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L'art
animalier qui consiste à représenter les animaux
par le dessin, la peinture ou la sculpture est très ancien. Il est déjÃ
au centre de l'art de la Préhistoire, qu'il concerne les grandes fresques
murales qui ornent à l'Aurignacien (grotte Chauvet, à Vallon-Pont-d'Arc)
Gravettien et Solutréen (grotte Cosquer) et surtout au Magdalénien (Lascaux,
Altamira, etc.) certaines grottes, aussi bien que
l'art mobilier (petits objets sculptés ou gravés) remontant aux même
époques. A l'aurore des premières civilisations agricoles, on
voit de nouveau l'art s'appliquer à reproduire l'image des animaux, les
uns consacrés par la religion, les autres simplement compagnons de l'homme
ou servant à ses fêtes, à ses plaisirs. Ainsi, les Égyptiens nous ont
laissé quantité de figures d'animaux féroces et domestiques, à beaucoup
desquels ils rendaient un culte : lions, hyènes, léopards, chacals, ânes,
chats, chiens, chèvres,
cochons, boeufs, vaches, renards et loups, ibex, oryx et gazelles, lièvres
et porcs-épics, crocodiles
et hippopotames, et les oiseaux des marais, et les poissons du Nil. (Musées
du Caire, du Louvre,
British Museum, de Turin, etc.).
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Copie
du Bison bondissant, Ã Altamira.
Le cheval tient une petite, très petite
place dans l'art de l'Égypte. Les traits du symbolisme plastique avaient
été déterminés chez les Égyptiens, et fixés avant l'acclimatation
du cheval dans la vallée du Nil, et ce peuple éminemment stationnaire
et fidèle à ses coutumes, à ses rites, a du se défendre d'y apporter
un élément nouveau. Chez les Chaldéo-Assyriens, il en fut autrement.
Les artistes de Ninive et de Babylone ne procèdent
pas de ceux de Memphis ou de Thèbes.
Leur manière est plus farouche, plus grosse et plus détaillée à la
fois. Ils ont fréquemment, eux, représenté le cheval soit attelé, soit
monté, dans des sujets de chasse, de bataille, de triomphe,
et le taureau, le lion, le chien, souvent avec une force et une vérité
d'expression bien remarquables (musées du Louvre et British Museum). Le
groupe de chiens, le lion et la lionne blessés du British Museum, sous
ce rapport, seront étudiés avec fruit et un très réel intérêt.
Des Phéniciens et des Cypriotes il nous
est parvenu peu de représentations d'animaux. Les quelques terres cuites
et pierres calcaires du musée de New York
donnent l'idée d'un art bien sauvage, bien enfantin. En revanche, les
Etrusques ont laissé de belles chevauchées décorant la panse des amphores
et des cratères (musées du Louvre, de Turin,
British Museum, et autres), ou les parois de salles funéraires (musée
de Naples). Les Grecs ont excellé en tout
dans tous les genres, on leur doit d'inestimables chefs-d'oeuvre. Plusieurs
statuaires se firent une grande réputation par la manière vraie et savante
dont ils employèrent le bronze et le marbre : Calamis se distingua dans
l'art de représenter les chevaux, et Nicias dans celui d'imiter les chiens;
on cite aussi la génisse de Ménechme, le chien de Lysippe. Les
chevaux que Phidias fit galoper sur la frise
du Parthénon sont des modèles accomplis
non seulement par l'exactitude des formes et la noble beauté des lignes,
mais aussi par la vérité des allures, dénotant une merveilleuse justesse
d'observation. Nous pouvons jouir de ces admirables cavalcades conservées
au British Museum. Mais les chevaux de marbre et de bronze qui peuplaient
Olympie, au dire de Pausanias,
sont perdus sans retour. Dans le nombre il y en avait un de Dyonisius d'Argos,
auteur d'un chien presque aussi vanté en son temps que la fameuse vache
de Myron, l'émule
de Polyclète, qu'on voyait encore au VIe
siècle devant le temple de la Paix, à Rome.
L'une des pièces célèbres du musée
de Naples, le groupe du taureau Farnèse, est d'Apollonius et de Tauriscus,
sculpteurs rhodiens. Le même musée possède une superbe tête de cheval
en bronze, antique. Il est vrai que des érudits l'attribuent aussi Ã
Donatello. On a dit des chevaux placés Ã
la façade de Saint-Marc de Venise qu'ils
étaient l'oeuvre de Lysippe de Rhodes ;
Cicognara, dont l'avis mérite d'être écouté,
pense qu'ils ont été exécutés à Rome, du temps de Néron.
En Italie du reste, on a eu certainement un goût très prononcé pour
les bêtes peintes ou sculptées, comme l'attestent plus d'une mosaïque,
les peintures de Pompéi, surtout la "salle
des animaux" au Vatican, où est réunie
toute une ménagerie d'Ours, de lions, de tigres, de panthères, de loups,
de chevaux, de chiens, de cerfs, de lièvres, de chèvres, de chats, de
vaches, de truies, de boucs, d'aigles, d'oies, de cigognes, de pélicans,
même un crapaud, un crabe, un rat, un scorpion, un homard, etc.,
et parmi ces pièces, dont aucune n'est indifférente, il en est plusieurs
auxquelles, vainement, on chercherait quelque chose à reprendre. Remarquables
encore le cheval de Marc-Aurèle
au milieu de la place du Capitole, les chevaux du Monte-Cavallo, ceux de
Castor et Pollux sur
la balustrade
de la place du Capitole, et de ceux qu'on a trouvés au théâtre d'Herculanum
ou ailleurs, ou qui sont figurés sur les colonnes Trajane et Antonine.
Nous savons que Pasitèle allait étudier les animaux dans les ménageries,
et Elien rapporte (Var. Hist., IX, 32) qu'on
faisait des figures iconiques d'après les beaux chevaux comme d'après
les beaux athlètes.
On a remarqué que
les artistes de l'Antiquité
n'étaient pas d'accord sur le mouvement de marche des chevaux : les chevaux
de Saint-Marc et ceux de Castor et Pollux lèvent les deux jambes de chaque
côté en même temps; au contraire, le cheval de Marc-Aurèle, les quatre
chevaux de son char sur le bas-relief du Capitole, ceux de Titus
sur l'arc de cet empereur, se meuvent
en ligne diagonale. Une autre observation vraie, c'est que, pour la représentation
des chevaux, le bronze permet des allures que le marbre repose quelquefois
: la solidité et la nature de la matière
autorisent en effet certains mouvements et soulèvements de jambes, inexécutables
en marbre sans des supports matériels qui produisent toujours un mauvais
effet.
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Statues
d'un éléphant et d'un cheval (mausolée de Tu-Duc, Vietnam).
Photo : © Angel Latorre, 2008.
Le Moyen âge
s'en tint d'abord aux animaux apocalyptiques; puis, peu à peu, orna les
pages de ses antiphonaires et de ses missels, les tympans,
les contreforts, les clefs de voûtes, les
chapiteaux de ses églises, de bêtes d'espèces
diverses, réelles ou fantastiques, ordinairement fort bizarres, souvent
rendues avec une grande énergie et recommandées par la tradition à cause
de leur signification toujours symbolique. Au XIVe
siècle le décor s'étant appauvri, l'animal cessa d'y jouer un rôle.
Mais il reparut au siècle suivant, alors plus scrupuleusement imité de
la nature; ce sont des singes, des chiens, des ours, des lapins, des rats,
des renards, des limaçons, des larves, des lézards, des salamandres,
des oiseaux dont les artistes finirent par abuser étrangement et auxquels
la Renaissance substitua les élégances et les grâces de son ornementation.
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Christ
entouré d'animaux sur le portail royal de la cathédrale de Chartres.
Les artistes modernes
ont étudié les oeuvres des Anciens. Ainsi, Raphaël,
dans ses chevaux d'Attila et d'Héliodore, a pris
pour type le cheval de Marc-Aurèle. Jules Romain et le Caravage
ont aussi cherché leurs modèles dans les chevaux de l'art romain. Dans
les tableaux de Le Brun, au contraire,
les chevaux ont quelque chose de chargé, de maniéré, qui offre plus
de prétention que de beauté vraie et naïve. Encore convient-il ici de
distinguer entre les artistes qui ont représenté des animaux dans leurs
oeuvres, et ceux qui s'en sont fait une spécialité, et que l'on appelle
spécialement artistes ou peintres animaliers. Ceux que l'on vient de nommer,
Vinci, Albrecht Dürer,
Rubens, et, pour citer des artistes ultérieurs,
Géricault, Gros, Horace Vernet, Delacroix,
certes ont fait souvent intervenir l'animal dans leurs ouvrages, quelquefois
même dans des proportions importantes, considérables; cependant, nul
ne s'avise de les qualifier peintres animaliers. A l'opposé, on appela
Desportes et Oudry peintres de chasses, Carle Vernet peintre de chevaux,
ce qui était bien dire : le genre de chacun s'adaptant parfaitement
à cette classification. Par la même raison, Brascassat
sera dénommé peintre de bestiaux, Jadin peintre de chiens, Jacque peintre
de moutons et de poules. Mais le qualificatif de peintre animalier revêt
un sens en quelque sorte intermédiaire : il s'applique à l'artiste qui
représente non seulement une unique espèce de bêtes, mais toutes, ou
plusieurs, et qui donne franchement la prééminence à l'animal lorsque
celui-ci, dans le sujet traité, est mis en présence de l'homme réduit
alors à un rôle subalterne.
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Combat
de chiens, par Frans Snyders.
Quoi qu'il en soit des définitions, il
y a eu de très grands artistes qui se sont consacrés à la représentation
des animaux. Ainsi, Snyders qui mit parfois dans
ses chasses, Ã l'exemple de Rubens, une surexcitation
de vie étonnante; ainsi de Paul Potter, J.-B. Wenix
(Weenix), Jean Fyt, Hondecoeter,
Vlieger, Adrian van Ostade, Philippe Wouwermans, Berghem,
qui ont excellé à reproduire les attitudes, la vie et le mouvement des
divers animaux, et dont le but principal fut de copier fidèlement
leurs modèles, d'être vrais, de poursuivre les détails intimes et curieux
de la nature; ainsi les Italiens
Bettini, Manzini, Crespi, le Cerano et son élève
Carlo Cane, Benedetto Castiglione. Nommons au moins, parmi ceux qui sont
venus plus tard, les Belges Verlat
et Joseph Stévens, les Anglais
Ausdell et Landseer. Enfin, aux noms de Desportes et d'Oudry, peintres
attitrés des chenils de Louis XIV et de Louis
XV, aux noms de Carle et d'Horace Vernet,
de Géricault, de Brascassat, de Jadin, de
Jacque, déjà cités, ajoutons ceux de Rosa
Bonheur et de son frère Auguste, de Troyon, de Mélin, de Vayson.
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Le
Lion de Saint-Marc, statue en Bronze de Luigio Borro,
au
pied de la statue de Daniele Manin, Ã Venise (1875).
On doit également mentionner les noms
des sculpteurs Fratin, Lechesne, Rouillard,
Alfred Jacquemart, Mène, Caïn, Frémiet, Guillaume
Coustou, auteur des chevaux exécutés pour le château
de Marly .
Au XIXe siècle. II faut aussi mentionner
parmi les sculpteurs, Coysevox
avec ses chevaux ailés à l'entrée du jardin des Tuileries ,
sur la place de la Concorde .
On admirait encore, à Paris, avant, la Révolution
de 1789, le cheval de Louis XIV, sur la place
Vendôme ,
et celui de Louis XV, sur la place de ce nom,
l'un et l'autre oeuvre de Girardon. Il existe
de la première une petite copie en bronze au Musée du Louvre.
A Saint-Pétersbourg, le cheval de Pierre le Grand
est encore une oeuvre remarquable de Falconnet.
Et, bien sûr, pour terminer, Barye et Mène avec
le bronze, qui se sont fait une réputation justement acquise dans la représentation
des animaux de diverses espèces - Barye le plus puissant
de tous, parce qu'il sut trouver le style et la grandeur, jusque dans la
réalité absolue de la bête vivante on morte. (B.
/ Olivier Merson).
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Rhinocéros
d'Alfred Jacquemart (parvis du musée d'Orsay). ©
Photos : Serge Jodra.
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