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jusqu'en 1900 |
Les données positives sur l'histoire du territoire qui correspond aujourd'hui au département des Pyrénées-Orientales ne remontent pas au delà du IVe siècle avant notre ère. Avant cette époque, cette partie du littoral méditerranéen était occupée par des populationss ibéro-celtiques, auxquelles vinrent se mêler de vive force les Volques ou Volces, peuple celtique. D'après les récits des auteurs latins, les Volques auraient occupé le haut de la plaine et les vallées, tandis que le littoral, de Leucate au cap Cerbère, aurait été occupé par une autre tribu celtique dont les membres étaient désignés sous le nom de Sardons ou Sordons (en latin Sardones, Sordones ). Les populations avaient dans la plaine des places importantes, deux entre autres correspondant aux emplacements actuels de Château-Roussillon et d'Elne. En 218 av. J.-C., Hannibal, qui se rendait d'Espagne en Italie avec une nombreuse armée, franchit les Albères et passa à Illiberis (Elne) et à Ruscino (Château-Roussillon), d'accord avec les populations, qui firent respecter leurs villes. Au moment de l'invasion des Barbares, cette contrée fut occupée successivement par les Vandales, les Suèves et les Alains. En 473, ceux-ci furent à leur tour chassés par les Wisigoths, qui restèrent dans le pays jusqu'en 713. Leur capitale était Tolède, en Espagne. En 675, un de leurs rois, Vamba, venu à Elne pour punir un de ses lieutenants qui s'était révolté, rendit plusieurs ordonnances pour réglementer l'administration, réformer la discipline ecclésiastique, et fixer les limites du diocèse d'Elne, siège d'un évêché très important. En 718, les Sarrasins, déjà maîtres de l'Espagne, refoulèrent les Wisigoths et s'emparèrent du Roussillon. Narbonne devint entre leurs mains une forteresse considérable. Bien que battus par Charles-Martel à Poitiers, en 732, les Sarrasins continuèrent à conserver Narbonne. Ce fut seulement en 759 que Pépin-le-Bref parvint à s'emparer de cette forteresse et à chasser définitivement les Sarrasins du versant septentrional des Pyrénées. En 778, Charlemagne, dans le but de protéger le Roussillon contre de nouveaux envahisseurs, créa un comté de Roussillon et un comté de Cerdagne. A la mort de l'empereur, les comtes de Roussillon, qui étaient en même temps comtes de Barcelone, profitèrent de la faiblesse de son successeur pour se déclarer indépendants. Sous la domination de ses comtes, le Roussillon fut, pendant plus de trois siècles, en proie aux horreurs de la guerre étrangère et de la guerre civile. Aux attaques des Maures, aux incursions des Vikings s'ajoutèrent des luttes incessantes entre une multitude de petits seigneurs rivaux, et les populations des campagnes, victimes de tous ces chocs répétés, souffrirent la plus affreuse misère. En 1041, le Roussillon, suivant le mouvement d'opinion commencé depuis une dizaine d'années en France contre les crimes et les brigandages des seigneurs, prit part à la Trêve de Dieu. Un concile tenu à Toulouges, près de Perpignan, décida que du mercredi soir au lundi matin on devrait s'abstenir de toute querelle à main armée, sous peine de bannissement, d'excommunication et d'amende; il défendit en outre que l'on s'emparât des bestiaux au-dessous de six mois. Malgré ces sages dispositions, le brigandage continua, et le Roussillon fut obligé de recourir plusieurs fois à la charité des provinces voisines. Les exploits de Gérard ler, comte de Roussillon, aux sièges d'Antioche et de Jérusalem (1098) sont le seul incident qu'il y ait encore à citer dans cette néfaste période. En 1117, Bernard-Guillaume, comte de Cerdagne, étant mort sans enfants, laissa ses biens à Raymond-Bérenger lll, comte de Barcelone, qui devint roi d'Aragon, en 1154, par son mariage avec la fille de Ramire II. En 1172, Gérard ou Guinard ll, comte de Roussillon, n'ayant pas non plus d'héritiers, légua aussi ses domaines au roi d'Aragon. Presque tout le département dépendit donc, à cette époque, des rois d'Aragon; néanmoins un lien féodal le rattachait à la France, car les rois d'Aragon reconnaissaient la suzeraineté des rois de France pour les comtés de Barcelone, de Roussillon et de Cerdagne. Le 11 mai 1258, par un traité conclu à Corbeil entre Louis IX, roi de France et Jacques Ier, roi d'Aragon, il fut stipulé que Louis IX abandonnerait la suzeraineté des comtés de Barcelone, de Roussillon et de Cerdagne à condition que Jacques Ier renoncerait à ses prétentions sur divers comtés et villes du Languedoc et de Provence et sur tous les fiefs situés au nord des Pyrénées. A partir de cette époque, le territoire du département devint donc tout à fait espagnol. Les rois d'Aragon, armés d'une autorité suffisante, surent faire respecter leur pouvoir et mettre un terme aux déprédations des petits seigneurs. Pour s'attacher ces populations nou vellement acquises et que leur isolement au delà des Pyrénées rendait plus difficiles à gouverner, ils accordèrent au pays de nombreuses libertés et favorisèrent l'agriculture et le commerce, Perpignan reçut à cette époque un notable accroissement, et devint un centre littéraire assez important. En 1262, Jacques ler d'Aragon, partagea ses états entre ses deux fils Pierre et Jacques. Il donna à Pierre l'Aragon la Catalogne et Valence, et à Jacques Majorque, le Roussillon, la Cerdagne et le comté de Montpellier. Les possessions de ce dernier constituèrent le royaume de Majorque, avec Perpignan pour capitale. Pour défendre sa capitale, Jacques Ier de Majorque fit construire (1278), à l'endroit on s'élève actuellement la citadelle, un château royal d'où, en 1300, l'église de Sainte-Marie-de-la-Réal tira son nom. De nombreuses querelles éclatèrent entre les rois de Majorque (Les Baléares) et les rois d'Aragon, à cause de la suzeraineté que ceux-ci, plus puissants, prétendaient avoir sur le royaume de Majorque. Jacques ler appela à son secours, contre son frère Pierre, le roi de France, Philippe le Hardi. Philippe leva une puissante armée et entra dans le Roussillon. Après s'être emparé d'Elne (25 mai 1285), il franchit les Pyrénées et enleva Gérone (7 septembre); mais ses troupes décimées par les maladies furent obligées de se retirer, et Philippe, malade, mourut en arrivant à Perpignan. La lutte entre les deux monarchies espagnoles continua encore pendant près d'un siècle. Enfin, en 1374, l'infortuné Jacques III, le dernier roi de Majorque, fut vaincu, et son royaume réuni à celui d'Aragon. Les Roussillonnais, fidèles à leur roi, l'avaient défendu, au risque de s'attirer de terribles représailles. Mais le roi d'Aragon, Pierre IV, au lieu de se venger de leur résistance, leur rendit la soumission facile en inaugurant une politique de paix et de prospérité. Ses successeurs n'imitèrent pas tous ce sage exemple. En 1458, Jean II monta sur le trône. Ses exactions ne tardèrent pas à faire soulever la Catalogne contre lui. Impuissant à résister, il appela à son secours le roi de France Louis XI. Celui-ci, par un traité habilement rédigé, lui promit un secours de sept cents lances, à condition qu'on lui rembourserait les frais de l'expédition, évalués à deux cent mille écus d'or, faute de quoi il garderait en gage le Roussillon et la Cerdagne. Mais Jean, s'apercevant qu'il était tombé dans un piège, tourna contre les troupes du roi de France les populations révoltées, et les premiers soldats français furent repoussés comme ennemis. Louis XI envoya alors 50 000 hommes dans le Roussillon, et pendant quinze années, avec de rares moments de répit, ce malheureux pays fut soumis à toutes les horreurs de la guerre. Perpignan soutint contre les Français un siège mémorable, et n'ouvrit ses portes à l'ennemi que lorsque tous les vivres furent épuisés et que toute résistance devint impossible. Le 11 mars 1475, la capitulation fut signée, et Perpignan tomba entre les mains du roi de France, qui le conserva. En 1495, le faible Charles VIII rendit à l'Aragon les deux comtés de Roussillon et de Cerdagne, dont l'acquisition avait coûté tant de peines à son père. A cette époque, l'Aragon et la Castille, réunis par le mariage de Ferdinand le Catholique, héritier d'Aragon, avec Isabelle de Castille, formaient, depuis 1479, le royaume d'Espagne. Ferdinand le Catholique et Isabelle firent leur entrée solennelle à Perpignan (1493). Au lieu d'employer les sages mesures des rois d'Aragon, Ferdinand, dans un but de domination immodérée, introduisit dans le Roussillon cette Inquisition qui avait affermi son pouvoir en Espagne. L'Inquisition indisposa bientôt contre le nouveau gouvernement les fières populations du Roussillon, et de graves symptômes de mécontentement commencèrent à se manifester. François Ier, roi de France, tenta un essai infructueux pour reprendre le Roussillon (1542). Sous le règne du fanatique Philippe II, le Roussillon fut en proie à la misère, à la peste (1560) et aux persécutions religieuses suscitées par le zèle des Inquisiteurs. Plusieurs malheureux furent brûlés comme sorciers; les superstitions les plus absurdes se répandirent dans les campagnes, où l'instruction était absolument inconnue. La haine contre l'Espagne commença alors à s'accentuer dans le Roussillon. En vain Philippe III, en 1602, renouvela à la ville de Perpignan le titre de très fidèle, que lui avait conféré le roi Jean d'Aragon, pour sa belle résistance contre Louis XI; en vain il y transféra le siège de l'évêché, qui était autrefois à Elne, et il accorda des lettres de noblesse à plusieurs habitants; les Roussillonnais, fatigués du régime espagnol, n'attendaient qu'une occasion pour s'en débarrasser. En 1640, la Catalogne s'étant révoltée contre Philippe IV, le Roussillon suivit l'exemple de Barcelone. Le roi d'Espagne fit renforcer la garnison de Perpignan, et ses soldats égorger gèrent traîtreusement une partie de la population. Les habitants implorèrent alors le secours de la France. Louis XIII, à la tête d'une nombreuse armée, vint lui-même ouvrir le siège de Perpignan en 1642. La ville, comprise entre les assiégeants d'un côté, et l'armée espagnole enfermée dans la citadelle, souffrit cruellement. Enfin les Espagnols furent obligés de capituler, et le 9 septembre de la même année, les Français tirent leur entrée dans Perpignan, accueillis comme des libérateurs. Louis XIII confirma aux habitants leurs droits et leurs franchises, et favorisa le commerce de cette ville. En 1659, le traité des Pyrénées assura définitivement à la France la possession du Roussillon et de trente-trois villages de la Cerdagne, et depuis cette époque ces deux contrées n'ont jamais cessé de faire partie de la France. Jusqu'à la Révolution, le Roussillon jouit d'une paix à peu près complète, qui ne fut troublée que par le passage des soldats français qui, vers la fin du règne de Louis XIV, allèrent soutenir en Espagne la cause du roi Philippe V, petit-fils de Louis XIV, que la Catalogne refusait de reconnaître. En 1790, le Roussillon devint le noyau du département des Pyrénées-Orientales. Il comprenait, ce Roussillon, maints petits sous-pays : le Vallespir ou bassin du Tech, le Conflent ou bassin de la Tet, le Capcir aux sources de l'Aude, la Cerdagne française et le Val de Carol, sur le versant espagnol de l'Ebre. Pour parfaire la circonscription, on lui ajouta des pays détachés de la portion du Languedoc qui s'appelait le Razès : pays de la Tour ou Latour, sur l'Agly, d'après la Tour ou Latour-de-France, ainsi surnommée autrefois comme forteresse de la frontière du Languedoc, en même temps que de la France, alors que le Roussillon était encore terre d'Espagne; le pays de Sournia, sur le Désix, affluent droit de l'Agly; le Fenouillèdes ou Fenouilladès, sur le haut de l'Agly et sur son grand tributaire la Boulzane. A peine devenue Pyrénées-Orientales, la contrée subit les horreurs de la guerre internationale . Après la mort de Louis XVI (21 janvier 1793), l'Espagne qui, jusque-là, n'avait pas pris part à la coalition de l'Europe contre la France, résolut à son tour d'entrer en campagne. Une armée de cinquante mille hommes fut massée entre Figueras et Barcelone, sous le commandement en chef du général Ricardos. Du côté de la France, de Bayonne à Perpignan, huit mille hommes seulement étaient massés pour garder la chaîne des Pyrénées. Le 17 avril 1793, trois colonnes espagnoles pénétrèrent en France et descendirent simultanément à Saint-Laurent-de-Cerdans, à Arles-sur-Tech et à Céret. Le 20, elles battaient à Céret les troupes du général Willot, qui, inférieures en nombre, durent se replier sur Perpignan. Les Espagnols arrivèrent de plus en plus nombreux, et, le 20 mai suivant, le vieux général Dagobert fut battu au combat du Mas-Deu, après des prodiges de valeur. Le général espagnol établit son camp au Boulou, et résolut, avant de s'avancer plus loin, de s'emparer des forteresses qu'il avait laissées derrière lui dans la vallée du Tech. Il commença par faire occuper Argelès (23 mai). Prats-de-Mollo tomba ensuite entre ses mains (26 mai) ; puis le fort d'Amélie-les-Bains se rendit après une vaillante résistance (5 juin). Le 19 juin, la place de Bellegarde, n'ayant plus ni vivres ni munitions fut obligée de capituler. A Perpignan, on avait profité du répit laissé par Ricardos, pour établir, entre la ville et les collines du Serrat d'En Vaquer, un camp retranché protégé par plusieurs redoutes en terre. Les soldats français en sortirent le 17 juillet, pour battre leurs ennemis à Canohès. Ce succès , quoique peu important , enflamma le courage de nos volontaires; ils avaient vu enfin reculer les Espagnols! Le 28 août, Dagobert, envoyé à la défense de Mont-Louis (qu'on appelait alors Mont-Libre), battit les Espagnols au col de la Perche et, à leur tour, les soldats français envahirent la Cerdagne espagnole et entrèrent dans Puigcerdà. Quelques jours après, dans la nuit du 2 au 3 septembre, le courageux général apprenant que Mont-Louis était menacé du côté d'Olette, se porta sur les hauteurs avec 1600 hommes et surprit les Espagnols, qui furent refoulés jusqu'à Villefranche. La victoire du représentant Cassagne au mémorable combat de Peyrestortes (17 septembre) délivra Perpignan des Espagnols. Quelques jours après, Ricardos se retira sur le Boulou sans être inquiété. A la suite d'une attaque infructueuse du camp du Boulou, et une expédition non moins malheureuse du côté de Rosas, l'armée française, battue à Saint-Ferréol, à Llauro, à Banyuls et à Villelonge-dels-Monts, fut obligée de se retirer au camp de Perpignan, pour y passer l'hiver. La situation était des plus déplorables, lorsque l'arrivée du général Dugommier, le vainqueur de Toulon, vint ranimer l'enthousiasme. Il rétablit la discipline, fit instruire les jeunes recrues, réorganisa l'armement et l'équipement. Aussi, au mois de mars 1794, pouvait-il mettre sur pied quarante mille hommes. A partir du commencement d'avril., Dugommier ne cessa d'inquiéter les Espagnols par des escarmouches répétées. En les chassant de Palau, il pouvait facilement tourner le Boulou par la gauche; et il y réussit. En même temps, il envoya Augereau du côté d'Oms, et les Espagnols, attirés de ce côté, furent encore battus. Enfin, le 30 avril, il attaqua le camp du Boulou, et les Espagnols, débusqués de cette position (1er mai), se retirèrent en déroute par le col de Portell. Collioure et Port-Vendres furent reprises par les Français, qui franchirent les Pyrénées et envahirent la Catalogue. Bellegarde, dernier point occupé en France par les Espagnols, tint encore quelque temps; mais elle fut forcée de capituler le 18 septembre 1794. Par la suite, et tout au long du XIXe siècle, les Pyrénées-Orientales n'ont rien eu à souffrir de leurs voisins; elles n'ont subi que des événements locaux, dont le plus notable est sans aucun doute l'invasion du phylloxera, suivie de la ruine, puis de la reconstitution du vignoble. Un autre événement, mais qui n'a rien eu de brusque, c'est, peu à peu, presque sans qu'on s'en apercoive, le remplacement de la rude variété de catalan par le français dans les villes et bourgs, et même un peu dans la campagne. (A. Joanne).
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