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Anagramme
Anagramme (du grec ana, marquant transposition, et de gramma, lettre ), transposition de lettres qui, dans un mot ou une phrase, fait trouver un autre mot ou une autre phrase, en employant les mêmes lettres placées à volonté. Ainsi caligo est anagramme de logica, angelus de Galenus, adulator de laudator, ivrogne de vigneron, O alte vir de Voltaire, etc. Cette combinaison peut s'appliquer à plusieurs mots, par exemple, dans la question de Ponce Pilate : Quid est veritas? et la réponse de Jésus: Es vir qui adest; ou bien dans Révolution française, et Un Corse la finira; Frère Jacques Clément, et C'est l'Enfer qui m'a créé.

A l'époque de la Révolution, on fit sur les deux grands orateurs de l'Assemblée nationale constituante l'anagramme suivante :

On pourrait faire le pari
Qu'ils sont nés dans la même peau; 
Car, retournez Abbé Mauri, 
Vous retrouverez Mirabeau.
Les premières anagrammes connues sont attribuées au poète alexandrin Lycophron, qui les fit à la louange du roi d'Égypte Ptolémée Philadelphe et de sa femme Arsinoé : de Ptolemaios, il fit apo melitos, " Qui vient du miel ", et d'Arsinoé, il fit ion Eras, "Violette de Junon." 

L'histoire littéraire présente une foule de noms anagrammatiques. De Maillet, auteur d'un nouveau système cosmogonique, qu'il n'osait avouer dans toute sa témérité, se cacha sous l'anagramme de Telliamed. Ce ne fut qu'après une erreur de deux cents ans que Pierre-Ange Manzolli fut reconnu par Facciolati pour l'auteur du fameux poème moral Zodiacus vitae, que les savants avaient attribué jusque-là à Palingène (Marcello Palingenio). Calvin, en tête de ses Institutions, écrivit son nom Alcuinus, au lieu de Calvinus. De même, François Rabelais déguisa son véritable nom sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier, composé des mêmes lettres. Dorat, poète de la cour de Charles IX, composa beaucoup d'anagrammes. De Pierre de Ronsard on fit rose de Pindare; de Marie Touchet, maîtresse de Charles IX, on fit Je charme tout; Cornélius Jansénius devient Calvini sensus in ore

Le P. Saint-Louis, auteur du poème de la Madeleine, a anagrammatisé les noms de tous les papes, ceux des empereurs, des rois de France, des généraux de son ordre, et de presque tous les saints. Louis XIII eut un anagrammatiste, Thomas Billon, à qui il faisait une pension de 1200 livres. Un avocat au parlement d'Aix fit 500 anagrammes sur le nom de ce roi. Un nommé Bachet composa, sous le titre d'Anagrammeana, un poème en 1200 vers, dont chacun renfermait une anagramme.

Il fut un temps où les personnes superstitieuses croyaient que les noms anagrammatisés renfermaient des prédictions. Au XVIIIe siècle, on fit de Verniettes, pseudonyme pris par J.-B. Rousseau rougissant d'avoir un cordonnier pour père, Tu le renies. Plus tard, la princesse Caroline Murat, lorsqu'elle ont perdu le trône de Naples, prit le titre de comtesse de Lipona ou Lipano, anagramme de Napoli. 

En 1680, un abbé Catelau imagina une espèce nouvelle d'anagramme, dite mathématique; il trouva que les huit lettres de Louis XIV faisaient vrai héros.

Il y a aussi parfois grincheux pour critiquer cet amusement. Tel Colletet, qui composa ces vers :

Cet exercice monacal 
Ne trouve son point vertical
Que dans une tête blessée;
Et sur Parnasse nous tenons
Que tous ces renversements de noms
Ont la cervelle renversée.
Le Blason n'a pas dédaigné l'anagramme; on prétend que les Alérions (petits aiglons) placés dans les armes de la maison de Lorraine ne sont que l'anagramme du mot Lorraine. (G.).
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