| Dominique' François 'Jean Arago (26 février 1786 - 20 octobre 1853) est un astronome, physicien et homme politique né à Estagel (Pyrénées-Orientales). Il fut admis le premier à l'École Polytechnique, après avoir préparé seul les matières du programme d'admission. La seconde année de ses études dans cette école n'était pas achevée, lorsqu'il fut nommé en 1805 secrétaire au Bureau des Longitudes, sur la recommandation de Laplace. Directeur de l'observatoire de Paris (1786-1853). En physique, il a découvert la polarisation chromatique (1811), créé l'électro-aimant avec Ampère (1820) et trouvé le magnétisme de rotation (1825). - François Arago (1776-1853). Au commencement de 1806, Napoléon 1er, délégua Arago et Biot pour continuer en Espagne, avec le commissaire espagnol Rodriguez, les triangulations entreprises par Méchain. Arago commença ses opérations à Valence avec Biot, et les continua seul entre les îles Majorque et Formentera, Biot étant retourné à Paris au milieu de janvier 1808. Comme la France et l'Espagne étaient alors en guerre, Arago éprouva de grandes difficultés pour accomplir sa mission. Emprisonné dans une forteresse de l'île Majorque, où Rodriguez seul venait le visiter, il parvint à s'évader et débarqua à Alger le 3 août. II quitta cette ville dix jours après, emporté par un navire qui devait le conduire à Marseille. Mais ce navire fut pris par des corsaires espagnols, et les passagers furent conduits en quarantaine à Rosas. Arago, d'abord incarcéré dans la forteresse de cette ville, fut ensuite transporté dans le port de Palamos et enfermé dans un ponton. II fut relâché par ordre de l'Espagne et, le 28 novembre, il se dirigea de nouveau vers Marseille sur un navire qu'un coup de mistral fit aborder le 5 décembre à Bougie. De là, avec une troupe de matelots maures, il se rendit à Alger où il arriva le 25 décembre, non sans avoir failli périr pendant le voyage. Enfin, le 21 juin 1809, il s'embarqua sur un bâtiment, qui entra à Marseille le 2 juillet. Après s'être rendu à Perpignan pour voir sa mère, il vint a Paris remettre au Bureau des Longitudes et à l'Académie des sciences les Notes qu'il était parvenu à conserver, au milieu des périls et des tribulations de sa longue campagne. Le 18 septembre 1809, l'Académie des Sciences admit Arago dans son sein, bien qu'il fût très jeune, parce qu'il avait déjà rendu de signalés services à la science; il s'était, en effet, distingué par des travaux de physique, par des observations, faites avec Bouvard, pour la vérification des lois de la libration de la Lune, par le calcul des orbites de plusieurs comètes, par la construction d'une table de réfraction, enfin par la triangulation qui prolongeait la mesure de la méridienne de France jusqu'à l'île de Formentera. - A la fin de l'année 1809, Arago fut nommé astronome à l'Observatoire de Paris, avec l'autorisation d'y habiter. Il fit partie avec Biot de la Commission qui détermina en 1817 la différence de longitude entre les Observatoires de Greenwich et de Paris. En 1843, il devint directeur de l'Observatoire, et dota cet établissement des instruments perfectionnés de Gambey. De 1841 à 1846, il fit un cours qui attirait un auditoire nombreux et varié, et dont on retrouve les traits les plus saillants dans son Astronomie populaire (1834). Devenu secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences le 7 juin 1830, Arago se consacra à l'analyse attentive des travaux présentés à l'Académie et à la rédaction de Notices biographiques dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes. Lorsqu'il lisait celles-ci dans les Séances publiques, on les écoutait avec émotion, parce qu'elles sont remplies de pensées généreuses. Ces Notices sont importantes pour l'histoire des grandes découvertes, car elles contiennent toujours ce qui a été fait jusqu'au savant dont il expose les travaux; elles font autorité, parce que tous les jugements y sont portés avec impartialité. Arago conserva ses fonctions en 1852, Napoléon III l'ayant dispensé de prêter serment. L'année suivante, il mourut à Paris, très regretté du public à cause de ceux de ses travaux de divers ordres qui avaient rendu son nom populaire, car il avait été, selon l'expression de Mouchez, "le plus puissant promoteur scientifique, le premier et le plus grand vulgarisateur de son siècle". - Les sciences « .... Messieurs, je ne conçois pas comment, en présence des grandes découvertes qui ont honoré les sciences, on peut prétendre qu'elles dessèchent le coeur, qu'elles énervent l'esprit. « Ainsi, vous voudriez m'astreindre à étudier avec zèle, avec plaisir, je dirai même avec enthousiasme, l'histoire de quelques nations inconnues qui ont joué sur la scène du monde un rôle assez insignifiant; vous voudriez me faire suivre jusque dans les moindres actions le passage sur le globe de nations inconnues, dont d'Alembert, quoique géomètre, disait avec beaucoup d'esprit qu'elles nous avaient tout appris, excepté leurs noms et celui des lieux qu'elles habitaient; vous voudriez que je m'occupasse de ces recherches avec intérêt, avec enthousiasme, et je resterais sec, sans émotion, à la vue de Cuvier indiquant toutes les révolutions que la terre a subies, exhumant des entrailles de la terre des générations qui ne ressemblaient en rien aux générations actuellement existantes! Et vous croyez que, dans un cours de géologie, l'auditoire reste impassible lorsqu'on lui raconte comment les chaînes de montagnes ont surgi des entrailles de la terre, lorsqu'on lui apprend l'âge de ces différentes chaînes! « Permettez-moi de vous rapporter un fait qui montrera quelle distance il y a entre le vrai et la fable. Je demande pardon à la Chambre de lui parler d'objets de cette nature. « Euler, le grand Euler, était très pieux. Un de ses amis, ministre dans une église de Berlin, vint lui dire un jour : La religion est perdue, la foi n'a plus de bases, le coeur ne se laisse plus émouvoir, même par le spectacle des beautés, des merveilles de la création. Le croirez-vous? J'ai représenté cette création dans tout ce qu'elle a de plus beau, de plus poétique et de plus merveilleux; j'ai cité les anciens philosophes et la Bible elle-même : la moitié de l'auditoire ne m'a pas écouté, l'autre moitié a dormi ou a quitté le temple. Faites l'expérience que je vais vous indiquer, repartit Euler : Au lieu de prendre la description du monde dans les philosophes grecs ou dans la Bible, prenez le monde des astronomes; dévoilez le monde tel que les recherches astronomiques l'ont constitué. Dans ce sermon qui a été si peu écouté, vous avez probablement, en suivant Anaxagoras, fait du Soleil une masse égale au Péloponnèse. Eh bien! dites à votre auditoire que, suivant des mesures exactes, incontestables, notre Soleil est douze cent mille fois plus grand que la Terre. Vous avez sans doute parlé de cieux de cristal emboîtés : dites qu'ils n'existent pas, que les comètes les briseraient. Les planètes dans vos explications ne se sont distinguées des étoiles que par le mouvement : avertissez que ce sont des mondes, que Jupiter est quatorze cent fois plus grand que la Terre, et Saturne neuf cent fois; décrivez les merveilles de l'anneau; parlez des lunes multiples de ces mondes éloignés. En arrivant aux étoiles, à leur distance, ne citez pas des lieues : les nombres seraient trop grands, on ne les apprécierait pas. Prenez pour échelle la vitesse de la lumière; dites qu'elle parcourt quatre-vingt mille lieues par seconde; ajoutez ensuite qu'il n'existe aucune étoile dont la lumière nous vienne en moins de trois ans; qu'il en est quelques-unes à l'égard desquelles on a pu employer un moyen d'observation particulier, et dont la lumière ne nous vient pas en moins de trente ans. En passant des résultats certains à ceux qui n'ont qu'une grande probabilité, montrez que, suivant toute apparence, certaines étoiles pourraient être visibles plusieurs millions d'années après avoir été anéanties; car la lumière qui en émane emploie plusieurs millions d'années à franchir l'espace qui les sépare de la Terre. « Tel fut, Messieurs, en raccourci et seulement avec quelques modifications dans les chiffres, le conseil que donnait Euler. Le conseil fut suivi : au lieu du monde de la fable, le ministre découvrit le monde de la science. Euler attendait son ami avec impatience. Il arrive enfin, l'oeil terne, et dans une tenue qui paraissait annoncer le désespoir. Le géomètre, fort étonné, s'écrie : Qu'est-il donc arrivé? Ah! M. Euler, répondit la ministre, je suis bien malheureux! Ils ont oublié le respect qu'ils devaient au saint temple : ils m'ont applaudi. [...] « Si l'astronomie, que j'ai tant citée, dont peut-être vous me permettez de parler par prédilection, n'avait pas fait d'immenses progrès, vous verriez dans trois mois toute la population de Paris, comme autrefois la population de Rome, s'en aller à la porte Catularia pour immoler un chien roux à la canicule, afin d'apaiser ses maléfices. N'ai-je pas vu, il y a deux ans, des personnes qui, malgré les progrès de la science, étaient fort préoccupées des effets que la comète de Halley ne pouvait manquer de produire? Et cependant ces personnes (en France on ne trahit pas l'incognito par les paroles que je vais prononcer) avaient affronté les boulets et la mitraille. « Au surplus, qu'on réduise, si l'on veut, l'utilité des sciences aux besoins matériels, et elles n'en seront pas moins cultivées avec zèle et avec persévérance. Les applaudissements, la reconnaissance du public sont acquis d'avance a ceux qui leur feront faire des progrès réels. Aussi, du haut de cette tribune, je conjure la jeunesse de marcher courageusement dans la route glorieuse où elle est entrée. « Que la minéralogie, que la chimie, la physique, l'astronomie, la mécanique, que toutes les sciences se prêtant un mutuel appui, contribuent chacune pour sa part à rendre meilleure la vie matérielle de la société, puisque c'est à cela que l'on borne leur utilité; et quand toutes ces améliorations seront réalisées, la science aura bien mérité du pays; car, suivant la belle pensée de Bacon, le savoir, c'est de la force, de la puissance, et elle aura augmenté le bien-être de la population, non pas en appauvrissant le riche, mais en enrichissant le pauvre; et elle aura répandu ses bienfaits sur ceux-là même qui l'outrageaient. Et en contemplant ces beaux résultats, un poète (car les études scientifiques n'empêcheront pas qu'il n'y ait toujours des poètes), un poète pourra s'écrier, sans être taxé d'exagération Le Dieu, poursuivant sa carrière, Versait des torrents de lumière Sur ses nombreux blasphémateurs. » (F. Arago, Discours prononcé à la Chambre des députés, mars 1837 ). | Arago, qui pensait que le Soleil peut être habité, à résumé ce que l'on connaissait à son époque sur la constitution physique de cet astre, dans la Notice scientifique lue à l'Institut le 25 octobre 1851; on y trouve d'abord que la théorie du Soleil alors adoptée était encore, à peu près, celle de W. Herschel. Pendant les éclipses solaires totales de 1850 et de 1851, Arago observa les grandes flammes rougeâtres, appelées protubérances, qui se manifestent sur le contour de la Lune pendant la totalité et qui avaient été d'abord signalées par J. Herschel en 1842. Arago fit alors remarquer que, quand on aura démontré qu'elles ont une existence réelle, on aura une autre atmosphère à ajouter aux deux que l'on connaît, l'atmosphère réfléchissante et la photosphère; il constate que l'on ne peut pas encore donner une explication satisfaisante au sujet de la nature de la couronne lumineuse qui entoure la Lune pendant la totalité, ni de celle des rayons et des aigrettes qui s'étendent au delà de cette couronne. Après avoir reconnu que les matières solides et liquides en ignition émettent de la lumière polarisée sous des incidences obliques, et que les flammes présentent toujours de la lumière naturelle, il remarque que la lumière émanant du Soleil n'est jamais polarisée, et par suite il conclut que sa surface lumineuse est, selon la supposition de Wilson, une flamme gazeuse contenant en suspension des molécules solides incandescentes; il a constaté que les taches solaires exercent une influence sur les variations diurnes de l'aiguille aimantée. - François Arago. | |
| L'application de la Photographie à l'étude du ciel avait été indiquée dès 1839 par Arago, lorsqu'il communiqua à l'Académie des Sciences la belle découverte de Niepce et Daguerre. (Lebon, 1899).
| En librairie - François Arago, Les Comètes, Albert Blanchard, 1986. - François Sarda, Les Arago (François et les autres) préf. E. Le Roy Ladurie, Tallandier, 2002. - Maurice Daumas, Arago, la jeunesse de la science, Belin, 1987. | - Rupture entre savants « Des liens d'une tendre et douce intimité s'étaient établis entre le grand naturaliste Buffon et le celèbre astronome [J.-S. Bailly]. Une nomination académique les brisa. Vous le savez, Messieurs, au milieu de nous, une nomination, c'est la pomme de discorde : malgré les vues les plus divergentes, chacun croit alors agir dans le véritable intérêt des sciences ou des lettres; chacun s'imagine être placé sur les voies de la stricte justice; chacun cherche activement à faire des prosélytes. Jusque-là, tout est légitime. Ce qui l'est beaucoup moins, c'est d'oublier qu'un vote est un jugement, et qu'en ce sens, l'académicien, comme le magistrat, peut dire au solliciteur, Académicien ou autre, je rende des arrêts et non pas des services. Malheureusement, des considérations de ce genre, malgré leur justesse, devaient faire peu d'impression sur l'esprit absolu et altier de Buffon. Ce grand naturaliste voulait faire nommer l'abbé Maury; son confrère, Bailly, croyait devoir voter pour Sedaine. Plaçons-nous dans le cours ordinaire des choses, et il semblera difficile de voir dans ce désaccord une cause suffisante de rupture entre deux hommes supérieurs. La Gageure imprévue et le Philosophe sans le savoir, balançaient largement le bagage, alors très léger, de Maury. Le poète comique atteignait déjà sa soixante-sixième année; l'abbé était jeune. Le caractère élevé, la conduite irréprochable de Sedaine pouvaient, sans désavantage, être mis en parallèle avec ce que le public connaissait du caractère, de la vie publique et de la vie privée du futur cardinal. Où donc l'illustre naturaliste avait-il pris des inclinations si vives pour Maury, des antipathies si ardentes pour Sedaine? Peut-être croira-t-on que ce fut dans des préjugés nobiliaires? Il ne serait pas, en effet, impossible que M. le comte de Buffon eût entrevu instinctivement, avec quelque répugnance, sa prochaine confraternité avec un ancien tailleur de pierres; mais Maury n'était-il pas le fils d'un cordonnier? Ce très petit incident de notre histoire littéraire semblait donc devoir rester dans l'obscurité; le hasard m'en a, je crois, donné la clef. Vous vous rappelez, Messieurs, cet aphorisme de Buffon, cité sans cesse : Le style, c'est l'homme [Plus exactement : Le style est l'homme même]. J'ai découvert que Sedaine en avait fait la contre-partie. L'auteur de Richard Coeur-de-Lion et du Déserteurs disait, lui : Le style, ce n'est rien ou c'est peu de chose! Placez, par la pensée, cette hérésie sous les yeux de l'immortel écrivain dont les jours et les nuits se passaient à polir son style, et si vous me demandez ensuite pourquoi il détestait Sedaine, j'aurai le droit de répondre : Vous ne connaissez pas le coeur humain. Bailly résista fermement aux sollicitations impérieuses de son ancien protecteur, et même à la demande de s'absenter de l'Académie le jour de la nomination. Il n'hésita pas à sacrifier les douceurs et les avantages d'une amitié illustre à l'accomplissement d'un devoir; il répondit à celui qui voulait être maître, je veux être libre. L'exemple de Bailly avertit les timides de ne jamais écouter de simples prières, quelle qu'en soit la source; de ne céder qu'à de bons arguments. Ceux qui ont assez peu songé à leur propre tranquillité pour s'immiscer dans les élections académiques, un peu plus que par un vote silencieux et secret, verront, de leur côté, dans la noble et pénible résistance d'un homme honnête, combien ils se rendent coupables en essayant de substituer l'autorité à la persuasion, en voulant soumettre la conscience à la reconnaissance. A l'occasion d'un désaccord de même nature, l'astronome Lemonnier, de l'Académie des Sciences, dit un jour à Lalande, son confrère et son ancien élève : Je vous enjoins de ne plus mettre les pieds chez moi, pendant une demi-révolution des noeuds de l'orbite lunaire. Tout calcul fait, c'était neuf ans. Lalande se soumit à la punition, avec une exactitude vraiment astronomique; mais le public, malgré la forme scientifique de la sentence, la trouva d'une excessive sévérité. Que dira-t-on, alors, de celle qui fut prononcée par Buffon? Nous ne nous verrons plus, Monsieur, sembleront des paroles à la fois bien dures et bien solennelles, car elles étaient amenées par un dissentiment sur le mérite comparatif de Sedaine et de l'abbé Maury. Notre confrère sut se résigner à cette séparation et ne laissa jamais rien deviner de son juste mécontentement. Je puis même remarquer que depuis cette rupture brutale il se montra plus attentif que jamais à saisir les occasions de rendre un légitime hommage aux lumières et à l'éloquence du Pline français. » (F. Arago, Notices scientifiques.- Biographie de Bailly, lue dans la séance publique de l'Académie des sciences, le 26 février 1844. Publiée dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes, 1853.). | | |