| Mantegna (Andrea). - Peintre né à Padoue (Italie) en 1430, mort à Mantoue en 1506. C'est par erreur que Vasari le fait naître dans cette dernière ville où il ne passa que la seconde moitié de sa carrière. De même, il n'est pas certain que Mantegna, suivant la tradition accréditée par l'historien florentin, ait gardé les troupeaux dans son enfance; en effet, le peintre est désigné dans un acte notarié daté de 1492 comme « fils de l'honorable sire Blaise: Andreas Mantegna q honorandi ser Blasii »; or, cette qualification, d'après les usages du temps, n'indiquerait pas une origine obscure. Quoi qu'il en soit, il fut distingué de très bonne heure par Francesco Squarcione, qui le prit dans sa maison, l'adopta pour fils et l'initia à la connaissance et à la pratique de l'Antiquité. A dix-sept ans, le jeune Andrea était déjà devenu un maître, et on le chargeait (1488) de peindre pour le maître-autel de Sainte-Sophie de Padoue une Madone qui a malheureusement péri au XVIIe siècle. A vingt-trois ans, il exécutait le retable de l'église Sainte-Justine, merveilleux morceau, d'une science consommée et d'un art exquis, conservé aujourd'hui au musée Brera à Milan. A peu de temps de là, Squarcione, ayant à peindre la chapelle de Saint-Christophe aux Eremitani de Padoue, se déchargea de la besogne sur son élève préféré : Mantegna, avec une admirable élévation de pensée et de style, représenta en une série de compositions d'un caractère grandiose : la Tentation de saint Jacques, la Vocation de saint Jacques, Saint Jacques baptisant, saint Jacques devant le préfet, Saint Jacques conduit au supplice, le Martyre de saint Jacques, le Martyre de saint Christophe, l'Enlèvement du cadavre de saint Christophe. Pendant qu'il s'occupait à ces travaux, Jacopo Bellini, venu de Venise à Padoue avec ses deux fils, Gentile et Giovanni, fut si vivement frappé du précoce génie de l'auteur de ces fresques, qu'il voulut l'avoir pour gendre; mais en s'unissant à Nicolosia Bellini, Mantegna se brouilla irrévocablement avec son père adoptif et maître, qui, dès lors, devint son irréconciliable ennemi. - Mantegna. - La Cucifixion (rétable de Saint-Zenon, musée du Louvre). Cependant la réputation du peintre s'était étendue. L'oeuvre de l'église Saint-Zénon de Vérone lui commanda (1457-1459) un retable monumental, dont il conçut l'ordonnance avec une entente supérieure de la poésie et du style au centre, la Vierge est sur un trône auprès duquel sont groupés de petits anges; des piliers ornés de médaillons et d'arabesques supportent un entablement dont les frises simulent un bas-relief d'enfants, dans le goût de Donatello cette architecture est d'une extrême richesse; et l'expression de la Vierge, son maintien, son ajustement ont une beauté souveraine et une grâce infinie. Il y a en France la prédelle du retable de Saint-Zénon; elle se compose de trois compartiments distincts : la Crucifixion (musée du Louvre); le Christ au Jardin des Oliviers et la Résurrection (tous deux au musée de Tours). Mantegna y concilie à merveille l'énergie du pathétique avec la recherche des mouvements nobles et des attitudes élégantes. Après un séjour de deux ou trois ans à Vérone, il se rendit à Florence. Il s'y trouvait en 1466, au moment où brillaient les Verrocchio, les Pollaiolo, où débutait Botticelli, et où lui-même était à l'apogée du talent et de la gloire. C'est alors que le duc Louis de Gonzague le fit venir à Mantoue. Il se fixa dans cette ville où il fut comblé de faveurs, et, sauf une courte absence à Rome, de 1488 à 1490, lorsque le pape Innocent VIII lui confia la décoration d'une petite chapelle située dans le Vatican, il y passa le reste de sa vie. A Mantoue, Mantegna se consacra à de vastes compositions destinées à embellir le palais des ducs. Par malheur, il ne nous reste de cet ensemble que la Galerie Mantegna, où l'on voit la Famille de Louis de Gonzague, groupée et formant tableau. Un ouvrage d'une plus haute importance encore, dont on possède les cartons, c'est le célèbre Triomphe de Jules César, peint pour la scène du théâtre de Mantoue, magnifique restitution de l'antiquité romaine, puissante évocation des gloires militaires et des splendeurs de l'empire. - Mantegna. - un des cartons du Triomphe de Jules César. A la série des fresques dont nous avons parlé, et pour ne citer que les oeuvres maîtresses de Mantegna, il faut ajouter encore plusieurs tableaux de premier ordre. La plus belle de ses Madones est à Mantoue. A Florence sont l'Épiphanie, la Résurrection, la Circoncision. Madrid a la Mort de la Vierge. Enfin le musée du Louvre s'honore de quatre compositions de Mantegna qui comptent parmi les plus belles : le Parnasse et la Sagesse victorieuse des Vices ne le cèdent point au Christ entre les Larrons, ni à la Madone de la victoire, sorte d'ex-voto commandé à l'artiste en 1495, après la bataille de Fornoue, par le marquis de Mantoue, généralissime de l'armée italienne. C'est au retour de son voyage à Rome que Mantegna commença à manier le burin; les estampes du Triomphe, qu'il grava en 1491, paraissent être ses premières productions dans l'art du graveur ; elles sont, comme toutes les estampes du maître, d'un beau et noble caractère : la sobriété même du travail, la rude uniformité des hachures et leur naïveté quelque peu sauvage servent à mettre en lumière les qualités supérieures de l'invention, la mâle et incisive éloquence des contours, de la draperie et du modelé. La chapelle où Mantegna fut enterré existe encore à Mantoue. Il ne laissait pas d'élèves directs, mais l'influence et la gloire de ce précurseur avaient rayonné au loin; son action sur Raphaël est indéniable, et le Sodome, le Corrège, Paul Véronèse, Albrecht Dürer, Holbein l'ont maintes fois imité. Lui-même avait demandé à plus d'un maître des inspirations et des modèles : au grand sculpteur florentin Donatello, il avait emprunté ce pathétique qui éclate dans plusieurs de ses oeuvres; du peintre Paolo Uccello, il avait appris la perspective linéaire et la science des raccourcis. Mais la source par excellence à laquelle il puisa, ce fut l'Antiquité. « Rechercher avec l'ardeur d'un antiquaire, avec la rigueur scientifique d'un archéologue, a écrit Eugène Müntz, les moindres fragments qui peuvent aider à reconstituer l'image du monde romain, statues, bas-reliefs, monnaies, inscriptions, marbres et bronzes; déterminer jusqu'aux plus infimes détails du costume, de l'ameublement, de l'armure des anciens; en remontrer aux érudits les plus méticuleux sur la forme d'une épée, d'un mors de cheval, d'une chaussure employée dans les armées romaines; puis de cette infinité de matériaux, réunis avec une patience admirable, tirer une image vivante et poétique, vivifier par l'imagination une érudition qui chez les autres serait restée stérile, telle est la tâche que Mantegna a menée à fin avec un succès éblouissant. » Toutefois l'étude de l'antique n'avait pas étouffé chez Mantegna le sentiment des beautés de la nature : témoin ses radieuses figures d'anges et d'enfants, ses types d'adolescents d'une grâce si parfaite. A vrai dire, le maître padouan ne fut pas ce qu'on appelle un coloriste : on a pu lui reprocher le ton froid, dur et sec de la plupart de ses tableaux; en revanche il défie toute critique par l'art merveilleux avec lequel il résout tous les problèmes du rythme et de l'ordonnance, par ses inappréciables facultés d'observateur, par son habileté à disposer les draperies sur le corps romain, par sa science impeccable du dessin. (G. Cougny). - Mantegna. - Le Christ mort. | |