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L'église Notre-Dame de Chartres est un des plus beaux types de l'architecture gothique en France. Due à l'initiative de Fulbert, qui mourut en 1029, elle fut commencée en l'an 1120 : les habitants de la ville y travaillèrent avec enthousiasme, et furent secondés par les libéralités des rois de France, d'Angleterre et du Danemark, et d'un grand nombre de seigneurs. Mais, au Moyen âge, on commençait les cathédrales sur un vaste plan, et, pour les achever, il fallait les labeurs de plusieurs générations. Les caractères architectoniques de la cathédrale de Chartres ne permettent pas d'accepter l'opinion de ceux qui rapportent au temps de Fulbert la plus grande partie des constructions : la crypte seule appartient au XIe siècle, la plus grande partie de l'église a été contruite entre 1194 à 1260, après qu'un incendie l'ait consumée presque entièrement. La cathédrale de Chartres sur une gravure du XVIIe s. (BNF). Ses dimensions sont les suivantes : longueur dans oeuvre, 130,86 m; largeur dans oeuvre, 45,95 m, superficie générale, 5200 m²; longueur du transept, 63,30 m; hauteur de la nef, 36,55 m; largeur de la nef, 16,40 m. Le gros oeuvre est construit sur un plan gigantesque en pierre de Berchères (carrières à 8 km de la ville), calcaire dur, grossier d'aspect, mais d'une solidité à toute épreuve; les blocs employés sont d'une grandeur extraordinaire. Autrefois la cathédrale de Chartres était recouverte d'une magnifique charpente appelée la Forêt, qu'un incendie dévora en 1836, et qu'on a remplacée par une charpente de fer. Quand on contemple du dehors cette cathédrale, l'esprit est frappé par la sévérité des lignes, la grandeur des proportions et la majesté de l'ensemble. La façade principale n'offre que de grands massifs, interrompus par des arcades à plein cintre et par quelques arcades ogivales. Cette façade, de 30 m de large, renferme trois portes à voussures richement sculptées et décorées de 719 statues ou statuettes représentant dans l'ensemble la vie de Jésus. Les trois portes sont précédées d'un perron de 5 marches : la plupart des statues qui les ornent sont de style roman; les figures en sont aplaties, les bras courts, le corps démesurément allongé, et les draperies grossières. Au-dessus de chaque porte s'ouvre une fenêtre ogivale à vitraux peints : la fenêtre du milieu, plus élevée que les autres, est surmontée d'une splendide rose (11,50 m de diamètre), d'une fine galerie du XIIIe siècle, qui porte dans des niches 15 grandes statues des rois, et d'un pignon dont le galbe présente une image de la Vierge, et le sommet une colossale statue du Christ bénissant.- En 1145 furent posées les fondations des deux clochers octogonaux qui s'élèvent au-dessus de la façade, et constituent d'étonnantes flèches en pierre, du haut desquelles la vue sur les plaines de Beauce est magnifique : l'un à droite, dit le clocher vieux (106,50 m) est simple, peu ornementé, mais de belles proportions, et sa construction fut achevée en 1145 (il fut couronnée, en 1081, d'une croix entée dans un globe de cuivre doré); l'autre à gauche, dit le clocher neuf (115,17 m), qui renferme la cloche du tocsin, n'a été achevé aux étages supérieurs que par l'architecte Jean Texier, dit Jean de Beauce, de 1506-1507 à 1514, pour remplacer un clocher de bois incendié par le tonnerre en 1506. La pointe de ce clocher, ébranlée par le vent en 1691, fut rétablie, l'année suivante, par Claude Augé, sculpteur lyonnais. Ce clocher est accompagné d'un petit édicule du XVIe siècle où a été placée l'horloge. La large nef a huit travées; le transept en a deux, le choeur quatre; il y a double collatéral présentant exactement la même disposition. Les piliers sont octogonaux à colonnes engagées; une galerie audessus des arcades règne tout autour de l'édifice, à l'intérieur; le collatéral du midi est défiguré par l'adjonction d'une nouvelle chapelle (de Vendôme) édifiée en 1412; autour du choeur, les piliers des collatéraux sont polygonaux ou cylindriques. A l'abside, on voit sept chapelles circulaires rayonnantes, et l'extérieur est également ornementé à profusion. Le portail nord de la cathédrale de Chartres. Les deux portails à trois baies de chaque transept, oeuvres d'art de toute beauté. Le beau style des grandes statues, l'expression étonnante des statuettes, la variété et la vie des bas-reliefs, le fini des moulures, tout concourt à faire de ces portails un magnifique modèle de sculpture monumentale; on aperçoit encore quelques vestiges de couleur sur les statues, qui étaient peintes et dorées. Sur le côté méridional de l'édifice, tout près de la façade principale, on remarque deux de ces inventions grotesques qui étaient si communes au Moyen âge : c'est une truie qui file, et un âne de grandeur naturelle, adossé au mur, et tenant entre ses pattes une sorte de harpe; on le nomme l'Asne qui vielle. On ne compte pas moins de 1814 statues historiques à l'extérieur du monument entier, sans compter les innombrables mascarons, corbeaux et gargouilles.
Ces portails sont précédés d'un grand porche et tapissés de sculptures délicates et luxueuses du XIIIe siècle; surmontés d'une balustrade, d'un pignon aigu, et d'une grande rose placée entre deux galeries, ils supportent deux tours d'angle, restées inachevées, qui dans l'état actuel ne dépassent pas la hauteur du pignon. Toute la structure latérale de l'édifice, d'un ensemble si parfait et d'un développement si étendu, se fait remarquer par la hardiesse des contreforts et des arcs-boutants, au nombre de trente. La cathédrale de Chartres vue depuis la ville basse. Vue à l'intérieur, la cathédrale de Chartres inspire le recueillement. Les verrières ne laissent pénétrer dans l'édifice qu'un jour mystérieux (corrélativement, on peut aussi regretter la trop grande obscurité dans cette église) : les peintres verriers postérieurs au XIIIe siècle ont eu plus de correction dans le dessin, une connaissance plus profonde de la perspective, une distribution plus savante de la lumière et des ombres; mais on ne trouve nulle part un meilleur coloris. Les vitraux de Chartres embrassent 1350 sujets empruntés à l'Ancien Testament et au Nouveau Testament, à la vie des saints, des martyrs, des pontifes, des évêques et des prêtres, ou représentant les emblèmes des corporations de métiers qui contribuèrent à la construction ou aux embellissements de l'église. Vitraux de la cathédrale de Chartres. Les trois roses sont aussi belles de structure que de couleurs : celle du grand portail conserve la noble simplicité des formes rayonnantes primitives, tandis que les deux autres sont composées de meneaux savamment découpés. Tout l'édifice, en forme de croix latine et à trois nefs, est soutenu par 52 piliers isolés, et par 36 massifs liés aux murs latéraux. Les piliers, cantonnés de quatre colonnes demi-engagées, sont surmontés de chapiteaux à feuillages élégants. Au-dessus des arcades ogivales de la grande nef règnent d'admirables galeries. Les fenêtres, larges et hautes, sont divisées en compartiments par des meneaux d'une étonnante légèreté : on n'en compte pas moins de 146 dans la nef. Les nefs collatérales n'ont pas de chapelles : une seule a été construite, du côté droit, par Louis, comte de Vendôme, en 1413, pour accomplir un voeu fait à la Vierge. Par suite des remaniements successifs du plan de l'édifice, ces nefs n'ont pas d'issue et s'arrêtent en impasse, tandis que la nef centrale s'ouvre sur les trois portes de la façade. Un des bas-reliefs de la clôture du choeur, sculpté par Simon Mazières. Le choeur, vaste et bien ordonné, a été défiguré par des ornements de style moderne, tels que le maître autel imité de celui de Notre-Dame de Paris, un groupe de l'Assomption qui le surmonte et huit bas-reliefs en marbre au-dessus des stalles exécutés par Bridan. Mais il est environné d'une riche clôture sculptée, offrant extérieurement 40 groupes de statuettes de pierre, qui représentent dans des scènes presque de grandeur naturelle, la vie de la Vierge et de Jésus, et que séparent des pilastres chargés d'ornements délicats. Ces hauts et bas-reliefs, commencés de 1514 à 1539 par Jean de Beauce, continués par Jean Saules, François Marchant, Mathurin Delorme, Nicolas Guybert, Simon Mazières et Thomas Boudin, n'ont été terminés qu'en 1706. C'est une oeuvre moins belle peut-être que les clôtures d'Amiens et d'Albi, mais assurément très remarquable. Le trésor, jadis si riche, n'a plus grand intérêt; on y montre seulement une relique appelée le voile (ou la "chemise") de la Vierge, en soie blanche d'Orient, relevée d'ornements byzantins, et que l'on suppose être un voile de l'impératrice Irène.
A l'entrée du collatéral gauche du choeur, se trouve placée la fameuse statue dite de la Vierge noire, ou plus exactement du Pilier, en grande vénération : c'est une statue du commencement du XVIe siècle en bois peint et doré; au milieu de la nef, un labyrinthe orne le pavage; à la chapelle Saint-Lubin est l'entrée d'un caveau, ancien martyrium. La crypte, très vaste, compte au nombre des monuments les plus curieux de ce genre; on y accède par cinq escaliers différents, et se divise en deux nefs couvertes de voûtes en arêtes. On y remarque les restes de l'ancien jubé, d'anciennes peintures murales, des fonts baptismaux du XIIe siècle, un bas-relief gallo-romain, et des tombeaux vides de la même époque. La chapelle de Notre-Dame-sous-Terre occuperait, d'après les légendes locales, l'emplacement de la grotte où se réunissaient les druides; à côté, la chapelle des Saints-Forts renferme un magnifique triptyque émaillé du XIIIe siècle, transformé en reliquaire, et des colliers de coquillages marins offerts par les Hurons, au XVIIe siècle, à Notre-Dame de Chartres. La sacristie est une élégante construction de la fin du XIIIe siècle. Au mois de juin 1836, un violent incendie dévora en cinq heures la colossale et superbe charpente de la cathédrale; les beffrois furent consumés et les cloches fondues. Pour éviter le retour d'un pareil désastre, on a reconstruit la charpente en fer et en fonte, et le toit, dont le plomb fondu s'était répandu dans la ville épouvantée en immenses cataractes, est aujourd'hui recouvert en cuivre. (H. Stein / B.).
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