| La peinture à fresque est d'une grande importance : aussi, donne-t-on, par corruption, le nom de fresques à toute espèce de peintures murales, qu'elles soient exécutées en détrempe ou à l'encaustique, ou à la cire, alors que la véritable peinture à fresque est, comme son nom l'indique, une peinture expressément appliquée sur un enduit frais : en italien fresco. Cet enduit, composé de chaux éteinte et de sable fin, s'applique sur un premier crépi sec et assez rugueux pour que l'enduit puisse y adhérer. Alors que l'enduit est encore humide, on y applique la couleur qui, s'incorporant avec lui, fait partie intégrante de la muraille et ne disparaît que si la maçonnerie s'écaille ou se fend. Les couleurs sont détrempées dans de l'eau pure. La peinture à fresque est, de toutes les peintures murales, la plus solide, parce que la couleur entrée dans le mortier se durcit avec lui. Vitruve nous apprend que, chez les Anciens, en donnait aux diverses couches de mortier tant de solidité, et qu'on polissait ensuite la peinture avec tant de soin, que des fragments de fresques, détachés des murs, servaient de tables et étaient conservés précieusement. La poudre de marbre entrait parfois dans la composition du mortier. Une obligation impérieuse s'impose à l'artiste : celle de ne faire enduire que la partie du mur que l'on pense pouvoir peindre en une ,journée; en effet, la condition essentielle de la fresque c'est d'être exécutée pendant que l'enduit est frais. Il faut donc, avant toute chose, commencer par exécuter un modèle en carton de la grandeur même de la composition qu'on veut produire. On décalque ensuite ce carton sur l'enduit posé au fur et à mesure de l'avancement du travail. Enfin on doit procéder avec rapidité, et écrire sa pensée d'une main prompte et sûre, sans hésitation ni repentir. La fresque, disons-le, est bornée dans ses moyens : les seules couleurs à employer sont celles que la chaux n'altère pas, c.-à-d. les terres naturelles; de plus, elle ne se prête pas aussi bien que la cire à l'éclat du coloris et à ses magnificences; elle fait corps avec le monument, elle respecte et accuse la présence de la pierre. A cause même de ses grâces austères, les peintres religieux l'ont souvent préférée, et les architectes l'ont recommandée aussi parce qu'elle est moins sujette à percer les pleins du mur et à contredire les grands effets qu'ils ont prévus. Les temples et les hypogées de l'Égypte, les pagodes et les grottes souterraines de l'Inde, les débris retrouvés de Ninive et de Babylone, les tombeaux d'Etrurie, les ruines d'Herculanum et de Pompéi, offrent des traces de peintures murales, dont quelques-unes, après plusieurs milliers d'années, ont encore conservé la fraicheur de leurs primitives couleurs. Les grandes peintures que Polygnote, au dire de Pausanias, exécuta dans le Poecile d'Athènes et le Lesché de Delphes, pourraient bien avoir été des fresques. Les archéologues n'ont pu déterminer la manière dont les artistes de l'Antiquité appliquaient leurs peintures : Winckelmann et Caylus ont trouvé, par analogie, des procédés qui ne sont pas ceux de la fresque, mais qui se rapprochent plus ou moins des peintures à l'huile, à la détrempe, à l'oeuf et à l'encaustique. Dès le Moyen âge, les peintres italiens excellèrent dans la fresque. Giotto et Cimabue couvrirent de belles fresques les murs du couvent et de l'église de St-François-d'Assise. Les murs du Campe-Santo furent décorés dans le même genre et successivement par Buffulmaco, Orcagna, Simon Memmi, Spinello d'Arezzo, et Benozzo Gozzoli. L'hôpital de la Scala à Sienne fut peint, en 1440, par Dominique de Bartolo. On fit également des fresques en France, même dans les âges les plus barbares. Parmi les fresques les plus remarquables des temps modernes, nous citerons celles que Michel-Ange peignit à la chapelle Sixtine, entre autres le Jugement dernier; la Cène, peinte sur les murs d'un réfectoire de moines à Milan, par Léonard de Vinci; le Triomphe de Galathée dans le palais Chigi, les Loges du Vatican, les Sibylles de l'église Ste-Marie-de-la-Paix à Rome, par Raphaël; la coupole de la cathédrale de Parme par le Corrège; les fresques peintes par Dominique Zampieri dans la chapelle de la Grotta-Ferrata; celles de l'église St-Louis-des-Français à Rome, par le Dominiquin; la coupole de l'église Saint André della Valle, par Lanfranc; les compositions allegoriques du palais Barberini, par Berettini; l'histoire de la maison Farnèse, peinte dans le palais de Caprarola par les frères Zucchero. C'est d'Italie que la fresque fut importée en France au XVIe siècle seulement par Primatice et Rosso, qui appliquèrent à la décoration de Fontainebleau les principes puisés dans l'étude des belles fresques de Bernardino Luini, d'Orcagna, de Botticelli, de Benozzo Gozzoli, de Michel-Ange et de Raphaël. Des artistes français et italiens furent employés au château de Fontainebleau qui, d'ailleurs ne fut pas seul, en ce siècle, à être enrichi de belles fresques. D'autres résidences princières, des édifices publics et même quelques demeures de simples particuliers reçurent de ces décorations, par exemple à Paris l'hôtel du chancelier Duprat. Plus tard, Romanelli au palais Mazarin, Gherardim à la bibliothèque de la maison professe des jésuites, maintinrent la tradition de ce bel art qui devait, sous Louis XIV, reprendre une importance nouvelle par les grandes fresques que le roi fit exécuter au Louvre et à Marly. Citons encore les plafonds de Versailles, par Lebrun; la coupole du Val-de-Grâce et la grande galerie de Saint-Cloud, par Pierre Mignard; la coupole des Invalides à Paris, par Jouvenet et Delafosse. Mais la peinture à fresque n'obtint jamais en France le même succès qu'en Italie. Quelques essais malheureux, faits à Saint-Sulpice de Paris en éloignèrent les artistes, qui, comme Gros au Panthéon, Meynier et Abel de Pujol à la Bourse, la peinture à l'huile appliquée sur un fond préparé exprès. Plus tard, Amaury-Duval, Motez et Brémond ont seuls peint de cette manière à Saint-Germaint l'Auxerrois et dans l'église de La Villette de Paris. Les autres peintures murales modernes ont été exécutées en grande partie à la peinture à la cire, genre dont l'exécution présente plus de facilités et qui donne des résultats plus flatteurs comme couleur et comme charme. De fait, la peinture à fresque tombée en désuétude dès la fin du XVIIe siècle n'était plus guère pratiquée qu'en Italie. A partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, on ne s'est plus servi de la fresque que pour la décoration des églises. Cartens, peintre allemand, soutenu de quelques écrivains, essaya, à la fin du XVIIIe, mais en vain, de rappeler l'attention des artistes sur ce genre de peinture. Enfin, vers 1820, quelques Allemands, Cornelius, Overbeck, Veit, Schadow, Schnorr, Koch, Fürich, réunis à Rome pour leurs études, comprirent l'importance de la fresque comme peinture décorative : ils peignirent à fresque la salle d'un palais du Monte-Pincio et la villa Massimi à Rome, et la portiuncule près d'Assise (Saint François). Ces trois oeuvres régénérèrent avec éclat la peinture à fresque. Cornélius fit bientôt connaître à l'Allemagne les effets puissants de la fresque, dont il fit un magique usage dans les décorations de la glyptothèque et de l'église Saint-Louis à Munich. Schnorr peignit une partie des grandes salles du Palais-Royal; Hess égala Cornélius par ses travaux dans l'église de Tous les saints et la Basilique 'à Munich. Dans la voie nouvelle s'engagèrent Langer, Hermann, Rottmann, Zimmermann, Lindenschmidt. Les autres villes ne restèrent pas en arrière, et l'on vit Stilke, Goetzenberger, Lessing, Bendemann, Gegenbauer, briller à Bonn, à Dusseldorf, à Dresde et à Stuttgart. (E. L. / G. Cougny). | |