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Histoire de Corfou
Corfou, Corcyra, la plus septentrionale des sept îles Ioniennes, est située près de la côte occidentale de la Grèce, dont elle est séparée par le canal de Corfou. Sa longueur du Nord-Ouest au Sud-Est est de 60 kilomètres, et sa largeur moyenne de 17 à 22 kilomètres. Capitale : Corfou, ville forte sur un promontoire de la côte orientale, avec un port très commerçant. Le sol de l'île est montagneux et fertile dans les vallées, où croissent des oliviers qui produisent de l'huile en abondance. 

L'île de Corfou s'appela primitivement Drepane (= croissant), par allusion à sa forme, plus tard Corcyre, Kerkyra ou Korkyra des Corinthiens; les Byzantins et les Turcs la nommèrent Konyphus ( = sommet). Il est possible que la Scheria de l'Odyssée, c'est-à-dire l'île des Phéaciens, du roi Alkinoos et de Nausikaa se rapporte dans une certaine mesure à cette île. La population la plus anciennement connue semble avoir été formée de Liburniens, les mêmes qui occupaient les côtes de Dalmatie, hardis marins et pirates. 

En 734, les Corinthiens colonisèrent l'île en même temps que Syracuse; le chef de cette expédition était Chersicrate. Des colons érétriens sont aussi signalés. La situation de Corcyre à l'entrée de l'Adriatique, au point où les côtes grecques et italiennes sont le plus rapprochées, favorisa le développement de la colonie qui devint très importante. Dès 664, elle s'affranchit et les Corinthiens eurent le dessous dans une bataille navale, la première de l'histoire grecque. Soumis de nouveau par Périandre, les Corcyréens s'affranchirent bientôt. 

Au temps des guerres médiques, ils possédaient une puissance navale considérable; leur commerce avec les riverains de l'Adriatique et les villes de la Grande Grèce les enrichissait; les jarres et les poteries de Corcyre étaient célèbres; les navires corcyréens transportaient les pèlerins de Dodone

Fière de sa puissance, la colonie dédaignait sa métropole, n'accordant aux visiteurs corinthiens aucun des honneurs auxquels ils avaient droit dans une colonie (place d'honneur dans les fêtes, prémices des sacrifices, etc.). Cependant Corcyre avait conservé le système monétaire corinthien; elle avait opéré d'accord avec la métropole la fondation de colonies dans ses parages. Elle avait occupé seule la côte (Pérée), située en face de l'île, mais avait assisté les Corinthiens dans la fondation de Leucade et d'Anactorium, leur avait demandé un chef officiel (oekiste) pour ses colonies d'Apollonie et d'Epidamne. C'est de là que vint la rupture qui provoqua la guerre du Peloponnèse

Affaiblie par de sanglantes guerres civiles, Corcyre déclina et vit Syracuse lui enlever la prépondérance dans la mer Ionienne. Menacée par Agathocle, Corcyre fut prise par le prince lacédémonien Gléonyme (vers 303) qui en fit sa base d'opérations; Cassandre assiégea la ville; Agathocle la débloqua et s'en empara, puis la rétrocéda à Pyrhus. Plus tard l'île fut occupée par les pirates illyriens. En 229, les Romains s'en emparèrent et lui rendirent sa liberté; puis ils l'annexèrent à la province d'Epire. Rattachée à l'Empire d'Orient, elle en suivit les destinées. 

Les Vandales de Geiserich, les Ostrogoths (550), les Slaves ne firent qu'y passer. Au XIe siècle, les Normands l'occupèrent; après la conquête opérée en 1147, par Roger de Sicile, Corfou resta soumise aux rois de Naples. En 1386, les Vénitiens s'en rendirent maîtres et, en 1401, ils l'achetèrent pour 30,000 ducats au roi de Naples; ils la firent administrer par des provéditeurs et réussirent à s'y maintenir contre les Turcs. Ceux-ci dirigèrent contre Corfou deux expéditions mémorables. En 1537, ils débarquèrent 50,000 hommes dans l'île, mais ne purent s'emparer de la forteresse; après un siège de huit jours, ils se retirèrent. En 1716, la place, défendue par le comte de Schulenburg, leur résista également. 

En 1797, après l'abolition de la république vénitienne, Corfou passa aux Français (1797-1799); ce fut le chef-lieu d'un département. L'île constitua, avec les autres îles Ioniennes, de 1800 à 1807, sous le protectorat d'abord des Turcs, puis des Russes, une république qui cessa d'exister lorsque le traité de Tilsit eut remis l'archipel sous la domination française. 

En 1815, les traités de Vienne font des « Etats unis des îles Ioniennes » un Etat libre et indépendant, protégé par la Grande-Bretagne, et c'est alors à Corfou que réside le lord haut-commissaire chargé de l'administration de l'archipel. Depuis le moment où fut exécuté le traité de Londres du 13 juillet 1863 posant le principe du rattachement des îles Ioniennes à la Grèce (mai 1864). Corfou, neutralisée avec Paxo par un traité du 29 mars 1864, a vécu une vie très calme, dont elle est sortie pour la première fois, pendant la Première Guerre mondiale, à la suite de la retraite de l'armée serbe jusque sur les côtes de l'Albanie.

Les cours d'Autriche et de Prusse avaient, en 1864, donné leur assentiment à la déclaration en vertu de laquelle 

« les îles de Corfou et de Paxo, ainsi que leurs dépendances, après leur réunion au royaume hellénique, jouiraient des avantages d'une neutralité perpétuelle », que « le roi des Hellènes s'engageait, de son côté, à maintenir ». (Article 2 du traité du 29 mars.) 
Or, l'île de Corfou était devenue, au cours de la Première Guerre mondiale, un repaire de submersibles allemands ou autrichiens, dont la menace était constante pour les navires français, anglais et italiens circulant dans l'Adriatique; une station de télégraphie sans fil existait d'autre part à l'Achilléion (le palais de Guillaume II). C'en était assez pour justifier une intervention des alliés. Et quelle station plus favorable que Corfou, pour la reconstitution de l'armée serbe? Située à peu de distance de Vallona, dont l'îlot de Fano jalonne la route, et des différents points des rivages albanais qu'avaient gagnés les Serbes attaqués de tous les côtés et accablés sous le nombre de leurs envahisseurs, cette île se prêtait admirablement à l'oeuvre politique entreprise par les Français et les Anglais.Tandis que les armées de la Duplice conquéraient le mont Lovcen, les ministres des puissances alliées remettaient donc, le 11 janvier 1916, au gouvernement hellénique, une note lui annonçant l'intention de ces puissances d'occuper temporairement Corfou; 
« seule, cette île pouvait offrir les facilités nécessaires au point de vue de la santé des troupes serbes, de la rapidité et de la sécurité du transport, ainsi que des commodités de ravitaillement ».
En fait, dans la nuit du 11 au 12 janvier, le débarquement des troupes françaises commençait, sous la protection des croiseurs-cuirassés; la station de télégraphie sans fil de l'Achilléion était immédiatement occupée, et les chefs du renseignement allemand arrêtés. En quelques jours, tout était préparé pour recevoir les Serbes, dont l'arrivée commençait le 17 janvier. L'opération fut menée à bonne fin, aussi rapidement que possible, sous la protection des flottes alliées, qui occupèrent les petites îles satellites de Corfou; le 15 février, le tsar Nicolas Il pouvait, de son grand quartier général, féliciter la France d'avoir réalisé, malgré de très sérieuses difficultés, le sauvetage de l'armée serbe. Un sauvetage, à la vérité provisoire et imparfait, si l'on songe au très grand nombre de ces Serbes qui mourront à Corfou du fait des privations et des maladies.

Pendant l'été 1923, l'Italie de Mussolini tenta sans succès d'occuper les îles Ioniennes et bombarda Corfou. La revendication italienne sur ces îles revit le jour en 1939, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, quand l'Italie et l'Allemagne hitlérienne occupèrent l'archipel en même temps que tout le reste de la Grèce. A la suite de la chute du régime mussolinien et du changement de camp de l'Italie, les troupes allemandes se tournèrent contre leurs anciens alliés et commirent de nombreux massacres.  Finalement, les forces grecques parvinrent à reprendre possession de leurs îles en 1944.

Au lendemain immédiat du conflit, Corfou est devenu un enjeu stratégique dans le contexte de la Guerre froide naissante. Son développement économique, largement tourné désormais vers le tourisme, a dû attendre 1974 et l'instauration d'un régime démocratique en Grèce.

Le 24 juin 1994, a été signé, dans le palais de l'Achilleion, le Traité de Corfou, qui a consacré le quatrième élargissement de l'Union Européenne (à laquelle la Grèce appartenait déjà depuis 1981). (GE/ H. Froidevaux).
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Corfou : l'Achilleion.
L'Acchilleion, à Corfou.
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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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