| On range sous le titre de genre fantastique toutes les compositions littéraires qui relèvent exclusivement de l'imagination (en grec Phantasia). L'imagination est une faculté vagabonde et aveugle, qui, livrée à elle-même, ne recherche ni le beau, ni l'utile, ni le vrai; mais seulement ce qui l'émeut et l'amuse; elle explore aussi les territoires inconnus que lui livre sa propre puissance, et souvent permet de retourner au réel avec un regard qui a gagné en acuité. Les images des réalités absentes ou passées subissent, dans l'imagination, des modifications que les réalités ne sauraient éprouver dans le monde; elles y forment comme des spectacles où les limites du possible sont reculées, où le merveilleux et le surnaturel tiennent une grande place, et qui produisent sinon une émotion bien profonde, du moins quelque trouble, de l'étonnement, et quelquefois la peur. Le genre fantastique, fondé sur ce travail de l'imagination, est aussi naturel, aussi universel que les autres genres de composition inventés par l'esprit humain : mais on a longtemps considéré que l'imagination devait rester subordonnée au sentiment et à la raison, aussi a-t-on jusqu'à une époque récente (et parfois encore) relégué le genre fantastique ou les oeuvres où l'imagination est seule en jeu, comme subalterne. Le fantastique se montre dans les vieilles traditions des peuples, les cosmogonies (La Théogonie d'Hésiode, la Genèse, par exemple), les mythologies, peuvent être considérées de diverses manières, mais du point de vue de la littérature, elles relèvent bien du genre fantastique, avec mille formes capricieuses et hardies. Le fantastique revêt, dans les légendes du Moyen âge, une naïveté charmante, parce que le narrateur et ceux qui l'écoutent donnent leur foi entière aux merveilles du récit. Les contes de fées, les vies des saints, sont un reflet de ces poétiques inventions. En Allemagne, Hoffmann a trouvé le secret de faire du fantastique aussi puissant et aussi beau que celui des légendes. Son organisation nerveuse et souffrante, son caractère bizarre, et jusqu'à à ses habitudes d'ivresse, se combinant avec les souvenirs dont il avait été bercé au milieu d'un pays fécond en rêveries et en songes, firent de lui un être à part, le seul capable, d'écrire ces Contes fantastiques qui ressemblent aux rêvés d'un homme éveillé. Hoffmann évoque peu ces apparitions qui faisaient le fonds des anciennes légendes; mais, dans l'incohérence de ses tableaux, dans son rire sinistre, dans l'excessive singularité de ses personnages, on reconnaît un état étrange de l'âme, une espèce d'extase au milieu de la veille. En écrivant ses récits, il devait sentir l'impression que font les songes dans lesquels on se sent le plus vivre. Quand les contes d'Hoffmann furent connus en France, le fantastique eut un moment de grande faveur; les productions en ce genre se multiplièrent. Mais, si l'on en excepte quelques morceaux de Charles Nodier, cette littérature n'a produit que des débauches d'esprit faites à froid, des inventions puériles, des détails extravagants, la bizarrerie sans nouveauté, la folie sans gaieté, l'absurdité sans intérêt. Outre le fantastique naïf, employé de bonne foi comme ressort et effet dramatique, il y a un fantastique profond, employé philosophiquement, comme expression métaphysique et même religieuse. Tel est le caractère qu'il présente dans le Faust de Goethe et dans le Manfred de Byron. (P.). | |