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Après la disparition de la civilisation mycénienne et l'arrivée concomitante des Doriens, la Grèce traverse une époque obscure, puis commence à se relever vers le VIIIe siècle av. J.-C. C'est le temps des grandes compositions homériques (Iliade, Odyssée); les moeurs s'adoucissent; chaque ville adopte le culte d'une divinité particulière; les grands mystères de Déméter sont fondés à Eleusis. Lycurgue donne des lois à Sparte (vers 700), empruntées aux vieilles institutions doriennes. Partout les petits États se constituent en républiques, la royauté est abolie à Athènes au profit de l'archontat (683), à Argos (506), puis en Élide, à Corinthe, en Arcadie, en Messénie, etc.; Sparte seule conserve le gouvernement monarchique. Athènes reçut de Solon, en 594, une constitution qui modifia les lois trop sévères de Dracon (624), et mit fin à l'anarchie née de la lutte entre la noblesse et le peuple. Entre 750 et les guerres médiques (493), de nombreuses colonies grecques portèrent la civilisation hellénique jusqu'aux les îles de la mer Égée et sur les côtes de l'Asie Mineure. Après s'être dirigées d'abord vers les îles de la mer Égée et les côtes de l'Asie Mineure, ces émigrations s'étendirent ensuite aux côtes de la Thrace, de la Macédoine, de la Propontide et du Pont-Euxin, à la Sicile, au midi de l'Italie (Grande-Grèce), à la Sardaigne, à la Corse, aux îles Baléares, aux côtes de la Gaule et de l'Espagne, à la Cyrénaïque sur le littoral africain, et à l'île de Chypre. Une dispersion dans tout le monde méditerranéen qui n'empêche pas le sentiment d'unité du monde hellénique, uni par sa langue, ses coutumes, et par des conceptions religieuses (La religion et la mythologie grecques) qui feront chaque cité se retrouver dans les mêmes grands sanctuaires (Olympie et Delphes, notamment). | |||||
L'éveil des Cités A partir des invasions doriennes, l'organisation des États grecs se fit sur des bases très différentes de celles de l'époque précédente. Aux monarchies héréditaires de l'époque achéenne régies par la coutume succédèrent des cités, libres communautés dont une constitution fixa les institutions. Ces cités grecques ont donné au monde le modèle d'un régime politique fondé sur la participation d'un grand nombre de personnes aux affaires publiques et d'un ordre social réglé par des principes de la discussion et du débat. Elles n'y sont pas arrivées du premier coup et n'ont pu s'y maintenir; l'inégalité sociale a suscité entre les riches et les pauvres, l'aristocratie et la démocratie, des conflits sanglants qui, non moins que les guerres continuelles, ont épuisé les cités grecques; trop souvent la dictature d'un tyran, appuyé par les classes inférieures et quelquefois par les autres, en fut la conséquence. Dans la période que nous abordons, comme dans les suivantes, nous ne trouverons plus, sauf une exception, de monarchies héréditaires, mais les trois autres formes du gouvernement : aristocratie, démocratie et tyrannie. Ces guerres firent des Spartiates les maîtres du Péloponnèse méridional et assurèrent dans leur État la prépondérance de la caste militaire des Doriens. Ils étendirent leur hégémonie sur tout le Péloponnèse par leur alliance avec Tégée qu'ils n'avaient pu vaincre, avec Élis qu'ils aidèrent à détruire Pise et à soumettre la Triphylie, par leurs victoires sur les Argiens et leur intervention victorieuse contre les tyrans populaires hostiles aux Doriens qui s'étaient élevés au VIIe siècle dans les cités maritimes du Nord-Ouest de la péninsule, Phidon d'Argos, les Orthagorides à Sicyone, les Cypsélides à Corinthe, Théagène à Mégare. Le temple de Zeus à Olympie devint le centre d'une confédération péloponnésienne à la tête de laquelle fut Sparte, gardienne de la constitution fédérale et champion reconnu de l'aristocratie. Les riches cités maritimes prirent sous le gouvernement aristocratique et tyrannique un grand essor : Corinthe, Sicyone, Mégare et Égine, la première surtout. Le commerce et la colonisation en furent les causes. Argos s'épuisa en guerres sanglantes où elle disputa aux Spartiates l'hégémonie; elle leur demeura hostile. En face du Péloponnèse fédéré sous l'hégémonie de Sparte, l'Hellade est divisée. A l'Ouest, rien de semblable aux royaumes de Calydon et de Doulichion; les Acarnanes, les Étoliens, les Locriens Ozoles sont presque barbares, à peine regardés comme des Hellènes. Les petits États du bassin du Sperchios, de l'Oeta et du Parnasse n'ont pas d'histoire; les petites cités des Maliens, Doriens, Locriens, Phocidiens, etc., vivent isolément dans leurs vallées. La seule puissance est la puissance spirituelle de Delphes dont l'oracle universellement respecté fut le vrai centre du monde grec au VIIe et au VIe siècle. Les Béotiens sont divisés en cités rivales parmi lesquelles Thèbes domine. Ils disputent aux Athéniens le bassin de l'Asopos. Les populations éoliennes du continent sont éclipsées par leurs colonies. Il en est de même des Ioniens. L'Attique subit une crise comme tous les autres États grecs et en sort très affaiblie; elle n'a pu empêcher les Doriens de s'établir à Mégare, les Béotiens de s'avancer jusqu'au Cithéron; elle perd momentanément Salamine. Comme dans le Péloponnèse, les États qui passent au premier plan sont les États maritimes dirigeant la colonisation. Après y avoir joué un rôle capital au XIe siècle, l'Attique s'éclipse; elle renonce à la mer pour deux siècles. La colonisation ionienne part de Chalcis et de Milet. Cependant l'aristocratie foncière est renversée; la législation de Solon (594) discipline les Athéniens; la tyrannie des Pisistratides est suivie du triomphe de la démocratie. Vainement les Thébains et les Spartiates la combattirent; ils sont vaincus (507). Par la conquête de Chalcis, les Athéniens prennent parmi les Ioniens une situation analogue à celle que la conquête de la Messénie a donnée aux Spartiates parmi les Doriens. L'essaimage des colonies La période du VIIIe et du VIIe siècle est la période de la colonisation. On ne saurait exagérer l'importance de l'expansion coloniale dans l'histoire grecque. C'est par elle que les Hellènes ont été autre chose qu'une petite nation localisée dans un coin de la Méditerranée; ils ont pris contact avec les autres cultures : Lydiens et Phrygiens dans l'Asie Mineure; Phéniciens, Chaldéens, Mèdes et Perses; Égyptiens, Carthaginois Italiens, Gaulois, Ibères, et tout le groupe des population du Nord, confondues sous le nom de Scythes. La colonisation du VIIIe et du VIIe siècle fut l'oeuvre : 1° des colonies asiatiques du XIe siècle, dont la croissance avait été extrêmement rapide;Les Milésiens couvrirent de leurs comptoirs les rivages de la mer Noire et fondèrent quatre-vingts colonies, parmi lesquelles Cyzique, Sinope, Trapézonte, Olbia, Panticapée, Tanaïs, etc., devinrent à leur tour des cités puissantes. Ils rouvrirent les relations avec l'Égypte, étendirent leur commerce depuis les pays à fourrures et à céréales de la Russie actuelle jusqu'aux pays d'ivoire et des aromates. Les Eubéens, dirigés par Chalcis, la cité de l'Euripe, colonisèrent la presqu'île de Chalcidique et y créèrent trente-deux cités nouvelles; alliés aux Corinthiens et aux Mégariens, ils s'engagèrent dans la mer de Marmara; sur le Bosphore, les Mégariens fondèrent Byzance et, au Sud de la Crimée, Chersonèse. Une grande guerre maritime, engagée entre Chalcis et Érétrie, mit aux prises les marines rivales; d'un côté, on trouvait Milet alliée d'Érétrie; de l'autre, Chalcis, Corinthe, Samos (665). Du côté de la mer occidentale, les Corinthiens suivirent les traces des navigateurs eubéens, prirent pied à Naupacte, où les Messéniens les remplaceront, à Corcyre (Corfou); celle-ci s'affranchit vite et couvrit de ses colonies le rivage illyrien. Les insulaires de la Grèce occidentale, Lélèges, Taphiens. Téléboens, continuent ou rétablissent avec l'Italie des relations commerciales, dont le regard porté vers la Méditerranée occidentale par l'Odysséeporte la marque (après que l'Iliade, composition plus ancienne, ait plutôt traduit un intérêt pour l'Est). Les Eubéens s'établissent dans le golfe de Naples, fondent Cumes, puis Rhegium, à la pointe extrême de l'Italie, puis, en face, Zancle (Messine), où ils installent des Messéniens; enfin Naxos, en pleine Sicile (736), puis Catane (730). A la suite des Ioniens viennent les Mégariens et les Corinthiens : ils fondent Syracuse, Mégara-Hybléa; puis arrivent les Rhodiens qui s'étendent sur la côte méridionale, où Géla, Agrigente devinrent des États puissants, de même que Sélinonte, créé par les Mégariens (628), tandis qu'au Nord les Ioniens fondent Mylae et Himera (648). Mais, à l'Ouest de la Sicile, les Carthaginois tinrent bon, et il fallut s'entendre avec eux. La presqu'île méridionale de l'Italie est hellénisée : des familles achéennes, associées à des colons ioniens et éoliens, fondent Sybaris (721), Crotone, Locres, Métaponte; des Ioniens de Colophon, Siris; des Laconiens, Tarente. Ces colonies de l'Italie méridionale devinrent des États agricoles commandant aux populations de l'intérieur, qui jamais ne furent si riches et si denses. Cette prospérité rapide fit donner au pays le nom de Grande-Grèce (L'Italie Antique). Rappelons encore la colonisation de la Méditerranée occidentale par les Ioniens de Phocée, transplantés à Élée, puis à Marseille, et répandus sur toute la côte méridionale de la Gaule; puis celle de la Cyrénaïque par les Doriens de Théra; celle de Chypre et des côtes voisines où ils se retrouvent en contact avec les Phéniciens. Dispersion géographique, unité culturelle Les colonies grandirent beaucoup plus vite que les cités de la métropole. Elles furent bientôt assez fortes pour vivre de leur vie propre. Aussi, du VIIe au Ve siècle, l'histoire grecque n'a-t-elle aucune unité : Milet, Éphèse, Samos, Cyrène, Sybaris, Syracuse, Cumes sont aussi puissantes et tiennent, dans l'ensemble de la vie grecque, autant de place que Corinthe ou Sparte; vingt autres sont plus riches et plus peuplées qu'Athènes ou Thèbes. Les cités vivent isolées les unes des autres; il semble qu'il n'y ait pas de centre commun de la nationalité hellénique. Il y en a un cependant; les colonies qui ont conservé une dépendance morale vis-à-vis des cités qui les créèrent continuent de révérer ses instituts religieux. C'est sur le territoire de la Grèce proprement dite, bien obscure cependant en comparaison de ses brillantes colonies, que les Grecs d'Europe, d'Asie et d'Afrique viennent fraterniser dans les grandes fêtes religieuses d'Olympie et de Delphes. L'oracle d'Apollon, à Delphes, est consulté par toutes les cités grecques sur chaque question importante. Il a exercé sur la colonisation une direction suivie; il reçoit le dépôt des trésors privés et publics et devient la première puissance financière du monde hellénique. A Olympie, au pied du temple de Zeus, le grand dieu des Grecs, ont lieu, tous les quatre ans, de grandes fêtes (Jeux Olympiques) dont le retentissement est tel que la chronologie officielle date, non par années, mais par olympiades (à partir de 776 av. J.-C.). A la fin du VIe siècle, quand va s'ouvrir la grande lutte contre l'empire des Perses, les principaux États grecs sont dans la Grèce continentale, Athènes, État agricole, industriel et commerçant, métropole des Ioniens; Thèbes, son ennemie préposée aux agriculteurs béotiens; Sparte, la cité militaire des Doriens, chef reconnu de la fédération péloponnésienne : l'opulente Corinthe qui tempère son influence: Argos, isolée dans son impuissance. En Asie, la commerçante Milet, Samos, sa rivale maritime, Éphèse. Les cités éoliennes, Cumes, Mytilène; les cités doriennes, Cnide, Halicarnasse, Rhodes, partagent la mer avec les navigateurs ioniens. Celles de la Propontide (mer de Marmara), de la mer Noire, de la Chalcidique sont moins importantes. La Cyrénaïque forme un État semi-hellénique. Les cités de la Sicile et de la Grande-Grèce rivalisent de ressources; les plus superbes, sinon les plus fortes, sont les États agricoles comme Sybaris et Agrigente; Crotone, Syracuse, Tarente, Cumes figurent aussi au premier rang; Marseille y prendra bientôt place. Delphes, chef-lieu de l'amphictionie de la Grèce centrale et foyer de la religion d'Apollon, le dieu des Ioniens et des Doriens, le protecteur des colons, peut encore être regardée comme une capitale spirituelle; mais la complaisance de ses prêtres pour les tyrans et pour les rois barbares lui fera perdre son ascendant dans la période des grandes guerres. (A.-M. Berthelot). |
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