| Les Monuments de Carthage Les fouilles conduites entre 1973 et 1989 au pied de Byrsa ont donné quelque idée de ce que pouvait être Carthage à l'époque punique peu avant sa destruction. Mais pour l'essentiel, la connaissance que l'on a encore aujourd'hui de la ville reste très lacunaire. Nous ne savons pas, par exemple, ce qu'étaient les temples de la Carthage punique, car il n'en reste aucun vestige appréciable au point de vue architectural; il ne subsiste non plus pas une pierre émergeant au-dessus du sol des temples que les Carthaginois avaient élevés en Sicile, en Sardaigne, en Espagne. On connaît seulement de nom le fameux sanctuaire d'Astarté à Eryx en Sicile, celui de Baal-Hammon à Marsala (Lilybée), ainsi que les temples sardo-puniques de Baal-Samaïn, d'Astarté, d'Eschmoun, de Baal-Ammon, signalés dans des inscriptions puniques recueillies à Sulcis, en Sardaigne. Le temple de Melqart à Gadès (Cadix), si fréquenté encore au temps de Strabon, n'a pas laissé de traces. Ce n'est donc pas seulement à Carthage que le delenda Carthago a eu son effet radical et complet, c'est partout où la domination romaine s'est substituée à la domination punique. A Carthage, ce qui a pu échapper a été modifié, transformé au profit de la colonie romaine qui fut bâtie avec les ruines puniques, et qui elle-même a été l'objet d'une destruction brutale. Il n'y a donc peu de chose de phénicien qui soit sorti des fouilles archéologiques de Carthage, au point de vue architectural. Pendant longtemps, les fouilles pratiquées à Carthage n'ont mis au jour que des citernes, des tombeaux, des stèles, des racines de murs. La Carthage romaine et byzantine a été aussi maltraitée, bien que ses ruines, superposées à celles de la Carthage punique, soient parfois encore reconnaissables. Les remparts. Appien nous apprend que Carthage était défendue du côté de la mer par une simple muraille, tandis que du côté de l'isthme elle était protégée par trois enceintes concentriques, épaisses de trente pieds (9,24 m), et hautes de trente coudées (13,86 m), sans compter les créneaux et les meurtrières. Dans l'épaisseur même de ces remparts, il y avait deux étages de chambres voûtées ayant ouverture sur la place. Les chambres de l'étage inférieur constituaient des écuries pour trois cents éléphants et des magasins à fourrage; à l'étage supérieur logeaient quatre mille chevaux et vingt-quatre mille soldats avec leurs vivres et leurs munitions. Les bastions, distants l'un de l'autre de deux piètres (61,66m), s'alignaient sur tout le périmètre de la place. Une triple ceinture de murailles analogue à celle de Carthage, se voyait également à Adrumète, à Thapsus, à Thysdrus (El-Djem) et se remarque encore aujourd'hui autour d'Istanbul. Les traces des murailles de Carthage, séparées l'une de l'autre par un vallum, ne forment plus aujourd'hui que des talus rocailleux qui ont servi de base aux restitutions de Daux, ingénieur que l'empereur Napoléon III avait chargé de recueillir dans la régence de Tunis, des matériaux topographiques pour la Vie de César, et dont les papiers ont été utilisés et mis en oeuvre par Ch. Tissot. Daux a reconnu les traces de sept portes sur le front de la triple enceinte, et il a constaté que les remparts de Carthage, y compris le mur de mer, atteignaient un développement de 26 905 m; le mur de mer avait 14 kilomètres. Outre la triple muraille extérieure, Carthage avait deux lignes de défenses intérieures : l'une, qui séparait la cité proprement dite du faubourg de Megara, était percée de cinq portes et avait 3360 m de long, ce qui donne pour l'enceinte de la cité un total de 11 905 m, et pour celle de Megara 24 720 m. L'autre ligne partageait en deux zones la cité proprement dite et se rattachait au quadrilatère de Byrsa ; elle avait un développement de 4690 m. Byrsa. Byrsa, l'acropole, formait le noeud des défenses de Carthage. Elle a la forme d'un quadrilatère dont les angles correspondent aux quatre points cardinaux; actuellement, la plate-forme n'a que 1400 m de circonférence, mais Orose lui en donne 2962. Haute de 63 m, et isolée de toutes parts, elle affecte la forme d'une pyramide tronquée dont on a sans doute aplani artificiellement le sommet. D'après les fouilles du P. Delattre, une couche moyenne de 4 m d'épaisseur et formée de substructions et de débris de toute nature, couvre le plateau supérieur. Les mêmes fouilles du savant missionnaire ont prouvé que Byrsa fut une nécropole avant de devenir une acropole; les tombeaux qu'on y a découverts remontent peut-être au temps de la colonie de Cambé. En 1859, Beulé avait mis à nu, sur le flanc sud-ouest, une partie des remparts puniques : c'est un mur épais de 10,10 m, en grosses pierres de tuf; dans l'épaisseur de ces murs étaient ménagées les citernes qui approvisionnaient la place : ce sont des salles égales, parallèles, ouvrant sur un corridor commun, et que Beulé a prises à tort pour les écuries des éléphants. En 1879, le P. Delattre a déblayé d'autres parties des mêmes remparts; il a reconnu dans un bastion de l'époque romaine l'emplacement d'une machine de guerre. On croit que la chapelle de Saint-Louis est bâtie sur les fondations du temple d'Eschmoun (identifié à Esculape par les Romains), auquel on accédait par un escalier de soixante marches. On a effectivement recueilli près de là des colonnes cannelées d'ordre corinthien et quelques fragments de bas-reliefs se rapportant au culte d'Esculape. Une inscription paraît désigner la bibliothèque publique; une autre nous révèle l'existence d'un temple de la Concorde. Mais les ruines les plus importantes de Byrsa sont une série de sept chambres juxtaposées et terminées en absides semi-circulaires dans lesquelles on a voulu reconnaître les substructions du praetorium ou palais du proconsul romain qui plus tard devint la demeure des rois Vandales. Le cul de four de la chambre du milieu a 6,25m de diamètre et 8 m de haut. Ces salles étaient pavées de belles dalles et revêtues de porphyre, de serpentin, de cipolin, de marbre veiné du Numidie. Les murs sont en bel appareil régulier de l'époque romaine. Les citernes L'emplacement de Carthage est parsemé de citernes voûtées, grandes chambres rectangulaires surmontées d'une voûte en plein cintre, qui approvisionnaient la ville d'eau potable. Les voyageurs admirent surtout aujourd'hui deux vastes systèmes de citernes, le premier au village de la Malga, à 700 m au Nord-Ouest de Byrsa; le second, près du fort turc de Bordj Djedid, non loin de la mer, à 800 m de l'acropole. Ces réservoirs, dont la construction primitive remonte certainement à l'époque punique, furent réparés et en partie reconstruits sous la domination romaine. Au temps du géographe arabe Edrisi, les citernes de la Malga comprenaient vingt-quatre réservoirs parallèles, mesurant chacun 100 m de long sur 22 de large : on n'en compte plus aujourd'hui que quatorze et encore en partie comblés. Celles de Bordj Djedid forment dans leur ensemble un rectangle allongé partagé en dix-huit réservoirs voûtés, parallèles, larges de 7,50 m, séparés par de puissants murs de refend, et profonds de 9 m depuis le sommet de la voûte, qui est percée d'un orifice circulaire. En outre, deux réservoirs latéraux, larges de 2,50m et longs de 145 m, s'ouvraient sur chacun des bassins, de même que six chambres circulaires à coupoles, servant de filtres. Ces gigantesques récipients étaient alimentés par de nombreux canaux venant de toutes les directions. Les travaux entrepris en 1885 par Vernaz pour la restauration des citernes de Bordj Djedid, ont fait découvrir un aqueduc voûté de 270 m de long, haut de 3,25 m et large de 1,70 m; cet aqueduc fut réparé ou construit à l'époque romaine, probablement sous Hadrien. C'est à ce prince que l'on doit aussi les restaurations du viaduc gigantesque qui va des citernes de la Malga aux sources du Zaghouan et qui est resté, jusqu'ici, intact sur une bonne partie de son parcours. Les fouilles de Vernaz ont mis au jour un canal voûté long de 788 m, qui aboutit aux mêmes citernes après avoir traversé toute la colline dite de Juno Caelestis. Les ports. Situés près du forum, à 600 m au Sud de Byrsa, ils ne sont plus marqués actuellement que par de misérables flaques d'eau croupissante. Le Cothon est indiqué par une dépression circulaire de 1200 m de circonférence; au centre, l'îlot où était le pavillon de l'amiral a encore 106 m de diamètre, et il est rattaché au sol extérieur par une langue de terre de 9,60 m de large. Le port marchand, de forme rectangulaire, communiquait d'une part avec le Cothon, d'autre part avec la mer par un étroit goulet; les vaisseaux ne pouvaient pénétrer dans le port militaire qu'après avoir traversé le port marchand. L'ouverture sur la mer avait, suivant Polybe, une largeur de 70 pieds et on la fermait par des chaînes de fer. Le port militaire et son îlot étaient entourés d'une série de cales pouvant abriter cent vingt vaisseaux, et, au-dessus des cales, étaient les magasins pour les agrès. Chaque cale, dit Polybe, était ornée de deux colonnes d'ordre ionique, ce qui donnait à la circonférence du port et de l'îlot l'aspect d'un portique. Le pavillon amiral d'où partaient tous les signaux faits à la flotte, était assez élevé pour que l'amiral pût surveiller tout ce qui se passait autour de lui et voir en même temps au large dans la haute mer. Aujourd'hui, le voyageur est surpris de la petitesse du port militaire de Carthage, mais nous devons supposer qu'il s'est singulièrement ensablé et que ses proportions étaient déjà bien réduites à l'époque romaine après la destruction complète dont il fut l'objet. Le port marchand a encore actuellement une superficie de 14 hectares; on en suit les quais romains sur une longueur de 400 m. Il y avait, à l'entrée, un môle puissant allant du Nord au Sud et destiné à briser les vagues de la haute mer. Entre la tête de ce môle et la Taenia, on distingue, à fleur d'eau, les vestiges de la jetée par laquelle Scipion ferma l'entrée des ports. A l'époque de Justinien, le port de Carthage s'appelait Mandracium, et Salomon, gouverneur de la province, fit bâtir à côté un monastère fortifié. Les Nécropoles. Ce qui semble prouver, comme l'a dit le cardinal Lavigerie, que Byrsa fut primitivement une nécropole, c'est que le P. Delattre a trouvé dans les fouilles pratiquées sur la colline, à plus de 7 m au-dessous du sol actuel, des caveau funéraires dont la construction massive paraît remonter à la période la plus ancienne de l'existence de Carthage. Ces caveaux construits en pierre de très grand et très bel appareil, sont surmontés d'un toit à double pente également en énormes dalles. On y a trouvé des cadavres couchés sur le lit funèbre, accompagnés d'armes, de bijoux et de poteries. Reinach et Babelon ont découvert à la même profondeur au-dessous du sol actuel, un tombeau du même genre, dans leurs fouilles près du forum. Enfin, on en a trouvé aussi d'analogues sur la colline de Juno Caelestis. La grande nécropole de Kamart, au djebel Kaoui, est moins ancienne : elle remonte à la dernière époque punique et elle a continué à servir à l'époque romaine et chrétienne; les fouilles du P. Delattre prouvent qu'elle a servi aussi à la colonie juive de la Carthage romaine. Les tombes y sont construites sur un type uniforme qui rappelle celles de la côte de Phénicie : une chambre rectangulaire dans laquelle on descend par un puits ou par un escalier; tout autour de cette chambre, on voit, comme des gueules de four, l'orifice des niches où l'on glissait les sarcophages. La plupart de ces tombes, même celles des chrétiens et des juifs, ont été violées par les Vandales ou les Arabes. En 1880 et 1881, le P. Delattre a fouillé près des murailles puniques de Carthage, non loin de la Malga, au lieu dit Bir et Djebana (puits du cimetière), la nécropole romaine des esclaves de la maison impériale : il y a recueilli de très nombreux cippes renfermant les corps d'affranchis et d'esclaves impériaux attachés aux bureaux du procurator Caesaris Africae tractus Karthaginiensis. A une courte distance de là, était le cimetière chrétien où saint Cyprien fut enterré. Le P. Delattre y a recueilli des milliers d'épitaphes mutilées par les Vandales ariens. Toutes ces sépultures se trouvaient rassemblées autour d'une basilique qui paraît avoir été construite sur les tombes des saintes Perpétue et Félicité; en effet, une mosaïque découverte dans l'une des salles de cette basilique représente sainte Perpétue tenant la palme du martyre et écrasant un serpent. Enfin, sur la route qui va à Sidi-bou-Said , au point dénommé Dammous-Karita, le P. Delattre a fouillé une area avec des tombes disposées autour d'une basilique, ornée d'un portique monumental. On y a trouvé un sarcophage avec un bas-relief chrétien représentant l'Adoration des Mages; sur d'autres fragments, on voit le Bon Pasteur, la Multiplication des pains, Adam et Ève, etc. Temples païens et basiliques chrétiennes. Auguste Castan a établi que la colonie de Carthage dut posséder son Capitole comme toutes les colonies romaines, et ce Capitole, construit à l'imitation de celui de Rome, avait trois sanctuaires consacrés à Jupiter, Junon et Minerve. Mais où était installé ce Capitole? Etait-ce sur la colline de Byrsa ou sur celle du Juno Caelestis? Le temple de Juno Caelestis, la Tanit de l'époque punique, avait deux mille pas de circonférence, et il ressemblait, par son isolement, au temple de Samos. Fermé pendant quelque temps, à l'époque chrétienne, il finit par être consacré au culte chrétien le jour de Pâques de l'an 399, et l'évêque Aurelius plaça son trône épiscopal là même où était la statue de la déesse. Néanmoins, en 421, Constance le fit démolir et il fut transformé en cimetière. Les fouilles sur la colline de Juno Caelestis ont mis à nu les substructions d'un temple en forme d'abside, avec une grande mosaïque de 16 m sur 14 de côtés. Tertullien fait allusion à un temple de Jupiter Serapis dont de Sainte-Marie a retrouvé les ruines au lieu dit Dermesch, près du dar Ahmed Zarouk. A 500 m au Nord-Est de Byrsa, on a découvert le temple circulaire de Cronos ou Moloch (Saturne), enveloppé de galeries concentriques et d'avenues rayonnantes : il remplaça peut-être celui de Baal. D'après une inscription, il y avait un temple de la Concorde sur Byrsa; un temple innommé, mais orné d'énormes colonnes de marbre, était près du village de Douar esch Chatt, à coté du dar Fedriani : Reinach et Babelon y ont découvert une statue colossale de Castor, aujourd'hui au musée du Louvre; le temple d'Apollon est remplacé par le dar Mustapha ben Ismaïl, sur le bord de la mer, près du forum. Nous avons signalé tout à l'heure la basilique de Sainte-Perpétue, près de la Malga, et celle de Dammous Karita ; mais il y avait bien d'autres églises à Carthage. Les documents chrétiens en mentionnent vingt-deux dont voici l'énumération : Les basiliques de Sainte-Perpétue, de Tertullien, de Faustin, de Saint-Agilée, les basiliques Majorum, Novarum, Tricillarum, la basilique des Martyrs scillitains, celle de Celerina, de Gratien, Théodosienne, Honorienne, Théoprépienne, la basilique de la seconde région, celle de SaintPierre, dans la troisième région, celle de Saint-Paul, la grande église du Palais, celle de la Vierge, celle de Sainte-Prime, les deux basiliques de Saint-Cyprien et celle de Thrasamond. Il faut encore citer le Diaconium ou grand séminaire, le couvent de Biqua, près de la basilique de Celerina et un autre monastère bâti par Salomon près du port. Nous ne connaissons pas l'emplacement de la plupart de ces édifices : nous savons seulement que l'église de la Vierge, construite sous Justinien, était une annexe de l'ancien palais du proconsul romain. Enfin, l'ager Sexti où fut décapité saint Cyprien, et la maison du procurateur Macrobe où le corps du martyr fut enterré, étaient non loin du palais proconsulaire. Autres ruines. L'Odéon, qui fut construit sous le proconsulat de Vigellius Saturninus (180-183 ap. J.-C.), était peut-être l'édifice semi-circulaire mis au jour sur le bord de la mer, au Nord de Bordj Djedid. Sur le forum, on remarquait le vicus argentarius, c.-à-d. la Bourse ou le tribunal des changeurs, dont l'architecture était, paraît-il, fort imposante, ce qui est bien naturel chez un peuple de marchands. Les gigantesques débris de blocage qu'on voit près du dar Almed Zarouk, et appelés Dermech, nom dérivé du mot latin thermae, représentent les ruines de thermes construits ou restaurés par Antonin le Pieux et qui paraissent, suivant les époques, avoir porté les noms de thermes de Maximien, thermes Gargiliens, thermes Théodosiens, thermes Alianarum, bains de Thrasamond. Sur la pente orientale de Bordj Djedid était la platea nova, limitée par un gigantesque escalier de marbre d'un développement de 48 m et d'une hauteur totale de 30 m : il a été détruit presque en totalité vers le milieu du XIXe siècle pour la construction d'une maison de plaisance. L'amphithéâtre, situé près du village de la Malga, est encore représenté par des soubassements considérables. Le cirque, à 600 m au Sud de l'amphithéâtre, près de Douar-esch-Chatt est indiqué par une dépression elliptique de 90 m de longueur. Enfin, on n'a formé que des conjectures sans fondement sur l'identification des ruines décorées arbitrairement des noms de Palais de Didon, maison d'Hannibal, maison de Macrobe, villa de Galerius, le théâtre, le gymnase, etc. En dehors des monuments de l'époque romaine dont nous ne saurions parler ici, tels que statues, bas-reliefs, mosaïques, lampes païennes et chrétiennes, inscriptions latines, le sol de Carthage n'a guère fourni que des stèles puniques, des ustensiles et surtout trois masques en terre cuite et des monnaies d'or, d'argent et de bronze. Ces quelques objets antérieurs à la domination romaine suffisent à nous démontrer que les produits de l'industrie carthaginoise étaient tous imprégnés d'orientalisme et ne différaient pas beaucoup des produits phéniciens eux-mêmes. On y retrouve aussi des traces caractéristiques de l'influence hellénique : les monnaies de Carthage surtout sont directement imitées des monnaies des colonies grecques de Sicile (L'Italie antique). Nous savons d'ailleurs que les Carthaginois avaient dépouillé les villes siciliennes, qu'ils avaient conquises, de leurs statues et de leurs richesses artistiques pour en orner les temples, les palais et les places publiques de Carthage. Cette déprédation systématique fut un scandale si grand dans l'Antiquité que, lorsque Scipion se fut emparé de Byrsa, il invita les villes siciliennes à venir reconnaître leurs richesses d'art et à en reprendre possession. Tout ce qui ne fut pas réclamé fut transporté à Rome et l'on vit tout un peuple de statues grecques, notamment une statue colossale d'Apollon, défiler derrière le char du triomphateur. C'est particulièrement dans le voisinage du forum que l'on a trouvé, au nombre de plusieurs milliers, des stèles votives à Tanit et à Baal-Hammon. Ces bornes de 0,30 m à 0,50 m de longueur et de 0,15 m de largeur environ , étant destinées à être fixées en terre, sont à peine ébauchées à leur partie intérieure. La partie supérieure, taillée sur les quatre faces, porte l'inscription votive avec divers symboles; elle se termine par un simulacre de toit à double pente dont l'ornementation est de style grec. Les symboles, sculptés de la façon la plus barbare, sont empruntés à la religion punique, à la faune et à la flore de l'Afrique : la main ouverte, le disque lunaire, le bélier, le cheval, le taureau, l'éléphant et divers autres animaux, l'ancre, la charrue, le gouvernail, la déesse mère tenant son enfant dans ses bras, le triangle, symbole de la triade divine, etc. Les colonies carthaginoises ont fourni des stèles du même genre. Les épaves archéologiques recueillies sur le sol de Carthage se trouvent dispersées au musée du Louvre, à la Bibliothèque nationale, au musée du Bardo, près Tunis, et surtout au couvent de Saint-Louis de Carthage, ou le cardinal Lavigerie, assisté du P. Delattre, a rassemblé un musée carthaginois particulièrement intéressant. Mais comme nous l'avons dit plus haut, en dehors des monnaies et des ex-votos à Tanit, ce sont les monuments de l'époque romaine et byzantine qui abondent et, au point de vue général, leur importance archéologique et artistique est secondaire. (E. Babelon). | |