| André Thevet est un voyageur et écrivain connu par sa crédulité. Il naquit, à Angoulême, dans les premières années du XVIe siècle (en 1502?), mort à Paris le 23 novembre 1590. Ayant pris l'habit de cordelier, il acheva ses études théologiques; mais son goût l'entraînant vers les sciences profanes, il s'adonna tout entier à la lecture, dévorant indistinctement tous les ouvrages qui lui tombaient entre les mains; et comme il était doué d'une vaste mémoire, il acquit, en peu de temps, la facilité de parler sur toutes sortes de sujets. C'en était assez pour briller dans son couvent; mais il désirait vivement d'étendre ses connaissances par les voyages et par la fréquentation des savants; il obtint enfin de ses supérieurs la permission de visiter l'Italie; et ayant rencontré le cardinal de Lorraine à Plaisance, ce prélat lui fournit les moyens de passer dans l'Orient, où l'appelaient également sa dévotion et la curiosité. Le 23 juin 1549, il s'embarqua sur une felouque, qui le conduisit de Venise à Scio. Un ambassadeur génois, que les vents contraires avaient forcé de relâcher dans cette île, se chargea de le mener à Constantinople , où il arriva le 30 novembre. Il y trouva le savant Pierre Gyllius , qui se disposait à parcourir les provinces de Asie Mineure; et il l'accompagna jusqu'à Chalcédoine , l'aidant à chercher des médailles et des antiquités. S'étant embarqué pour Rhodes, Thevet fut jeté sur les côtes de la Grèce, ce qui lui donna l'occasion d'aller explorer les ruines d'Athènes. De Rhodes, il se rendit à Alexandrie, où il passa l'hiver. Ce ne fut donc qu'au printemps de l'année 1551, qu'il reprit la route de la Palestine. Il visita la Terre-Sainte dans le plus grand détail; et à son retour en France, en 1554, il publia la relation de son voyage, qui fut très bien accueillie. Dès l'année suivante, il repartit avec le chevalier de Villegagnon chargé de l'établissement d'une colonie calviniste au Brésil. Ce fut, le 14 novembre 1555, que la flotille entra dans la baie de Rio de Janeiro. Thevet tomba malade , presqu'en descendant à terre, et il n'était pas rétabli, quand il se rembarqua pour la France, le 31 janvier 1556 , sans avoir pu voir le Brésil, dont il donna cependant une description très circonstanciée. Ayant obtenu, peu de temps après, sa sécularisation (1558), la reine Catherine de Médicis le nomma son aumônier; et il fut pourvu de la charge d'historiographe et cosmographe du roi, avec des appointements considérables. Il s'occupait dès lors des Vies des hommes illustres; et il n'épargna ni soins, ni dépenses pour rassembler les matériaux qui devaient lui servir à composer ce grand ouvrage : « Je puis assurer, dit-il , que la plupart des bibliothèques, tant françaises qu'étrangères, ont été par moi visitées, à celle fin de pouvoir recouvrer toutes les raretés et singularités. » La faveur dont il jouissait à la cour était très grande, et il l'employait à servir ses amis et les savants, qui l'ont tous comblé d'éloges, tels que Jodelle, Jean Dorat, Genebrard , Baïf, Robert Garnier, etc. Son crédit, loin de diminuer, s'accrut encore sous le règne de Charles IX : « De lui, dit-il, (dans la vie de ce prince), je reconnais avoir reçu plusieurs courtoisies, munificences et libéralités, et avoir été mandé pour lui expliquer les difficultés qu'il avait sur le fait des cartes et des pays étrangers. » Thevet mourut à Paris, le 23 novembre 1590, à l'âge de quatre-vingt-huit ans , suivant son épitaphe, que l'on voyait aux Cordeliers. C'est injustement qu'on l'a taxé d'ignorance et de mensonge. Il était d'une excessive crédulité; mais il avait des connaissances au moins dans les langues et en géographie; car comment supposer qu'un homme sans instruction aurait pu se soutenir plus de trente ans à la cour, dans un poste qui devait éveiller la jalousie? Les ouvrages de Thevet. Outre plusieurs cartes géographiques , on doit à Thevet : I. Cosmographie du Levant, Lyon , 1554, in-4°. , fig.; ibid., 1556, in-40. Cette seconde édition est augmentée de plusieurs planches. II. Les singularités de la France antarctique, autrement nommée Amérique, et de plusieurs terres et îles découvertes de notre temps, Paris, 1556, in-4°, fig., Anvers, 1558, in-8°.; trad. en italien, Venise, 1584, in-8°. Il y donne la relation de son voyage au Brésil, et la description de ce pays; mais comme il ne le connaissait qu'imparfaitement, n'ayant pu le visiter, il n'en parle que sur l'attestation des matelots et des passagers qui se sont fréquemment amusés de sa bonne foi et de sa simplicité. Lery, dans son Voyage au Brésil, a signalé les erreurs nombreuses et les fables débitées par Thevet, entre, autres celle du prétendu géant Quoniambec, qui faisait l'exercice avec un canon, et jouait avec des boulets. III. Discours de la bataille de Dreux, Paris , 1563, in-8°. IV. Cosmographie universelle, illustrée de diverses figures des choses plus remarquables vues par l'auteur, ibid., 1571 , 2 vol. in-fol. et 1575 , ibid. , 2 vol. in-fol. Fr. de Belleforest ayant critiqué vivement cet ouvrage, dans ses Additions à la Cosmographie de Munster, Thevet fut très sensible à ce procédé; mais ils se réconcilièrent par la suite. V. Les Vrais portraits et vies des hommes illustres, grecs, latins et païens, recueillis de leurs tableaux, livres, médailles antiques et modernes, ibid., 1584, in-fol., 2 vol. L'édition de 1621 8 vol. in- i2 , sous ce titre : Histoire des plus illustres et savants hommes de leurs siècles, avec leurs portraits, est augmentée de plusieurs articles. De toutes ces vies, soixante-treize appartiennent à l'histoire de France. Fontette, qui en donne la liste, dit que ce livre est plus soigné que les autres ouvrages de l'auteur. Dans la préface, Thevet nous apprend qu'il a contribué beaucoup aux progrès de la gravure en France. « J'ai, dit-il, attiré de Flandre les meilleurs graveurs, et, par la grâce de Dieu, je me puis vanter être le premier qui ai mis en vogue, à Paris, l'imprimerie en taille-douce, tout ainsi qu'elle était à Lyon, Anvers et ailleurs. » Ce recueil offre beaucoup de fables; et malgré la critique de Lery, on y voit figurer parmi les personnages illustres le géant Quoniambec et Paraconni, roi sauvage de la Plata. Plusieurs portraits publiés par Thevet doivent être imaginaires. Cependant son livre n'est pas tout-à-fait à dédaigner. On y trouve quelques portraits fidèles, et des particularités assez curieuses. Il promettait une description de toutes les îles, qu'il devait publier sous le titre d'Inzerlain, mot auquel il attachait le sens de l'Isolario des Italiens; et un Traité des monnaies, avec des planches. On trouve une Notice sur Thevet dans les Mémoires de Niceron, XXIII. Son portrait a été gravé par Th. de Leu , in-4°; et plusieurs fois petit format. Ajoutons que c'est le P. Thévet qui a introduit en France, en 1556, le tabac. (W-s.) | |