| A partir de Constantin le Grand, l'activité artistique s'éteignit de jour en jour à Rome et dans le reste de l'Occident. La nouvelle capitale de l'Empire, Constantinople, jalouse d'égaler l'ancienne ville des Césars par la magnificence de ses monuments, recueillit la tradition du style antique et les procédés matériels de l'art. En outre, depuis l'époque de Justinien Ier jusqu'à la conquête de l'Empire d'Orient par les Latins en 1204, l'art byzantin accueillit et fixa certains types qui répondaient aux idées chrétiennes, et ce fut par là qu'il prit un caractère d'indépendance. Cet art a donc été un mélange de réminiscences grecques et de sentiment chrétien. Après les premières manifestations de ce caractère particulier, on ne voit aucun développement, aucun progrès : de même que dans le corps social, le principe vital semble avoir manqué pour produire un art véritablement original et élevé. L'architecture. De Constantin à Justinien, l'architecture, à laquelle Constantinople fut redevable de plusieurs palais impériaux, d'une curie magnifique et d'un assez grand nombre de thermes, d'arcs de triomphe, d'églises et de théâtres, conserva assez fidèlement les formes classiques. Cette période ne nous a laissé presque rien. Il est probable que les églises furent construites sur le plan des basiliques romaines déjà converties en temples chrétiens. Une seconde période commettra avec Justinien; l'église Sainte Sophie de Constantinople on est le plus brillant modèle . A la différence de l'Occident, où les églises devaient être généralement construites sur un plan allongé, divisé en galeries parallèles, la forme des églises fut la croix grecque; au point d'intersection, au-dessus de quatre piliers liés par quatre arcades qui s'appuyaient sur eux, s'éleva une coupole, que supportait un soubassement quadrangulaire raccordé dans ses angles par des pendentifs, ce qui n'est autre chose que l'application en grand du système des constructions thermales des Romains. Des coupoles moins hautes que la coupole centrale s'élevèrent bientôt sur Ie sanctuaire, sur les transepts, sur la partie antérieure de la nef principale. Les coupoles furent percées d'ouvertures cintrées pour donner du jour à l'édifice. La voûte romaine est restée un principe de l'architecture byzantine : les parties latérales des églises, aussi bien que le centre, sont voûtées. - Portail byzantin (cour du Million, à Venise). © Photo : Serge Jodra, 2012. Les murs présentent fréquemment des assises de briques alternant avec des assises de pierre, ou bien des lignes de briques verticales; leur surface extérieure est également ornée avec des briques formant des dessins très variés, et leur paroi interne est ornée de mosaïques. A la pureté des moulures antiques succède la richesse des arabesques orientales. L'arcade tombe directement sur la colonne, dont le chapiteau se dépouille de ses feuilles d'acanthe pour prendre une forme cubique et. s'orner aussi d'arabesques ou de peintures. Les arcs ont une plus grande élévation que dans les constructions romaines. Une suite de fenêtres ou de petites arcades indique à l'extérieur la galerie qui est ménagée au premier étage dans la plupart des temples byzantins : cette disposition a été copiée dans l'architecture romane et dans le style ogival. L'entrée principale des églises byzantines offre un porche ou narthex ; ou bien c'est une masse carrée, terminée à son sommet par une corniche horizontale, sans fronton qui indique la pente du comble. A l'extrémité opposée, il y a une ou trois absides, rondes ou à pans coupés, décorées d'un ou plusieurs étages de niches semi-circulaires ou percées de fenêtres. Le style byzantin influa beaucoup sur l'art au Moyen âge latin : cette influence, qui se fit sentir successivement, sous les règnes de Théodoric en Italie, de Charlemagne en France, des Othons en Allemagne, gagna également les Arabes, nulle part on n'en retrouve de traces plus sensibles que dans les églises Saint-Vital de Ravenne, Saint-Marc de Venise et Saint Front de Périgueux. En Arménie et en Russie, les églises sont, en général, construites d'après le type byzantin. La sculpture et la peinture. La sculpture et la peinture tombèrent, chez les Byzantins, dans un déclin que précipita l'hérésie des Iconoclastes au VIIIe siècle. La sculpture. Les actes de destruction commis par ces briseurs d'images ne suspendirent toutefois que d'une manière passagère la marche des arts; mais le désir de plaire à des empereurs qui se décernaient des statues d'or ou d'agent fit dégénérer l'art en procédés mécaniques, étrangers à toute dignité comme à toute inspiration; leurs images reçurent les mêmes traits, la même physionomie, et s'écartèrent de plus en plus du naturel et de la justesse des proportions. Une excessive prodigalité d'ornements remplaça la simplicité des formes, et il en résulta une lourdeur qui empêche d'apercevoir les lignes nobles et hardies. Dans ce qui se rapportait au culte chrétien, les artistes byzantins, par aversion pour le paganisme, s'éloignèrent de bonne heure des modèles antiques, et adoptèrent un type en quelque sorte traditionnel pour la représentation du Christ, de la Vierge et des Saints. De là ces statues immobiles et austères, aux contours secs, aux formes maigres et allongées, invariablement reproduites d'après un même modèle, et dans lesquelles, à défaut d'un goût sûr, on trouve un profond sentiment religieux. Au VIe siècle, on exécutait encore, d'après les traditions grecques, des ouvrages de sculpture en bronze et en marbre : Procope nous apprend qu'une statue colossale équestre de Justinien, dont la fonte s'opéra sous ses yeux, fut hissée dans l'Augusteum, sur une colonne revêtue de bas-reliefs : cette statue fut détruite par les Turcs, qui en firent des canons. La sculpture d'ornement des Byzantins est large et pesante, riche en perles, en galons contournés et décorés de pierreries. Si le sculpteur a représenté des rinceaux ou des feuillages isolés, les extrémités sont aiguës, les arêtes vives, les feuilles profondément exprimées par des angles rentrants, les côtes et les branches découpées en chapelets de perles. Les nombreux artistes grecs qui, dau cours du Moyen âge, se répandirent en Occident, transmirent au style roman les principes de cette ornementation. L'art byzantin nous a laissé des sculptures sur ivoire exécutées dès le VIe siècle; par exemple, le diptyque de Justinien qu'on voit aujourd'hui au palais Riccardi à Florence, et la plaque de haut-relief représentant les 40 saints, que possède le musée de Berlin. En fait d'objets consacrés à l'exercice du culte, les églises byzantines renfermaient d'immenses richesses: non seulement les calices, coupes, lampes, flambeaux, croix, etc., étaient faits en or et en argent, ornés de diamants, mais souvent encore on revêtait de métaux précieux les lieux consacrés, particulièrement l'autel, et on couvrait de sculptures en ronde bosse les surfaces les plus vastes. La peinture. Dans la peinture byzantine, le premier rang appartient à la fresque. Le Guide de la peinture, que Didron a découvert dans un couvent du mont Athos, et dont on s'accorde à fixer là date vers la fin du XVe siècle, donne des détails intéressants sur cet art. Il indique la manière de préparer et d'appliquer les couleurs, les sujets que devaient traiter les peintres, et jusqu'au texte des légendes explicatives dont il fallait les accompagner. Aujourd'hui encore, les moines du mont Athos travaillent d'après ce Guide. L'amour du faste, qui dominait à Constantinople, fit substituer sur les murailles la mosaïque à la peinture proprement dite. Des matières vitreuses, dont le plus souvent on dorait les fonds, fournirent à cet effet des matériaux aussi durables que brillants. Il existe des travaux de ce genre exécutés au VIe siècle dans les églises de Ravenne. Le luxe s'étendit jusqu'aux Saintes Écritures, qui devinrent l'asile de la peinture en miniature : là se retrouvent les formes et les figures qui caractérisent l'art byzantin. On peut citer comme exemple un manuscrit du IXe siècle, peint pour l'empereur Basile le Macédonien, conservé à Paris, et qui contient les sermons de Saint Grégoire de Nazianze, ainsi qu'un magnifique psautier grec du Xe siècle. Vers cette époque, les Byzantins commencent à se plaire à la représentation des scènes de martyre, et bientôt les formes s'amaigrissent, la couleur devient crue, et le tracé des contours se marque par des lignes noires. En Occident, l'or, dans les fonds des miniatures, présente un relief sensible, et, dans les parties qui sont peintes, il est appliqué par-dessus les couleurs en Orient, l'or ne fait jamais relief; il est d'abord étendu en feuilles sur le parchemin, et la couleur est appliquée par dessus. La peinture sur toile n'a jamais été employée que très secondairement, surtout par la raison qu'alors il n'était point encore d'usage de placer des tableaux au-dessus des autels. II reste peu de travaux des peintres byzantins, et la plupart sont anonymes : cependant on cite, au IXe siècle, le moine Lazare , à qui l'empereur Théophile, protecteur des Iconoclastes, fit brûler les mains pour le punir d'avoir orné de figure, de saintsplusieurs manuscrits; au XIe, Emmanuel Transfumari dont la bibliothèque du Vatican possède un tableau représentant la mort de Saint Éphrem; le moine Luca, qui est peut-être l'auteur des madones attribuées à l'évangéliste Saint Luc; au XIIIe, on parle de peintures faites par un certain Apollonio, et d'une Présentation de Jésus-Christ au Temple, tableau peint sur bois par un artiste du nom de Jean. L'influence de la peinture byzantine sur l'Occident a été aussi sensible que celle de l'architecture et de la sculpture : Cimabué, qui, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, fit renaître l'art italien, peut être considéré comme en des disciples de l'art byzantin. (B).
| Tania Velmans, L'art byzantin, Le Rouergue Editeur, 2007. - Ce livre nous invite à la découverte de l'art byzantin, fascinant et somptueux, caractérisé par son architecture spectaculaire et ses icônes. Il se penche également sur des techniques un peu moins connues, telles que les émaux, les céramiques et les tissus historiés. C'est la synthèse d'une période fondamentale de l'histoire de l'art occidental et oriental pourtant souvent méconnue. Ce livre ravira les amateurs d'art comme les néophytes. Tania Velmans est une spécialiste mondialement reconnue de l'art byzantin. Une approche pluridisciplinaire qui mêle histoire, histoire de l'art et esthétique. (couv.). En bibliothèque. -La Revue générale de l'architeclure, Paris, 1810; Seroux d'Agincourt, Histoire de l'Art; A. Couchaud, les Eglises byzantines en Grèce, Paris, 1842, in-4°; Verneilh, L'Architecture byzantine en France, Paris, 1852, in-4°. | | |