Jalons | Des idées tous azimuts Halley (1701) propose de déduire l'âge de la Terre de la salinité et de l'évaporation de la Méditerranée. Hooker (1726) tire les vues les plus ingénieuses sur la nature organique des fossiles, l'extinction des espèces, la température tropicale dont jouissait autrefois notre globe, les effets de l'action volcanique, les soulèvements et les affaissements de la terre, etc. Swedenborg, dans ses Oeuvres philosophiques et minéralogiques (1735), avance un grand nombre d'hypothèses ou de faits remarquables : la théorie nébuleuse du Système Solaire, la fluidité primitive de notre planète, la succession des divers groupes d'animaux et de plantes, etc. Moro (1740) se fait le champion de l'action des causes ignées, auxquelles il attribue l'élévation des montagnes et divers autres phénomènes géologiques. Marsili (1740) affirme que les fossiles ne sont pas distribués au hasard, mais par groupes de genres, fait qui bientôt sera mieux établi par Donati. On doit à Guettard (1752), l'exécution de quelques unes des premières cartes géologiques connues, ainsi que des observations exactes et suivies sur les volcans éteints de l'Auvergne. Targioni (1754) démontre que les éléphants fossiles découverts dans diverses parties de l'Italie avaient autrefois vécu dans la péninsule même, et Arduino (1759) classe le premier les roches en dépôts primaires, secondaires et tertiaires. La même année, Lehmann, directeur des mines en Prusse établit une classification semblable. En 1760, John Michell, dans ses Conjectures concerning the Cause and Observations upon the Phaenomena of Earthquakes, rattache les séismes à des frottement de couches rocheuses les unes sur les autres. Les théories de la Terre, elles aussi continuent sur leur lancée. Benoît de Maillet (1656-1738), qui signait Telliamed, anagramme transparent, émit le premier (1725) l'idée que les ancêtres des humains avaient été des poissons, théorie mal reçue à l'époque et qui ne refera surface qu'à la fin du XIXe siècle. Il supposa que notre globe était à l'origine entièrement entouré d'eau, et, que sous l'influence des rayons solaires, cette eau s'évapora progressivement jusqu'au point où en sont nos mers d'aujourd'hui. Selon lui, les planètes n'appartiennent pas d'origine à notre Soleil, elles vont d'une étoile à l'autre : soit qu'à l'extinction de l'étoile auquel elles appartiennent, elles errent dans l'espace jusqu'à la rencontre d'un nouveau soleil, soit que ce nouveau soleil passe à travers notre tourbillon et les emporte. La Terre entre autres appartenait jadis à une étoile qui, pendant, les derniers temps de son extinction, a permis aux eaux de s'amonceler sur la Terre, au point d'y produire le Déluge biblique; c'est de cette époque que date l'apparition de notre Soleil actuel, qui allongea l'année de plus de quatre fois sa valeur primitive (ainsi se trouve expliquée la longévité des premiers humains mentionnés dans l'Ancien Testament), et qui par sa chaleur puissante commença l'évaporation des eaux et les réduisit au point où elles sont aujourd'hui. Dans ce système la chaleur a la surface des planètes subit des irrégularités perpétuelles, n'est soumise à aucune loi constante. La cosmogonie de Buffon Par l'influence qu'elle aura et la rigueur des vues qui y sont développées, c'est l'oeuvre de Buffon qui marquera surtout cette époque. Buffon, dont les conceptions sont d'abord esquissées dans son Histoire Naturelle en 1749, reprendra la question plus en détail en 1780, dans ses Époques de la Nature. Il y élabore une théorie cosmogonique, qui va lui permettre de déduire un âge de la Terre à partir du refroidissement de sa masse depuis sa formation. Après avoir, le premier, aboutit à des chiffres de l'ordre de plusieurs millions d'années, il opte "officiellement", pour un âge de 75 000 ans. Le cas n'est pas unique, à cette époque où la pression du religieux est encore très forte, que les chiffres soient ainsi maquillés quand ils s'avéraient de façon trop évidente en contradiction avec le dogme. Cela donnait en tout cas plus de temps aux phénomènes géologiques pour se dérouler que les 6000 ans que la Bible, lue littéralement, attribuait à la Création. Mais cette théorie cosmogonique vise bien davantage que l'établissement d'une chronologie et ses raisonnements préfigurent déjà ceux de Laplace. Considérant que les planètes ont toutes une direction commune d'occident en orient, et que l'inclinaison de leurs orbites est très faible, Buffon en conclut que le Système solairetout entier devait avoir la même origine, la même impulsion première, et que cette origine, comme cette impulsion, devait venir du Soleil. Buffon ne se contenta pas de chercher l'origine de l'état astronomique actuel, il voulut encore en chercher le pourquoi, et ne trouva d'autre mode d'explication que d'imaginer une comète tombant obliquement dans le Soleil et en faisant jaillir, comme autant d'éclaboussures, les planètes qui circulent autour de lui. La comète en question ayant séparé la 650e partie de la masse du Soleil, imagine Buffon, cette partie s'échappa comme un torrent liquéfié et forma les planètes. Les parties les plus légères s'éloignèrent le plus du corps solaire; Saturne, dernière planète connue du temps de Buffon, en est un exemple; puis vinrent dans l'ordre des densités : Jupiter, Mars, la Terre, Vénus et Mercure. L'expérience montre de plus que ces parties n'ont pu s'échapper qu'en tournant sur elles-mêmes et en s'engageant dans une direction oblique où la force centrifuge combinée avec la force centripète forme l'orbite de chaque planète. Quant aux satellites, l'obliquité du coup a pu être tel, explique encore Buffon, qu'il se sera séparé du corps de la planète principale de petites parties de matière qui auront conservé les mêmes directions que la planète même; ces parties se seront unies, suivant leurs densités, à différentes distances de la planète par la force de leur attraction mutuelle, et en même temps elles auront nécessairement suivi la planète dans son cours autour du Soleil, en tournant elles-mêmes autour de la planète. Telle serait l'origine des satellites. Neptune contre Pluton Tandis que Buffon, au milieu d'hypothèses aussi aventureuses que brillantes, soupçonnait donc les révolutions successives qu'a subies notre planète et la longue durée nécessaire pour qu'elles s'accomplissent, Simon Pallas, Werner, de Saussure, Deluc, Soldani, etc., en se bornant à l'observation pure et simple, travaillaient à élever la géologie au rang des sciences positives. Toutefois Werner voulut à son tour édifier un système embrassant tous les phénomènes de la géologie. Dans ce système, qui jouit longtemps d'une immense popularité, l'eau est considérée comme l'agent universel; toutes les roches, de quelque nature qu'elles soient, depuis le granit jusqu'aux couches les plus modernes, sont des dépôts aqueux : quant aux volcans, ils sont de date récente et n'ont joué aucun rôle dans l'histoire ancienne de la Terre. De là les partisans de Werner furent appelés Neptuniens ou Neptunistes, et l'on appliqua la dénomination de Vulcaniens ou Vulcanistes aux géologues qui attribuaient à certaines roches une origine ignée. Ces derniers se rangeaient sous la bannière du docteur Hutton, dont la théorie, appelée théorie plutonienne, peut se résumer dans ces trois propositions : 1° Les roches les plus anciennes sont des produits dérivés des ruines d'autres roches qui existaient avant elles et qui ont été détruites, surtout par l'action lente des causes atmosphériques; ces détritus ont été entraînés par les fleuves jusqu'à l'océan, s'y sont stratifiés, se sont ensuite consolidés sous l'action de la chaleur centrale de la Terre, et, plus tard enfin, ont été soulevés et fracturés par la même force. 2° Les roches métamorphiques, à l'origine, étaient des dépôts sédimentaires, semblables aux terrains secondaires; mais elles ont été modifiées par l'action longtemps continuée de la chaleur, de façon à prendre l'aspect qu'elles nous offrent aujourd'hui. 3° Le granit était à l'état de fusion ignée lorsqu'il a cristallisé, et cette cristallisation s'est opérée sous une pression et une chaleur considérables. En d'autres termes, suivant Hutton, le granit a été fondu par le feu à de grandes profondeurs dans la Terre, et il s'est refroidi sous une pression si énorme, que les éléments gazeux qui entraient dans sa composition n'ont pu s'échapper, et qu'il a pris ainsi une texture cristalline. |