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Le nom d'Amazone
que porte le grand fleuve d'Amérique,
ainsi que celui qui en dérive d'Amazonie et qui désigne
une grande partie du bassin de ce fleuve, ne remontent qu'au XVIe
siècle : l'un des premiers explorateurs de l'Amazone,
Orellana (1539-1540),
rapporte qu'il eut à combattre les Indiennes, qui, soit dans leurs
canots, soit sur les deux rives, le poursuivirent de leurs flèches
empoisonnées; il raconte que les bords du fleuve, surtout dans la
région du Rio-Nhamunda, étaient habités par de véritables
armées de femmes, et l'on fut naturellement conduit à établir
un rapport entre les Amazones
de la légende et les guerrières du fleuve américain.
Coudreau a vu, au XIXe
siècle, une tribu de femmes dans la Guyane brésilienne,
qui rappelle les Amazones d'Orellana.
Précisons que le terme d'Amazone
ne s'applique exactement qu'à la partie du fleuve comprise entre
le confluent du rio Negro et la mer; en amont, jusqu'à la frontière
occidentale du Brésil,
il s'appelle Solimoes, nom qui lui vient d'une tribu autrefois redoutée,
dont quelques débris habitent encore aujourd'hui sur la rive droite
du fleuve, les Solimão ou Sormão, enfin l'Amazone péruvienne
prend le nom de Maranhão en portugais,
ou de Marañon en espagnol, nom
que le fleuve entier semble avoir porté avant le XVIe
siècle : En effet, les premières relations nous
apprennent que Yañez Pinzon, un compagnon
de Christophe Colomb, en longeant les côtes
septentrionales du Brésil, arriva, en juin 1500,
à une rivière appelée Marañon; on a cru, mais
à tort, que ce nom avait été donné par Pinzon
lui-même, lorsqu'il s'aperçut que l'estuaire du fleuve n'était
pas un bras de mer (Mara non, pas mer). Les Européens,
et surtout les Espagnols, lui ont encore
attribué le nom d'Orellana, rarement adopté. Quant aux Indiens
qui s'imaginaient que ce fleuve faisait le tour du monde et que les peuples
étaient groupés sur ses bords, ils l'appelaient des noms
significatifs de Tunguragua ou Paranatingua (Fleuve-Roi)
et Paranaguassu (Fleuve grand). Aujourd'hui encore ils le nomment
Guiena.
Certaines parties du vaste bassin de l'Amazone
ont tardé à être connues, malgré les nombreuses
explorations qui se sont succédé depuis le début du
XVIe siècle.
Les explorateurs ont abordé le fleuve tantôt par l'embouchure,
tantôt du côté des Andes
par son cours supérieur ou par ses hauts affluents. C'est, on l'a
dit, en 1500 que Vincente
Yañez Pinzon, toucha à l'embouchure de l'Amazone, mais
sans chercher à en reconnaître le cours. Une quarantaine d'années
plus tard le fleuve fut parcouru dans sa plus grande partie : Gonzalo
Pizarro, frère de Francisco, se rendait
à la recherche de forêts de cannelliers, sur la pente orientale
des Andes, à travers un pays sans ressources, lorsque, voyant ses
hommes épuisés par la fatigue et par la faim, il envoya son
lieutenant Orellana chercher des provisions
dans la vallée du Napo, qu'on disait très fertile et très
riche; mais Orellana comptait fonder aussi un nouveau royaume; il abandonna
Gonzalo, et, avec une misérable barque en bois vert, montée
par un poignée d'hommes, souvent réduit aux dernières
privations, il descendit le Napo, puis l'Amazone; après huit mois
de navigation, il arriva à l'embouchure; on crut en Espagne
qu'il venait de découvrir le pays imaginaire d'Eldorado;
il fut nommé gouverneur des vastes contrées dont il avait
rapporté à Charles-Quint un
récit fabuleux, mais il mourut sur la côte de Caracas,
sans avoir pu retourner à l'embouchure du fleuve.
En 1568,
le vice-roi du Pérou
charge Pedro de Ursua de refaire le voyage d'Orellana, pour prendre possession
du royaume d'Eldorado; mais l'explorateur est assassiné par son
compagnon Aguirre, qui voulut se faire reconnaître pour roi par les
Indiens et fut lui-même mis à mort par ses prétendus
sujets. Pendant soixante ans, le bassin de l'Amazone est presque complètement
abandonné par les explorateurs. En 1637
deux missionnaires espagnols, échappés aux coups des Indiens
Cojanes, de la rivière d'Aguarico, descendirent le Napo et l'Amazone,
et le gouverneur espagnol de Belem
fit accompagner ces missionnaires par le capitaine Pedro de Teixeira, pour
reconnaître les richesses qu'ils lui représentaient le long
du fleuve. Ils allèrent jusqu'à Quito,
d'où ils revinrent par la même route, avec les deux jésuites
Christoval de Acuña et André Cetiéda, que l'audience
de Quito chargea spécialement d'étudier le pays au point
de vue scientifique. Acuña présenta à Philippe
IV une relation détaillée de son voyage qui fut imprimée
à Madrid en 1641,
sous le titre de : Nuevo Descubrimiento del gran rio de las Amazonas;
mais le Portugal
recouvrant alors son indépendance, Philippe IV avait intérêt
à cacher les richesses de leurs colonies aux Portugais et fit détruire
la relation.
Au XVIIIe
siècle, deux savants contribuèrent surtout à
faire connaître le bassin de l'Amazone : le premier est un missionnaire
allemand, le P. Fritz, qui, pendant seize ans, avait vécu en Amérique;
il fit dresser par le géographe
français Sanson une carte
relativement complète (1707)
; le second est un Français, La Condamine,
qui, venant du Pérou, pénétra dans l'Amazone beaucoup
plus haut que ses prédécesseurs, par le Chuchanga (1745);
il est le premier qui ait fait le relevé du fleuve, d'une façon
scientifique et sa carte put servir de base aux explorations futures
(La Harpe, Le
Voyage des géomètres en Amérique du Sud, édition
en ligne). Il fut bientôt suivi par Mme
Godin, qui, malheureusement, perdit la raison dans un voyage à
pied de 400 lieues, dans lequel elle vit mourir de faim tous ses compagnons,
et elle ne put donner, à son retour, aucun renseignement (1760).
Presque tous les grands pays ont fourni les explorateurs du XIXe
siècle, qui ont été attirés ou par
l'étude de la flore si variée du bassin de l'Amazone ou par
le désir d'ouvrir une voie nouvelle à la civilisation occidentale
et au commerce.
L'Allemagne
a envoyé les naturalistes Spix et Martius
(1819-1820),
Poeppig (1832), Avé-Lallemant
(1859); l'Angleterre,
les officiers de marine Maw, le premier Anglais qui ait descendu le fleuve
(1827-1828),
Smyth (1835), les naturalistes Alfred
Wallace (1848-1840)
Walter Bates (1848 à 1859)
et Chandless (1861 à 1864);
la France,
le comte de Castelnau (1847),
de Saint-Cricq, qui a publié des récits intéressants
sous le nom de Paul Marcoy (1848 à
1860), Biard (1858-1859),
le Dr Crevaux qui
a exploré quatre affluents de l'Amazone, le Yari, le Parou, l'Iça
et le Yapura (1878-1879),
Charles Wiener, qui a franchi l'Amérique méridionale dans
sa plus grande largeur, de Guayaquil à
Para, reconnaissant le Napo et dix autres affluents secondaires de l'Amazone
(1879-1882);
les Etats-Unis
chargèrent Herndon de s'assurer de la possibilité de transporter
les produits du bassin de l'Amazone dans leurs ports et de faire descendre
par cette voie l'argent de Potosi (1851-1852);
un des voyages les plus instructifs a été celui du suisse
Agassiz, naturalisé aux Etats-Unis (1865-1866).
Le gouvernement brésilien avait tout intérêt à
faire étudier une région aussi importante de l'empire, et,
en 1860, le lieutenant de marine Azevedo
dressa la carte générale du fleuve sur le territoire du Brésil,
pendant qu'au Pérou,
en Bolivie
et dans l'Equateur,
on se livrait à un travail semblable pour le bassin supérieur.
La navigation à vapeur s'est développée
sur l'Amazone à partir du moment du gouvernement brésilien
a ouvert le fleuve à tous les pavillons (31 juillet 1867)
: sans parler des relations entre Para et Manaus, un vapeur faisait un
service direct de Manaus à Liverpool
et une vingtaine de jours de navigation seulement séparaient Bordeaux
de la chaîne des Andes.
Ce n'était pas que l'Amazonie à partir de cette époque
fût complètement explorée, il s'en fallait de beaucoup.
De très vastes espaces restaient encore à parcourir. Parfois,
aujourd'hui encore, ils n'ont été survolés qu'en avion.
De temps à autre - de moins en moins souvent - les médias
se font écho de la découverte d'une population qui n'était
encore jamais entrée en contact direct avec les Occidentaux. On
sait aussi qu'il existe en Amazonie des quantités d'espèces
animales ou végétales qui n'ont pas encore été
répertoriées. Cependant, on peut considérer que, pour
l'essentiel, l'Amazonie n'est plus depuis plus d'un siècle une terra
incognita. |
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