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Cosmogonie

Cosmogonie  (de kosmos, monde, et guignomai, naître). - Ensemble des doctrines à l'aide desquelles on explique l'origine du monde. On désigne ainsi toute théorie de l'origine de l'univers (la cosmologie du big bang est en ce sens aussi une cosmogonie), et dans une acception qui tombe en désuétude toute théorie qui aborde l'origine du Système solaire. Le terme de cosmogonie renvoie plus couramment aux mythes qui racontent l'origine du monde. Ces mythes, dits cosmogoniques donc, visent à justifier l'ordonnancement actuel du cosmos, mais aussi l'état actuel de la société dans laquelle le mythe est pertinent.

Les premières tentatives pour élaborer des cosmogonies dégagées de leur gangue mythique et ne reposant que sur des bases concrètes remontent aux anciens Grecs. Parmi les systèmes cosmogoniques des philosophes, on remarque : 

1°) l'Atomisme, développé au Ve siècle av. J.-C. par Leucippe et Démocrite, modifié au IIIe par Épicure, et ressuscité au XVIIe de notre ère par Gassendi

2°) le système d'Anaxagore, qui donne au monde pour origine la nécessité et une certaine force vitale : au-dessus du monde est une intelligence suprême distincte de lui, mais non créatrice; 

3°) celui de Platon, selon qui le monde est sorti des mains toutes-puissantes d'un ouvrier unique et parfait, le Démiurge, qui a façonné la substance à l'image des Idées, modèles du monde, formes de la pensée divine; 

4°) celui d'Aristote, qui ne reconnaît point de création. Selon ce philosophe, l'Être unique, simple, parfait, éternel, absolu, agit comme moteur, lui-même immobile, sur le monde, qui est éternel, éternellement en mouvement, et aspire sans cesse vers Dieu, cause nécessaire, par son unité, de l'ordre et de l'harmonie, centre immuable où tout vient fatalement aboutir. 

Au point de vue de la science moderne, on appelle plus particulièrement du nom de cosmogonie, les systèmes qui ont pour but d'expliquer, comme on l'a noté plus haut, non pas l'origine du monde dans son ensemble, mais seulement l'origine des différents corps du système solaire. Les plus connus sont ceux de Buffon et de Laplace; nous donnerons quelques détails sur celui de Laplace. Cet astronome suppose qu'à une certaine époque le Soleil et tous les corps qui circulent autour de lui formaient une nébuleuse animée d'un mouvement de rotation autour d'une droite passant par son centre et s'étendaient au delà de l'orbite de la planète la plus éloignée. Il admet en outre que, par suite d'un refroidissement progressif, des portions de plus en plus grandes de la matière de la nébuleuse se sont condensées vers son centre, de manière à former le noyau solaire dont la masse s'accroissait ainsi peu à peu. En partant de là, il fait voir qu'avec le temps la nébuleuse a dû se réduire à l'état que nous offre le système solaire.

Et d'abord, par la condensation progressive de cette masse, le mouvement de rotation de la nébuleuse, ou si l'on veut de l'atmosphère solaire, a été sans cesse en s'accélérant. Or, quand on étudie avec soin les conséquences de cette accélération, on reconnaît  qu'il a dû en résulter la formation, dans le plan de l'équateur solaire, de nones ou anneaux qui se sont successivement séparés de l'atmosphère du Soleil, en continuant à circuler autour de lui.

Ces anneaux, d'abord fluides, se sont condensés à la longue; mais, en général, il y a eu rupture de l'anneau dont toute la matière s'est agglomérée en une seule masse sphéroïdale circulant autour du Soleil avec une rotation dirigée dans le même sens que sa révolution; telle serait l'origine des planètes. Dans d'autres cas, l'anneau s'est décomposé en divers fragments distincts, se mouvant tous à peu près chois la même région : ainsi auraient été produites les astéroïdes qui circulent entre Mars et Jupiter, et dont le nombre paraît être très considérable.

Enfin une planète elle-même a pu, à l'époque de sa formation, se trouver dans les mêmes conditions que le Soleil, c'est-à-dire formée d'une atmosphère de vapeurs tournant sur elle même. Le refroidissement et la condensation de cette atmosphère ont du reproduire des phénomènes semblables à ceux que nous venons d'indiquer : formation d'anneaux et puis de satellites circulant autour du centre planétaire dans le sens du mouvement de rotation primitif, et tournant sur eux-mêmes dans le même sens. Quelques-uns de ces anneaux ont pu présenter une régularité exceptionnelle et conserver leur forme initiale : c'est ce qui est arrivé pour les anneaux de Saturne dont l'existence se trouve ainsi naturellement expliquée. Ces anneaux paraissent à Laplace des preuves manifestes de l'extension primitive de l'atmosphère de Saturne et de ses retraites successives. C'est évidemment ce phénomène, unique dans notre monde, qui lui a suggéré l'idée de la condensation progressive du corps central.

Cette hypothèse sur l'origine et la formation du Système solaire a eu longtemps la faveur des astronomes car elle rendait compte de diverses particularités qui, sans elle, semblaient inexplicables. C'est d'abord le peu d'inclinaison des orbites des planètes sur le plan de l'équateur solaire, la petitesse de l'excentricité de ces orbites, la rapidité de plus en plus grande des mouvements à mesure qu'on se rapproche de leur centre, l'identité de sens de ces mouvements, enfin la fluidité primitive de tous ces corps, fluidité que leur figure sphéroïdale démontre.



Jean-Pierre Verdet, Aux origines du monde : une histoire de la cosmogonie, Seuil, 2010.
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