continentales et de la croissance des masses
continentales. Plusieurs des plus grands événements d'impact météoritique
connus, tels que l'impact de Vredefort en Afrique
du Sud et celui de Sudbury au Canada, eurent
également lieu à cette époque, modifiant profondément la croûte terrestre.
Ces impacts, associés aux processus tectoniques, jouèrent un rôle dans
l'évolution géologique et la redistribution des éléments chimiques.
Stathérien.
Le Stathérien (1,8
à 1,6 milliard d'années) est caractérisé par la stabilisation progressive
des cratons et la formation du supercontinent Columbia
(ou Nuna). Cette stabilisation favorisa le développement de larges plateformes
continentales, propices à la sédimentation et à l'expansion des environnements
marins peu profonds. Sur le plan biologique, mĂŞme si la vie restait essentiellement
microbienne, les cyanobactĂ©ries continuaient de dominer, contribuant Ă
l'augmentation de l'oxygène atmosphérique et à la création de conditions
favorables à l'émergence future d'organismes plus complexes.
Mésoprotérozoïque.
Le Mésoprotérozoïque,
s'étend de 1,6 à 1,0 milliard d'années. Cette ère se caractérise par
une relative stabilité géologique avec la croissance progressive des
supercontinents, dont le plus connu est Rodinia, formé vers 1,1 milliard
d'années. Le climat est globalement plus tempéré que dans les périodes
précédentes. Sur le plan biologique, c'est l'époque de diversification
des eucaryotes, notamment avec l'émergence d'algues rouges et vertes qui
enrichissent les écosystèmes marins. Cette
période voit aussi un développement significatif des sédiments carbonatés
et des récifs microbiens, traduisant une activité biologique accrue.
Cette ère est divisée en trois périodes.
Calymmien.
Le Calymmien (1,6
à 1,4 milliard d'années) est ponctué par d'intenses épisodes d'accrétion
et de croissance continentale. Les marges continentales furent particulièrement
actives, entraînant la formation de nombreuses ceintures orogéniques
et l'expansion des plateformes sédimentaires. Durant cette période, de
vastes bassins marins peu profonds se développèrent, favorisant le dépôt
de roches sédimentaires riches en
carbonates.
L'activité biologique, encore dominée par les cyanobactéries, continua
à enrichir l'atmosphère en oxygène, bien que l'augmentation fût lente
par rapport à l'événement de la Grande oxydation antérieure.
Éctasien.
L'Éctasien (1,4
à 1,2 milliard d'années) se distingue par la formation et la stabilisation
progressive du supercontinent Rodinia.
Ce regroupement continental favorisa une certaine homogénéité climatique
et la crĂ©ation de vastes environnements marins intĂ©rieurs propices Ă
l'activité biologique. C'est également au cours de cette période que
les premiers fossiles clairement attribuĂ©s Ă
des eucaryotes pluricellulaires sont apparus, notamment des algues rouges
comme Bangiomorpha pubescens, qui représentent une étape essentielle
dans l'évolution de la complexité biologique.
Sténien.
Le Sténien (1,2
à 1,0 milliard d'années) se caractérise par la consolidation finale
de Rodinia, qui devint un immense supercontinent entouré de vastes océans.
Les processus tectoniques liés à sa formation entraînèrent de nombreuses
zones de subduction et d'orogenèse, façonnant durablement la croûte
terrestre. Cette période vit également la diversification continue des
eucaryotes et l'apparition des premières associations symbiotiques complexes,
posant les bases de futures évolutions biologiques majeures. Les conditions
environnementales stables favorisèrent la prolifération d'écosystèmes
microbiens dans les mers peu profondes, marquant une continuité dans l'accumulation
progressive d'oxygène dans l'atmosphère.
Néoprotérozoïque.
Le Néoprotérozoïque,
couvre de 1,0 milliard à 541 millions d'années. cette ère débute avec
l'éclatement du supercontinent Rodinia, qui entraîne d'importants changements
océaniques et climatiques. Cette ère est particulièrement caractérisée
par les glaciations globales, appelées « Terre boule de neige », qui
se succèdent notamment au cours des périodes Cryogénien et Édiacarien.
Durant l'Édiacarien, vers la fin du Protérozoïque, apparaissent les
premiers organismes multicellulaires complexes, dont les faunes édiachariennes,
témoins d'une explosion progressive de formes de vie avant l'ère
paléozoïque. Cette phase prépare ainsi l'émergence de la vie animale
et annonce la transition vers le Cambrien, oĂą
se produira la célèbre explosion de biodiversité. Cette ère se divise
aussi en trois périodes :
Tonien.
Le Tonien, qui couvre
l'intervalle de 1,0 à 720 millions d'années, correspond à une phase
de fragmentation progressive du supercontinent Rodinia. Ce processus généra
de nouveaux bassins océaniques et favorisa la circulation océanique,
influençant les conditions climatiques globales. L'activité tectonique
intense se traduisit par la formation de rifts et l'ouverture de nouveaux
océans. Sur le plan biologique, cette période vit une diversification
progressive des eucaryotes, notamment des algues, et l'apparition d'organismes
pluricellulaires plus complexes, bien que les preuves fossiles demeurent
fragmentaires.
Cryogénien.
Le Cryogénien,
qui s'étend de 720 à 635 millions d'années, est surtout connu pour les
glaciations globales dites Terre boule de neige. Ces épisodes, parmi les
plus sévères de l'histoire de la planète, recouvrirent presque entièrement
la surface terrestre de glace, transformant profondément les environnements
marins et continentaux. Malgré ces conditions extrêmes, la vie persista,
probablement dans des refuges océaniques sous la glace ou près de sources
hydrothermales. Ces glaciations eurent un impact majeur sur la chimie
des océans et favorisèrent par la suite une explosion de diversité biologique.
Édiacarien.
L'Édiacarien, qui
s'étend de 635 à 541 millions d'années, marque la fin du Néoprotérozoïque
et la transition vers l'ère paléozoïque. Cette période est caractérisée
par la disparition des conditions glaciaires extrĂŞmes et l'apparition
d'environnements plus favorables. Elle vit le développement des premières
communautés d'organismes pluricellulaires complexes, connues sous le nom
de biote d'Édiacara. Ces formes de vie, aux morphologies variées et souvent
énigmatiques, représentent les premiers grands organismes macroscopiques
et annoncent l'explosion de diversité qui caractérisera le Cambrien.
Parallèlement, de vastes dépôts de carbonates et la modification des
cycles biogéochimiques témoignent de changements profonds dans les écosystèmes
et l'atmosphère.
La Grande oxydation
La photosynthèse
oxygénique.
La Grande oxydation
est une période charnière de l'histoire de la
Terre qui s'est déroulée au début du Protérozoïque, il y a environ
2,4 milliards d'années. Cet événement a vu l'accumulation pour la première
fois d'oxygène libre (O2​)
dans l'atmosphère terrestre, ce qui
a transformé radicalement la chimie de la planète et le cours de l'évolution
biologique. Avant cela, l'atmosphère était essentiellement composée
de diazote (N2​), de dioxyde
de carbone (CO2​) et de
méthane
(CH4​), et les organismes vivants était exclusivement
anaérobies
(n'utilisant pas d'oxygène).
La source de cet
oxygène est l'activité des cyanobactéries,
des micro-organismes qui ont développé un nouveau type de photosynthèse,
la photosynthèse oxygénique. Ce processus métabolique révolutionnaire
leur permettait d'utiliser l'eau (H2​O) comme donneur
d'électrons pour capter l'énergie solaire
et produire de l'énergie, avec comme déchet l'oxygène. Pendant des centaines
de millions d'années avant le Grande oxydation, cet oxygène était immédiatement
consommé par des puits à oxygène, principalement le fer
dissous dans les océans. Le fer, sous sa forme
ferreuse (Fe2+) soluble, réagissait avec
l'oxygène pour former des oxydes de fer insolubles, comme la magnétite
(Fe3​O4​) et l'hématite
(Fe2​O3​).
La preuve la plus
spectaculaire de ce processus est la formation des gisements de fer rubané,
ou BIFs (banded iron formations). Ces roches sédimentaires, que
l'on retrouve partout dans le monde, sont constituées d'une alternance
de couches riches en oxydes de fer et de couches riches en silice.
Elles témoignent de la précipitation massive du fer hors des océans
sous l'effet de l'oxygène produit par les cyanobactéries.
L'abondance des BIFs
diminue drastiquement après 1,8 milliard d'années, ce qui fait penser
que les océans superficiels étaient alors largement appauvris en fer
soluble. D'autres indices géochimiques, comme la disparition des minéraux
sensibles à l'oxydation (tels que l'uraninite) dans les sédiments fluviatiles
et l'apparition de grès rouges (red beds)
oxydés en milieu continental, confirment cette transition vers un monde
plus riche en oxygène.
Les conséquences
planétaires et biologiques.
Lorsque les puits
à oxygène, comme le fer océanique, ont été saturés, l'oxygène a
commencé à s'échapper des océans et à s'accumuler dans l'atmosphère.
Cette transition a eu des conséquences dramatiques. Pour les formes de
vie anaérobies qui dominaient alors la planète, l'oxygène était un
poison puissant. Il a ainsi provoqué une extinction
de masse, habituellement qualifiée de catastrophe de l'oxygène.
Les organismes survivants ont dĂ» se confiner dans des environnements pauvres
en oxygène (comme les fonds marins) ou développer des mécanismes de
défense et, dans certains cas, des métabolismes capables d'utiliser l'oxygène.
La montée de l'oxygène
a aussi eu un impact climatique majeur. Le méthane (CH4​),
un gaz Ă effet de serre bien plus
puissant que le CO2​, qui était abondant dans l'atmosphère
primitive, a été oxydé. Cette chute drastique de la concentration en
méthane a probablement plongé la Terre dans une phase de refroidissement
global intense, déclenchant la glaciation huronienne, le premier et plus
long épisode de Terre boule de neige.
Ă€ plus long terme,
l'oxygénation de l'atmosphère a permis la formation de la couche d'ozone
(O3​) dans la stratosphère.
Cette couche a commencé à protéger la surface de la Terre des rayons
ultraviolets nocifs du soleil, rendant les continents plus hospitaliers
pour la vie. Surtout, la disponibilité de l'oxygène a ouvert la voie
à une nouvelle forme de métabolisme
beaucoup plus efficace : la respiration aérobie.
Cette voie métabolique, qui produit bien plus d'énergie que les métabolismes
anaérobies, a été une condition préalable essentielle à l'émergence
et Ă la diversification des organismes complexes, les eucaryotes,
qui mèneront plus tard à l'apparition des plantes, des champignons et
des animaux.
La Terre boule de neige
Au cours de l'éon Protérozoïque,
la Terre a connu des épisodes de glaciation
d'une ampleur inégalée, connus sous le nom de Terre boule de neige. Durant
ces périodes, on pense que la quasi-totalité de la surface de notre planète,
y compris les océans jusqu'à l'équateur, était recouverte d'une épaisse
couche de glace. Les épisodes les mieux documentés se sont produits durant
la période du Cryogénien, au sein du Néoprotérozoïque, mais une glaciation
plus ancienne, la glaciation huronienne, a également eu lieu.
Les indices d'un
monde gelé.
L'hypothèse d'une
Terre entièrement gelée repose sur plusieurs types de preuves géologiques
et géochimiques. L'un des indices les plus frappants est la découverte
de dépôts glaciaires, tels que des tillites (d'anciennes moraines
consolidées), à des paléolatitudes tropicales. Le paléomagnétisme,
qui permet de déterminer la latitude à laquelle une roche s'est formée,
a ainsi révélé la présence de sédiments déposés par des glaciers
dans des zones qui se trouvaient près de l'équateur.
Une autre preuve
clé réside dans la présence de formations rocheuses inhabituelles qui
surmontent directement les dépôts glaciaires. Il s'agit des couvertures
de carbonates (cap carbonates), d'épaisses couches de roches carbonatées
(comme le calcaire et la dolomie).
Leur formation s'explique par une accumulation massive de dioxyde de carbone
(CO2​) dans l'atmosphère à la fin de la période
glaciaire, qui a entraîné un effet de serre
intense, une fonte rapide des glaces et des pluies acides. Ces pluies ont
provoqué une érosion continentale massive, libérant de grandes quantités
d'ions (notamment le calcium
Ca2+) dans les océans, qui ont ensuite
précipité pour former ces carbonates dans
des eaux de surface devenues chaudes.
Les analyses isotopiques
du carbone (13C
et 12C) dans les sédiments marins de cette
époque montrent également des variations extrêmes. La quasi-disparition
de la vie photosynthétique dans les océans de surface gelés a entraîné
une modification significative du rapport isotopique du carbone incorporé
dans les sédiments, témoignant de l'effondrement de la productivité
biologique.
Le déclenchement
et le mécanisme d'emballement.
Le scénario de
la Terre boule de neige débute généralement par une baisse significative
de la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, notamment
le dioxyde de carbone et le méthane. Pour la glaciation huronienne (il
y a environ 2,4 à 2,1 milliards d'années), cette baisse aurait été
provoquée par la Grande oxydation, l'apparition massive d'oxygène produit
par les cyanobactéries. Cet oxygène aurait réagi avec le méthane (CH4​),
un puissant gaz à effet de serre, le retirant de l'atmosphère.
Pour les glaciations
plus tardives du Cryogénien, comme la glaciation sturtienne (il y a environ
720 à 660 millions d'années) et la glaciation marinoenne (il y a environ
650 à 635 millions d'années), la cause initiale serait liée à la fragmentation
du supercontinent Rodinia. Cette fragmentation
aurait augmenté les précipitations et l'érosion
des silicates continentaux, un processus qui
consomme du CO2​ atmosphérique.
Une fois que la glace
a commencé à s'étendre depuis les pôles vers des latitudes plus basses
(environ 30°C), un mécanisme de rétroaction
positive, la rétroaction glace-albédo, s'est enclenché. La glace, étant
très réfléchissante (albédo élevé), renvoie
une grande partie du rayonnement solaire dans l'espace, ce qui refroidit
davantage la planète et favorise l'extension de la couverture de glace.
Ce cercle vicieux aurait conduit Ă l'englacement quasi total de la Terre
en quelques milliers d'années seulement.
La sortie de l'ère
glaciaire et ses conséquences.
La sortie de cet
état de boule de neige aurait été rendue possible par l'activité volcanique
continue. Les volcans auraient continué à libérer
d'énormes quantités de CO2​ dans l'atmosphère.
Normalement, ce CO2​ est piégé par l'altération
des roches et le cycle du carbone biologique, mais avec des continents
recouverts de glace et une vie marine quasi inexistante, le dioxyde de
carbone s'est accumulé pour atteindre des concentrations des centaines
de fois supérieures aux niveaux actuels.
Cet effet de serre
colossal a finalement provoqué une débâcle planétaire. Les températures
auraient grimpé de manière spectaculaire en un temps géologiquement
très court, faisant fondre les glaces et instaurant un climat "hyper-serre"
temporaire, avec des températures moyennes pouvant dépasser les 50°C.
Ces événements
climatiques extrêmes ont eu un impact profond sur l'évolution de la vie.
En limitant les habitats aux quelques zones d'eau libre possibles (près
de sources chaudes volcaniques sous-marines, par exemple), les glaciations
ont exercé une pression évolutive immense, pouvant conduire à des extinctions
massives. Cependant, la fin des glaciations, en libérant des nutriments
dans les océans suite à l'érosion intense, et en créant de nouvelles
niches écologiques, est considérée par de nombreux scientifiques comme
un facteur déclencheur de l'explosion de la vie multicellulaire complexe
qui a suivi, notamment l'émergence de la faune d'édiacarienne et, plus
tard, l'explosion cambrienne. Ces
crises climatiques majeures auraient ainsi paradoxalement pavé la voie
à l'apparition d'organismes plus complexes et diversifiés sur Terre.
La faune édiacarienne
La faune
édiacarienne, ou biote édiacarien, représente la première grande radiation
d'organismes multicellulaires complexes de l'histoire de la Terre. Elle
a prospéré durant la période de l'Édiacarien, à la toute fin de l'éon
Protérozoïque, il y a environ 635 à 541 millions d'années. Ces formes
de vie énigmatiques sont apparues après les glaciations globales de type
Terre boule de neige et ont disparu juste avant l'explosion de diversité
du Cambrien. Leurs fossiles, trouvés sur tous
les continents, offrent une fenêtre étonante sur un monde biologique
radicalement différent du nôtre.
Une collection
d'organismes étranges.
La faune édiacarienne
se caractérise par des organismes à corps mou, dépourvus de coquille,
de carapace ou d'os. Leur
préservation exceptionnelle est souvent due à la fossilisation sous forme
d'empreintes dans des sédiments fins, comme le grès ou le schiste, probablement
stabilisés par des tapis microbiens qui ont agi comme un "masque mortuaire".
Les formes de vie sont très variées et difficiles à interpréter :
• Les
rangéomorphes. - Ces organismes en forme de fronde ou de plume, comme
Charnia, sont parmi les plus emblématiques. Ils possédaient une structure
fractale,
se ramifiant à plusieurs échelles. Ancrés au fond marin, ils n'avaient
ni bouche ni intestin apparents et se nourrissaient probablement par absorption
directe de nutriments dissous dans l'eau (osmotrophie).
• Les organismes
discoĂŻdes. - Des fossiles plats et circulaires comme Dickinsonia sont
fréquents. Dickinsonia pouvait atteindre plus d'un mètre de long et présente
une segmentation qui a longtemps intrigué les scientifiques. Des analyses
de biomarqueurs (molécules de cholestérol)
ont récemment confirmé qu'il s'agissait bien d'un animal primitif.
• Les formes
à symétrie triradiale. - Des créatures comme Tribrachidium montrent
une symétrie d'ordre trois, une caractéristique rarissime dans le règne
animal actuel, ce qui révèle l'une des pistes sans issue suivies par
l'évolution à cette époque.
• Les premiers
organismes mobiles. - Des traces fossiles et des organismes comme Kimberella,
un organisme de forme ovale doté d'une sorte de trompe ou proboscis, prouvent
l'existence de la mobilité. Les marques laissées par Kimberella suggèrent
qu'il se déplaçait en broutant les tapis microbiens, marquant ainsi le
début de la prédation ou, du moins, d'une interaction active avec l'environnement.
On a également découvert des terriers simples, indiquant une vie fouisseuse.
Un débat scientifique
persistant.
La place de la faune
édiacarienne dans l'arbre du vivant est l'un des plus grands débats de
la paléontologie. Plusieurs hypothèses
s'affrontent :
• Des
ancĂŞtres des animaux modernes. - Certains organismes, comme Kimberella
ou Dickinsonia, sont considérés comme des membres primitifs de la lignée
des bilatériens (animaux à symétrie bilatérale),
potentiellement liés aux mollusques ou aux
vers. D'autres pourraient ĂŞtre des cnidaires
(le groupe des méduses et coraux) primitifs.
• Une "expérience
évolutive ratée". - Le paléontologue Adolf Seilacher a proposé
que la plupart de ces organismes appartenaient Ă un embranchement
totalement éteint, les Vendozoaires (ou Vendobiontes). Ce groupe aurait
eu un plan d'organisation unique, basé sur une construction "en matelas
pneumatique", et se serait éteint sans laisser de descendance.
• Un assemblage
hétéroclite. - L'hypothèse la plus favorisée aujourd'hui est que
le biote édiacarien n'était pas un groupe homogène, mais un mélange
d'organismes. Il comprenait probablement les premiers représentants de
lignées animales modernes (cnidaires, bilatériens), ainsi que des formes
de vie n'appartenant à aucun groupe actuel, qui ont représenté des impasses
évolutives.
La fin d'un monde.
La grande majorité
de la faune édiacarienne disparaît des archives fossiles à la transition
avec le Cambrien, il y a 541 millions d'années.
Les causes de cette extinction sont probablement
multiples. L'émergence au début du Cambrien d'animaux plus complexes
et mobiles, dotés de carapaces, de yeux et de stratégies de prédation
efficaces, a pu profondément déstabiliser les écosystèmes
édiacariens. Ces nouvelles formes de vie ont pu supplanter les organismes
édiacariens, plus passifs et non protégés. Les "ingénieurs d'écosystème"
du Cambrien, en remuant les sédiments (bioturbation), ont également pu
détruire l'habitat des tapis microbiens dont dépendaient beaucoup de
ces organismes pour leur survie et leur fossilisation. Cette transition
marque un tournant fondamental dans l'histoire de la vie, où les écosystèmes
relativement paisibles de l'Édiacarien ont laissé place à la "course
aux armements" évolutive de l'explosion cambrienne. |
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