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Les commencements
de la poésie américaine furent laborieux.
De la foule de ceux qui, les premiers s'y essayèrent, peu de noms ou d'oeuvres
se dégagent. Quelques-un méritent toutefois qu'on les tire de l'oubli
:
John Trumbull (1750-1831)
écrivit surtout pendant la Révolution américaine. Son principal ouvrage,
Mac
Fingal, est un poème burlesque, dirigé contre les ennemis de la liberté,
les officiers anglais et les autres tories, et dont le caractère patriotique
lui a surtout valu sa popularité.
Timothée Dwight
(1752-1817) a composé la Conquête de Canaan, poème épique;
la Perspective, qui rappelle Thompson; le Village florissant,
calqué sur le Village abandonné de Goldsmith
: sa versification soignée exerça une grande influence sur le public
et sur les auteurs.
On doit à Joel
Barlow (1752-1812) , avocat, poète, diplomate, commerçant, un poème
épique, la Colombiade, qui a passé quelque temps pour un chef
d'oeuvre, et un sujet plus modeste, la Bouillie de maïs, dont les
trois chants, fort courts, sont écrits avec aisance et esprit.
Le plus distingué
des poètes de la période révolutionnaire est Philippe Freneau (1752-1832),
descendant de protestants français réfugiés
en Amérique
après la révocation de l'édit de Nantes
: malgré ses fonctions politiques et ses voyages, il a publié de nombreuses
pièces, quelques-unes d'un caractère philosophique, mais la plupart plus
originales, parce qu'elles se rapportent à la vie des Indiens ou à la
lutte des Américains contre l'Angleterre.
John Pierpont, né
en 1785, a publié en 1816 les Airs de la Palestine, remarquables
par une versification douce et harmonieuse, mais auxquels, toutefois, on
préfère ses hymnes ou d'autres petites pièces
lyriques.
Richard-Henri Dana
travailla dans un grand nombre de publications périodiques, et s'est distingué
par un poème didactique, la Vie factice,
par les Changements d'intérieur, et surtout par le Boucanier,
dont le sujet est l'histoire des crimes commis par un pirate d'une île
solitaire, et dont le style est original et puissant.
Charles Sprague,
né à Boston
en 1791, a composé un poème didactique, la Curiosité, ainsi que
les
Frères et la Réunion de famille, petits tableaux des joies
et des tristesses du foyer, que leur ton calme, pur, élevé, ont rendus
populaires en Amérique.
Bryant.
Pour saluer un poète de premier ordre,
laissant de côté ceux que l'on vient de nommer, ou encore les Clifton,
les Francis Scott Key, les Saint John Honeywood, les Brainard, il faut
arriver en 1817, l'année où, dans la North-American Review, William
Cullen Bryant, donna son Thanatopsis, cet hymne de reconnaissance
à la nature médicatrice de toutes souffrances, et qui se termine par
ce conseil d'une grâce à la fois et d'une sévérité antiques : Ne crains
pas la mort,
Approach
thy grave,
Like one who wraps
the drapery of his couch
About him, and lies
down ta pleasant dreams.
B. C. Bryant dans Thanalopsis, dans
le Chant des étoiles, le Cours du temps, révèle des qualités
poétiques vraiment originales. La nature vivait en lui, il l'aime avec
passion, mais avec sérénité, peut-être faut-il ajouter aussi, avec
un peu de monotonie. Il a une délicatesse exquise de pensée, comme cette
pièce intitulée Juin, où il réclame d'être enterré dans la
verdure d'une prairie, ajoutant :
«
Mon bonheur sera peu de chose, seulement ceci, que ma tombe sera verte.
»
On a dit qu'il appartenait par l'inspiration
au XVIIIe siècle français, à celui du
Rousseau
des Réveries, du Bernardin de Saint-Pierre
des Études de la nature. Son style est plus ferme que sa pensée,
parfois un peu raide, parfois obscur. Moins populaire que Longfellow,
Bryant lui est cependant bien supérieur, par cette qualité même qui
manquera à l'auteur d'Evangeline, la spontanéité.
Les "Brahmanes"
et leur succession.
Bryant (1794-1878),
mais surtout Longfellow (1807-1882),
Oliver Wendel Holmes (1809-1894) et James Russel Lowell (1819-1891) et
quelques autres, forment un courant de poètes de la Nouvelle-Angleterre,
que l'on connaît sous le nom Brahmanes (ou Brahmines). Ils
tentent de fonder une poésie véritablement américaine, au travers de
thèmes propres au Nouveau-Monde, mais ils restent, dans la forme de leur
oeuvre très anglais, très "victoriens" : conventionnels, en somme.
Longfellow.
Lorsque parurent en 1840 les Voices
of the night, Henry
Wadsworth Longfellow, qui avait déjà trente-trois ans, était
connu comme romancier par Hypérion (1839), et comme essayiste par
Outre-Mer
(1835); le roman, plutôt un poème en prose,
était fort remarquable et le livre d'esquisses valait peut-être le Sketch
book d'Irving. Alors, pendant des années
devaient suivre ces recueils de vers qui répandirent son nom : les
Ballades (1841 ), les Poems on Slavery (1842),
le Beffroi
de Bruges (1845). En 1847, c'était Evangeline, ce tour de force
de versification, ce poème exquis, l'oeuvre la plus soignée et la plus
littéraire du poète. Comme technique il y remettait en honneur l'allitération
dont les poètes contemporains anglais ont fait depuis si grand usage.
Quatre ans plus tard il faisait revivre le monde du Moyen âge
dans sa célèbre Légende Dorée (1851), qui est
empruntée à un vieux fabliau français
: le prince de Souabe,
atteint de la lèpre, ne peut être guéri que si une jeune fille consent
à mourir pour lui ; la fille d'un de ses vassaux se dévoue, le prince
guérit, et la paysanne devient impératrice. Par la suite, Longfellow
aborde la vie coloniale américaine dans the Courtship of Miles
Standish (1858), la vie sauvage dans Hiawatha, ce poème qui
fut une tentative plus méritante qu'heureuse. Il avait donné encore,
dans les mêmes années : The Sea ride and the Fire side, Birds of passage,
Tales of a wayside Inn, une comédie, l'Etudiant espagnol, oeuvre
un peu lente, mais contenant de belles scènes, ainsi que nombre
de recueils divers, des traductions.
Longfellow ne cessa de produire jusqu'Ã
sa mort, mais sans plus ajouter à sa réputation. Cet
écrivain n'est pas créateur; son imagination s'élève rarement au sublime;
mais il ne tombe jamais, et traite ses sujets avec un charme attrayant.
Le
caractère de Longfellow
est complet. Il y a en lui le lettré, qui va jusqu'à l'érudit, l'éducateur,
poussé à instruire et à moraliser, enfin le poète lyrique.
Il a l'esprit d'une flexibilité extrême, de la variété, de la fantaisie
et même de l'observation. La vie quotidienne, les petites surprises du
coeur, les émotions morales, ce sont les sources de ses meilleures inspirations.
Il a fait, dans le sens que Goethe attachait au
mot, des poésies de circonstance, chantant des choses vécues comme dans
the Bridge, a Psalm of life, Haunted Houses; il atteint avec Excelsior
la plus noble poésie. Son défaut, c'est un excès d'érudition : ce n'est
pas impunément qu'un poète est professeur de littérature à l'université
d'Harvard. D'originalité, il n'en a guère, il imite aussi volontiers
qu'il crée et l'assimilation est souvent imparfaite. Pourtant, ce qui
diminue le poète donne à l'homme un nouveau rôle : sa vaste culture
littéraire fit de lui, en poésie, ce qu'Emerson
devait être en morale, un éducateur. Il forma
le goût de ses compatriotes : pendant qu'il faisait connaître et
apprécier aux Américains l'Europe,
il est resté assez européen pour être, parmi les
poètes des États-Unis, le plus facile à comprendre en Europe;
aussi a-t-il conquis en Angleterre
une véritable popularité.
Halleck.
Fitz-Green Halleck
(1795-1867), qui fut populaire à son heure, reflet de Campbell
et du Byron de Don Juan
dans Fanny (1827), satire humoristique de la vie à New-York;
on lui doit aussi : le Château d'Alnwick, écrit après un
Voyage
en Angleterre; Marco Bozzaris et l'Ode à Burns.
Holmes.
Olivier Wendel Holmes,
médecin à Boston,
a publié de petites pièces didactiques,
satiriques,
lyriques,
humoristiques, qui en font le plus gai des poètes américains. Il n'épargne
pas ses concitoyens, et leur reproche de la manière la plus plaisante
de se montrer trop sensibles à la flatterie ou aux censures des voyageurs
et des critiques.
Lowell.
De la même lignée
est James Russell Lowell, qui manie avec le même talent la satire et l'ode
patriotique. J. Russell Lowell, né en 1819, assigne pour but à la poésie
moderne de célébrer la liberté, la divinité, la fraternité humaine.
Il s'inspire donc des grandes questions sociales; il dit les joies d'une
vie indépendante, l'honneur du travail. Dans la poésie intime il est
parfois exquis : Under the willows, the Wind harp, the Requiem, the
Token, the Forlorn en sont la preuve. En patois yankee, il a écrit
un chef-d'oeuvre : the Courtin'. Une de ses plus belles pièces
combat vivement la mesure politique par laquelle le Congrès a maintenu
l'esclavage. Une
élégie
Sur la mort d'un enfant est pleine de calme et de pathétique. Parmi ses
pièces les mieux accueillies, il faut compter la Fable adressée aux
critiques (Fable for critics), excellente, bien que trop partiale,
et dans laquelle il s'est amusé aux dépens d'une foule de ses confrères
vivants, Emerson, Willis, Bryant,
Hawthorne,
Margaret Fuller. Le succès de cette
satire
lui inspira l'idée d'écrits les Biglow Papers, série de pièces
satiriques sur des sujets politiques, notamment sur la guerre du Mexique
et sur l'esclavage. Ces textes et son Ode recited at the Harvard Commémoration
l'ont rendu célèbre.
Willis.
Nathaniel Parker
Willis, né à Portland en 1806 (mort en 1867), a commencé par publier
des poèmes sacrés, où les sujets disparaissent sous le luxe des détails,
et qui furent suivis par Mélanie (1835) et par deux drames, Tortesa
l'usurier et Blanca Visconti (1839). Le plan de ces pièces
est peu soigné; les scènes ne se tiennent pas; mais quelques-unes ont
de la vivacité et de la force. Dans les morceaux de courte haleine, Willis
brille par la fantaisie, l'entrain, la grâce, et quelquefois la force.
Parmi ses meilleures compositions, on peut citer Parrhasius, le Printemps,
Agar dans la désert et le Persécuteur, qui n'est autre que
l'amour, dont la présence inattendue vient troubler le soldat, le chasseur,
le pêcheur, l'étudiant et la jeune fille.
Whittier.
John Greenleaf Whittier
combat dans ses poèmes l'intolérance puritaine qui a poursuivi les quakers
ses ancêtres, l'esclavage dont il demande l'abolition immédiate, la tyrannie
de l'opinion publique contre laquelle il réclame les droits de la pensée
individuelle. Le principal caractère de ses oeuvres est une énergie
qui ne recule jamais devant aucune expression pour rendre exactement l'idée,
quelque violente qu'elle soit. National par le ton par l'indépendance,
par les sujets, il a publié : Mogg Megow (en 1830), des Ballades,
la
Fiancée de Pennacook, les Légendes de la Nouvelle-Angleterre,
l'Etranger à Lowell.
Les
poétesses.
Parmi les femmes
poètes, que les États-Unis
comptent en grand nombre à cette époque, nous nommerons les deux soeurs
Lucretia-Maria et Margaret Davidson; l'une mourut à 17 ans, et l'autre
avant 16 ans, en 1838. De la première on peut citer : A une étoile,
Enchère extraordinaire (vente à l'encan des vieux garçons), Sur
la crainte de la folie; et de la seconde, Lénore à l'esprit
de Lucretia, Stances à ma mère.
Lydia Huntley Sigourney
excelle à analyser une émotion profonde, à exprimer les douleurs de
la femme, comme dans Le départ du fils de la veuve, la Mère émigrant,
la famille d'Ecosse,
et les sentiments bienveillants, comme dans Bienveillance et dans
le
Mariage de sourds-muets, ou patriotiques, comme dans la pièce intitulée
: Notre pays.
Maria Brooks est
l'auteur de Zophiel, poème recommandé par Southey
comme le plus original de son temps. Hannah GouId, Osgood, Etel
Lyn Beers, l'auteur du chant populaire All quiet along the Potomac.,
Child,
Mac Intosh, Margaret Fuller-Ossoli (morte avec son enfant et son mari,
en revenant d'Italie
en Amérique), Alice et Phoebe Carey, les trois soeurs Warfield,
Lee et Clarke, ont composé des vers dont certains très remarquables.
Et
aussi...
Après eux, il n'y a plus que quelques
noms à citer : Bret Harte, jamais banal, mais
plus heureux en prose; T. Bailey Aldrich, l'auteur de charmantes ballades
dont l'une, Babie Bell, est un petit chef-d'oeuvre; Washington
Allston (1779-1843), de plus de talent comme peintre que comme poète;
J. H. Payne (1792-1852), auteur de Home, Sweet home; Joseph Rodman
Drake (1795-1820) a montré une grande richesse d'imagination dans le
Lutin coupable, et un énergique enthousiasme dans sa pièce intitulée
le
Drapeau américain (American Flag); James Gates Pervical
(1795-1856), qui fit preuve d'un talent sévère et loin du médiocre
dans Clio (1822), la Femme abandonnée,
the Dream of a Day (1843); R. H. Dana, plus connu comme
romancier, auteur de the Buccanier (1827); J. G. C. Brainard
(1796-1828), qui a donné le Niagara; A. Gorton
Green (1802-1868), auteur de la ballade populaire, Old Grimes;
Ch. Sprague (1791); R. H. Stoddard (1825), l'historien de la poésie
américaine; Brownell (1820-1872); A. B. Street (1811);
Bayard Taylor, plus connu par ses voyages, et qui a publié un volume de
vers intitulé Poèmes de l'Orient; William Allen Butler, auteur
d'une pièce pleine de coeur et d'esprit, Rien à mettre, dirigée
contre le luxe exagéré de la toilette des femmes, et d'un poème plus
long intitulé Deux millions, dans lequel il attaque avec une verve
plus mordante encore l'égoïsme d'un millionnaire; Richard Wilde (1789-1847),
à qui l'on doit quelques poèmes, mais aussi un curieux ouvrage en prose
(Conjectures et recherches concernant l'amour, la folie et l'emprisonnement
de Torquato Tasse); Hillhouse; Morris; John Burroughs; E.-C.
Stedman; W. Winter ; Will Carleton, Henry Abbey, J.-W. Riley, Stephen
Crane; et, après eux, Bliss Carman, Madison Cawein et Ch.-G.-D. Roberts,
etc.
La poésie californienne a trouvé son
Bret Harte dans Joaquin Miller, le poète prolixe du Far West et dont les
Chants
des Sierras (1871) révélèrent un pittoresque nouveau. C'est un talent
remarquable, tout spontané, un pionnier littéraire. ses rimes, sa mesure,
sa grammaire même sont souvent en défaut, mais son inspiration est sincère,
franche, exempte de petits procédés. On a cru découvrir qu'il imitait
parfois Tennyson, Swinburne
ou d'autres poètes anglais de moindre vol; cette imputation ne peut s'appliquer
qu'à la forme, non au fond et à la substance de sa poésie, dont la seul
mérite, au contraire, est l'originalité.
En marge de la
poésie.
Emerson.
D'abord philosophe,
Emerson
fut aussi un poète, mais un poète obscur, parfois insondable, doué certainement
du plus haut talent lyrique, du don de rythmer ses émotions, mais aussi,
malheureusement, de celui de condenser sa pensée jusqu'à la comprimer.
Parmi ses oeuvres poétiques ont trouve : Chacun dans tous, A
l'Abeille sauvage, le Problème les Avant-Coureurs, le Poète, etc.
Poe.
Edgard
Allan Poe (1811-1849) est surtout connu en Francecomme
romancier, mais moins comme poète. II faut citer de lui la Cité dans
la mer, la Terre des rêves, le Ver vainqueur, le Dormeur Annabel Lee,
hymne funèbre à là mémoire de sa femme, enfin le Corbeau. Sans
doute, Edgar Poe, a-t-il, en vers comme en prose, fait trop usage de l'antithèse,
antithèse d'idées, antithèse de mots. Il est plus bizarre encore qu'original,
et pourtant, s'abandonne-t-il à la sincérité de sa nature bonne et tendre,
que, nous sommes pris et que nous nous attristons avec lui aux désillusions
de ses fiévreuses amours. On sent dans la poésie de Poe une imagination
sombre, profonde, amie du fantastique,
tourmentée par le mystère de la vie; quelle qu'ait été l'existence
du poète, rien dans ses vers ne prêche pourtant l'ivresse, ni le désespoir,
ni la mort. Ils se distinguent par un vif sentiment de l'art, joint Ã
une mélodie douce; la donnée est d'abord excentrique, originale; mais
les notes du vers se plient habilement aux exigences de la pensée.
Les précurseurs
d'un siècle nouveau.
A côté de ces "classiques", brahmanes
et autres, deux noms se détachent en parvenant enfin à s'émanciper nettement
de l'influence anglaise : Walt Whitman et Emily Dickinson.
Ils annoncent ce que sera la poésie américaine
au siècle suivant :
Walt
Whitman.
Plus original encore, mais surtout étrange,
presque inexplicable, est un autre poète américain, Walter
Whitman (1819-1892), l'inventeur de la
poésie
sans rythme, sans mesure, sans mètre, se pliant à l'inspiration aux dépens
de la prosodie, comme des cris de prophète ou de pythonisse. On a beaucoup
discuté sur le talent de l'auteur des Leaves of grass et des Songs
of parting. D'aucuns affirment que c'est un fou de génie. L'un des
deux mots est de trop : Walt Whitman a du génie et pour être un grand
poète il ne lui a manqué que d'être un artiste. Son oeuvre n'est qu'une
gigantesque ébauche, sauvage, bruyante, passionnée, tellement originale
qu'elle est comme en dehors des productions ordinaires d'un cerveau humain.
Il veut nous faire croire que sa poésie est la poésie de l'avenir, mais
elle n'est en réalité que la plus étrange et la plus passagère des
exceptions.
Emily
Dickinson
Emily Dickinson
(1830-1886), poétesse discrète et solitaire,
a passé toute sa vie à Amherst, une petite ville du Massachusetts. Isolée,
elle ne pouvait qu'inventer. Son oeuvre, libre, iconoclaste, sensible,
amusante et pénétrante, qui se compose de quelque 2000 poèmes, très
courts, n'a été publiée pour l'essentiel qu'après sa mort, à partir
de 1890, et encore pendant les trois premières décennies du XXe
siècle. On retiendra son Masque de poètes (1878) et ses Poèmes
(1890-1937).
La première moitié
du XXe siècle.
Plusieurs revues,
fondées dans les premières années du XXe
siècle, ont préparé le renouveau d'une poésie
qui s'étiolait. C'est d'abord la revue Poetry, fondée à Chicago
en 1912 par Harriet Monroe, qui révèle des poètes tel que Carl Sandburg,
Edgar Lee Masters, Vachel Lindsay, et surtout Ezra Pound et TS. Eliot;
puis la Little Review, fondée à New York
par Margaret Anderson, et dans laquelle publieront notamment Wallace
Stevens, Edna St Vincent Millay, Marianne Moore, Hilda Doolittle et William
Carlos Williams. Illustrent également la poésie américaine de l'entre-deux
guerres : Robert Frost, Edwin Arlington Robinson, E.E. Cummins, Hart Crane,
Robinson Jeffers.
Les
imagistes.
Cette période a
été marqué par un courant moderniste, né à Londres,
mais en même temps tributaire de l'oeuvre d'Emily Dickinson, et appelé
l'imagisme. Ezra Pound (1885-1972) est, dans la première période de son
oeuvre, le principal représentant de ce courant. Après Pound, la figure
de proue de l'imagisme a été Amy Lowell (1874-1925), qui était la soeur
de l'astronome Percival Lowell. Elle a publié
notamment-: A
Dome of Many-Coloured Glass, Men, Women and Ghosts, Sword Blades
and Poppy Seed. A ce mouvement appartient aussi William Carlos Williams
(1883 -1963), que le public ne reconnaîtra que tardivement, mais dont
The
Red Wheelbarrow , paru en 1923, est considéré comme le poème le
plus représentatif, presque un manifeste de l'imagisme.
Ezra
Pound.
Ezra
Pound, qui a longtemps vécu en Europe
où il a été au contact de l'effervescence intellectuelle qui y régnait
pendant les premières décennies du XXe,
a poursuivi ensuite une oeuvre échappant à toute classification, et dont
la publication, commencée en 1915, s'est poursuivie jusqu'à sa mort :
les Cantos. Cherchant à puiser son inspiration dans toutes les
productions de la culture humaine, ses textes sont souvent aussi obscurs
que complexes. James Joyce, qui s'y
connaissait, les disait même impossibles à lire.
TS
Eliot.
Thomas
Stearns Eliot (1888-1965), comme Pound, dont il a subi l'influence,
fait lui aussi une carrière presque entièrement européenne (il se fera
même naturaliser britannique en 1927). L'essentiel de son oeuvre
poétique se développe entre1917, date à laquelle il publie Prufrock
and Other Observations et 1947, année de la parution de Four Quartets.
Entre-temps, il aura publié, en 1925, The Waste land, son poème
le plus connu. T.S. Eliot se consacrera ensuite au théâtre.
Après la seconde
guerre mondiale.
L'objectivisme.
Parallèlement à l'imagisme un autre
courant est apparu entre les deux guerres, mais il n'a commencé à se
faire connaître qu'à partir du début des années 1960. Il s'agit de
l'objectivisme, représenté par la deuxième génération des poètes
modernistes; la première étant celles des Ezra Pound et des William Carlos
Williams, dont ils ont subi l'influence. Les principaux poètes objectivistes
des Etats-Unis sont : Louis Zukofsky (auteur de A, vaste poème
commencé en 1928), Charles Reznikoff (Testimony), George Oppen
et Carl Rakosi; ils seront rejoints un peu plus tard par Lorine Niedecker.
Reprenant à leur compte le slogan de Williams "pas d'idées hors des choses",
ils se donnent pour mot d'ordre l'honnêteté et la lucidité vis-à -vis
du monde.
Small
press et readings.
Ce qui a fait connaître finalement les
objectivistes, c'est la floraison, au début des années 1960, de quantité
de petites revues (The Black Mountain Review, The Caterpillar,
The Jargon press, Origin, Transition; The Troba, etc.), qui
redécouvrent leurs poèmes en même temps qu'ils publient les poètes
du moment. Un autre moyen de diffusion de la poésie, qui se développe
à la même époque, est celui des lectures publiques (readings).
La
beat
generation.
Le phénomène des readings, devenu important
aux Etats-Unis,
a surgi en 1955, avec la lecture publique que fait Allen Ginsberg à San
Francisco de son poème The Howl (la Clameur).
Une lecture, qui marque en même temps la naissance du mouvement beat,
représenté dans la prose par Jack Kerouac et
William Burroughs, notamment, et dans la poésie, outre Ginsberg (1926-1997),
auteur de Kaddish et du Miroir vide, etc., par Gregory
Corso (1930 - 2001), Kirby Doyle, Lawrence Ferlinghetti (qui fait connaître
en Amérique de nombreux poètes français contemporains), Michael McClure,
Harold Norse, Peter Orlovsky, Gary Snyder, Lew Welch et Philip Whalen.
Un mouvement d'enfants gâtés et talentueux, mais à la dérive, et qui
recherchent dans la drogue, le sexe, et les religions orientales des exutoires
à leur nombrilisme. Les Beats (ou Beatniks, comme les a
nommés en 1958 le San Francisco Chronicle) disparaîtront à la
fin des années 1960.
Le
Black Mountain.
Moins connu, mais peut-être plus intéressant
est le mouvement du Black Mountain College (situé à Ashville, en Caroline
du Nord, et qui apparaît comme une sorte de prolongement américain du
Bauhaus). Dirigé entre 1953 et 1956 par le poète Charles Olson (1910-1970),
auteur des Maximus poems, il réunit des noms tels que Paul
Blackburn (The Cities, 1967; Early selected y mas, 1972),
Robert Creeley (For Love, 1962; Words, 1967)), qui après
s'être installé à San Francisco sera le trait-union entre les Black
Mountain et les Beats, Denise Levertov, Ed Dorn, Robert
Duncan (Roots and branches, 1964; Bending the bow, 1968),
Larry Eigner, Hilda Morley, Joel Oppenheimer, John Wieners et Jonathan
Williams.
L'Ecole
de New York, et après.
Mentionnons encore l'école de New York,
nébuleuse d'artistes (peintres, musiciens danseurs, etc.), et qui, pour
ce qui est des poètes, rassemble, autour de Frank O'Hara - leur seul dénominateur
commun, semble-t-il -, des courants très divers (transfuges de la mouvance
Beat
ou du Black Mountains), et des auteurs, que l'on ne saurait peut-être
pas où ranger sinon : John Ashbery (Rivers and mountains;
The
double dream of spring), Ted Berrigan (Sonnets; Early morning
rain), Joseph Ceravolo, Kenward Elmslie, Barbara Gues, Kenneth Koch
(Ko), Bernadette Mayer, Alice Notley, Ron Padgett, Anne Ryan et
James Schuyler (Crystal Lithium).
Dans les dernières années du XXe
siècle, la poésie américaine semble être
parvenu à la fin d'un cycle. Quelques valeurs sûres demeurent : John
Ashbery, que l'on vient de citer, A. Ammons, Adrienne Rich, David Antin,
Jerome Rothenberg, Galway Kinnell et John Hollander. On y ajoutera
les language poets : Clark Coolidge, Rosemary Waldrop, Michael Palmer,
etc. (R. de Gourmont). |
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