| Une allitération est le retour fréquent d'une même lettre ou d'une même syllabe dans plusieurs mots de suite. Ce mauvais vers de Voltaire, dans sa comédie de Nanine, en offre un exemple : Non, Il n'est rien que Nanine n'honore. On a reproché à Euripide un assez grand nombre de vers rendus trop sifflants par le retour abusif du sigma. Chez les poètes, l'allitération produit parfois les plus heureux effets, comme dans le vers suivant de Virgile, qui exprime la mélancolie d'Orphée affligé de la perte d'Eurydice : Te, veniente die, te, decedente, canebat. "C'est toi qu'il chantait à la venue du jour, toi encore au déclin du jour. " Dans ceux-ci du même poète : Omnia sub magnâ labentia flumina terrâ... Ergo aegrè rastris terram rimantur... Luctantes ventos tempestatesque sonoras...; Dans ce vers que Racine met dans la bouche d'Oreste égaré par la fureur (Andromaque, V, 5) : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes? Dans cet autre du même auteur (Phèdre, V, 6) : Sa croupe se recourbe en replis tortueux; Dans celui-ci de La Fontaine (Les Deux Mulets, I, 4) : Il faisait sonner sa sonnette; Enfn dans ceux où le même poète nous peint le Thésauriseur qui passait les nuits et les jours à compter, calculer, supputer sans relâche (du Thésauriseur et du Singe, XIII, 3) : Calculant, supputant, comptant, comme à la tâche. L'allitération est portée jusqu'à l'exagération dans ce vers d'Ennius : O Tite! tute, tati, tibi tanta, tyranne, tulisti. Il y a allitération dans ce vers de Cicéron, satirisé par Juvénal : O fortunatam natam, me consule, Romam! Les poètes de la basse latinité ont fait un fréquent usage de l'allitération; on en trouve de nombreux exemples dans une pièce de vers adressée à Childebert II, roi d'Austrasie, par Fortunat, évêque de Poitiers. En prose, nous citerons comme exemples d'allitération expressive les fameux mots de César : Veni, vidi, vici, « je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu "; et ceux-ci du commencement de la 2e Catilinaire de Cicéron : abiit, excessit, evasit, crupit. L'allitération est assez usitée dans les proverbes : "Qui dort dîne; - Qui terre a, guerre a; - Qui refuse, muse; - Traduttore traditore. " Dans certaines littératures du Nord nord (Écossaise, Scandinave), l'allitération a été longtemps la base du rythme poétique; elle tint lieu en quelque sorte de la mesure des anciens et de la rime des modernes. On en trouve quelques rares vestiges dans Shakespeare; les exemples en sont plus nombreux dans Chaucer, et les érudits anglais citent comme très remarquable une pièce de W. Langland (XIVe siècle), intitulée la Vision de Pierre Plowman, où le système de l'allitération paraît dans toute sa pureté. Certains auteurs ont fait de l'allitération un jeu; ainsi, dans un poème composé en l'honneur de Charles le Chauve, tous les mots commençaient par la lettre C; dans un autre, où l'on chantait la Guerre des pourceaux, tous les mots commençaient par un P Plaudite, Porcelli; porcorum pigra propago Progreditur, etc. Pénible. (P.). | |