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Syracuse (ital. Siracusa) est une ville maritime de la Sicile orientale, dans l'îlot d'Ortygie qu'un étroit chenal sépare de la grande île. A l'Ouest d'Ortygie est la rade dite Grand port, vaste de 232 hectares, où débouche l'Anapo, et que ferme au Sud le promontoire Plemmirio; au Nord le Petit port. On peut y voir une cathédrale bâtie sur les fondations d'un temple dorique d'Artemis ou d'Athéna dont il englobe 36 colonnes; les ruines de thermes antiques, et de palais du Moyen âge; et un musée qui renferme de belles monnaies et la fameuse Vénus Callipyge exhumée en 1804 dans l'Achradine. A l'Ouest de l'île, la source Aréthuse (auj. la Parruga) qui débite 1 000 litres par seconde est devenue saline à la suite d'un tremblement de terre. Le petit port, qui renfermait l'arsenal de l'antique cité, est abandonné et n'a que 4 m de fond. La ville antique, fondée dans l'îlot d'Ortygie, avait bientôt débordé sur la grande terre et mesurait 33 kilomètres de tour à l'époque de Strabon. Elle comprenait, en dehors d'Ortygie, les trois grands quartiers d'Achradine, au bord de la mer, dans la presqu'île, avec le Forum, le Sénat, le prytanée, le temple de Zeus; puis, vers l'intérieur : Tycha au Nord, avec un temple de la Fortune, un grand gymnase, etc. ; Neapolis au Sud, avec un immense théâtre grec du Ve siècle (150 m de diamètre), les temples de Déméter et Perséphone, un amphithéâtre romain. Vers Achradine et Tycha sont les fameuses carrières dites Latomies où l'on enferma et laissa pourrir les Athéniens prisonniers; la plus remarquable est celle du Paradis, profonde de 30 m, qui aboutit à une excavation suivant une faille où les moindres bruits résonnent étonnamment; on l'appelle « Oreille de Denys » supposant que le tyran y venait écouter les plaintes des captifs. Sous Achradine et Tycha s'étendent les catacombes, creusées dans le tuf coquillier. Elles communiquent avec l'église San Giovanni, bâtie en 1182 (souvent restaurée) sur une crypte du IVe siècle et renfermant le tombeau de saint Marcien. Plus loin, vers le Nord-Ouest, on voit les tours massives du fort antique d'Euryale, des tombes taillées dans le roc, des passages souterrains. Un mur au Nord, un aqueduc fortifié au Sud rattachaient Euryale à l'Achradine, englobant, non seulement Tycha et Néapolis, mais le faubourg des Épipoles. Dans la banlieue méridionale coule l'Anapos, ruisseau chanté par Théocrite et entouré de papyrus de 4 m de haut; il reçoit les eaux de la fontaine Cian, l'antique Cyané, nymphe changée en source par Pluton/ Hadès lors de l'enlèvement de Perséphone. Syracuse d'hier et d'aujourd'hui : les ruines du théâtre grec et le front de mer. Photos : © Thierry Labat, 2009. Si l'on en croit les historiens de l'Antiquité, Syracuse aurait été fondée vers 734 av. J.-C. par des Corinthiens que conduisait l'héraclide Archias, de la famille des Bacchiades; elle aurait été renforcée de colons doriens et locriens. La cité primitive était confinée dans l'île d'Ortygie, sous le patronage d'Artémis; le marais qui s'étend entre elle et la grande terre s'appelait Syraco, nom qui passa bientôt à la ville. Celle-ci grandit vite, fondant dès 664 la colonie d'Acrae, celle de Casmenae (644), celle de Camarina (599) qu'elle détruisit quarante-six ans plus tard. En 648, un parti exilé collabora à la fondation d'Himera. Les discordes civiles sur lesquelles nous sommes mal informés laissèrent d'abord le pouvoir aux mains des propriétaires fonciers, les Gamores, d'origine dorienne; ils avaient pour tributaires et quasi-serfs les Killikyriens, descendants des sicules (L'Italie Antique). Le commerce développa dans la ville une plèbe ou figuraient de riches bourgeois. En 486, ils expulsèrent les Gamores; mais le tyran de Gela, auquel Syracuse n'avait pu résister qu'avec l'aide de Corinthe et de Corcyre, ramena les exilés et devint le maître de la ville. C'était l'habile Gelon (485). Il accrut beaucoup Syracuse, y amenant les gens de Camarina, la moitié de ceux de Gela, les principaux citoyens de Megara et Euboea conquises par lui. Syracuse devint la plus grande ville de la Sicile. Plan de l'ancienne Syracuse. En 416, Égeste, menacée par Syracuse, appela les Athéniens qui dirigèrent contre Syracuse la mémorable expédition de Sicile; la disgrâce d'Alcibiade et l'incapacité de Nicias la firent échouer; Syracuse, assiégée du printemps de 414 à septembre 413, finit par l'emporter avec l'aide du chef spartiate Gylippe : les généraux athéniens Nicias et Démosthènes furent égorgés, 7000 Athéniens périrent dans les Latomies, ou furent vendus comme esclaves. Ce succès eut des conséquences imprévues; dans Syracuse, la démocratie avancée prit le dessus avec Dioclès contre le parti oligarchique dirigé par Hermocrate (411); on s'absorbait dans les discordes civiles lorsque surgit un nouveau péril étranger. Egeste menacée avait appelé les Carthaginois qui prirent et ruinèrent les grandes villes de Selinonte (409), Himera, Agrigente (406). Ils attaquèrent ensuite le protectorat syracusain. Devant cette menace, Denys l'Ancien se fit donner le commandement en chef et affermit bientôt une tyrannie militaire (406). Il ne put sauver Gela et Camarina dont les habitants se retirèrent à Leontini, mais il traita avec le général carthaginois Himilcon, en abandonnant à Carthagela suzeraineté des deux villes. Il régna ensuite trente-huit ans sur Syracuse (405-367), maître soupçonneux mais énergique. Il fortifia les Epipoles et les joignit à la ville par un mur; il rendit l'île d'Ortygie presque imprenable et s'y bâtit une citadelle d'où il assura sa domination; il établit un puissant arsenal dans le petit port, un plus considérable encore pour 160 trirèmes dans le grand port. Quand Himilcon vint l'assiéger en 396, Denys s'empara de son fort de l'Olympiéon (au Sud de l'Anapos) et incendia sa flotte. Une nouvelle guerre aboutit au traité qui fixa au fleuve Halycus la frontière gréco-punique. Denys ne réussit cependant pas à étendre sa monarchie sur l'Italie méridionale, et lorsqu'il transmit le pouvoir à son faible fils, Denys le Jeune (367), celui-ci ne put le maintenir; il finit par être même expulsé de Syracuse par son beau-frère Dion; la garnison d'Ortygie résista une année et ne capitula qu'affamée (356). Dion visant à la monarchie fut assassiné (353) et, après des troubles sanglants, on rappela Denys (346). Deux ans plus tard, Timoléon le fit abdiquer derechef et défit son adversaire, Hicetas, qu'appuyaient les Carthaginois; il démolit la citadelle et rétablit les institutions libres, rappela les exilés et de nouveaux colons ; il en vint 60000. La constitution démocratique de Dioclès fut remise en vigueur; les tyrans expulsés des cités secondaires et une invasion punique repoussée (340). Temple de Minerve transformé en église. La grande démocratie urbaine de Syracuse ne put organiser de régime stable. En 317 s'installa un nouveau tyran, Agathocle; il se maintint jusqu'en 289, malgré une terrible guerre contre Carthage; vaincu à Himera et assiégé dans Syracuse (310), il transporte la lutte en Afrique, revient en 307 et traite. Il négocie un compromis avec les exilés syracusains, si nombreux qu'ils formaient une armée sous leur chef Dinocrate, égorge tous les opposants dans la ville, et tranquille désormais, s'intitulant roi de Sicile, dirige dans l'Italie méridionale et sur la mer Ionienne de lucratives razzias qui entretiennent son armée de mercenaires. Ce régime ne lui survit pas; après quelques années de liberté nominale et de combats entre divers aventuriers, dont les principaux furent Hicetas, qui ne put durer, Pyrrhus, bientôt brouillé avec ses alliés, le général syracusain Hiéron II se proclame roi (270). C'était un sage qui assura à la cité un demi-siècle de paix et de prospérité par son alliance avec les Romains et avec l'Égypte, par ses excellents règlements. Son royaume comprenait, avec Syracuse, les cités vassales d'Acrae, Helorus, Netum, Megara, Leontini auxquelles il joignit Tauromenium. Malheureusement après la mort de Hiéron Il (216), son petit fils Hiéronyme rompit avec Rome pour s'allier à Carthage. Il fut assassiné, mais le parti carthaginois demeura prépondérant ; Hippocrate et Épicyde étaient ses chefs. Marcellus vint assiéger la ville en 244 : ce fut un des sièges les plus mémorables de l'antiquité; Archimède, par ses appareils, déjoua tous les efforts des assiégeants, et le blocus se poursuivit deux années, les Carthaginois ravitaillant la ville. Au Nord campait Marcellus, à Léon; au Sud; Crispinus, à l'Olympiéon. Ruines de Syracuse. En 212, Marcellus surprit la porte Trogile, à l'Ouest d'Achradine, et se rendit maître des quartiers de Tycha et Neapolis; le commandant du fort d'Euryale capitula. Une armée de secours carthaginoise ne put enlever les lignes romaines et fut décimée par les fièvres. Hippocrate mourut, Bomilcar repartit et Épicyde se retira à Agrigente. La défense de Syracuse n'était plus confiée qu'à des mercenaires; l'un d'entre eux, un Espagnol, la vendit à Marcellus auquel une nuit il livra Ortygie. Le général romain s'introduisit aussi dans Achradine et les citoyens se rendirent; la ville fut pillée. Archimède tué; le butin fut immense. Syracuse ne se releva pas de ce désastre; elle demeura principale ville de Sicile, résidence des gouverneurs romains. Sextus Pompée lui fut hostile; Auguste établit une colonie romaine dans l'île d'Ortygie (d'où l'on avait exclu les Syracusains depuis la conquête), et la ville semble avoir été réduite à l'Achradine et Neapolis. Elle appartint aux Ostrogoths; Bélisaire la leur enleva en 535 ap. J.-C.; les Sarrasins s'en emparèrent après un siège de dix mois et la brûlèrent, passant les habitants au fil de l'épée (878). L'île fut de nouveau fortifiée par Charles-Quint qui y employa les matériaux des édifices antiques. La ville moderne y tint à l'aise. Après le choléra de 1837 et les émeutes qu'il provoqua, le roi enleva même à Syracuse son titre de chef-lieu d'une des sept intendances de l'île, la transférant à Noto. (A.-M. B.). |
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