| Evangile et Epîtres de Jean. - Le Nouveau Testament et la tradition ecclésiastique attribuent à l'apôtre Jean la composition de cinq des livres qui figurent au canon des Ecritures, à savoir l'Apocalypse, le quatrième évangile et trois épîtres. On a donné toutes les indications nécessaires à l'intelligence du premier de ces ouvrages dans un article spécial (V. Apocalypse) et l'on a établi que l'Apocalypse canonique ne pouvait élue attribuée à Jean, fils de Zébédée, ni dans son inspiration première, ni dans sa forme primitive. En ce qui touche l'Evangile, nous avons fait voir également (V. Evangiles) que l'écrit attribué à saint Jean est un remaniement des trois premiers évangiles, inspiré par une pensée systématique absolument étrangère aux manières de voir et de sentir du premier cercle des apôtres. Ce mysticisme subtil qui enlève à la figure de Jésus tous les traits d'une personnalité vivante et le réduit à l'état d'une abstraction impersonnelle, n'a pu prendre corps qu'à un moment où l'Eglise sacrifiait les souvenirs réels et matériels de son fondateur aux illusions d'une savante métaphysique. Cette métaphysique théologique plonge elle-même ses racines dans le philonisme et, d'une manière plus générale, dans les spéculations judéo-alexandrines. Attribuer une oeuvre d'analyse raffinée à l'un des compagnons immédiats de Jésus, c'est commettre un non-sens historique et littéraire, c'est faire violence à la psychologie. Cependant quelques écrivains distingués ont entrepris de soutenir que, si la doctrine du quatrième évangile est visiblement étrangère à la sphère où se mouvait la pensée des premiers chrétiens, l'auteur avait en sa possession des souvenirs d'un prix inestimable sur le cadre de la vie de Jésus, ce que Sabatier ne craint pas d'appeler « une tradition positive et originale sur la vie de Jésus ». On arrive ainsi à une formule faite pour ménager certaines susceptibilités, mais qui ne donne pas satisfaction aux exigences d'une démonstration rigoureuse : « Le quatrième évangile peut et doit être ramené à l'apôtre Jean, mais d'une façon médiate et indirecte. Il représente la forme qu'avait revêtue l'histoire évangélique en Asie Mineure dans les cercles où s'était exercé son long ministère. C'est une solution moyenne résultant du double caractère de cet écrit, où il-est aussi difficile de méconnaître la préoccupation du théologien et du commentateur que la tradition positive et précieuse d'un témoin de Jésus. » Ces efforts désespérés pour sauvegarder en quelque mesure l'historicité de l'évangile johannique, après qu'on a sacrifié son contenu dogmatique, ne nous semblent pas devoir rencontrer beaucoup d'écho en dehors des cercles où des considérations officielles rendent nécessaires d'écarter les résultats purement négatifs d'une critique fondée sur des principes rationnels. - Le miracle de la piscine de Bethesda. Illustration d'un manuscrit syrique de l'Evangile de Saint Jean. Nous nous bornerons à rappeler quelle déformation le quatrième évangile fait subir aux miracles rapportés dans les synoptiques, déformation qui s'explique toujours par des motifs systématiques, des faits tels que la purification du Temple rapportée aux débuts de la carrière de Jésus, la lourde et pénible invention qui se montre dans le miracle des noces de Cana et de la résurrection de Lazare, deux prodiges qui sont la laborieuse mise en oeuvre de propositions purement dogmatiques. Renan s'était placé à un autre point de vue quand il retenait quelques-unes des indications du quatrième évangile; il se préoccupait de ne pas trop dégarnir ses sources et sacrifiait les exigences de la critique au souci de la composition littéraire. L'évangile attribué à l'apôtre saint Jean n'a rien de commun avec ce personnage. Nous en devons dire autant des épîtres, qui appartiennent au même cercle d'idées que le quatrième évangile. La première et la plus importante rappelle la théologie de l'Evangile dont elle est l'application pratique. Sabatier l'a caractérisée avec exactitude en disant que « nul écrit du Nouveau Testament ne se prête moins à l'analyse que celui-là. On peut même se demander si nous sommes en présence d'une lettre s'adressant à des lecteurs particuliers avec un but spécial. On dirait plutôt une homélie familière, pleine sans doute d'une idée dominante, mais où les pensées de détail se succèdent sans ordre logique, appelées par les incidents du discours, par le dernier mot qui vient d'être écrit. Aussi renoncerons-nous à les distribuer dans un cadre quelconque. Il suffira de noter l'idée inspiratrice et le sentiment particulier qui résonnent sous toutes les lignes et en font l'unité, pour ne pas dire le monotonie. Cette idée, exprimée dans le premier verset, c'est la réalité et l'incarnation de la parole de vie dans la personne du Christ, qui se communique et se propage par la foi dans tous les croyants. D'un autre côté, toute la richesse de cette communion et de cette foi vivante se manifeste dans l'amour, le commandement nouveau qui résume et accomplit tous les autres. C'est cette prédication répétée qui a valu à son auteur le surnom d'apôtre de l'amour. - A quels lecteurs l'épître est-elle adressée? Ils restent aussi mystérieux que l'auteur lui-même. - Aucune circonstance historique ou géographique ne permet de les deviner. » La seconde et la troisième épitre placées sous le nom de Jean sont fort courtes; elles se donnent comme l'oeuvre d'un « presbytre » ou « ancien » et ont des destinataires particuliers, un certain Caïus et une femme, ou plutôt une communauté spéciale. L'Evangile et les épîtres constituent les documents de la théologie« johannique », titre purement conventionnel qui désigne des vues en faveur à la fin du Ier siècle et au commencement du second de notre ère. (M. Vernes). - Début de l'Evangile de Jean. Manuscrit en copte et en arabe daté de 1173. | |