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La découverte des plantes
La botanique à la Renaissance

Aperçu
A partir du XVIe siècle, de même que toutes les autres branches de la science, devint l'objet de travaux assidus. La découverte de l'Amérique a sans doute aussi été déterminante pour ce qui concerne la botanique. Des missionnaires, des médecins, des voyageurs tels que Lopez de Gomara, F. Hernandez, Fernandez de Oviedo, Martin del Barco, Jérôme Benzoni, André Thevet, ont, les premiers, initiés aux richesses botaniques du Nouveau monde, et leurs ouvrages ont inauguré, pour la botanique, non pas l'ère de la renaissance comme on l'a dit, cette science n'ayant jamais été jusque-là bien cultivée, mais simplement une ère de progrès sans précédent.

L'une des plus importantes manifestations de ce développement fut la création de Jardins botaniques. C'est en Italie d'abord, à Padoue en 1525, à Pise en 1544 ; puis en Hollande, à Leyde en 1577, enfin en France à Montpellier en 1597 et à Paris en 1598, que furent successivement installées les premières collections de plantes vivantes.

Parallèlement, l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles permit la publication d'ouvrages consacrés aux plantes, et plus spécialement d'herbiers, qui seront les premiers atlas du monde végétal. Tout au long du siècle, se succéderont ainsi avec ces ouvrages une foule d'éveilleurs à la botanique, tels Brassavola, Mattioli, Ruel, Brunfels, Fuchs, Turner, etc, encore très attachés aux auteurs de l'Antiquité (Dioscoride et Théophraste sont les plus prisés).

D'autres - leurs contemporains - font un pas de plus en avant, et commencent à élaborer des méthodes, des approches nouvelles (Manardi, Bock, Gessner, etc.); Lobel, Clusius, Dodoens, les frères Bauhin et d'autres sauront vite faire leur profit de ces semences. Le grand nom de la botanique au XVIe siècle restant cependant celui de Césalpin : dans son De plantis publié en 1583, il inaugure véritablement la botanique moderne. 


Jalons
Les défricheurs

A la fin du XVe siècle et dès le commencement du XVIe, un progrès sensible s'annonce dans l'étude de la botanique par la publication de descriptions de plantes accompagnées de figures gravées sur bois, tout d'abord bien défectueuses, et auxquels on rattachera les noms de Mattioli (Matthiole), Aloysio Anguillara, Castor Durante, Ruel, Brunfels, Bock, plus tard Fuchs. Mais, si ces auteurs témoignent déjà de l'ardeur avec laquelle on commençait à étudier les végétaux, on ne trouve encore rien d'original dans les ouvrages de cette époque. Ce sont tous des commentaires des auteurs anciens, auxquels sont ajoutées quelques descriptions nouvelles. 

En Italie.
La rivalité qu'entretenaient en Italie, les universités de Padoue de Pise, de Bologne, etc. fut très favorable au mouvement des sciences en général. Pour ce qui concerne la botanique, on citera parmi ceux qui ont insufflé l'élan, les noms de Brassavola, Costaeus, Mattioli, Anguillara, Durante et Porta :

Brassavola et Costea.
Antonio Brassavola (1500 - 1570), qui a été un savant commentateur des Anciens (1536), a été aussi l'un des premiers à écrire sur la racine de quinquina et le bois de gayac (De  radicis chinonae, cum quaestionibus de ligno sancto, Venise1566). Costea (Costaeus) (mort en 1603) pour sa part a publié à Turin en 1578 un ouvrage intitulé De univesali stirpium natura libri duo qui n'est pour l'essentiel qu'une paraphrase de Théophraste et de Dioscoride

Mattioli.
Pietro Andrea Mattioli ou Matthiole (1500 -1577), publie un commentaire de Dioscoride, dont les gravures qui accompagnent le texte montrent parfois des plantes imaginaires. La partie originale de son ouvrage comprend des renseignements  que lui a transmis Guillaume Quakelben après un voyage en Asie Mineure. Mathiole a également bénéficié des observations de Lucas Ghini (1500-1556), directeur du jardin des plantes de Pise.

Aloysio Anguillara. 
Adversaire irréconciliable de Matthiole, Aloysio Anguillara (mort en 1570), a visité en naturaliste l'Italie, l'Illyrie, la Turquie, la Crète, Chypre, la Corse, la Sardaigne, la Suisse, les environs de Marseille. Il s'est surtout préoccupé de la concordance des noms anciens avec les noms modernes des plantes. On trouve le résultat de ses travaux dans le Semplici dell' eccelente M. Anguillera, etc. (Venise, 1561). Ses descriptions, très courtes, sont si exactes, qu'elles suffisent pour reconnaître toutes les espèces indiquées. Il a fait connaître une vingtaine d'espèces nouvelles.

Castor Durante.
Castor Durante (mort en 1590) figure dans sont Herbario nuovo (Venise, 1584), les principales plantes jusqu'alors connues de l'Europe, des Indes orientales et occidentales. Son ouvrage compte 874 gravures sur bois, mais elles sont souvent très inexactes et mal exécutées, quelquefois imaginaires.

Porta.
Porta divisa les plantes en un certain nombre de classes fondées sur la ressemblance qu'elles lui parurent avoir avec les parties des animaux, sur les rapports entre leurs moeurs et celles de l'humain, entre leurs habitudes et les mouvements des astres, etc. Il exposa leurs propriétés médicinales d'après certaines formes ou qualités; par exemple, pour lui, la Scrofulaire guérirait des scrofules et des varices, parce que ses feuilles représentent des grumeaux imitant les varices; les plantes stériles rendraient les hommes stériles, etc. Ces idées ont eu cours jusqu'à une époque bien peu reculée de la nôtre. 

Dans la Péninsule ibérique.
Au XVIe siècle, c'est en Espagne et au Portugal que parvenaient d'abord les nouvelles de l'Outre-mer, et l'on ne s'étonnera pas de trouver dans la Péninsule ibérique un éveil à la botanique née de la curiosité suscitée par les Grandes découvertes. Tous les naturalistes cependant ne feront pas le voyage en Amérique (Garcia da Orta et d'Acosta), la plupart se contenteront de l'Europe :

Au Portugal.
Le nom le plus connu est celui de Juan Rodrigo de Castel-Branco (Amatus Lusitanus), né en 1511, qui mourra à la fin du siècle en Turquie où il avait dû se réfugier après avoir été dénoncé à l'Inquisition comme juif. Entre-temps, il aura voyagé en France, en Italie, en Allemagne, en Hollande. Ses commentaires sur Dioscoride (in Dioscoridis de materia medica libros quinque enumerationes, Venise, 1553), témoignent d'une grande érudition.

En Espagne.
On doit ici citer : Laguna,  Monardès et Lorenzo Perez. Andres Laguna (1499-1560), est comme Amatus Lusitanus un commentateur de Dioscoride (1555). Il eut le premier l'idée de faire graver, non plus sur bois, mais sur cuivre, les dessins de plantes et d'animaux. Nicolas Monardès (mort en 1578) se fit une réputation de botaniste distingué par plusieurs ouvrages, notamment par De rosa et partibus ejus; De malis, citris, aurantiis et limoniis (1565) et De las drogas de las Indias (Séville, 1565), que Clusius traduira en latin et Colin en français. Quant à Lorenzo Perez, pharmacien de Tolède, il décrivit beaucoup de plantes médicinales nouvelles dans son Historia theriacae (1575), et surtout dans son De medicamentoram simplicium et compositionem delectu hodierno apud nostros pharmacopolus extantium, etc (1590), livres extrêmement rares.

En Angleterre.
En Angleterre, comme dans la Péninsule ibérique, l'intérêt pour les plantes s'exprime surtout à partir du milieu du XVIe siècle. On peut citer Bulleyn, Maplet, Penny, Lyte, Sherard (1545-1607), etc. On ne s'attardera que sur deux exemples extrêmes de la manière dont on aborde le sujet, avec d'une part Ascham, qui reste ancré dans une conception archaïque de la botanique, et d'autre par Turner, véritable introducteur dans les îles Britanniques de la botanique comme science.

Ascham.
Anthony Ascham  publie un Petit Herbier (A lyttel Herbal of the properties of herbes, etc, Londres, 1550); il y allie la botanique et l'astrologie, essayant de montrer quelles plantes sont sujettes à l'influence des astres, et quels sont les jours les plus convenables pour en faire usage, suivant les constellations du zodiaque ou se trouve la Lune.

Turner.
William Turner (mort en 1568) fit connaître les plantes de son pays, dans un livre intitulé A New Herbal wherein are contayned, the names of herbes in greek, latin, english, dutch, french, and in the potecaries and herbories latin with their properties, etc. Il s'agissait d'une oeuvre dont la première partie parut à Londres en 1551, la deuxième à Cologne en 1562, et la troisième à Londres en 1568. Dans cet ouvrage, très important pour l'histoire de la botanique en Angleterre, les plantes sont rangées par ordre alphabétique de noms latins. L'auteur indique souvent les localités où elles croissent, et il s'étend sur les caractères qui les distinguent les unes des autres. Il ajouta 90 figures de plantes à celles qu'il avait (au nombre de 400) empruntées pour son Herbier à la première édition (1545) de l'ouvrage de Leonhard Fuchs. Turner est le premier qui est donné la figure de la luzerne, qu'il nomme horned clover, à cause de la forme cornue du fruit; on lui attribue aussi d'avoir introduit cette plante fourragère en Angleterre.

En France.
Ruel.
Jean Ruel (1479 - 1537) a donné un traité intitulé De natura stirpium libri tres (Paris 1536), magnifiquement imprimé, qui est une sorte de répertoire des connaissances botaniques acquises jusqu'à la fin du XVe siècle. Au commencement du premier livre l'auteur traite des plantes en général, de leurs organes, de leur nutrition, des parties qui les composent, de la différence des feuilles, des fleurs, etc.; mais on n'y trouve aucune méthode de classification. Les autres pages du premier livre sont consacrées aux arbres, rangés par ordre alphabétique; les deux livres restants traitent des plantes herbacées. Les anciens auteurs, particulièrement Théophraste, Dioscoride et Pline, y sont habilement commentés.

Dalechamps.
Quelques années plus tard, Jacques Dalechamps ou Dalechamp (1513-1588) publiait une Historia generalis plantarum, in libros XVIII per certas classes artificiose digesta, etc. (Lyon, 1587, 2 vol. in-fol.), avec 2751 gravures assez médiocres, dans laquelle il propose une classification fondée à la fois sur l'usage, les propriétés, la forme et l'habitat des espèces. Il retombait ainsi dans l'erreur des devanciers de Césalpin. Cette méconnaissance des caractères botaniques régna encore longtemps et aboutit au système de Porta mentionné plus haut. 

En Allemagne, Hollande et Suisse.
L'Allemagne, la Hollande et la Suisse, où les Guerres de religion et la soif de liberté avaient mis, au XVIe siècle, tous les esprits en effervescence, produisirent en même temps des naturalistes qui ont surtout été des herborisateurs alpestres,  tels Calceolarius, Pona et Jean Fabricius, curé de Coire, qui le premier fit connaître la renoncule des glaciers, mais aussi des naturalistes de premier ordre (Tragus, Cordus, Gessner et Dodoens). Entre ces deux extrêmes on mentionnera les noms de Brunfels, Fuchs, Camerarius, Tabernaemontanus, Arétius :

Brunfels.
Otto Brunfels (1470-1534) étudia par des herborisations la flore indigène d'Allemagne et la décrivit, sans aucune méthode il est vrai, dans son ouvrage intitulé Herbarum vivae icones ad naturae imitationem summa cum diligentia et artificio effigiatae, etc. (Strasbourg, 1530-1536, 3 vol. in-fol.). Le tome I est une flore des environs de Strasbourg et de la rive gauche du Rhin. On trouve dans le tome II le résumé des descriptions données par les anciens botanistes et le tome III donne les opinions propres à l'auteur.

Fuchs.
Léonard Fuchs ou Fuchsius (1501-1566), professeur à l'université de Tubingen, montra un véritable talent d'observation par la manière dont il décrivit et figura avec fidélité environ 400 espèces indigènes dans son De historia stirpium commentarii insignes, etc. (Bâle, 1542, in-fol.). Dès lors, on s'attacha un peu plus à décrire les plantes que l'on pouvait observer autour de soi. 

Camerarius et Tabernaemontanus.
Joachim Camerarius (1534-1598) et Théodore Tabernaemontanus (mort en 1590), qui ont tous deux laissé des ouvrages descriptifs accompagnés de très nombreuses figures, mais ne présentant qu'un intérêt médiocre. Tabernaemontanus, qui avait réuni un herbier de 3000 espèces, défendait l'idée que Dieu avait mis dans les plantes de chaque pays les vertus appropriées à la guérison de toutes les maladies endémiques. 

Aretius.
Plus intéressant est sans doute Benedict Aretius (1505-1578), qui a joué en Allemagne un peu le rôle de Turner en Angleterre, en faisant notamment connaître les plantes de l'Allemagne dans Descriptio Stochhorni et Nessi, montium in Bernatium Helveticorum ditione, et nascentium in eis stirpium (1561). 

Les semeurs

Parallèlement à ses défrichages qui hésitent encore entre les Anciens et les Modernes, on commence à constater au XVIe siècle d'importantes réformes et découvertes dans la méthode d'observation et dans la connaissance des organes végétaux. Ces avancées sont principalement dues à  Manardi; à Valerius Cordus, et à Gessner :

Manardi.
Giovanni Manardi (1462 - 1536), affirme dans ses Epistolae medicinales (Bâle, 1540), que les naturalistes arabes n'étaient que d'ignorants compilateurs ayant emprunté presque tout leur savoir aux Grecs - ce qui était aussi le cas des autres Médiévaux et déjà des Romains, mais passons - et surtout, il parle l'un des premiers, des anthères, de ces petits globules ou sachets, généralement jaunes, qui couronnent les filaments de la fleur. 

Tragus.
En Allemagne, quelques années après Brunfels, Jérôme Bock (1498?-1554), plus connu sous le nom de Tragus, proposa une Histoire de plantes indigènes, qui parut en 1539 à Strasbourg sous le titre de New Kraeuterbuch, eut un immense succès. On était tellement habitué à ne voir jusque là en fait de botanique que des paraphrases de Théophraste et de Dioscoride, que le livre fut un véritable événement. A l'ordre alphabétique jusque là utilisé Tragus préféra la distribution des plantes selon un certain ordre et il les divisa en :

1° herbes sauvages à fleurs odoriférantes; 

2° trèfles, gramens, plantes fourragères et rampantes; 

3° arbres et arbrisseaux. 

Il commença ses descriptions par celle de l'ortie commune, semble-t-il, et ce n'est donc pas anecdotique, pour se moquer des botanistes que jusque là commençaient toujours par parler des plantes les plus rares que personne n'avait jamais eu l'occasion de voir...

Au nombre de 165, les plantes que Bock décrit ont été observées par lui-même et toutes dessinées d'après nature. Il s'étend peu sur les fleurs et les fruits, mais l'aspect général des plantes et les localités où elles se trouvent sont très bien indiqués. Propriétés et nomenclatures sont longuement exposées. On constate aussi qu'il traite ensemble des groupes de plantes, qu'il ne désigne pas explicitement comme tels, mais dont on fera plus tard des familles : labiées, corymbifères, borraginées, euphorbiacées, solanées, ombellifères, etc.

Cordus
Il y a eu à la Renaissance deux Cordus qui se sont intéressé à la botanique, Euricius Cordus (1486-1538) et son fils Valerius Cordus (1515-1544). Le premier, poète et botaniste, a traduit les poèmes de Nicandre et a publié un Botanologicon seu colloquium de herbis, fait en imitation des colloques d'Erasme, son ami, et qui roule surtout sur la synonymie des plantes qu'on rencontre dans les jardins et les champs. Valerius Cordus fut pour sa part un des meilleurs botanistes de son temps. 

Le point de départ du travail de Valerius Cordus fut son souhait de réformer l'ancienne pharmaceutique par une étude plus exacte des minéraux et des plantes indigènes, comparativement aux notions transmises par les Anciens. Dans ce but, Cordus voyagea en Europe de 1540 à 1544pour recueillir des matériaux nécessaires à son étude. Il visita d'abord la Thuringe, la Saxe et la Suisse saxonne, puis il passa en Italie où il mourut. Mais ses manuscrits et ses herbiers furent recueillis ensuite publiés par Gessner (1561). Valerius Cordus a fait bien connaître de nombreuses plantes. Il a très bien caractérisé en particulier les légumineuses, et a indique le premier la reproduction des fougères par les spores que l'on voit à la surface inférieure des feuilles.

Gessner.
Conrad Gessner (1516-1565), professeur à Zurich, sa ville natale, fait époque dans l'histoire de la botanique parce qu'il a le premier insisté sur la nécessité d'une étude exacte de la fleur et du fruit (plutôt que des feuilles) pour une classification méthodique des plantes. Ce fut une innovation d'autant plus grande que presque tous les botanistes anciens avaient négligé cette étude. A toute occasion il y revient. Ainsi, on lit dans sa correspondance qu'il pria un de ses amis de lui dessiner le fruit d'une tulipe de manière à rendre apparente la position des graines,

« car j'ai l'habitude, expliqua-t-il, d'ajouter à mes figures de plantes toujours celles du fruit et des graines, afin qu'on puisse mieux saisir l'ensemble des caractères distinctifs.-» 
Gessner fit ressortir en même temps, par ses descriptions aussi bien que par ses dessins, que toutes les plantes qui ont la même forme de fleurs et de fruits sont également semblables dans leurs autres parties, qu'elles se ressemblent souvent par leurs propriétés, et qu'en les rapprochant ont obtient des groupes naturels. C'est ainsi qu'il fut conduit à introduire dans les sciences naturelles les notions de genre et d'espèce, issues du vocabulaire philosophique (scolastique) :
« Il faut, dit-il, admettre qu'il n'y a pas de plantes qu'on ne puisse rattacher à un genre et celui-ci diviser en deux ou plusieurs espèces. Les Anciens n'ont décrit qu'une seule gentiane : moi j'en connais plus de dix espèces.-» 
Il établit aussi, et avec une rare sagacité,  la différence qui existe entre la variété et l'espèce. Gessner, enfin, est le premier à donner des noms de personnages célèbres à des plantes inconnues des anciens (et c'est d'ailleurs ainsi que Linné donnera le nom de gesnériacées à une famille de plantes dont le type est le genre Gesneria...). Terminons en notant que Gessner avait eu le projet, interrompu par sa mort, de publier une Histoire générale des plantes,  pour faire pendant à son Histoire des animaux, et dont il avait déjà réuni 1500 figures de plantes. Un ouvrage qui ne sera finalement publié, par Trew, que deux siècles plus tard (1771).

Les moissonneurs

D'autres sont allés encore plus loin, comme Adam Lonicer qui pourtant divisait encore les plantes en arbres et arbrisseaux et plantes médicinales (1551), mais dont le travail allait bientôt être surpassé par ceux de trois amis, qui se communiquaient réciproquement leurs travaux : Lobel, Clusius et Dodoens. Ces trois là, avec le frères Bauhin et André Césalpin, seront les vrais précurseurs de la botanique appelée à se déployer au siècle suivant.

Mathias Lobel.
Mathias Lobel ou Lobelius (1538-1616),  parcourut en herborisant le midi de la France, une partie de l'Italie, le Tyrol, la Suisse et l'Allemagne, avant de s'établir aux Pays-Bas. Dans son ouvrage, fait en collaboration avec Pierre Pena, et intitulé Stirpium adversaria nova (Londres, 1570, in-4), il divisa les plantes en sept classes : 

1° Gramens;

2° Orchis; 

3° Potagères; 

4° Légumes;

5° Arbres et Arbrisseaux;

6° Palmiers; 

7° Mousses. 

Mais ce qui rendit surtout Lobel populaire, ce furent ses Observationes sive Stirpium historiae (Anvers, 1570, in-fol), dans lesquelles il figura 2191 plantes avec un index en sept langues.

Clusius.
Charles de l'Écluse, en latin Clusius (1525-1609), fit de nombreux voyages à travers l'Europe. Des tous ces voyages qu'il occupa souvent à herboriser, il rapportera une immense érudition et d'excellents dessins d'après nature de près de deux cents espèces de plantes, que l'on pourra voir, avec de bonnes descriptions dans les ouvrages suivants : Rariorum aliquot stirpium per Hispanias observatarum historiae (Anvers, 1576, in-8, 23 gravures sur bois) et Exoticorum libri decem, quibus animalium, plantarum, aromatum, aliorumque peregrinorum fructuum historiae describuntur (Anvers, 1605, in-fol.). 

Clusius a aussi introduit aux Pays-Bas, la pomme de terre, grâce aux échantillons qu'il avait cueillis dans le jardin de Sherard, à Londres; Drake, qui les avait rapportés de Virginie, les lui avait confiés...

Dodoens.
Rambert Dodoens, plus connu sous les noms de Dodonée et Dodonoeus (1518-1586), médecin de l'empereur Maximilien, puis professeur à Leyde, nous a laissé un important ouvrage : Stirpium historiae Pemptades sex, sive libri triginta (Anvers, 1583, in-folio, avec 1303 figures sur bois), dans lequel il se montre préoccuper de chercher un arrangement des plantes et propose sa division en six Pemptades. Mais il n'a pas de principes bien arrêtés, et se laisse dans sa distribution des plantes presque exclusivement guider par leur utilité économique et médicale. C'est ainsi que les céréales se trouvent réunies aux légumineuses, et le sarrasin vient à la suite du froment. 

L'immense majorité des plantes décrites appartient à la flore allemande, considérée comme type de la flore d'Europe centrale. Parmi les espèces qui s'y voient pour la première fois décrites et dessinées, on remarque : le miroir de Vénus, la couronne impériale (introduite dans le jardin de Maximilien II en 1576), la tulipe sauvage, la bruyère cendrée, la fleur de Chalcédoine, la jacinthe des bois, etc.

Les frères Bauhin.
Avec les deux frères Jean et Garspard Bauhin, la botanique entre dans une phase nouvelle. Jean Bauhin, né à Bâle (1541-1616) et fils d'un protestant français, étudia la botanique avec L. Fuchs d'abord, puis avec G. Gessner, et enfin avec Rondelet à Montpellier. Dans un grand ouvrage : Historia universalis plantarum nova et absolutissima cum consensu et dissensu circa eas (Yverdun, 1660-1661, 3 vol. in-fol.), publié après sa mort par L. de Grafenried et Chabrée, il avait réuni l'ensemble des connaissances botaniques depuis l'Antiquité jusqu'à son époque. Ce livre ne renferme pas moins de 5000 descriptions de plantes réparties en 40 classes et 3577 figures, mais sans arrangement méthodique. 

Gaspard Bauhin, son frère (1560-1624), essaya de porter quelque ordre dans le chaos de la synonymie et de la nomenclature alors usitées. Cette entreprise ne lui coûta pas moins de 40 années de travail et fut couronnée par le succès, puisqu'il réussit à classer les végétaux dans un ordre qui révèle un sentiment manifeste de la méthode naturelle. Il sut désigner les plantes par des phrases courtes, significatives, précédées de noms représentant le genre et qui ont été pour la plupart conservés. Dans son Pinax theatri botanici, sive index Theophrasti, Dioscoridis, Plinii et botanorum qui a saeculo scripserunt opera, plantarum circiter sex millium ab ipsis exhibitarum nomina, etc. (Bâle, 1594, in-4), tous les végétaux alors connus sont divisés en 12 groupes ou classes, subdivisées chacune en un certain nombre de sections comprenant les genres souvent rapprochés avec une connaissance réelle des affinités. Aujourd'hui encore, l'ouvrage de G. Bauhin est consulté avec fruit pour l'identification des plantes décrites par les Anciens avec les espèces actuelles. 

André Césalpin.
De tous les botanistes du XVIe siècle, Andrea Césalpino (1519-1603) mérite une mention toute spéciale. Voyant la botanique livrée à un fatras d'érudition et à une exagération des vertus médicinales souvent fictives, Césalpin introduisit une méthodologie basée sur l'observation. Adoptant pour commencer les vues de Conrad Gessner, Césalpin, dans son livre intitulé De plantis libri XVI (Florence, 1583, in-4), distribua les 840 espèces qu'il énumère en 15 classes, dont les caractères sont réellement botaniques et réussit la première véritable systématisation de la botanique.

L'auteur commence par examiner les différentes parties de la plante phanérogame. Il en montre les vaisseaux remplis d'un suc nutritif ou lactescent, et les signale comme les analogues des vaisseaux sanguins de l'animal. Il attribue la circulation de la sève à la chaleur ambiante.

« Les plantes, dit-il, manquent de sens pour attirer de la terre et de l'air les aliments nécessaires; ceux-ci ne s'y introduisent pas par un moyen mécanique, ni par l'horreur du vide, ni par une force magnétique : c'est la chaleur qui détermine cette action.-» 
D'après la théorie de Césalpin, les feuilles naissent de l'écorce; leurs nervures ont pour origine le liber. La moelle n'a pas la même importance que l'écorce; on peut enlever la moelle sans que la plante périsse, tandis qu'en enlevant l'écorce tout autour de la tige, on la fait mourir. Passant ensuite à l'examen du bourgeon et de la graine, il affirme que celui-ci diffère de celle-ci comme le foetus de l'oeuf : la graine ne contient, comme l'oeuf que le principe du mouvement vital, tandis que le germe ou le foetus vit comme un parasite sur la mère qui le porte.

Dans l'anatomie de la fleur, Césalpin distingua parfaitement la partie accessoire et la partie principale :

« La partie accessoire se compose, dit-il, des folioles, les unes vertes, les autres colorées, qui ne sont que les enveloppes des fruits (involucra fructuum); la partie principale est situé en dedans de ces enveloppes; elle se compose des stamina et des flocci.-» 
Par stamina, il entendait non pas comme aujourd'hui les étamines mais les styles qui surmontent les ovaires, tandis que les flocons ou flocci étaient nos étamines. Césalpin reconnaît aussi que les deux sexes, généralement réunis dans la même fleur, peuvent aussi exister sur des tiges différentes. Mais l'idée ne lui vient pas de fonder sur cet élément une classification.

Dans sa classification, à l'image de ce que faisaient les Anciens  (La botanique dans l'Antiquité), Césalpin divise d'abord les plantes sur le caractère ligneux ou herbacé de la tige. Il fonde cette première division sur la durée vitale :
 

« Les plantes à tige ligneuse vivent, dit-il, beaucoup plus longtemps que les plantes à tige herbacée.-» 
Il classe ensuite les arbres suivant la direction de l'embryon dans la graine, et ce qu'il appelle les herbes, sur la présence ou l'absence de graines (Mousses, Lichens, etc.), ce qui lui fournit des divisions de second ordre. Enfin la forme du fruit, supère ou infère, le nombre des graines, la présence ou l'absence d'une enveloppe autour d'elle, le nombre et la situation des cotylédons, l'adhérence ou l'indépendance de l'ovaire, l'unité ou la pluralité des carpelles ou des loges, la forme de la racine, etc., lui servent à définir ses 15 classes et à les subdiviser en 47 sections. C'est surtout par cette importance attribuée à la graine dans la classification, que Césalpin apparaît comme un des précurseurs des botanistes modernes. (P. Maury / F. Hoefer / D. V.).
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