| Ville de la Grèce antique, située dans la partie septentrionale de l'Isthme, à 2 kilomètres du golfe Saronique, en face de l'île de Salamine, dans une plaine au pied des monts Géraniens, Mégare occupait une colline basse à double sommet, chacun portant une acropole ou citadelle; celle de l'Est s'appelait Caria, celle de l'Ouest Alcathoé; la ville moderne a pris la place de la seconde. Au pied de Mégare était son port, dénommé Nisaea, qu'abritait l'îlot fortifié de Minoa. Des Longs-Murs, construits en 455, reliaient la ville au port. L'îlot de Minoa est aujourd'hui réuni à la terre ferme. Pausanias a laissé une description étendue des monuments de Mégare. La ville basse était alimentée par le bel aqueduc, oeuvre de Théagène et renfermait les temples d'Artémis Soteira, avec les statues des douze dieux (attribuées à Praxitèle) et des empereurs romains, de Zeus Olympien, de Dionysos, d'Aphrodite, l'herôon d'Alcathoos, le gymnase, etc. Sur la citadelle de Caria était le temple de Déméter ou Mégaron; au Nord le tombeau supposé d'Alcmène; du côté d'Alcathoé, le boulentérion, temple d'Athéna, avec statue chryséléphantine, et plusieurs autres temples. Au pied de l'acropole de Nisaea qui subsiste encore, on montrait la tombe de Lelex. De tous ces monuments il ne reste presque rien. Le territoire de Mégare ou Mégaride s'étendait sur la plus grande partie de l'isthme, depuis la frontière de Corinthe jusqu'au pied du Cithéron. La partie la plus étranglée appartenait cependant aux Corinthiens; la frontière primitive avait été marquée par un pilier séparant le Péloponnèse de l'Ionie qui s'étendait jusqu'à Crommyon sur le golfe Saronique et Thermae sur le golfe de Corinthe. Mais ensuite les Corinthiens reculèrent ce pilier et s'étendirent jusqu'aux roches Scironiennes. Le Cithéron séparait la Mégaride de la Béotie; du coté de l'Attique, la limite était marquée par deux escarpements dits les Cornes (ta Kerata, auj. Kandili) dominant la baie d'Eleusis. La Mégaride avait environ 360 km². C'était une contrée montagneuse, sans autre plaine que celle de Mégare, dénommée « plaine blanche »; le massif calcaire des monts Géraniens occupait le reste des pays barrant l'Isthme; trois routes le traversaient : celle du centre par un étroit défilé, celle de l'Ouest le long du golfe de Corinthe, souvent utilisée par les armées péloponnésiennes; enfin la principale le long de la cote orientale par Mégare et les Roches Scironiennes (auj. Kaké-Skala); c'était un passage redoutable, taillé dans des falaises abruptes à 200 m au-dessus des flots; on y montrait le roc Molouris d'où Ino-Leucothéa aurait précipité dans la mer son fils Mélicerte (Palémon); la tradition faisait de ce défilé le théâtre des forfaits du brigand Sciron. Outre la capitale, la Mégaride comprenait les villes d'Aegosthène et Pagae sur le golfe corinthien, le fort de Géraneia, les villes de Rhus et Tripodisca dans l'intérieur, Phibalis à la frontière attique. La partie la plus ancienne de Mégare paraît avoir été la citadelle de Caria, bâtie par les Cariens; là se trouvait le temple de Déméter, le Mégaron dont la ville prit le nom. Selon un tradition sans doute plus nourrie de mythologie que d'histoire, douze générations plus tard seraient venus les Lélèges, en relations avec l'Égypte, peuple maritime métissé comme les Cariens. La légende parlait de souverains éponymes Car et Lelex; elle nous présente le petit-fils de ce dernier, Pylas, qui entre en relations avec Panilion, roi d'Athènes; le fils de ce dernier, Nisus, évince Sciron, fils de Pylas, et règne sur la Mégaride; parmi ses successeurs, on place un Mégareus, fils ou gendre de Poseidon, ce qui paraît correspondre à l'affiliation à la fédération posidonienne de la Grèce orientale. On dit aussi que Nisus entré en lutte avec Minos, roi de Crète, fut tué et sa capitale détruite. Elle aurait été restaurée par Alcathoos, dont les uns font un fils de Mégareus, les autres un fils de Pélops; c'est lui qui édifia la seconde citadelle. Le dernier roi aurait été Hypérion, fils d'Agamemnon, après lequel prévalut la démocratie. Ces traditions ont dû être altérées postérieurement. Ce que l'on sait de ce qu'il advint par la suite de Mégare et de sa région appartient mieux à l'histoire. A l'époque homérique (Homère), soit vers le VIIIe siècle, la Mégaride était une partie de l'Attique et n'est pas citée séparément. Elle en fut détachée par l'invasion dorienne. Celle-ci échoua contre Athènes, grâce à Codrus, mais conquit Mégare ou s'établirent des colons venus de Corinthe et de Messénie. D'abord dépendante de Corinthe, elle s'en affranchit et annexa les cantons voisins des Héréens, Piréens, Cynosuriens et Tripodiscéens. Elle eut alors une période d'extrême splendeur. Au VIIe siècle, ce fut une des plus grandes cités grecques, grâce au commerce et à la colonisation ; elle dirigea celle-ci en Sicile et en Thrace, fondant Mégara Hyblaea, Cyzique, Byzance, etc. C'est à Mégare qu'on plaçait les origines de la comédie grecque, d'où Susarion de Tripodiscos l'aurait introduite en Attique. L'enrichissement des classes populaires les engagea à revendiquer le pouvoir politique pris par les descendants des Doriens; la lutte fut portée sur le terrain social. Avec l'aide des pauvres, Théagène établit la tyrannie et gouverna contre les riches propriétaires fonciers (de 630 à 600). Le poète Théognis a exhalé les lamentations de l'aristocratie. Elle finit par prévaloir avec l'appui des Spartiates. Vers la même époque s'engagèrent des luttes acharnées entre Mégare et Athènes; l'île de Salamine en fut d'abord l'objet, et Solon la reconquit pour Athènes. Les Mégariens prirent part à la deuxième guerre médique, armant 20 navires et 3000 hoplites. Ils firent ensuite la guerre aux Corinthiens pour une querelle de frontière et se mirent sous le protectorat athénien; c'est alors que les Athéniens bâtirent les longs murs qui réunirent Mégare à son port de Nisaea (455), et mirent garnison à Pagae sur le golfe corinthien. Mais en 445, le parti péloponnésien reprit le dessus, massacra la garnison athénienne et obtint dans la Trêve de trente ans l'évacuation de Nisaea et de Pagae. La rupture demeura complète; les Athéniens exclurent de leurs ports et marchés, les Mégariens qui, ne pouvant tirer de leur solde de quoi nourrir leur population, souffrirent beaucoup de cette mesure. Elle contribua à faire déclarer la guerre du Péloponnèse, laquelle précipita la décadence de la cité de l'Isthme. Son territoire fut chaque année dévasté par les Athéniens, le port bloqué; en 427, Nicias occupa l'île de Minoa; en 424, le parti démocratique rendit Nisaea aux Athéniens, mais Brasidas occupa Mégare et y rétablit l'oligarchie; les longs murs furent rasés. Une école de philosophie, l'école Mégarique, vit le jour à Mégare au Ve siècle. A partir du IVe siècle av. J.-C., les gens de Mégare nous apparaissent encore comme de riches et pacifiques marchands et propriétaires adonnés aux plaisirs de la table, à leurs jeux des Dioclées, des Alcathoées et des Petites Pythiennes. On vantait leurs courtisanes, les Sphinges de Mégare. Mais après ces dures épreuves, la ville n'eut plus de véritable rôle historique. Elle s'attacha à rester neutre entre les Athéniens, les Béotiens et les Péloponnésiens, subit la domination macédonienne, entra dans la ligue achéenne (Achaïe), se rendit sans combat à Métellus. Au temps de Cicéron, elle était en ruines; on y établit une colonie romaine qui prit quelque importance; elle est encore citée au Ve siècle ap. J.-C. et disparaît ensuite; les pirates en achevèrent la ruine (A.-M. B.). | |