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James
Joyce
est un Ă©crivain de langue anglaise
né le 2 février 1882 à Dublin (Irlande)
et mort à Zurich (Suisse) le 13 janvier 1941. Considéré comme
un des plus grands écrivains du XXe siècle,
il se signale par ses expérimentations sur la structure narrative et la
langue et son utilisation du monologue intérieur et de la technique du
flux de conscience (stream of consciousness) qui permet aux
lecteurs d'entrer dans les pensées intimes des personnages, créant une
profondeur psychologique inédite. Au final, ses oeuvres révolutionnaires
ont changé le paysage de la littérature moderne.
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James
Joyce (1882-1941).
Image
générée par une IA (Open Dall-e).
La vie et l'oeuvre
de James Joyce.
La
vie de Joyce.
James Augustine
Aloysius Joyce est né dans une famille catholique de la classe moyenne.
Son père, John Stanislaus Joyce, était un homme de tempérament mais
souvent en proie à des difficultés financières. Sa mère, Mary Jane
Murray, Ă©tait pieuse et aimante. En 1898, Joyce entre Ă l'University
College Dublin, où il étudie les langues modernes, notamment le français,
l'italien et l'allemand. Il lit beaucoup et commence à écrire des poèmes
et des essais.
En 1902, après avoir
obtenu son diplôme, Joyce déménage à Paris pour étudier la médecine,
mais il abandonne rapidement ces Ă©tudes pour se consacrer Ă l'Ă©criture.
Il retourne à Dublin en 1903 lorsque sa mère tombe gravement malade.
Après sa mort en 1903, Joyce commence à travailler sur son recueil de
nouvelles Dubliners. En 1904, il rencontre Nora Barnacle,
qui deviendra sa compagne de longue date. Le couple quitte l'Irlande pour
l'Europe continentale en octobre de la même année.
Joyce et Nora vivent
Ă Zurich, Trieste et Pola. Joyce enseigne l'anglais pour subvenir Ă leurs
besoins. Il Ă©crit des nouvelles et travaille sur son roman A Portrait
of the Artist as a Young Man. En 1914, Dubliners est enfin
publié après de nombreux refus en raison de son contenu jugé trop réaliste
et choquant. Joyce commence alors Ă travailler sur son roman Ă©pique Ulysses.
Il reçoit le soutien financier d'amis, comme Ezra
Pound, et de mécènes, comme Harriet Shaw Weaver. Pendant la Première
Guerre mondiale, Joyce et sa famille déménagent à Zurich pour des raisons
de sécurité.
Après la guerre,
des extraits d'Ulysses sont publiés dans la revue The Little
Review, ce qui provoque des scandales et des procès pour obscénité
aux États-Unis. En 1920, Joyce quitte Zurich pour Paris, où il passera
la majeure partie de sa vie restante. Paris , Ă cette Ă©poque, est le
centre de la vie littéraire européenne et Joyce y trouve un environnement
favorable pour finaliser Ulysses.
En 1921, Joyce a
enfin terminé son roman, qui est publié par Sylvia Beach, propriétaire
de la librairie Shakespeare and Company à Paris, le 2 février
1922, le jour du quarantième anniversaire de Joyce. Ulysses reçoit
des critiques mitigées, mais est rapidement reconnu rapidement une comme
une oeuvre révolutionnaire de la littérature moderne.
Joyce continue de
vivre à Paris, où il est au centre de la vie littéraire et artistique
de l'époque. Il fréquente des écrivains et artistes influents, tels
qu'Ernest Hemingway, Ezra Pound, et Gertrude
Stein. Il commence aussi Ă travailler sur son prochain grand projet, Finnegans
Wake, un roman encore plus expérimental que Ulysses. Mais pendant
cette période, Joyce souffre de problèmes de santé, en particulier avec
ses yeux. Il subit plusieurs opérations chirurgicales pour tenter de corriger
sa vue. De plus, sa fille Lucia commence Ă montrer des signes de troubles
mentaux, ce qui pèse lourdement sur Joyce et sa famille. Lucia est finalement
diagnostiquée schizophrène.
James et Nora se
marient le 4 juillet 1931, après avoir vécu ensemble pendant près de
trois décennies. Ils font ce choix principalement pour des raisons légales
et financières. L'écrivain continue de travailler assidûment sur Finnegans
Wake. Il a alors pour secrétaire le futur dramaturge Samuel
Beckett. Le roman est publié en parties tout au long des années 1930
sous le titre de travail Work in Progress ("travail en cours").
En 1939, Finnegans Wake est publié dans son intégralité. Bien
que l'oeuvre soit complexe et difficile d'accès, elle est acclamée pour
son innovation linguistique et structurelle.
La santé de Joyce
continue de se détériorer, et les soucis concernant la santé mentale
de Lucia persistent. Avec l'avancée des troupes nazies en France, Joyce
et sa famille quittent Paris pour s'installer Ă Zurich, oĂą ils avaient
déjà vécu pendant la Première Guerre mondiale. La guerre apporte de
nombreuses difficultés supplémentaires, notamment des préoccupations
financières et l'incertitude quant à l'avenir. James Joyce tombe gravement
malade à Zurich et est hospitalisé en janvier 1941. Il meurt le 13 janvier,
à l'âge de 58 ans, d'un ulcère perforé. Il est enterré au cimetière
de Fluntern Ă Zurich.
L'oeuvre
de Joyce.
L'oeuvre de James
Joyce est vaste. Elle est caractérisée par sa innovation stylistique
et son profondeur thématique. Ses allusions littéraires, historiques
et culturelles complexes, enrichissent aussi ses oeuvres de multiples niveaux
de signification.
• Dubliners
(Les Gens de Dublin, 1914) est une collection de 15 nouvelles qui
décrivent la vie des habitants de Dublin au début du XXe
siècle. Joyce y aborde les thèmes de la paralysie sociale et spirituelle.
Chaque histoire présente un moment de révélation (ou épiphanie) pour
ses personnages, et ensemble, elles forment un portrait poignant de la
vie urbaine. Parmi les nouvelles les plus célèbres, on trouve The
Dead (Les Morts), considérée comme un chef-d'oeuvre du genre.
Elle a été adaptée au cinéma par John Huston, dans son dernier film
(1987).
• A Portrait
of the Artist as a Young Man (Portrait de l'artiste en jeune homme,
1916), oeuvre clé pour comprendre la transition de Joyce vers des formes
narratives plus expérimentales, est un roman semi-autobiographique qui
suit la maturation intellectuelle et spirituelle de Stephen Dedalus, un
alter ego de l'auteur. Le livre est notable pour son utilisation du style
de flux de conscience et pour ses questionnements sur l'individualité,
la liberté et l'art.
• Exiles
(Exilés, 1918) est une pièce de théâtre qui traite des thèmes
de la fidélité, de la liberté personnelle et des relations humaines
complexes. Bien qu'elle soit moins connue que ses autres oeuvres, elle
est significative pour sa réflexion sur les dynamiques psychologiques
entre les personnages.
• Ulysses
(Ulysse, 1922), considéré comme le chef-d'oeuvre de Joyce, est un roman
révolutionnaire qui utilise la technique du flux de conscience pour décrire
les événements d'une seule journée, le 16 juin 1904, à Dublin. Le roman
suit trois personnages principaux : Leopold Bloom, Stephen Dedalus et Molly
Bloom. Joyce y mêle une richesse de styles littéraires et de références
culturelles, créant une oeuvre complexe et dense qui a redéfini les frontières
de la fiction narrative.
• Finnegans
Wake (1939) est probablement l'oeuvre la plus complexe et expérimentale
de Joyce. Écrit dans une langue hybride et rêveuse, le livre aborde des
thèmes cycliques de la vie, de la mort et de la résurrection. Sa structure
non linéaire et son langage inventif le rendent difficile à comprendre,
mais l'ouvrage est célébré pour sa créativité audacieuse et son influence
sur la littérature postmoderne.
• Chamber
Music (Musique de chambre, 1907) est un recueil de poèmes lyriques,
dans lequel s'exprime une facette plus traditionnelle de Joyce. Les poèmes
sont marqués par leur musicalité et leur parcourt des thèmes de l'amour
et de la perte.
• Pomes Penyeach
(jeu de mots sur poems et a penny each, Pommes d'api,
1927) est une autre collection de 13 poèmes, qui reflètent la maturité
poétique de Joyce et son intérêt pour les jeux de mots et les associations
sonores.
Dans les entrailles
d'Ulysses et de Finnegans Wake.
Ulysses
(1922).
Ulysses (Ulysse
en français), roman volumineux et complexe, se déroule sur une seule
journée, le 16 juin 1904, à Dublin. Le roman suit principalement trois
personnages :
• Leopold
Bloom, un agent publicitaire d'origine juive de 38 ans, qui vit Ă
Dublin avec sa femme Molly. Le roman va suivre suit Bloom tout au long
de la journée du 16 juin, que l'on appellera plus tard le Bloomsday (la
jouréne de Bloom). Bloom commence sa journée en préparant le petit-déjeuner
pour Molly et en sortant acheter un rein de porc pour son propre repas.
Il reçoit une lettre de sa fille Milly, qui vit loin de la maison. Bloom
est préoccupé par l'infidélité de Molly, qui a une liaison avec Blazes
Boylan, un homme qu'elle doit rencontrer plus tard dans la journée. Ensuite,
Bloom se rend Ă des rendez-vous professionnels et tente de placer une
annonce publicitaire. Il assiste à un enterrement (Paddy Dignam) et réfléchit
beaucoup à la mort, y compris à la perte de son fils Rudy. Dans l'après-midi,
il rencontre divers personnages, dont Stephen Dedalus, dans différents
contextes, notamment la bibliothèque et le bar de l'hôtel Ormond, où
il pense à Molly et à sa jalousie. Dans la soirée, Bloom suit Stephen
dans le quartier des bordels de Nighttown, oĂą il vit des hallucinations
et des expériences introspectives. Il sauve Stephen d'une bagarre avec
des soldats britanniques et l'emmène chez lui, où il l'invite à passer
la nuit, mais Stephen décline. Bloom retourne au lit avec Molly, où il
pense à la journée écoulée et à leur relation.
• Stephen Dedalus,
est un jeune professeur et Ă©crivain en herbe,, alter ego de Joyce, qui
l'avait introduit dans A Portrait of the Artist as a Young Man.
Dans Ulysse, Stephen lutte contre ses propres démons, notamment
la culpabilité liée à la mort de sa mère. Stephen vit avec Buck Mulligan
et Haines dans une tour de Martello, au Sud de Dublin. Il est moqué par
Mulligan, ce qui le rend amer. Stephen va ensuite donner ses cours Ă l'Ă©cole
privée de M. Deasy, où il parle de sujets historiques et reçoit une
lettre à livrer. Un peu plus tard, Stephen se rend à la Bibliothèque
nationale où il expose sa théorie sur Shakespeare à un groupe d'érudits.
Ses idées sont accueillies avec scepticisme. L'après-midi, il passe du
temps dans divers lieux de Dublin, se saoulant progressivement et devenant
plus introspectif. Il se rend à Nighttown, où il est confronté à des
hallucinations de sa mère décédée. Le soir, après une altercation
avec des soldats britanniques, Stephen est sauvé par Bloom, qui l'emmène
chez lui pour se reposer et récupérer.
• Molly Bloom,
la femme de Leopold, une chanteuse d'opéra soprano. Elle est surtout décrite
à travers les pensées et les perceptions de Bloom pendant la journée.
Molly passe la majeure partie de la journée au lit, recevant des visites
de Blazes Boylan avec qui elle a une liaison. Elle est vue Ă travers les
préoccupations de Bloom concernant son infidélité. Dans le dernier épisode,
Molly réfléchit à ses souvenirs, à ses relations passées et présentes,
et à ses sentiments pour Bloom. Son monologue intérieur révèle ses
pensées intimes sur l'amour, la sexualité, et les aspirations personnelles.
Les deux protagonistes
masculins, Bloom et Stephen, sont en quête de leur identité et de leur
place dans le monde. Bloom cherche Ă comprendre et Ă accepter ses Ă©motions
et ses relations, tandis que Stephen lutte avec son passé et ses aspirations
artistiques. Bloom, ayant perdu son fils Rudy, cherche une figure de fils
en Stephen. Stephen, ayant perdu sa mère et étant en conflit avec son
père Simon, trouve en Bloom une figure paternelle potentielle. La liaison
de Molly avec Boylan est un fil conducteur important, représentant les
thèmes de la jalousie, du désir, et de l'amour complexe. Le monologue
final de Molly révèle la profondeur de ses pensées et de ses sentiments,
clôturant le roman sur une note d'affirmation et de complexité émotionnelle.
Le titre de l'ouvrage
est une référence à l'Odyssée d'Homère, qui lui sert de trame
de fond, chaque chapitre du roman de Joyce correspondant Ă une aventure
du héros homérique. Il y a ainsi 18 épisodes, chacun utilisant une technique
narrative distincte. Parmi les styles les plus remarquables, on trouve
le monologue intérieur, le pastiche, la parodie et les jeux de langage.
Cette diversité stylistique sert à refléter la complexité de la conscience
humaine et la richesse de l'expérience quotidienne. Chaque épisode correspond
aussi à un lieu de Dublin différent, donnant à l'auteur le prétexte
à une decription de la vie moderne à travers les détails quotidiens
de la vie urbaine. Résumé des épisodes :
• Télémaque.
- Le roman s'ouvre sur une tour de Martello, près de Dublin, où Stephen
Dedalus, un jeune professeur et Ă©crivain, habite avec deux autres hommes
: Buck Mulligan, un étudiant en médecine désinvolte et grossier, et
Haines, un Anglais Ă©tudiant le folklore irlandais. Buck taquine Stephen
à propos de la mort récente de sa mère, ce qui blesse profondément
Stephen. Les trois hommes prennent leur petit-déjeuner ensemble avant
de se rendre à la ville. Cet épisode met en place les thèmes principaux
du roman, Ă commencer par les relations conflictuelles entre les personnages
et les questions d'identité nationale et personnelle. Stephen est présenté
comme un jeune homme intellectuel mais tourmenté, en quête de son propre
chemin. Le contraste entre Stephen et Buck met en lumière les tensions
entre la spiritualité et la vulgarité, ainsi que les conflits intérieurs
de Stephen.
• Nestor.
- Stephen donne un cours d'histoire à ses élèves dans une école privée
à Dalkey. Après la classe, il discute avec le directeur, M. Deasy, qui
lui demande de faire publier un article qu'il a Ă©crit sur le pied et la
bouche du bétail. Deasy, un homme de vues conservatrices et antisémites,
parle longuement à Stephen de ses idées. Dans cet épisode, la position
de Stephen en tant que professeur le place dans une situation d'autorité,
mais il se sent toujours aliéné et en conflit avec les valeurs de ceux
qui l'entourent, comme Deasy. Les discussions sur l'histoire et la politique
renforcent les thèmes de la tradition et de l'innovation, et Stephen continue
de se confronter à ses propres idées sur l'identité et l'appartenance.
• Protée.
- Stephen se promène sur Sandymount Strand, réfléchissant profondément
à des concepts philosophiques et à ses propres souvenirs. Il médite
sur des sujets tels que la perception, la réalité, et le temps. Ses pensées
sont complexes et fragmentées, reflétant son esprit intellectuel et tourmenté.
Cet épisode est notable pour son style de monologue intérieur complexe.
Les pensées de Stephen révèlent son isolement et sa tendance à l'introspection.
Les thèmes de la perception et de la réalité sont abordés à travers
ses méditations. Ils soulignent la quête incessante de Stephen pour comprendre
le monde et sa place dans celui-ci.
• Calypso.
- Le roman s'intéresse maintenant à Leopold Bloom, un agent publicitaire,
qui prépare le petit-déjeuner pour lui-même et sa femme, Molly. Il sort
acheter un rein de porc, retourne Ă la maison, lit une lettre de sa fille
Milly, et réfléchit à ses propres pensées et souvenirs tout en effectuant
ses tâches quotidiennes. Ce passage à Bloom marque un changement de ton
et de perspective. Bloom est présenté comme un homme ordinaire, préoccupé
par les détails de la vie quotidienne. Cependant, ses pensées révèlent
des préoccupations plus profondes, telles que l'infidélité de Molly
et son propre sens de l'identité. Le contraste avec Stephen souligne les
thèmes de la vie quotidienne et de l'ordinaire contre l'intellectuel et
le philosophique.
• Lotophages
(= mangeurs de lotus). - Bloom se rend à la poste pour récupérer une
lettre d'une de ses correspondantes, Martha Clifford. Il assiste ensuite
à une messe, visite les bains turcs et réfléchit à divers aspects de
sa vie, comme ses relations et ses désirs. Cet épisode gravite autour
des thèmes de l'évasion et de l'auto-indulgence, symbolisés par la figure
mythologique des mangeurs de lotus. Bloom est montré comme un homme de
désirs complexes et de besoins émotionnels, utilisant des distractions
quotidiennes pour échapper à ses préoccupations plus profondes.
• Hadès.
- Bloom participe aux funérailles de Paddy Dignam avec d'autres hommes,
dont le père de Stephen, Simon Dedalus. Sur le chemin du cimetière, il
réfléchit à la mort, à la mortalité, et à ses souvenirs de son fils
décédé, Rudy. Les thèmes de la mort et de la perte sont au centre de
cet épisode. Les pensées de Bloom sur la mort sont à la fois personnelles
et philosophiques, offrant un contraste avec les conversations plus superficielles
de ses compagnons de voyage. L'épisode met en lumière la solitude de
Bloom et son sentiment de déconnexion avec ceux qui l'entourent.
• Eole.
- L'épisode se déroule dans les bureaux du journal Freeman's Journal.
Leopold Bloom y vient pour placer une annonce publicitaire. Pendant ce
temps, les journalistes, dont Myles Crawford, discutent et plaisantent
bruyamment. Bloom tente de faire accepter son annonce, tandis que Stephen
Dedalus arrive avec une lettre de son directeur, M. Deasy, sur le sujet
de la fièvre aphteuse. Stephen raconte une anecdote sur deux femmes admirant
la tête couronnée de l'amiral Nelson. L'épisode se caractérise par
son style journalistique et ses multiples titres, imitant la mise en page
d'un journal. Les thèmes de la communication et de la rhétorique sont
centraux, avec de nombreuses références à l'art oratoire et à la persuasion.
Bloom est montré comme un homme calme et méthodique, contrastant avec
le chaos verbal des journalistes, tandis que Stephen fait preuve de son
esprit vif et de son talent narratif.
• Lestrygons.
- Bloom se promène dans Dublin à l'heure du déjeuner, observant les
gens autour de lui et réfléchissant à divers aspects de la vie. Il entre
dans plusieurs restaurants mais quitte chacun d'eux en raison de l'atmosphère
ou des souvenirs désagréables qu'ils évoquent. Finalement, il trouve
un endroit tranquille oĂą il mange un sandwich au fromage et boit un verre
de vin. Cet épisode aborde les thèmes de la faim et de la consommation,
à la fois physiques et symboliques. Bloom est attentif aux détails de
son environnement, ce qui met en évidence son humanité et son empathie.
Ses réflexions sur la nourriture et les restaurants révèlent ses souvenirs
personnels et ses perceptions des classes sociales. L'Ă©pisode utilise
le motif des Lestrygons de l'Odyssée, des géants mangeurs d'hommes,
pour commenter la société urbaine et ses appétits voraces.
• Charybde et
Scylla. - Stephen participe à une discussion littéraire à la Bibliothèque
nationale avec plusieurs Ă©rudits, comme John Eglinton et A.E. (George
Russell). Il expose sa théorie selon laquelle Shakespeare
s'est projeté dans le personnage d'Hamlet et que le poète a vécu un
drame familial similaire. Bloom apparaît brièvement dans la bibliothèque.
Cet épisode est dominé par des discussions intellectuelles et philosophiques,
centrées sur la figure de Shakespeare. Le parallèle avec les monstres
marins Charybdis et Scylla de l'Odyssée reflète les dangers des
extrĂŞmes intellectuels. Stephen se positionne entre des points de vue
opposés, naviguant habilement entre eux. L'épisode souligne son intelligence
et son isolement, ainsi que son besoin de reconnaissance et d'appartenance.
• Roches errantes.
- L'épisode est une série de dix-neuf vignettes qui décrivent des scènes
de la vie quotidienne Ă Dublin, impliquant divers personnages du roman
(Bloom, Stephen, et des figures mineures). Chacune des scènes est reliée
par des mouvements des personnages Ă travers la ville. C'est l'occasion
pour Joyce d'offrir un panorama de Dublin, et de saisir la diversité et
la complexité de la vie urbaine. Les vignettes sont entrelacées. Elles
reflètent le réseau d'interactions humaines et les hasards de la vie
quotidienne. Cet épisode illustre le thème de l'interconnexion et de
l'interdépendance, tout en mettant en évidence la fragmentation de l'expérience
urbaine moderne.
• Sirènes.
- Bloom entre dans le bar de l'hĂ´tel Ormond, oĂą il observe deux chanteuses,
Miss Douce et Miss Kennedy, ainsi que d'autres clients, dont Simon Dedalus.
Bloom écoute attentivement la musique tout en réfléchissant à sa femme
Molly et à ses sentiments de jalousie et de désir.
L'épisode est structuré
autour de la musique et du son. Il imite la structure d'une fugue musicale.
Les thèmes de la séduction et de la tentation sont centraux, avec des
références aux sirènes de l'Odyssée. Bloom, en observant les
chanteuses et les clients du bar, est confronté à ses propres désirs
et à ses insécurités concernant l'infidélité de Molly. La musique
sert de métaphore pour les émotions et les pensées de Bloom, créant
une atmosphère de tension et de désir non satisfait.
• Cyclopes.
- Cet épisode se déroule dans le pub de Barney Kiernan, où Bloom rencontre
le
Citoyen, un nationaliste irlandais agressif et xénophobe. Une dispute
éclate entre eux, centrée sur des questions de nationalité et d'identité.
Le Citoyen devient de plus en plus hostile, mais Bloom parvient Ă s'Ă©chapper
du bar avec l'aide d'un ami. L'épisode est caractérisé par un narrateur
anonyme et des parodies de styles littéraires, tels que des passages épiques
et bibliques. Les thèmes de la bigoterie, du nationalisme et de l'intolérance
sont parcourus Ă travers le personnage du Citoyen, qui incarne un chauvinisme
étroit et violent. Bloom, en contraste, est présenté comme un humaniste
et un cosmopolite, opposé aux préjugés et à l'exclusion. L'épisode
illustre les tensions sociales et politiques de l'Irlande, ainsi que les
défis personnels de Bloom.
• Nausicaa.
- L'épisode se déroule sur la plage de Sandymount, où Bloom observe
secrètement une jeune femme nommée Gerty MacDowell qui joue avec des
enfants. Gerty, consciente de l'attention de Bloom, se livre à des pensées
romantiques et érotiques, imaginant un avenir idéal. Bloom, de son côté,
est à la fois excité et honteux de son voyeurisme. Lorsque Gerty se lève
pour partir, révélant qu'elle est boiteuse, Bloom se sent coupable de
ses désirs. Après son départ, il réfléchit à ses propres désirs
sexuels et Ă sa relation avec Molly. Cet Ă©pisode qui tourne autour des
thèmes du désir et de l'érotisme, met un fort accent sur le regard masculin
et la sexualité féminine. Gerty est représentée à travers ses fantasmes
romantique, ce qui contraste avec les pensées plus prosaïques et sexuelles
de Bloom. Le style du début de l'épisode imite les magazines féminins
de l'Ă©poque, ce qui met en Ă©vidence les attentes culturelles et les aspirations
des jeunes femmes. Le contraste entre les fantasmes de Gerty et la réalité
(révélée par son handicap) illustre la tension entre idéalisation et
réalité. Bloom, quant à lui, est présenté comme un personnage complexe,
aux prises avec ses propres désirs et culpabilités.
• Boeufs du
soleil. - L'épisode se déroule à la maternité de Holles Street,
oĂą Mina Purefoy est en train d'accoucher. Bloom rejoint un groupe de jeunes
hommes, dont Stephen Dedalus, qui discutent de la naissance et de la maternité
dans un style de plus en plus archaïque. L'épisode imite le développement
de la langue anglaise, Ă©voluant du style anglo-saxon Ă un langage moderne
et vernaculaire. Bloom, moins ivre que les autres, reste plus sensé et
protecteur envers Stephen. L'Ă©pisode est un tour de force stylistique
qui retrace l'Ă©volution de la langue anglaise. Chaque section parodie
un style littéraire différent, mettant en lumière la richesse et la
diversité de la langue. Les thèmes de la fertilité, de la naissance
et de la maternité sont abordés à travers les discussions et les digressions
des personnages. Bloom est montré comme un protecteur et un guide, contrastant
avec les jeunes hommes qui se comportent de manière immature et irrévérencieuse.
Cet épisode souligne l'importance de la continuité et du renouvellement,
tant linguistique que biologique.
• Circé.
- Cet épisode, écrit sous forme de script de théâtre, se déroule dans
le quartier des bordels de Nighttown. Bloom suit Stephen, qui est ivre,
et se retrouve confronté à diverses hallucinations. Ces visions incluent
des personnages de son passé, des fantasmes sexuels, et des peurs profondes.
Stephen, quant à lui, a des visions de sa mère décédée. Après une
série d'événements chaotiques, Stephen se querelle avec deux soldats
britanniques et est frappé. Bloom le ramène alors chez lui. C'est l'épisode
le plus surréaliste et hallucinatoire du roman. Il sonde les profondeurs
de l'inconscient des personnages. Les hallucinations de Bloom révèlent
ses désirs refoulés, ses peurs et ses culpabilités, notamment en ce
qui concerne sa sexualité, son identité et sa relation avec Molly. Le
format théâtral permet une exploration libre et imaginative des pensées
et des émotions des personnages. Stephen et Bloom sont tous deux confrontés
à leurs propres fantômes, renforçant le thème de la quête intérieure
et de la confrontation avec soi-mĂŞme.
• Eumée.
- Bloom et Stephen se rendent dans un cabaret ouvert tard, oĂą ils discutent
avec un marin et d'autres clients. Bloom tente de persuader Stephen de
rentrer chez lui, mais Stephen reste méfiant. La conversation touche divers
sujets, dont l'identité nationale et la paternité. Finalement, Bloom
et Stephen quittent le cabaret et se dirigent vers la maison de Bloom.
L'épisode est marqué par une ambiance de fatigue et de désillusion après
les événements intenses de l'épisode précédent. Le style, plus direct
et moins flamboyant, reflète l'épuisement des personnages. Les thèmes
de la paternité et de la protection sont centraux, avec Bloom jouant le
rôle du guide et du protecteur pour Stephen. Les discussions sur l'identité
et l'appartenance soulignent les différences entre les deux personnages,
mais aussi leur potentiel pour une connexion plus profonde.
• Ithaque.
- Cet épisode, détaillant le retour de Bloom et Stephen à la maison
de Bloom Ă Eccles Street (qui Ă©tait aussi celle de Joyce Ă Dublin),
est écrit sous forme de questions et réponses. Bloom et Stephen boivent
du cacao et discutent des sciences, de la religion et de la famille. Stephen
refuse l'offre de Bloom de passer la nuit chez lui et part avant l'aube.
Bloom va se coucher avec Molly, réfléchissant à la journée écoulée
et à sa relation avec sa femme. L'épisode est structuré de manière
très formelle, imitant un catéchisme ou un manuel scientifique, ce qui
crée une distance émotionnelle tout en fournissant des détails minutieux
sur les actions et pensées des personnages. Les thèmes de la maison et
de la réconciliation sont abordés, avec Bloom retrouvant son foyer et
essayant de se connecter avec Stephen. Le départ de Stephen montre que
la réconciliation est incomplète, mais le retour de Bloom à Molly suggère
une possibilité de renouveau dans leur relation. Le format question-réponse
reflète la quête de compréhension et de connaissance.
• Pénélope.
- Le dernier épisode est un monologue intérieur de Molly Bloom, la femme
de Leopold, alors qu'elle est couchée dans leur lit. Molly réfléchit
à ses relations passées, à son amour pour Bloom, à ses propres pensées
sur la sexualité et la maternité. Le monologue est marqué par une absence
de ponctuation traditionnelle, donnant un flux de conscience libre et naturel.
Cet épisode offre une perspective féminine qui contraste avec le reste
du roman, révélant les pensées intimes et complexes de Molly. Les thèmes
de l'amour, de la fidélité, et de l'identité sexuelle sont centraux,
avec Molly oscillant entre des souvenirs de ses amants passés et son affection
pour Bloom. La structure sans ponctuation crée une impression de flux
continu de pensées et met en lumière la fluidité et la richesse de l'esprit
de Molly. Le monologue se termine par le célèbre Yes, symbolisant
l'affirmation de la vie et de l'amour malgré les défis et les imperfections.
« Oui »,
la fin du monologue de Molly Bloom
« le soleil brille
pour toi a-t-il dit le jour où nous étions allongés parmi les rhododendrons
sur Howth Head dans son costume de tweed gris et son chapeau de paille
le jour où je l'ai incité à me parler de mariage oui d'abord je lui
ai donné le morceau de gâteau de ma bouche et c'était une année bissextile
comme maintenant oui il y a 16 ans mon Dieu après ce long baiser j'ai
failli perdre le souffle oui il a dit que j'Ă©tais une fleur de la montagne
oui alors nous le sommes des fleurs tout le corps d'une femme oui c'Ă©tait
une chose vraie qu'il a dite dans sa vie et le soleil brille pour toi aujourd'hui
oui c'est pourquoi je l'aimais parce que j'ai vu qu'il comprenait ou sentait
ce qu'est une femme et je savais que je pourrais toujours le l'amener Ă
ce que je voudrais et je lui ai donné tout le plaisir que je pouvais le
guider jusqu'à ce qu'il me demande de dire oui et je ne répondrais pas
d'abord j'ai seulement regardé la mer et le ciel je pensais à tant de
choses qu'il ne savait pas sur Mulvey M. Stanhope et Hester et son père
et au vieux le capitaine Groves et aux marins qui jouent Ă pigeon-vole
[...] sur la jetée et la sentinelle devant la maison du gouverneur avec
la chose autour de son casque blanc pauvre diable à moitié rôti et les
filles espagnoles riant dans leur les châles et leurs grands peignes et
les criées du matin les Grecs et les Juifs et les Arabes et diable sait
qui d'autre des gens toutes les extrémités de l'Europe et Duke Street
et le marché aux volailles gloussent tous devant Larby Sharons et les
pauvres ânes qui glissent à moitié endormis et les vagues gars en manteau
endormis Ă l'ombre sur les marches et les grandes roues des chars Ă taureaux
et le vieux château millénaire oui et ces beaux Maures tout en blanc
et turbans comme des rois vous demandant de vous asseoir dans leur petit
magasin et Ronda avec les vieilles vitrines des posadas les yeux cachés
derrière un treillis pour que son amant puisse embrasser le fer et les
caves à moitié ouvertes la nuit et les castagnettes et la nuit où nous
avons raté le bateau à Algésiras le gardien qui passait serein avec
sa lampe et Ă” cet horrible torrent des profondeurs Ă” et la mer la mer
pourpre parfois comme le feu et les couchers de soleil glorieux et les
figuiers dans les jardins de l'Alameda oui et toutes les petites rues Ă©tranges
et les maisons roses et bleues et jaunes et les roseraies et les jasmin
et géraniums et cactus et Gibraltar quand j'étais une jeune fille et
j'Ă©tais une fleur de la montagne oui quand je mettais la rose dans mes
cheveux comme les filles andalouses ou dois-je porter une rouge oui et
comme il m'a embrassée sous le mur mauresque et j'ai pensé aussi bien
à lui qu'un autre et puis je lui ai demandé avec mes yeux de demander
à nouveau oui et puis il m'a demandé est-ce que je oui pour dire oui
ma fleur de montagne et d'abord j'ai mis mes bras autour de lui oui et
j'ai l'ai attiré vers moi pour qu'il puisse sentir mes seins tout parfumés
oui et son coeur battait comme un fou et oui j'ai dit oui je veux bien
Oui. » (James Joyce, Ulysse, 1922). |
Ulysses a
été à la fois célébré et controversé. Il a été censuré pour son
contenu explicite mais est maintenant largement reconnu comme un chef-d'oeuvre
littéraire. Les admirateurs de Joyce célèbrent chaque année,
le 16 juin, connu sous le nom de Bloomsday (la journée de Bloom), en hommage
Ă ce roman.
Finnegans
Wake (1939).
Finnegans Wake (La
Veillée de Finnegan) est le dernier roman de James Joyce et sans doute,
par son style linguistique innovant, volontiers obscur, sa structure onirique
et sa densité thématique, l'oeuvre la plus complexe et expérimentale
de Joyce, qui a travaillé sur ce roman pendant plus de 17 ans, et ne l'a
publié que deux ans avant sa mort. Avec cette oeuvre monumentale qui repousse
les limites de la narration et de l'expression littéraire, Joyce créé
une sorte d'épopée moderne.
Le langage de Finnegans
Wake est unique et difficile à déchiffrer. Joyce mélange plusieurs
langues, joue avec les sons et les significations des mots et utilise des
jeux de mots complexes et des néologismes. Le résultat est un texte qui
ressemble à un rêve ou à un flux de conscience collectif, rempli d'allitérations,
de rimes et de calembours.
Le titre du roman
fait référence à une ballade irlandaise du XIXe
siècle. Dans cette chanson, Tim Finnegan, un maçon, meurt en tombant
d'une échelle, mais lors de sa veillée funèbre, il se réveille lorsqu'un
peu de whisky renversé touche son corps. Cette résurrection humoristique
reflète le thème de la mort et de la renaissance, qui est central dans
le roman de Joyce. La wake, au sens de veillée funèbre,
un moment de deuil mais aussi de célébration, où les gens se rassemblent
pour veiller un défunt, peut symboliser le passage entre la vie et la
mort, et par extension, les cycles de fin et de commencement présents
dans le livre. Mais wake peut aussi signifier éveil, réveil,
ce qui suggère nom seulement le réveil du défunt, mais aussi un éveil
spirituel ou intellectuel. Le roman de Joyce en sondant les profondeurs
de l'inconscient, les rêves, et les pensées subconscientes, éveillerait
une réalité plus profonde. Enfin, wake peut également signifier
le sillage d'un bateau. L'auteur voudrait donc aussi nous parler
du passage à travers la vie et les traces laissées derrière soi. Ce
sens s'aligne avec le flux continu et le mouvement constant du récit,
similaire à une rivière ou à un courant océanique.
L'histoire racontée
par Finnegans Wake est celle de la famille Earwicker. Les personnages
principaux sont Humphrey Chimpden Earwicker (HCE), Anna Livia Plurabelle
(ALP), et leurs enfants Shem, Shaun et Issy. Ces personnages multi-facettes,
représentant divers aspects de l'humanité, sont des archétypes ou des
amalgames de plusieurs figures historiques et mythologiques.
• HCE
(Humphrey Chimpden Earwicker) est le protagoniste principal, un aubergiste
d'origine irlandaise qui vit à Dublin. Il symbolise le père universel,
l'humanité et la figure paternelle mythologique. HCE est impliqué dans
un scandale mystérieux au parc de Phoenix, où il est accusé de comportement
indécent. Cette accusation est un événement central du roman, reflétant
la chute et la rédemption d'un homme. HCE (ou Here comes everybody,
voici tout le monde) incarne aussi des figures historiques et mythologiques
comme le roi Roderick et Finn MacCool.
• ALP (Anna
Livia Plurabelle) est la femme d'HCE et représente l'éternel féminin,
la mère universelle et la rivière Liffey (la rivière qui passe à Dublin).
ALP est un symbole de la nature fluide et changeante de la vie. Son monologue,
célèbre pour sa poésie et son rythme évoque le flux continu du temps
et de l'histoire. Elle est aussi associée à des figures mythologiques
comme la déesse de la rivière et la Mère Terre.
• Shem et Shaun,
des jumeaux, sont les fils de HCE et ALP. Shem représente l'artiste, l'écrivain
et le créateur. Il incarne la créativité chaotique et rebelle. Il est
souvent critiqué par Shaun pour sa dépravation et son comportement scandaleux,
mais il symbolise aussi l'importance de l'expression artistique et de la
résistance aux conventions. Shaun est l'antithèse de Shem. Il est un
messager et représente l'ordre, la conformité et l'autorité. Il est
souvent vu comme le défenseur de la morale et des valeurs sociales. Sa
rivalité avec Shem est centrale au récit : elle illustre la dualité
et le conflit entre l'ordre et le chaos, la tradition et l'innovation.
• Issy est
la soeur des jumeaux, une jeune fille pleine de vie et de contradictions.
Elle symbolise la jeunesse, l'innocence et la sexualité émergente, la
beautĂ© et la complexitĂ© de la fĂ©minitĂ©. Issy est aussi associĂ©e Ă
des figures mythologiques telles que la déesse de la fertilité et la
muse. Son rĂ´le dans le roman est assez Ă©nigmatique, ajoutant Ă la texture
riche et multiforme de l'oeuvre.
Le livre est structuré
en quatre parties, chacune contenant plusieurs chapitres. Il commence et
se termine au milieu d'une phrase, créant un effet de boucle sans fin.
Cette structure reflète l'idée de l'éternel retour et du cycle de la
vie, de la mort et de la résurrection. À travers ce thème central, reflété
dans la structure circulaire du livre, Joyce examine comment l'histoire
est racontée et interprétée, et comment la mémoire humaine fonctionne.
Le roman teste les limites et les possibilités du langage pour exprimer
l'expérience humaine. Les personnages changent eux-mêmes constamment,
comme pour refléter la fluidité de l'identité humaine.
• La
première partie est composée de huit chapitres. Elle pose les bases
de l'ensemble du roman, met en place le cadre narratif et introduit les
thèmes principaux ainsi que les personnages centraux, avec des allusions
à des événements historiques et mythologiques.
+ Chapitre
1. - Le livre commence par une phrase incomplète qui reprend la fin
du roman, symbolisant la nature cyclique de l'histoire. On y Ă©voque Tim
Finnegan, le maçon de la chanson populaire, qui meurt après une chute
et ressuscite (Finnegan = Finn again, Finn Ă nouveau ou
mĂŞme fin et encore, comme dans un Ă©ternel recommencement). Cela
sert d'introduction au thème de la chute et de la résurrection, central
dans l'oeuvre. Joyce introduit Ă©galement Humphrey Chimpden Earwicker (HCE)
et on fait allusion à un scandale mystérieux impliquant HCE dans le parc
de Phoenix.
+ Chapitre 2.
- On explore la figure de HCE plus en détail. Le narrateur raconte comment
HCE est devenu une figure controversée dans la ville de Dublin à cause
du scandale. Divers témoignages et rumeurs circulent à son sujet, ce
qui montre la complexité de la vérité et la manière dont les récits
se construisent et se transforment.
+ Chapitre 3.
- Ce chapitre continue la découverte du personnage de HCE, en utilisant
un sty le de narration fragmenté et polyphonique. On découvre des aspects
mythologiques et historiques de HCE, le liant à des figures légendaires
comme Finn MacCool (le roi mythique irlandais, dont Finnegan est un Ă©cho).
Le chapitre met en avant l'idée que HCE est une figure universelle et
atemporelle.
+ Chapitre 4.
- Le récit se concentre sur Anna Livia Plurabelle (ALP), la femme de HCE.
On introduit la lettre Ă©crite par ALP, qui joue un rĂ´le crucial dans
la défense de son mari. Cette lettre est un élément récurrent du roman.
Elle symbolise la voix féminine et le flux de la narration.
+ Chapitre 5.
- Ce chapitre s'intéresse à la nature de la lettre d'ALP, en la présentant
comme un document sacré et mystérieux. La lettre devient un objet d'étude
et d'interprétation pour les personnages . Thème de l'interprétation
textuelle et de la multiplicité des significations.
+ Chapitre 6.
- Les enfants de HCE et ALP (Shem, Shaun et Issy) font leur apparition
. Le chapitre met en scène une sorte de jeu ou de tribunal où les enfants
examinent et commentent les actions de leurs parents. La dynamique familiale
et les tensions intergénérationnelles sont mises en lumière.
+ Chapitre 7.
- Ce chapitre est principalement consacré à Shem, l'artiste et l'écrivain.
Il est décrit de manière négative par Shaun, son frère, qui représente
l'ordre et la conformité. La rivalité entre Shem et Shaun traduit la
dualité et le conflit entre la créativité et l'autorité.
+ Chapitre 8.
- Le dernier chapitre de cette partie est un monologue d'Anna Livia Plurabelle,
célèbre pour sa musicalité et sa poésie. ALP est associée à la rivière
Liffey, et son monologue Ă©voque le flux incessant de la vie, de l'histoire
et du temps.
Dans cette première
partie de Finnegans Wake, Joyce installe les thèmes principaux
du roman : la circularité du temps, la fluidité de l'identité, et la
multiplicité des interprétations. L'écrivain utilise un langage riche
en jeux de mots, allusions et néologismes, ce qui rend la lecture difficile
mais profondément stimulante. Le récit de Tim Finnegan sert de métaphore
pour la chute d'HCE et sa possible rédemption. La dynamique entre HCE,
ALP, Shem, Shaun et Issy exprime les tensions familiales et les rĂ´les
archétypaux. La lettre d'ALP et les multiples récits autour de HCE illustrent
la nature polysémique du texte et la difficulté d'atteindre une vérité
unique. ALP, associée à la rivière Liffey, symbolise le flux continu
du temps et de la narration. Joyce utilise un style fragmenté et polyphonique,
mêlant différentes voix, langues et registres. Cette structure reflète
la complexité et l'interconnectivité de la conscience humaine et de l'expérience.
• La deuxième
partie est composée de quatre chapitres (chapitres 9 à 12). Elle
développe davantage les personnages et les thèmes introduits dans la
première partie, en se concentrant particulièrement sur les enfants de
HCE et ALP : Shem, Shaun, et Issy.
+ Chapitre
9. - Le chapitre commence avec une description de la maison des Earwicker,
qui est comparée à un château médiéval. Joyce y décrit la dynamique
familiale, en mettant en scène HCE en tant que figure autoritaire et ALP
en tant que gardienne de la maison. Les enfants, Shem, Shaun, et Issy,
sont introduits dans des scènes qui illustrent leurs personnalités distinctes.
+ Chapitre 10.
- Ce chapitre est structuré autour d'une série de lettres échangées
entre les personnages. Les lettres révèlent les conflits internes de
la famille et les aspirations individuelles de chacun. Shem est présenté
comme un écrivain subversif, tandis que Shaun est montré comme un conformiste
et un défenseur de l'ordre établi. Issy, quant à elle, est dépeinte
comme une jeune fille pleine de vie et de contradictions.
+ Chapitre 11.
- Le chapitre se concentre sur un jeu de mots élaboré et des jeux de
langage. Il illustre la rivalité entre Shem et Shaun. Shem est comparé
à des figures artistiques et littéraires, soulignant son rôle de créateur
et de rebelle. Shaun, en revanche, est associé à des figures d'autorité
et de tradition, ce qui accentue le contraste entre les deux frères.
+ Chapitre 12.
- Ce dernier chapitre de la deuxième partie se termine par une scène
de rêve où les rôles des personnages sont mélangés et réinventés.
La narration devient de plus en plus fragmentée, comme une affirmation
de la nature onirique du roman. Les thèmes de la chute, de la rédemption
et de la résurrection sont réitérés, avec des références à des mythes
et des légendes.
Cette deuxième partie
approfondit la dynamique familiale des Earwicker, en mettant l'accent sur
les tensions entre les parents et les enfants. La maison familiale est
un microcosme du monde extérieur, où les conflits personnels reflètent
des luttes universelles. La rivalité entre Shem et Shaun incarne le conflit
entre la créativité et l'ordre. Shem, en tant qu'artiste, représente
la destruction des normes établies pour créer quelque chose de nouveau,
tandis que Shaun symbolise la préservation de l'ordre et de la tradition.
Les jeux de mots et les jeux de langage dans cette partie illustrent la
complexité et la multiplicité des significations. Chaque mot, chaque
phrase peut être interprété de différentes manières, ce qui reflète
la nature polysémique du texte. La structure onirique du chapitre 12 souligne
la fluidité entre le rêve et la réalité. Les personnages se transforment
et leurs rôles se mélangent, illustrant la nature malléable de l'identité
et de l'expérience humaine. Cette partie continue d'utiliser un style
fragmenté et polyphonique. Joyce mélange différentes voix, registres
et langues pour créer un texte riche et complexe. Les lettres échangées
dans le chapitre 10 offrent un aperçu plus intime des pensées et des
motivations des personnages, tandis que les scènes oniriques du chapitre
12 mettent en Ă©vidence la nature fluide et changeante de la narration.
• La troisième
partie, composée des chapitres 13 à 16, se concentre principalement
sur les fils jumeaux Shem et Shaun, ainsi que sur la figure de HCE dans
diverses incarnations. Cette section approfondit les thèmes de la rivalité
fraternelle, de la quĂŞte identitaire et des cycles de la vie et de l'histoire.
+ Chapitre
13. - Le chapitre s'ouvre avec Shaun, désormais un facteur, qui continue
son voyage en livrant des lettres. Il rencontre diverses personnes et répond
à leurs questions, tout en lançant des critiques acerbes à l'encontre
de son frère Shem. Une fois de plus, Shaun est présenté comme un personnage
moraliste, conformiste et dévoué à l'ordre.
+ Chapitre 14.
- Ce chapitre est centré sur une longue discussion entre Shaun et un groupe
de filles, les Muses. Shaun se pose en modèle de vertu et critique sévèrement
Shem, le dépeignant comme un dépravé. Cette section met accentue le
contraste entre les deux frères, Shaun incarnant l'ordre et la tradition,
et Shem, la subversion et la créativité.
+ Chapitre 15.
- Shaun, maintenant connu sous le nom de Jaun, continue son voyage. Ce
chapitre est une sorte de sermon ou de leçon de morale, où Jaun donne
des conseils aux jeunes générations. Le ton est didactique, et la narration
se fait plus fluide, avec des passages rêveurs et allégoriques. On y
voit aussi des transformations et des métamorphoses, soulignant la fluidité
de l'identité.
+ Chapitre 16.
- Le dernier chapitre de cette partie est une sorte de dialogue onirique
entre HCE et ses propres incarnations, où il est représenté comme un
géant endormi. Les thèmes de la culpabilité, de la rédemption et de
l'éternel retour sont omniprésents. La structure narrative devient encore
plus fragmentée et complexe, reflétant l'état onirique et cyclique de
l'univers du roman.
La tension entre Shem
et Shaun est au coeur de cette partie. Cette rivalité représente également
des conflits plus larges dans la société et l'humanité. Shaun se présente
comme un modèle de moralité, critiquant le comportement de Shem. Ses
sermons et ses leçons mettent en avant les thèmes de la vertu, de la
culpabilité et de la rédemption. Cela soulève des questions sur la nature
de la moralité et de l'hypocrisie. Les personnages subissent des transformations
et des métamorphoses, illustrant la nature fluide et changeante de l'identité.
Cela est particulièrement évident dans les représentations de HCE et
de Shaun/Jaun, qui prennent différentes formes et rôles. La frontière
entre le rêve et la réalité est floue, avec des éléments oniriques
qui imprègnent la narration. Les dialogues et les scènes semblent souvent
surréalistes. Il reflètent la nature cyclique et éternelle de l'histoire.
Cettetroisième partie de Finnegans Wake continue d'utiliser un
style fragmenté et polyphonique, caractéristique du roman. Joyce joue
avec les mots, les sons et les rythmes pour créer une expérience de lecture
unique. La structure narrative est non linéaire et complexe, avec des
passages qui se fondent les uns dans les autres, reflétant l'état onirique
du texte.
• La quatrième
partie, composée d'un seul chapitre, conclut le cycle, avec une réaffirmation
du thème du renouveau et de la continuité. Elle commence avec le déversement
(fall) dans l'océan de la rivière Liffey, personnifiée par Anna
Livia Plurabelle. Ce mouvement symbolise un retour Ă l'origine et un cycle
de renouvellement. Le texte décrit une série d'événements cosmologiques
et mythiques qui soulignent le caractère cyclique de l'histoire et de
l'existence humaine. Shaun, maintenant appelé Yawn, prend la parole dans
un long monologue rêveur où il discute de la résurrection et du retour
éternel. Le langage se fait de plus en plus abstrait et allusif, représentant
un flux de conscience onirique. À la fin, la voix d'Anna Livia se confond
avec les dernières lignes du livre, qui rejoignent les premières, créant
ainsi une boucle sans fin. Le début et la fin du roman se rejoignent,
illustrant ainsi l'idée de l'éternel retour, thème central dans l'oeuvre
de Joyce. La métaphore de la rivière est omniprésente. Elle symbolise
la fluidité de l'identité, du temps et de l'histoire. La mort et la résurrection
sont omniprésents. L'arrivée de la rivière dans l'océan symbolise la
fin d'un cycle et le début d'un nouveau, une renaissance perpétuelle.
Cela peut être vu comme une allégorie de la résurrection de l'âme et
de la continuité de la vie au-delà de la mort. La transformation continue
des personnages et des événements suggère que rien n'est fixe et que
tout est en perpétuelle mutation. Le langage dans cette partie devient
extrêmement complexe, avec des jeux de mots, des allusions et des néologismes.
Joyce utilise cette complexité pour imiter le flux de conscience et pour
représenter les pensées et les rêves de ses personnages de manière
plus authentique.
Ă€ sa publication, Finnegans
Wake a Ă©tĂ© accueilli par des rĂ©actions allant de l'admiration Ă
l'incompréhension. Son langage opaque et ses références culturelles
et historiques complexes ont défié les lecteurs et les critiques. Cependant,
il est maintenant reconnu comme une oeuvre maîtresse de la littérature
moderniste. Même si sa complexité et sa richesse en font toujours et
un défi perpétuel pour les lecteurs.
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Première
page de Finnegans Wake.
Il existe une traduction
en
français de l'ouvrage, due à Philippe Lavergne.
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