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Les premiers habitants connus de la Provence (la Provincia par excellence, des Romains) furent, dit-on les Salyens et les Celtoligyens, populations ligures auxquelles s'étaient mêlés les Celtes ou Gaulois. Les Salyens, qui occupaient principalement le territoire du département actuel, se subdivisaient en Salyens proprement dits, établis dans l'intérieur des terres, aux environs de Salon et d'Aix-en-Provence, et en Coenobrigiens, disséminés le long des cours d'eau et du littoral maritime, dans la vallée de l'Huveaune et dans le voisinage de Berre et d'Arles. 600 ans environ avant l'ère commune les Phocéens ou Grecs asiatiques vinrent s'emparer des possessions et établissements maritimes de leurs rivaux et s'implantèrent si bien à Massalia qu'on leur en a attribué la fondation. Mal vus par les Salyens, les colons massaliotes durent soutenir la lutte contre leurs voisins. Ils battirent Comanus, fils de Nanus, roi des Coenobrigiens, et s'établirent enfin solidement dans leur nouveau pays. De nouveaux émigrants de la même origine (Phocéens repoussés par les conquêtes de Cyrus) se joignirent à eux en 537; et, en peu d'années l'endroit devint une cité grecque florissante, dont les vaisseaux remontèrent, dit-on, jusqu'à la côte danoise avec Pythéas, et touchèrent au Sénégal avec Euthymènes. Massalia avait pour voisins les Celtoligyens, qui peu à peu refoulés des côtes vers l'intérieur des terres par ses envahissements progressifs, attaquèrent les colonies massaliètes de Nice et d'Antibes. Incapable de lutter sur terre, Massalia implora l'alliance de Rome, qui, profitant du prétexte pour pénétrer dans les Gaules, envoya une armée écraser les tribus soulevées en Celto-Ligurie (154 avant J.-C.). Mais les Romains s'adjugèrent les terres de l'intérieur, où ils fondèrent la ville d'Aquae Sextiae (Aix-en-Provence), non loin de laquelle Marius devait plus tard (102 avant J.-C.) anéantir les hordes teutoniques. C'était la première conquête de Rome sur le territoire gaulois. La Gaule celtique s'émut, et les Arvernes attaquèrent les Romains; mais ils furent entièrement défaits. La Celto-Ligurie devint désormais une province romaine (114 avant J.-C). Elle resta depuis la province par excellence, d'où son nom de Provence. A l'époque de la lutte de César et de Pompée, Massalia s'était déclarée pour Pompée à qui la liaient des services rendus. César l'assiégea, finit par s'en emparer après une défense héroïque, y mit une garnison, lui enleva ses colonies et une grande partie de son territoire, et ne lui laissa que la liberté de se régir elle-même. Sous les empereurs romains, la Provence fut aussi florissante que tous les autres pays soumis à leur domination. Des aqueducs, des ponts, des théâtres, des temples, des thermes, etc., s'élevèrent dans toutes ses villes. Arles était surnommée la petite Rome des Gaules. Lorsque Constantin embrassa la religion chrétienne, les Provençaux purent se livrer librement à l'exercice du culte nouveau; ils résistèrent même aux premiers schismes qui ne tardèrent pas à se produire dans l'Eglise. C'est à Arles que se tint, en 314 , le célèbre concile dans lequel les Donatistes furent condamnés. Des révolutions politiques s'opérèrent alors dans les Gaules. La Narbonnaise fut divisée en deux provinces, et Aix devint la capitale de celle des deux qui garda le nom de Provence. Au Ve siècle, eurent lieu les premières invasions des Barbares; celle des Goths fut arrêtée, devant Arles, par le gouverneur de la Viennoise (407). Mais, en 484, Gondebaud, roi des Bourguignons, déjà maître de Cavaillon, d'Orange, d'Apt, passe la Durance, s'empare d'Aix, de Marseille et de toute la Provence. Clovis, roi des Francs, se ligue avec lui et vient mettre le siège devant Arles, qui lui résiste vaillamment. Après la mort de Clovis et de Théodoric, leurs successeurs se livrèrent de longs combats à la suite desquels les Francs restèrent maîtres de presque toutes les Gaules. En 567, la Provence fut divisée en deux parties : l'une, ayant Marseille pour capitale, échut à Sigebert, roi d'Austrasie; l'autre, dont Arles fut le chef-lieu, appartint à Gontran, roi de Bourgogne. Les invasions des Lombards et des Saxons y causèrent de grands ravages. Si ces derniers furent défaits et chassés en Auvergne, les Lombards ravagèrent le territoire d'Arles et rançonnèrent Aix. Les invasions des Sarrasins qui suivirent furent encore plus désastreuses. La Provence, délivrée enfin des envahisseurs, jouit de quelques années de tranquillité pendant le règne de Charlemagne. Mais, après la mort de cet empereur, les localités voisines des côtes et du Rhône furent pendant plus d'un demi siècle exposées aux attaques et au pillage des Arabes et des Vikings. Erigée en royaume, la Provence occidentale, après avoir appartenu à Charles II, échut à Louis Il. En 875, Boson s'en empara et fit consacrer son usurpation par un concile composé de six évêques et de dix-sept archevêques (879). A sa mort (887), La nécessité de s'unir contre les ravages des Maures et l'invasion des Hongrois (942) mit fin pendant quelque temps aux luttes des princes méridionaux. Malheureusement, après la destruction des hordes barbares, ces luttes recommencèrent avec des chances diverses. A la suite de ces guerres sans cesse renaissantes entre des souverains qui se disputaient l'Italie et la Provence, celle-ci resta divisée en trois tronçons : le comté d'Arles, la vicomté de Marseille et celle de Forcalquier. Guillaume, deuxième comte d'Arles, eut la gloire de déloger les Sarrasins de leurs repaires du massif du Fraxinet (972). Durant le siècle suivant le pays fut de plus en plus morcelé entre divers seigneurs féodaux. Vers 1125, un traité, intervenir entre le comte de Toulouse et le comte de Barcelone, établit un marquisat de Provence au nord de la Durance, et un comté d'Arles, compris entre cette rivière et la mer. Le comté de Provence, après d'interminables luttes, où la puissante famille des Baux joua un grand rôle, resta définitivement à la maison de Barcelone, qui possédait déjà le royaume d'Aragon (1176). Au milieu de tous ces troubles se formèrent et se développèrent les républiques provençales. Arles, Marseille, nommaient des consuls, se gouvernaient librement et traitaient sur un pied d'égalité parfaite avec les républiques italiennes et les rois. Le XIIe siècle vit fleurir en Provence cette brillante pléiade des troubadours, qui égaya durant une trop courte période les tristesses du Moyen âge. La gracieuse langue provençale fut alors à l'apogée de son développement. Mais les souverains qui encourageaient la culture littéraire, Alphonse II et surtout son fils Raymond-Bérenger IV (cinquième du nom), roi d'Aragon et comte de Provence, loin de favoriser l'essor des libertés municipales, s'appliquèrent à les restreindre, à les étouffer dans les villes où subsistaient encore les formes républicaines. A sa mort (1245), Raymond-Bérenger laissa quatre filles dont les deux aînées étaient mariées aux rois de France et d'Angleterre. D'après les conseils de son ministre, le célèbre Romieu de Villeneuve, pour éviter le morcellement de la Provence, Raymond l'avait léguée à Béatrix, la plus jeune de ses filles, suivant une vieille coutume celtique. Son projet était de préparer l'union de la Provence et du Languedoc en mariant Béatrix à son ancien ennemi Raymond VII, comte de Toulouse. Mais sa mort et la résistance du pape Innocent IV en empêchèrent la réalisation. Béatrix, avec le consentement du parlement d'Aix, épousa Charles d'Anjou, frère de saint Louis (1246). Cette solution ne fut acceptée qu'avec répugnance par les Provençaux, auxquels le nom de Français était profondément antipathique. Charles d'Anjou, dur, avide, cruel, ne se signala que par ses exactions et continua rudement l'oeuvre qu'avait commencée son prédécesseur, en poursuivant la destruction des dernières républiques provençales. La conquête qu'il avait entreprise du royaume des Deux-Siciles lui fut bientôt enlevée par la sanglante journée des Vêpres siciliennes. Après sa mort (1285), la Provence ne fut pas plus heureuse sous ses successeurs, Charles le Boiteux, Robert et Jeanne. Robert et sa fille Jeanne résidaient le plus souvent à Naples, laissant ainsi le comté livré aux entreprises des seigneurs féodaux qui s'y disputaient le pouvoir. La reine et comtesse Jeanne avait adopté Louis, frère de Charles V, qui hérita de la couronne de Provence. Ce prince et ses successeurs, Louis II et Louis III, essayèrent vainement de conquérir les Deux-Siciles, et ces guerres incessantes furent funestes à la prospérité de la Provence. En 1434, René d'Anjou, duc de Lorraine et de Bar, reçut en héritage de son frère Louis III, l'Anjou, le Maine, la Provence et aussi ses malheureuses prétentions au royaume de Naples. S'il ne renonça à ses prétentions qu'après des tentatives ruineuses, sa renonciation fut du moins absolue : retiré en Provence, et se consacrant entièrement à la culture des beaux-arts, ce prince mérita par sa douceur, son affabilité, sa bienveillance, d'être surnommé le bon roi René. Avec lui finit l'indépendance de la Provence. Il avait perdu ses enfants, et s'était laissé arracher par le retors Louis XI un testament qui après la mort de son neveu (1480) livra le comté au roi de France. Le duc René de Lorraine, son petit-fils, tenta vainement de soulever le pays contre Louis XI, et une assemblée générale des États consacra l'union définitive de la Provence au royaume de France (1486). Au XVIe siècle, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint attira en Provence l'armée impériale, commandée par le connétable de Bourbon. Aix capitula sans résistance; Marseille, au contraire, se défendit énergiquement, et, à la suite d'un siège inutile de quarante jours, l'ennemi repassa précipitamment la frontière italienne. En 1536, cinquante mille Impériaux, ayant à leur tête Charles-Quint, reparurent en Provence. Les habitants des campagnes se retirèrent avec leurs meubles, leurs vivres et leurs bestiaux dans les châteaux et dans les villes fortifiées, après avoir détruit et brûlé tout ce qui pouvait servir à l'ennemi. Les villes ouvertes ou mal défendues furent évacuées et démantelées. Arles, Tarascon et Marseille furent seules mises en état de défense et résistèrent. Charles-Quint et les débris de sa redoutable armée, fort maltraitée par les paysans, repassèrent péniblement le Var, deux mois après leur entrée en France. La Provence commençait à peine à se relever de ces désastres, lorsque le parlement d'Aix autorisa la terrible persécution contre les Vaudois des environs d'Apt; sanglant prélude des guerres contre les protestants qui éclatèrent quinze ans plus tard. Dans ces dernières guerres, les barons de la Suze et des Adrets, et le farouche comte de Sommerive, qui refusa pourtant, à l'époque de la Saint-Barthélemy, d'exécuter les ordres de Charles IX, se distinguèrent en Provence par leur violence. Sous Henri III, Aix embrassa le parti de la Ligue, comme Arles et Marseille, et, à la mort du roi, cette dernière ville, gouvernée par le consul Charles de Cazaulx, tenta même de recouvrer son ancienne indépendance. Sous le gouvernement de Richelieu, la Provence lutta encore pour ses libertés municipales. Après une première tentative (1630), promptement comprimée, le parlement d'Aix, dont Mazarin voulait amoindrir l'autorité, renvoya le gouverneur royal (1648) et ne fit sa soumission qu'en 1651. Dix ans plus tard, Louis XIV supprima la magistrature élective de Marseille; mais cette ville, déclarée port franc, acquit une grande prospérité sous l'administration de Colbert. Cette prospérité fut un moment ébranlée par la fameuse peste de 1720. La plupart des familles riches et des fonctionnaires désertèrent la ville, laissant les magistrats municipaux sans ressources et sans appui. Le parlement d'Aix dut rendre un arrêt de mort contre quiconque sortirait du territoire de Marseille. Un certain nombre d'hommes, le gouverneur de Langeron, les échevins Estelle, Moustiés, Dieudé et Audimar, l'évêque Belsunce et le chevalier Roze se dévouèrent avec un héroïsme admirable à la tâche de salut que la panique universelle rendait si difficile. Marseille perdit près de cinquante mille habitants, Arles et Aix chacune sept à huit mille, par les ravages du fléau auxquels s'étaient joints la disette et l'anarchie. La Provence prit une part active au mouvement qui allait amener la Révolution française. L'assemblée des Etats provinciaux d'Aix (1787-1788) avait déjà été très agitée; une seconde session (1789) donna à Mirabeau l'occasion de se manifester pour la première fois. Les élections pour les Etats généraux eurent lieu à Draguignan, Forcalquier, Arles, Aix, Toulon, Marseille. - Marseille et Aix élurent Mirabeau qui opta pour la dernière ville; mais il vint remercier ses électeurs de Marseille qui lui firent une réception triomphale. La ville fut en effervescence durant les années suivantes; les troubles étaient incessants. La nouvelle de la prise de la Bastille enflamma d'un beau zèle les Marseillais qui voulurent, eux aussi, détruire quelque citadelle de la tyrannie. Dans la nuit du 19 au 20 avril 1790 une troupe de conjurés s'emparait du fort Notre-Dame-de-Ia-Garde. La ville de Marseille était l'un des appuis de l'Assemblée nationale. Barbaroux, son député le plus connu, traduisit à la barre de l'Assemblée nationale le directeur des Bouches-du-Rhône accusé de sentiments hostiles. Un corps de volontaires fut formé qui se porta sur Aix-en-Provence et Arles, désarma les Suisses en garnison dans la première ville et démolit les murailles de la seconde. Barbaroux demanda alors un bataillon et deux pièces de canon pour le camp de vingt mille hommes que l'on voulait former sous les murs de Paris en dépit de l'opposition du roi. Ce bataillon, composé de 500 hommes, quitta la ville aux accents du célèbre chant de Rouget de Lisle, qui prit dès lors le nom de Marseillaise. Lors de la lutte des Girondins contre les Montagnards, Marseille se prononça en faveur des premiers, dont Barbaroux était l'un des chefs. On forma même une armée départementale pour résister à la Convention. Mais Carteaux, envoyé avec 3000 hommes, s'empara des hauteurs de Fabregoules, et Marseille se rendit. L'expédition d'Egypte et les guerres de l'Empire ébranlèrent la prospérité commerciale de Marseille. Aussi la nouvelle de Waterloo y fut-elle accueillie avec joie. Les royalistes arborèrent le 25 juin 1815 le drapeau blanc, et le général Verdier qui commandait la place, s'étant retiré sur Toulon, on massacra les impérialistes. Les années suivantes furent calmes. La conquête de l'Algérie (1830) donna son plus grand essor au commerce marseillais, qui ne fit que s'accroître ensuite, sous Louis-Philippe, sous Napoléon III et sous la troisième République. Marseille acquit une importance qu'elle n'avait pas eue depuis l'Antiquité. Elle eut ensuite à lutter pour maintenir sa prépondérance commerciale, que l'ouverture de l'isthme de Suez et la création des chemins de fer du mont Cenis et du Saint-Gothard l'exposaient à perdre. (A. Joanne). |
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