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Histoire du droit français
Le droit pendant la Révolution et l'Empire
La période révolutionnaire s'étend de 1789 à 1815, c'est-à-dire du jour de la convocation des Etats Généraux jusqu'à la restauration définitive des Bourbons sur le trône. On englobe ainsi la révolution proprement dite, le Consulat et l'Empire. On appelle aussi cette période Intermédiaire, parce qu'elle a été une période de transition entre l'Ancien régime et l'époque moderne.

Mais cette période elle-même peut se subdiviser en deux phases distinctes ; la première, allant de 1789 à l'an VIII, c'est-à-dire des premiers jours de la Révolution jusqu'au Consulat. C'est la période de la tourmente révolutionnaire, la période en quelque sorte de lutte, de déchirement, de démolition ; la seconde allant de l'an VIII à 1815, c'est la période de reconstruction définitive de l'édifice sur de nouvelles bases, celles qui existent encore aujourd'hui.

Causes de la Révolution française.
La Révolution française a été rendue nécessaire par les vices de l'organisation sociale de l'Ancien régime, son injustice radicale.

a) Au point de vue politique : absence complète de liberté, omnipotence absolue du roi qui concentrait tous les pouvoirs entre ses mains. Les Etats Généraux qui, précédemment, avaient joué un certain rôle et exercé une certaine influence par leurs doléances et par leur participation au vote des impôts, n'avaient pas été réunis depuis 1614. Il y avait bien les parlements, mais leur résistance pouvant être brisée par la volonté royale, ils étaient une gêne, et non un obstacle.

b) Au point de vue administratif, les mêmes vices se rencontraient; dans l'étendue de chaque généralité, l'intendant, instrument docile de la royauté, exerçait des pouvoirs exorbitants et sans contrôle; aucune participation n'était laissée aux représentants de la nation pour l'administration des affaires locales. Il n'y avait d'exception que pour les pays d'Etats; mais eur nombre avait été de plus en plus restreint, et que là où ils existaient encore, les Etats provinciaux avaient à lutter contre les empiétements continus des intendants. Quant aux libertés municipales, elles avaient complètement disparu par la suppression presque générale des élections et par l'érection des fonctions en offices vénaux.

c) En matière judiciaire, les abus étaient nombreux et des réformes s'imposaient ; la multiplicité des degrés de juridiction, les épices, la vénalité des charges de judicature, et en matière criminelle, l'arbitraire et l'atrocité des peines, l'usage excessif des lettres de cachet et de l'emprisonnement dans les prisons d'Etat étaient autant de sujets de plainte.

d) Au point de vue financier, les charges qui pesaient sur les vilains étaient excessives et les privilèges dont jouissaient les nobles et les clercs soulevaient des réclamations qui n'étaient pas sans fondement.

e) Enfin, sous le rapport du droit privé, bien des critiques étaient possibles : la diversité des coutumes, le régime de la propriété foncière soumise à la théorie du double domaine, la réglementation de l'état civil confié aux ministres du culte catholique, etc.

Préparation de la Révolution. Mouvement des idées.
D'ailleurs, à la fin du XVIIIe siècle, les esprits étaient tout à fait préparés à la pensée d'une Révolution prochaine par les théories pleines de hardiesse et de nouveauté que les philosophes et les économistes exposaient dans leurs ouvrages et que les journaux répandaient ensuite dans la foule, grâce à une certaine liberté de fait de la presse.

Ces économistes étaient : Quesnay, médecin de Louis XVI, Gournay, Turgot, Condillac, Mirabeau le père, qui formaient l'école des physiocrates, ainsi appelée parce qu'ils considéraient la terre comme la richesse par excellence (physis = nature, kratos = force). Ils étaient partisans de la liberté économique et ils résumaient leur théorie dans cette formule expressive et claire : laissez faire, laissez passer.

Parmi les philosophes, il nous suffira de citer les quatre principaux qui exercèrent une influence décisive sur les résolutions des assemblées révolutionnaires et dont les théories ont servi de base à l'organisation politique de la France moderne. Ce sont Montesquieu, J.-J. Rousseau, Mably et Sieyès.

Montesquieu (1689-1755) est surtout célèbre par la théorie de la séparation des pouvoirs, exposée dans son Esprit des lois, à propos de l'étude de la constitution anglaise. D'après lui, il existe trois pouvoirs dans l'Etat : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire; ces trois pouvoirs doivent être exercés d'une façon indépendante par des organes distincts, pour que la liberté politique existe, parce qu'ainsi le pouvoir arrête le pouvoir.

J.-J. Rousseau (1712-1778) a attaché son nom à la conception du contrat social. Au début, dit-il, l'homme vivant à l'état de nature, isolément, était libre de ses actions. Fatigué de cette situation et de ses dangers, il a fondé la société avec l'accord des autres hommes par un contrat au terme duquel chacun faisait abandon de sa liberté et consentait à se plier à la volonté générale. A l'aide de ces prémisses Rousseau arrive à poser le principe de la souveraineté nationale qu'il déclare inaliénable, non susceptible d'être représentée, illimitée, indivisible et presque infaillible. Rousseau a exercé une plus grande influence que Montesquieu sur les hommes de la Révolution; ses théories ont surtout été goûtées par les membres de la Convention.

Mably (1709-1785) est moins connu; il est bien inférieur à Montesquieu et à Rousseau sous le rapport des conceptions et du style, et cependant ce sont ses conseils qui seront le plus écoutés par les législateurs de la période intermédiaire. Il dresse tout un plan détaillé de réformes que la Constituante s'appropriera et dont presque tous les points se retrouvent dans la Constitution de 1791.

Sieyès (1748-1836), beaucoup plus jeune que les précédents, n'était célèbre à la veille de la Révolution que par un pamphlet retentissant intitulé « qu'est-ce que le tiers état? » Mais il vivra pendant la Révolution, il fera partie des différentes assemblées de la période intermédiaire, sauf de la Législative, et son action se fera sentir par ses rapports et par ses discours. Il aidera au coup d'Etat du 18 brumaire et sera le père de la Constitution du 2 frimaire de l'an VIII établissant le Gouvernement consulaire.
 

Histoire du droit public

Organisation politique

Proclamation de principes nouveaux en matière politique. 
Les principes qui servent de base à l'organisation politique de la période révolutionnaire sont contenus dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen inscrite par l'Assemblée Constituante en tête de la Constitution de 1791. Ils se ramènent à trois données essentielles : la liberté sous ses diverses formes, l'égalité civile et la souveraineté du peuple.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Aussi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
Détails de l'organisation politique.
Pour exposer les détails de l'organisation politique de la période révolutionnaire nous ne pouvons mieux faire que de passer en revue les diverses constitutions successives qui ont été en vigueur en France de 1791 à 1815.

Constitution monarchique des 3-14 septembre 1791

Organisation des pouvoirs. 
Cette constitution établissait la monarchie constitutionnelle sur les bases de la séparation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Le pouvoir législatif était confié à une assemblée unique, composée de 745 membres, élus pour deux ans, au suffrage restreint au 2e degré. A cette assemblée appartenaient l'initiative et le vote de la loi, le vote et la répartition de l'impôt, le droit de discuter tous les actes de l'administration, de décider la guerre ou la paix sur la proposition du roi.

Le pouvoir exécutif résidait en la personne du roi, dont la couronne se transmettait de mâle en mâle, par ordre de primogéniture. Le roi n'avait pas l'initiative des lois; il ne pouvait pas prendre pour ministres les membres de l'assemblée; et les ministres n'étaient responsables, en matière politique, que devant le roi qui les nommait et les révoquait. Cependant, ils avaient le droit d'entrer librement à l'assemblée et de s'y faire entendre.

Les pouvoirs de l'assemblée, en matière législative, étaient limités par le droit de sanction qui appartenait au roi.

Pour qu'une loi fût obligatoire, il fallait qu'elle fût revêtue de l'approbation royale.
Si le roi refusait de la sanctionner, elle ne pouvait plus être présentée à son acceptation avant deux ans.

Ce délai expiré, l'assemblée pouvait la soumettre de nouveau au roi qui avait encore la faculté de la rejeter.

Une nouvelle période de deux ans devait s'écouler, après laquelle, si le pouvoir législatif persistait dans sa résolution primitive, la loi devenait exécutoire par elle-même.

Le roi était ainsi investi à l'égard des actes de l'assemblée d'un veto, mais seulement d'un veto suspensif. Le dernier mot était laissé en définitive à l'assemblée.

Système électoral. 
La Constitution n'établissait pas le suffrage universel. N'étaient admis à voter que les citoyens actifs, c'est-à-dire ceux qui réunissaient les conditions suivantes :

1° Français, mâles, âgés de 25 ans ;

2° Domiciliés depuis un an dans le canton;

3° Inscrits sur les registres de la garde nationale;

4° Payant une contribution directe de la valeur de trois journées de travail;

5° N'appartenant pas à la classe des domestiques et des serviteurs à gages.

Election à deux degrés. 
L'élection à l'assemblée était faite à deux degrés. Les citoyens actifs formaient les assemblées primaires, et désignaient parmi eux 1% des citoyens, ceux qui possédaient un revenu équivalant à la valeur de 150 journées de travail dans les campagnes, et de 200 journées dans les villes.

Les citoyens actifs ainsi désignés étaient appelés électeurs; ils choisissaient à leur tour les députés et leurs suppléants, soit un suppléant pour trois députés.

Circonscriptions électorales. 
Les 745 députés étaient répartis entre les 83 départements, selon le territoire, la population et la contribution directe.

247 étaient attachés au territoire : chaque département en nommait 3, sauf le département de la Seine qui n'en désignait qu'un.

249 étaient attribués à la population. La masse totale de la population active du royaume était divisée en 249 parts et chaque département nommait autant de députés qu'il avait de parts de population.

249 députés étaient attribués à la contribution directe. La somme totale de la contribution directe du royaume était de même divisée en 249 parts, et chaque département nommait autant de députés qu'il payait de parts de contribution.

Constitution républicaine du 24 juin 1793

Traits caractéristiques. 
Cette constitution est intéressante à deux points de vue :
1° Elle établit le suffrage universel;

2° Elle organise le gouvernement direct de la nation, en matière législative.

Organisation des pouvoirs. 
Le pouvoir législatif était exercé par une assemblée unique dont les membres étaient élus au suffrage universel direct, pour un an, à raison d'un député pour 40.000 personnes.

Etaient électeurs tous les Français âgés de 12 ans et domiciliés depuis six mois dans le canton.

Les actes du pouvoir législatif étaient de deux sortes : des décrets ou des lois.

Les décrets relatifs à des objets d'ordre secondaire étaient obligatoires par eux-mêmes.

Au contraire, les propositions de loi, portant sur les matières les plus importantes, étaient soumises au vote populaire. En conséquence, elles étaient adressées par le Corps législatif à toutes les communes de France. Quarante jours après cet envoi si, dans la moitié des départements plus un, le 1/10e des assemblées primaires n'a pas réclamé, la loi devient définitive. S'il y a réclamation, les assemblées primaires sont appelées à voter la loi par oui ou par non.

Le pouvoir exécutif était confié à un conseil de 24 membres désignés de la façon suivante :

Les assemblées primaires nommaient des électeurs; ces électeurs désignaient des candidats, parmi lesquels le Corps législatif choisissait 24 membres.

Ce conseil se renouvelait par moitié tous les ans.

Cette constitution, qui avait été soumise elle-même au vote populaire, et qui avait rallié 1.801.918 suffrages, contre 11.918, ne fut pas appliquée.

Constitution directoriale du 5 fructidor an III

Organisation des pouvoirs.
Aux termes de cette constitution, le pouvoir législatif est réparti entre deux assemblées le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens, tous deux élus au suffrage restreint à deux degrés, l'un et l'autre renouvelables par tiers tous les ans.

Il faut avoir 30 ans accomplis pour faire partie du Conseil des Cinq-Cents; 40 ans accomplis pour faire partie du Conseil des Anciens.

La proposition des lois appartient exclusivement au Conseil des Cinq-Cents : chaque proposition est soumise à trois lectures, avec un intervalle de 19 jours au minimum, entre chaque lecture. 

Le Conseil des Anciens a pour mission d'approuver ou de rejeter les résolutions du Conseil des Cinq-Cents.

Le pouvoir exécutif est confié à un directoire de cinq membres désignés par le Conseil des Anciens, sur une liste décuple du nombre des membres à nommer qui lui est présentée par le Conseil des Cinq-Cents. Les directeurs doivent être âgés de 40 ans au moins.

Le Directoire est renouvelé chaque année par cinquième. Le Directoire nomme les ministres.

Ni les directeurs, ni les ministres ne peuvent faire partie du Corps législatif, ni assister à ses séances.

Système électoral. 
Le suffrage universel, qui avait été adopté par la constitution précédente, ne fut pas admis par la Constitution de l'an III.

Les assemblées primaires ne comprenaient que les Français mâles, âgés de 21 ans, payant une contribution directe quelconque, inscrits sur les registres civiques de canton, résidant depuis une année sur le territoire de la République et n'appartenant pas à la classe des domestiques.

Depuis l'an XII, pour être inscrit sur le registre civique, il fallait prouver qu'on savait lire et écrire, et qu'on connaissait un métier manuel.

Comme sous la Constitution de 1791, le vote avait lieu à deux degrés. Les assemblées primaires nommaient les électeurs, qui désignaient ensuite les membres du Corps législatif.

Constitution consulaire du 22 frimaire an III.

Organisation des pouvoirs.
Le pouvoir exécutif était entre les mains d'un premier consul : deux autres consuls lui étaient adjoints, mais avec voix consultative seulement. Tous trois avaient le pouvoir pour dix ans.

Le pouvoir législatif était réparti entre plusieurs assemblées : Corps législatif, Tribunat, Conseil d'Etat et Sénat conservateur.

Le gouvernement proposait la loi : le projet était soumis au Conseil d'Etat qui le discutait, au besoin l'amendait, et chargeait trois de ses membres de le soutenir devant le Corps législatif. Le projet était transmis au Tribunat qui le discutait sans pouvoir l'amender et nommait à son tour trois de ses membres, soit pour soutenir, soit pour combattre le projet.

Devant le Corps législatif il y avait débat entre les trois membres du Conseil d'Etat et les trois membres du Tribunat. Après le débat, et sans pouvoir y prendre part, les membres du Corps législatif adoptaient ou rejetaient sans discussion et sans pouvoir amender. On l'appelait pour cela corps muet.

Le Sénat conservateur, composé de 100 membres, avait la garde de la constitution.

Système électoral complexe. 
Le système électoral organisé par cette constitution était des plus complexes
Les assemblées électorales d'arrondissement comprenaient tous les Français mâles, âgés de 21 ans, n'appartenant pas à la classe des domestiques, et s'étant fait inscrire sur les registres civiques.

Ces assemblées d'arrondissement ne formaient pas d'élus elles dressaient simplement des listes de confiance, ou listes de notabilités communales, en désignant 1/10 de leurs membres.

C'est sur cette liste qu'étaient choisis les membres des administrations communales et de l'arrondissement, les maires, les sous-préfets et les juges de première instance.

A leur tour, les personnes qui figuraient sur cette première liste de confiance désignaient 1/10 d'entre elles qui formait une seconde liste de confiance, dite des notabilités départementales, sur laquelle étaient choisis les fonctionnaires du département, les préfets, les conseillers généraux et les juges d'appel.

Enfin, les citoyens qui composaient cette deuxième liste désignaient 1/10 d'entre eux pour former la liste nationale sur laquelle on devait prendre les ministres, les conseillers d'Etat, et les membres du Corps législatif.

Comme la Constitution de 1793, la Constitution de l'an VIII fut soumise à la ratification populaire et votée par 3.111.107 suffrages contre 1.567. Chaque électeur devait inscrire son vote sur un registre et le signer de son nom.

Sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII

Ce sénatus-consulte établit l'empire héréditaire dans la famille de Napoléon Bonaparte.

Charte constitutionnelle du 4 juin 1814

Organisation du gouvernement parlementaire. 
Cette Charte organise pour la première fois en France le gouvernement parlementaire.

Le roi est le chef du pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est confié à deux assemblées : la Chambre des pairs, qui est héréditaire, et la Chambre des députés, élue par un suffrage très restreint.

La manière dont les députés étaient élus était déterminée par la loi du 5 février 1817 : elle fut modifiée par la loi du 29 juin 1820 qui institua le système du double vote. Presque tous les départements comprenaient deux collèges électoraux : des collèges d'arrondissement nommant chacun un député, et des collèges de département, comprenant 1/4 des électeurs les plus imposés et élisant plusieurs autres députés.
N'étaient électeurs que les Français mâles âgés de 30 ans et payant 300 francs au moins de contributions directes.

Préambule. Méconnaissance de la souveraineté nationale.
Cette Charte était précédée d'un préambule dans lequel Louis XVIII disait : 

« Rappelé par la divine providence après une longue absence, cherchant à renouer la chaîne des temps que de funestes écarts avaient interrompue, nous avons accordé et accordons, faisons concession et octroi de la Charte constitutionnelle qui suit. » 
Il affirmait, en outre, que l'autorité tout entière résidait en France dans la personne du roi. C'était la proclamation de la théorie surannée du droit divin, en opposition avec le principe nouveau de la souveraineté nationale.

Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire du 22 avril 1815

Par cet acte, Napoléon, de retour de l'île d'Elbe, acceptait les réformes libérales inaugurées par la Charte de 1814, en les adaptant au Gouvernement impérial.
Le pouvoir exécutif appartenait à l'empereur, le pouvoir législatif à deux assemblées : la Chambre des pairs et la Chambre des représentants. Les Pairs, dont le nombre était illimité, étaient nommés par l'empereur; leur titre était héréditaire. Les Représentants, au nombre de 629, étaient élus pour 4 ans, par les deux séries de collèges de département et d'arrondissement.
Ce gouvernement n'eut qu'une durée éphémère d'application, et laissa de nouveau place, après les Cent jours, à la Charte constitutionnelle de 1814.

Organisation administrative

Nouvelles divisions administratives. 
La première et la plus considérable réforme de l'Assemblée constituante, dans l'ordre administratif, a consisté à faire disparaître l'ancienne division en provinces et à lui substituer la division en départements

Et cela pour plusieurs motifs : pour assurer l'unité nationale, pour rendre plus facile le maintien du nouvel ordre de choses en brisant les anciens cadres, pour simplifier et améliorer l'action administrative en restreignant l'étendue des circonscriptions (Loi du 22 décembre 1789).

Le département était divisé en districts, le district en cantons et le canton en communes. Le district fut ensuite supprimé par la constitution du 5 fructidor an III, puis rétabli, sous le nom d'arrondissement, par la loi fondamentale de l'organisation administrative de la France : la loi du 28 pluviôse an VIII.

Détails de l'organisation administrative. 
L'organisation administrative pendant la période révolutionnaire a été régie par trois lois successives : les lois de l'Assemblée constituante, la constitution du 5 fructidor an III, enfin la loi du 28 pluviôse de l'an VIII.

1° Assemblée constituante.
Administration du département. - D'après le décret du 22 décembre 1789 - 15 janvier 1790, l'administration du département comprenait :

1° Un conseil de département de trente-six membres, élu pour quatre ans et renouvelé tous les deux ans par moitié. Il repré sentait le pouvoir délibérant;

2° Un directoire permanent de huit membres élu par le conseil dans son sein, pour la même période de quatre ans, avec renouvellement par moitié tous les deux ans. Il représentait l'administration active, et avait en outre des pouvoirs de juridiction;

3° Un procureur général syndic, nommé par les électeurs pour quatre ans, dont le rôle était de requérir l'application des lois et de représenter le département en justice.

Administration du district. - Le district était administré :
1° Par un conseil élu, représentant le pouvoir délibérant;

2° Par un directoire de quatre membres, élu par le conseil dans son sein, chargé comme le directoire de département de l'action administrative et de la juridiction;

3° Par un procureur général syndic.

Administration communale. - La commune était administrée par le corps municipal, un maire et un procureur général syndic de la commune; pour les affaires les plus importantes, au corps municipal était adjoint un conseil général de la commune, composé de notables.

2° Constitution du 5 fructidor an III. 
Départements.  - la constitution modifie l'administration du département de la façon suivante : l'action et la délibération sont confiées à un conseil unique de cinq membres élu pour cinq ans et renouvelé par cinquième tous les ans.

A côté de ce corps électif elle place un commissaire nommé par le directoire exécutif, pour surveiller et requérir au besoin l'exécution des lois.

Districts. - Le district est supprimé.

Communes. - L'administration de la commune subit une im portante modification : les communes de moins de 5000 habitants perdent leur individualité et sont groupées en municipalités de canton. Chaque commune élit un agent municipal et un adjoint, chargés de l'administration active et de la police. Tous les agents municipaux du même canton se réunissent au chef-lieu en une assemblée qui délibère sur les affaires de la municipalité cantonale. Un commissaire nommé par le directoire exécutif était placé près de cette assemblée, pour surveiller et requérir l'exécution des lois.

Caractères généraux.
En résumé, ce qui caractérise l'organisation administrative de 1789 à l'an VIII, c'est :

1° Que l'action, au lieu d'appartenir à un seul, est confiée à une commission exécutive composée de plusieurs membres;

2° Que les membres de cette commission sont nommés par le corps délibérant dans son sein et qu'ils sont chargés de trancher les contestations que soulèvent les actes administratifs, en sorte qu'il y a confusion de l'action, de la délibération et de la juridiction;

3° Qu'il n'y a pas un lien étroit entre ces diverses administrations locales et le pouvoir central.

Loi fondamentale du 28 pluviôse an VIII. Principes qui résultent de cette loi. 
La loi du 28 pluviôse an VIII est la loi fondamentale sur laquelle repose, aujourd'hui encore une grande part de l'organisation administrative de la France à l'échelle du département. Nous verrons en effet que, jusqu'au XXe s., un seul organe nouveau a été établi depuis, la Commission départementale, par la loi du 10 août 1871.

Les principes qui se dégagent de cette loi peuvent être ramenés à trois règles fondamentales.

1re règle : Agir est le fait d'un seul. En conséquence, cette loi a placé à la tête de chaque centre d'administration un agent unique : A la tête du département, un préfet ; A la tête de l'arrondissement, un sous-préfet ; A la tête de la commune, un maire.

2e Règle : l'action doit être distincte de la délibération et de la juridiction; en sorte que les divers organes de l'administration doivent être divisés en : autorités, conseils et tribunaux. En conséquence, dans le département, à côté du préfet représentant l'action, elle a placé le conseil général représentant la délibération, et le Conseil de préfecture représentant la juridiction; Dans l'arrondissement, à côté du sous-préfet, le Conseil d'arrondissement; Dans la commune, à côté du maire et de ses adjoints, le Conseil municipal.

3e Règle : Il doit exister entre les divers organes de l'administration active un lien de hiérarchie qui les rattache tous directement ou indirectement au chef du pouvoir exécutif, dans l'ordre suivant :
Chef du pouvoir exécutif.
Ministres.
Préfets.
Sous-préfets.
Maires.

Organisation judiciaire

Suppression des anciennes juridictions.
L'Assemblée constituante s'attacha d'abord à rétablir l'unité dans l'organisation judiciaire par la suppression des juridictions seigneuriales, des juridictions ecclésiastiques et des juridictions municipales; les parlements furent licenciés, les charges vénales abolies; enfin, des principes essentiels furent établis pour la bonne administration de la justice : la gratuité de la justice, la publicité des audiences et la nécessité pour les juges de motiver leurs arrêts.

Organisation des tribunaux. 
L'organisation des tribunaux a été différente dans l'Assemblée constituante, sous la Constitution du 5 fructidor an III et sous le Consulat et l'Empire. Nous allons l'étudier successivement à ces diverses époques.

1° Sous l'Assemblée constituante.
Il faut distinguer les tribunaux civils et les tribunaux criminels.

Tribunaux civils. - Les tribunaux civils étaient : les tribunaux de district et les juges de paix.

Chaque district avait un tribunal composé d'un président et de cinq juges élus pour six ans. Il comprenait en outre un ministère public nommé par le roi. Il formait le tribunal de droit commun. L'appel de ses décisions était porté devant le tribunal d'un autre district.

L'Assemblée constituante n'avait pas établi de tribunaux d'appel spéciaux pour éviter la multiplicité des degrés de juridiction qui était l'un des vices de l'ancienne organisation judiciaire.

Dans chaque canton, il y avait un juge de paix qui siégeait assisté de deux assesseurs. Ils étaient tous élus. Le juge de paix statuait sur les affaires de minime importance, conciliait les plaideurs, présidait les conseils de famille.

Tribunaux criminels. - Les tribunaux criminels étaient au nombre de trois.

D'abord, le tribunal criminel siégeant au chef-lieu du département. Il était composé de deux éléments : la magistrature et le jury; et il comprenait un ministère public.

La magistrature comprenait : un président désigné pour 6 ans et trois juges choisis par voie de roulement dans le tribunal civil de district.

Le jury était double : il y avait un jury d'accusation, chargé d'examiner s'il y avait lieu de poursuivre, et le jury de jugement statuant sur la culpabilité.

Dans chaque canton, il y avait un tribunal de police correctionnelle composé du juge de paix et de ses assesseurs, sauf appel au tribunal de district.

Dans chaque commune il y avait un tribunal de police municipale composé d'officiers municipaux, qui statuait, sauf appel, au tribunal de district.

Tribunal de cassation. - Au-dessus de tous les tribunaux était établi un tribunal suprême, le tribunal de cassation, ayant pour mission particulière d'assurer l'unité dans l'interprétation de la loi.

2° Constitution du 5 fructidor an III. 
Elle apporta peu de modifications à l'organisation établie sous la Constituante. Elle se borna à remplacer les tribunaux civils de district par un tribunal civil de département, composé de vingt juges, élus pour cinq ans, et assisté d'un ministère public L'appel de ses décisions était porté au tribunal voisin.

3° Consulat et Empire. 
L'organisation judiciaire fut établie par une loi du 27 ventôse an VIII.

Dans chaque arrondissement un tribunal fut investi de la juridiction civile de droit commun et de la compétence en matière correctionnelle.

L'appel fut confié à des tribunaux d'appel dont le ressort s'étendait à plusieurs départements et qui, plus tard, reçurent le titre de cours d'appel.

Dans chaque canton, un juge de paix, siégeant seul depuis la loi du 29 ventôse an XI, connaissait des affaires minimes en matière civile et composait le tribunal de simple police en matière répressive.

Enfin, le tribunal de cassation, appelé cour de cassation dans la suite, continuait à jouer son rôle de régulateur suprême de la jurisprudence.

Les magistrats n'étaient plus élus; ils étaient choisis par le gouvernement, suivant leur rang, sur les listes de notabilité communale, départementale ou nationale.

Plus tard, ils furent nommés directement et librement par le chef de l'Etat.

Droit criminel. 
ous la Constituante, diverses lois pénales furent promulguées; elles réalisaient des réformes appréciables suppression de la torture, égalité et personnalité des peines, abandon du système des peines arbitraires, remplacées par des peines inflexibles, sans maximum ni minimum, dans une pensée de réaction excessive.

Puis, vinrent : le code des délits et des peines du 4 brumaire an IV et les codes de 1808 et de 1810.

Organisation militaire

Système nouveau de recrutement. 
Tandis que les anciennes armées royales étaient composées principalement de mercenaires souvent étrangers, suisses ou allemands, la Révolution française donna à l'armée une physionomie nouvelle, vraiment nationale, en recrutant ses éléments d'une façon exclusive au coeur même de la nation.

L'Assemblée constituante, tout d'abord, rendit un décret, le 14 mars 1791, proclamant que la défense de la patrie était un devoir civique et général. Puis, la Convention ordonna la levée en masse pour repousser la coalition de l'Europe. Mais un système régulier n'est établi que par la loi du 19 fructidor an VII (5 septembre 1799). Cette loi organisait la conscription militaire avec faculté de remplacement : tous les citoyens, de 20 à 25 ans, étaient à la disposition de l'Etat. Ils étaient répartis en cinq classes; tous les ans, en temps de paix, on libérait une classe et on en appelait une autre. Ce système fonctionna jusqu'à la loi du 10 mars 1818.

Organisation de l'armée. 
L'armée fut organisée sur des bases nouvelles par la loi du 16 février 1793. Elle fut composée de divisions comprenant deux brigades d'infanterie, subdivisées elles-mêmes en demi-brigades; deux régiments de cavalerie et deux batteries d'artillerie. Le commandement fut exercé par des généraux de division, des généraux de brigade, des colonels, des chefs de bataillon et des capitaines de compagnie.

Le système électif fut tout d'abord appliqué pour la nomination des officiers. Mais ensuite leur recrutement et leur avancement furent réglementés par des lois spéciales.

Pour former un corps d'officiers d'élite, successivement furent instituées : l'Ecole polytechnique, 28 septembre 1794 (7 vendémiaire an III), l'Ecole de cavalerie de Versailles, transférée ensuite à Saumur, l'Ecole d'application de Fontainebleau, en 1802, et un peu plus tard l'Ecole de Saint-Cyr.

Organisation financière

Les impôts. 
Pendant la période révolutionnaire il y eut des impôts directs et des impôts indirects.

Impôts directs.
Les impôts directs furent successivement établis à la place des anciennes impositions supprimées.

a) L'impôt foncier sur la propriété bâtie et non bâtie qui apparaissait aux hommes de l'Assemblée nationale, imbus des théories des physiocrates, comme étant la contribution par excellence, puisque la terre était la suprême richesse (Lois des 23 novembre 1790, 21 août 1791 et 3 frimaire an VII) Elle portait sur le revenu net déterminé par le cadastre dont la confection ne commença cependant qu'en 1807.

b) L'impôt mobilier, assis sur le loyer considéré comme signe apparent de la richesse, était destiné à atteindre l'ensemble des revenus du contribuable. On y ajouta un peu plus tard l'impôt personnel établi sur chaque individu à raison de la valeur de trois journées de travail (Loi du 3 nivôse an VlI).

c) L'impôt des patentes, établi en 1791, supprimé par la Convention, puis rétabli par une loi de fructidor an IV, frappait toute personne exerçant une profession non exemptée par le tarif. Il comprenait deux droits : un droit fixe variant suivant chaque nature d'industrie, et un droit proportionnel, sur le loyer des locaux industriels et d'habitation du patenté.

d) Enfin la loi du 4 frimaire an VII ajouta aux impôts précédents l'impôt des portes et fenêtres.

Impôts indirects.
L'Assemblée constituante cédant au mouvement général avait supprimé la plupart des impôts indirects, notamment les aides et les gabelles dont l'impopularité était très grande. Mais ils furent rétablis plus tard sous d'autres noms à l'époque du Consulat et de l'Empire. Les douanes intérieures disparurent, mais des douanes furent organisées aux frontières, pour les marchandises venant de l'étranger. D'abord modérés sous l'Assemblée constituante les droits d'entrée devinrent protecteurs sous la Convention et tout à fait prohibitifs, à l'époque du blocus continental, sous l'Empire.

Enfin, furent réglementés successivement : les droits de greffe et d'hypothèque, par la loi du 21 ventôse an VII, les droits de timbre, par la loi du 13 brumaire an VII, les droits d'enregistrement par la loi du 22 frimaire an VII.

Administration financière.
L'Administration financière de l'ancien régime fut supprimée par l'Assemblée constituante, mais ce n'est que sous le Directoire qu'elle fut réorganisée. En ce qui concerne les contributions directes, on distingua à cette époque le service de l'assiette ou de l'établissement de l'impôt et le service du recouvrement.

Le service de l'assiette était confié à des contrôleurs ayant au-dessus d'eux des inspecteurs, placés dans chaque département sous l'autorité d'un directeur.

Le service du recouvrement fut composé d'un percepteur par canton, d'un receveur particulier par arrondissement et d'un receveur général au chef-lieu du département.

Pour les contributions indirectes, le système de la ferme fut supprimé et remplacé par le système de la régie. On créa des administrations distinctes pour les douanes, pour l'enregistrement, pour les eaux et forêts, et en l'an X fut instituée une administration des contributions indirectes.

Notons, qu'à la tête de l'administration des finances, il y eut désormais un ministre des finances, enfin, la loi du 16 septembre 1807 créa la Cour des comptes, à la place des chambres des comptes qui avaient été supprimées en 1789.

Rapports de l'Église et de l'État

Division.
Pour comprendre quelle a été la politique de la Révolution à l'égard de l'Eglise, il faut étudier successivement l'oeuvre des différentes assemblées révolutionnaires. Nous verrons alors qu'après avoir détruit le patrimoine de l'Eglise on s'attaqua à sa constitution pour la réorganiser dans un esprit nouveau et on finit par détruire la religion vernaculaire elle-même. Puis vint une ère d'apaisement, on atténua peu à peu les rigueurs prises contre le culte catholique et on aboutit à une transaction entre les deux puissances rivales, l'Etat et le Saint-Siège, dans le Concordat de 1801.

Oeuvre de l'Assemblée constituante. 
L'Assemblée constituante a fait deux choses au point de vue de l'Eglise : 1° elle a détruit le patrimoine de l'Eglise; 2° elle a établi la constitution civile du clergé.

1° Suppression du patrimoine de l'Eglise.
L'Assemblée constituante s'attaqua d'abord à la dîme qui pesait si lourdement sur la propriété rurale et dont la perception était si impopulaire. Il y avait en 1789 pour quatre vingts millions de dîmes ecclésiastiques et pour dix millions de dimes inféodées, c'est à-dire appartenant à des seigneurs laïques.

Le décret du 4 août 1789 les déclara rachetables. Cette mesure parut insuffisante; l'Assemblée constituante fit davantage encore : par un décret du 11 août suivant elle supprima purement et simplement les dîmes ecclésiastiques, sous la condition
de subvenir aux dépenses, auxquelles les dîmes supprimées étaient affectées, à l'aide de ressources publiques. Les dîmes inféodées furent déclarées rachetables, puis elles furent supprimées moyennant une indemnité payée par l'Etat à leurs titulaires.

L'Assemblée constituante s'occupa ensuite des bénéfices ecclésiastiques. A la suite d'une discussion fameuse à laquelle prirent part, en sens opposé, Mirabeau et l'abbé Maury, un décret fut rendu le 2 novembre 1790 aux termes duquel les propriétés de l'Eglise étaient mises à la disposition de la Nation, à charge par elle de subvenir désormais aux besoins du culte par les ressources de son budget.

2° Constitution civile du clergé. 
Le patrimoine de l'Eglise étant ainsi supprimé, l'Assemblée constituante organisa la Constitution civile du clergé par son décret du 25 juin 1790. Voici quels en étaient les traits essentiels :

a) Les divisions ecclésiastiques étaient remaniées de façon à les faire cadrer avec les nouvelles divisions administratives.

b) Les évêques et les curés étaient élus par le même corps électoral qui élisait les administrateurs, sans distinction de religion. Les évêques ainsi élus se présentaient devant le métropolitain qui examinait leur aptitude au point de vue canonique. La décision du métropolitain pouvait être déférée au jugement des évêques des autres diocèses, et en dernier ressort au tribunal civil de district. L'investiture canonique du pape était supprimée.

c) Enfin, le décret déterminait les traitements des ministres du culte.

Ce système aboutissait â l'absorption de l'Eglise par l'Etat. Il souleva les protestations du pape Pie VI dans une lettre du 15 juillet 1790 et une vive opposition de la part du clergé.

Pour compléter son oeuvre, l'Assemblée constituante imposa aux ecclésiastiques et aux professeurs des universités de prêter serment à la Constitution civile (décret du 27 novembre 1790). Il en résulta un schisme dans l'Eglise.

On distingua les évêques et les prêtres qui avaient prêté serment, qu'on appela constitutionnels ou assermentés, de ceux qui s'y étaient refusés et qui étaient dits : insermentés ou réfractaires.

Oeuvre de la Convention. 
Les mesures de rigueur contre le clergé avaient commencé sous l'Assemblée législative; elles se poursuivirent et se complétèrent sous la Convention. Un décret du 25 avril 1793 prononça la peine de la déportation en Guyane contre les prêtres qui refuseraient le serment civique. Puis, on s'attaqua au culte lui-même, et on décréta une religion d'Etat. Après un rapport célèbre de Robespierre, la Convention rendit le décret de floréal an Il établissant un nouveau culte, celui de l'Etre suprême, et organisant des fêtes religieuses, civiles et politiques : fêtes de l'Etre suprême, de la vertu, de l'amour paternel, etc.

Oeuvre du Directoire. 
Depuis la chute de Robespierre, 9 thermidor an II, une ère d'apaisement et de réaction commence; cette tendance s'accentue encore sous le Directoire. Peu à peu, on revint sur les mesures excessives du régime antérieur; la plupart des églises furent rendues au culte catholique, enfin, la loi du 16 fructidor an V abrogea les lois de rigueur votées contre les prêtres insermentés.

Œuvre du Consulat. Le Concordat. 
Le Consulatétablit un nouveau régime qui a régi les rapports de l'Eglise et de l'Etat jusqu'à la loi du 9 décembre 1905. Nous voulons parler du concordat signé entre le premier consul et le pape Pie VII (26 messidor an IX). Les dispositions du concordat furent complétées par la loi du 18 germinal de l'an X contenant les articles organiques du culte catholique. Ce texte renferme aussi des articles organiques pour le culte protestant. Le culte juif ne fut réglementé que plus tard, à la suite d'une assemblée générale d'israélites réunis à Paris le 10 décembre 1806, par un décret du 17 mars 1808.

Principes généraux établis par le Concordat. 
Le Concordat contient en substance les dispositions suivantes : Libre exercice du culte catholique et publicité de ce culte; droit reconnu au gouvernement français de désigner les évêques et droit inaliénable du pape de les instituer au point de vue canonique; droit pour le gouvernement d'agréer la nomination des curés doyens faite par les évêques, et par conséquent d'opposer son veto à certaines nominations : mise à la disposition de l'Eglise des édifices consacrés au culte et engagement pris par l'Etat de pourvoir à la subsistance de l'Eglise en échange de la renonciation faite par le pape à toute prétention sur les anciennes propriétés ecclésiastiques.

Histoire du droit privé

Condition des personnes

Principes nouveaux. 
Dans le droit de la Révolution la condition des personnes est dominée par un principe essentiel : l'égalité civile.

Ce principe est proclamé par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : 

« Les hommes naissent et demeurent [...] égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »
De son côté la Constitution du 5 fructidor an III définit ainsi l'égalité : 
« L'égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. »
Conséquences générales du principe d'égalité. 
La proclamation du principe d'égalité civile entraîna les conséquences générales suivantes :
1° La distinction des trois ordres de la nation, clergé, noblesse, tiers état, fut abolie; il n'y eut plus que des citoyens français, ayant tous les mêmes droits au point de vue politique et au point de vue civil.

2° Les privilèges appartenant aux ecclésiastiques et aux membres de la noblesse furent supprimés. On supprima même les distinctions honorifiques, les livrées, les armoiries, et comme on avait sévi à l'égard du clergé, on sévit avec la dernière rigueur contre les émigrés.

Cependant, sous le Premier empire, la noblesse fut rétablie, mais à titre purement honorifique, et sans aucune des prérogatives qui l'avaient rendue odieuse sous l'ancienne monarchie.

3° Le servage disparut avec toutes les incapacités qu'il entraînait. La Convention mit également fin à l'esclavage dans les colonies par un décret du 4 février 1791, mais le Consulat revint sur cette mesure par le décret du 30 floréal an X.

4° Les étrangers eux-mêmes bénéficièrent d'une législation empreinte de la plus grande générosité.

Les droits d'aubaine et de détraction furent supprimés par un décret de l'Assemblée constituante, sans aucune condition de réciprocité, et les étrangers se trouvèrent assimilés aux Français, au point de vue du droit privé. 

5° Les bâtards, qui étaient dans une condition d'infériorité très grande sous l'ancienne législation française, furent assimilés aux enfants légitimes par une loi du 12 brumaire an II au point de vue de la succession de leurs père et mère; cette loi leur reconnut même un droit dans la succession des parents collatéraux. Le Code civil réagira sur ce point.

Conséquences spéciales du principe d'égalité. 
Le principe d'égalité entraîna en outre des conséquences spéciales :

1° Egalilé devant la loi civile.
Tandis que dans l'ancienne France les règles de droit civil étaient différentes pour les nobles et pour les roturiers, notamment au point de vue de la condition des terres, de la capacité d'acquérir ou de transmettre, et de la dévolution des successions, toute distinction a cessé désormais d'exister.

il n'y a plus ni serfs, ni roturiers, ni nobles, ni clercs; la loi civile est la même pour tout le monde, sans distinction de fortune, ni d'origine.

2° Egalité devant la loi pénale. 
Dans l'ancien droit français, le privilège de la naissance ne disparaissait pas même dans le crime le roturier et le noble, convaincus du même fait n'étaient pas frappés de la même peine. Le noble, condamné à mort, était décapité, le roturier était pendu.

Il n'en est plus ainsi désormais : la loi pénale est égale pour tous.

3° Egalité devant la justice. 
Sous l'Ancien régime, des privilèges spéciaux conféraient à certaines personnes le droit d'être jugées par des juridictions particulières : le privilège de clergie qui permettait aux clercs d'être poursuivis exclusivement devant les tribunaux ecclésiastiques; le privilège de committimus, ou droit pour certains nobles d'être jugés directement par la Chambre des requêtes du Parlement.

D'autre part, la vénalité des charges de judicature avait à ce point développé les frais judiciaires, sous le nom d'épices, perçus directement par le magistrat, que l'accès des tribunaux n'était guère possible que pour les riches.

Désormais, la justice est égale pour tous : en ce sens qu'il n'y a plus aucune distinction de juridictions basée uniquement sur des considérations de personnes. Les règles de compétence et de procédure sont identiques pour tous les justiciables.

Comme corollaire de ce principe on a posé cette règle que nul ne peut être distrait de ses juges naturels. 

En outre, la justice est déclarée gratuite, en ce sens que les plaideurs n'ont plus à acquitter d'honoraires entre les mains des magistrats, fonctionnaires de l'Etat, appointés sur les fonds du Trésor public.

4° Egalité des charges publiques. 
Avant 1789 les charges publiques étaient inégalement réparties : les deux premiers ordres de la nation jouissaient de privilèges, qui les exemptaient à peu près intégralement des impôts, au détriment du tiers état qui était pressuré. Pour justifier cette différence de traitement, on disait : le noble défend le roi de son épée, le clerc de ses prières, le roturier de sa bourse.

Cette distinction a disparu : les charges publiques doivent être les mêmes pour tous les citoyens.

Cette égalité apparaît notamment : au point de vue de l'impôt. Tous les citoyens sont égaux devant l'impôt; c'est ce qu'exprime la Constitution du 5 fructidor an III dans son article 16 :

« Toute contribution est établie pour l'utilité générale; elle doit être répartie entre les contribuables, en raison de leurs facultés. »
Egalité pour l'admission aux emplois et dignités
Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois et dignités publics pourvu qu'ils remplissent les conditions prescrites par la loi, à cet effet.

C'est ce que déclare la Constitution de 1791, dans les termes suivants : 

« La Constitution garantit que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. »
La Constitution de l'an III reproduit à peu près la même formule : 
« Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents. »
Il en était bien autrement, nous l'avons vu, sous l'Ancien régime, où, d'après une ordonnance du 24 mai 1781, les gentilshommes seuls pouvaient acquérir des grades dans l'armée, et où il fallait avoir jusqu'à quatre quartiers de noblesse pour aspirer aux grades supérieurs.

Condition des terres

Réforme essentielle. 
La Révolution française fit pour la propriété ce qu'elle avait fait pour les personnes, elle proclama sa liberté en brisant tous les liens qui l'enchaînaient dans l'ancien droit français. Désormais plus de dédoublement de la propriété en domaine direct et en domaine utile, plus de fief, plus de censive, plus de tenure servile, il n'y a plus qu'une seule espèce de propriété : la propriété allodiale franche et libre. C'était un retour pur et simple à la conception romaine de la propriété individuelle.

Moyens employés pour la réalisation de cette réforme. 
La réalisation de cette réforme était ardue, parce qu'elle était de nature à soulever une vive opposition de la part de ceux dont elle allait léser les intérêts pécuniaires. Aussi les hésitations furent-elles grandes et c'est par étapes successives qu'on arriva à une solution définitive.

L'Assemblée constituante adopta, sur la proposition de Merlin de Douai, de distinguer les droits féodaux en deux catégories les droits féodaux consentis et les droits féodaux usurpés, ce qu'on a appelé quelquefois la féodalité contractante et la féodalité dominante. Les droits féodaux usurpés étaient supprimés purement et simplement sans indemnité, les droits féodaux consentis étaient seulement déclarés rachetables. C'était aux titulaires des droits féodaux à faire la preuve que leurs droits avaient été consentis en produisant leur titre.

Mais ce système présentait de grandes difficultés d'application, parce que les titres avaient été détruits ou bien n'avaient jamais existé. Alors un décret du 15 mars 1790 trancha la question en établissant des présomptions. Il déclarait maintenus, mais rachetables, les droits de quint et de relief pour les fiefs, de lods et ventes pour les censives, les considérant comme des droits contractuels, à moins d'une preuve contraire : d'autre part, il supprimait la foi et l'hommage, le retrait féodal, la commise, la saisie féodale, ainsi que tous les droits féodaux se rattachant au servage, tels que les corvées et les banalités.

Un décret du 3 mai 1790 détermina les conditions du rachat des droits qui étaient maintenus. Mais l'Assemblée constituante ne prit aucune mesure pratique pour faciliter l'opération effective du rachat. Des troubles s'en suivirent. L'Assemblée se sépara sans avoir pu aboutir.

Sous l'Assemblée législative, un décret du 25 août 1792, rendu sur la proposition de Couthon, déclara supprimés purement et simplement tous les droits féodaux; sauf ceux dont les titulaires démontreraient le caractère contractuel en présentant le titre d'inféodation ou d'accensement et les rentes foncières; mais ces dernières étaient déclarées rachetables.

La Convention prit une mesure plus radicale. Par un décret du 17 juillet 1793 elle prononça l'abolition, sans indemnité, de tous les droits féodaux, même de ceux dont l'origine contractuelle serait prouvée, à l'exception des rentes foncières. Cette fois c'était bien la mort sans phrase du régime de la propriété féodale et le triomphe définitif de l'allodialité.

Contrat d'emphytéose.
L'Assemblée constituante, par son décret du 18 décembre 1790, article 1er, prononça la suppression de l'emphytéose perpétuelle et des baux à vie établis sur plus de trois têtes; mais ordonna le maintien de l'emphytéose temporaire limitée à une durée maxima de 99 ans et des baux à vie établis, sur trois têtes au plus.

L'emphytéose était donc conservée seulement restreinte quant à sa durée; de plus, on ne devait plus établir la distinction faite précédemment entre la directe privée appartenant au bailleur et le domaine utile concédé à l'emphytéote. Cependant, pendant toute la période révolutionnaire le droit du preneur emphytéotique fut considéré comme un droit réel de jouissance, analogue à l'usufruit, et non pas comme un simple droit de créance analogue à celui du fermier. Cette manière de voir était confirmée par la loi du 9 messidor an III et par la loi du 11 brumaire an VII qui rangeaient l'emphytéose au nombre des droits susceptibles d'hypothèques.
Sous l'Empire du Code civil, la question a été discutée de savoir si le droit d'emphytéose est un droit de créance ou un droit réel. Pour la jurisprudence c'était un droit réel susceptible d'hypothèque au même titre que l'usufruit. Mais l'opinion contraire paraissait résulter des articles 526, 543, 2118 et 2204, qui, énumérant les droits réels et les biens susceptibles d'être hypothéqués et expropriés, font mention de l'usufruit, et gardent le silence au sujet de l'emphytéose. Ce silence était surtout significatif si l'on rapproche ces articles des articles correspondants des lois précitées de la période révolutionnaire, si l'on compare notamment l'article 2118 du Code civil et l'article 6 de la loi du 11 brumaire an VII.

Cette controverse ne prendra fin que par la loi du 25 juin 1902 qui a rangé l'emphytéose au nombre des droits réels.

Rentes foncières. 
Les rentes foncières furent l'objet de plusieurs décrets des Assemblées révolutionnaires : décrets du 11 août 1789, du 18 décembre 1790, du 25 août 1792 et du 17 juillet 1793. Elles ne furent pas abolies, mais leur nature juridique fut profondément modifiée.

1 ° Elles furent déclarées essentiellement rachetables;

2° Elles cessèrent d'être considérées comme des droits réels affectant directement le fonds et devinrent de simples droits de créance
ayant pour objet le paiement d'arrérages annuels; d'où cette conséquence, qu'elles ne furent plus susceptibles d'hypothèques;

3° Enfin, les rentes foncières n'eurent plus le caractère de droits immobiliers, mais de droits mobiliers.

Toutes ces solutions ont été consacrées ensuite par le Code civil, article 529 in fine et article 530.

Organisation de la famille

Sécularisation des actes de l'état civil. 
La réforme capitale réalisée par les lois révolutionnaires, au point de vue de la condition privée des personnes, a consisté à séculariser l'état civil, c'est-à-dire à enlever la constatation des naissances, des mariages et des décès aux ministres du culte catholique pour la confier à des officiers publics. Le principe de cette réforme a été posé par l'article 7 de la Constitution des 3-14 septembre 1791; il a été mis en oeuvre par la loi des 20-25 septembre 1792 qui attribua aux municipalités la tenue des registres de l'état civil, en décidant que désormais ces registres feraient seuls foi en justice.

Réformes concernant le mariage. 
Les lois révolutionnaires modifièrent les règles de l'ancien droit français concernant le mariage sur trois points essentiels :

1° Le mariage fut considéré comme un contrat purement civil et non plus comme un sacrement produisant des effets civils. Les époux étaient libres de faire procéder à la célébration du mariage religieux, mais seul le mariage contracté devant l'officier de l'état civil et réunissant les conditions prescrites par la loi devait être considéré comme une union régulière par les tribunaux et produire des effets entre époux. C'était la conséquence directe de la sécularisation de l'état civil.

2° D'après la loi du 21 septembre 1792, les conditions de validité du mariage étaient les suivantes :

a) La célébration devant l'officier de l'état civil;

b) L'âge requis par la loi, 13 ans pour les filles, 15 ans pour les garçons;

c) Le consentement du père, à défaut du père, de la mère, à défaut des père et mère, des cinq plus proches parents, jusqu'à vingt et un ans;

d) L'absence d'un mariage existant encore;

e) L'absence d'un lien de parenté au degré prohibé; la parenté était un obstacle au mariage à l'infini, en ligne directe, et en ligne collatérale, entre frère et soeur.

3° Enfin, innovation considérable! le divorce était admis et la séparation de corps supprimée. Le divorce pouvait avoir lieu, soit pour cause déterminée, soit par consentement mutuel, soit pour simple incompatibilité d'hu meur entre époux. Sur ce dernier point, le Code civil est revenu un peu en arrière; il a rétabli la séparation de corps et supprimé le divorce pour incompatibilité d'humeur. On sait que le divorce lui-même a été supprimé par la loi du 8 mai 1816 pour être rétabli par la loi du 27 juillet 1884.
Régimes matrimoniaux.
Les régimes matrimoniaux en usage dans l'ancien droit français, soit au nord, soit au midi, communauté et régime dotal, étaient maintenus par les lois révolutionnaires. Mais le douaire, qui était une institution concernant les personnes nobles, était supprimé (Loi du 17 nivôse an II, interprétée par la loi du 9 fructidor an II, 24°).

Puissance paternelle
En ce qui concerne la puissance paternelle, la Révolution se borna à supprimer les derniers vestiges de la puissance paternelle romaine dans les pays de droit écrit, en décidant que l'autorité légale du père cesserait à la majorité des enfants qu'elle fixait à l'âge de 21 ans (Lois du 28 août 1792 et du 20 septembre 1792, tit. IV, sect. 1, art. 2).

Transmission de la propriété et régime successoral

Transmission de la propriété entre vifs.
Dans la période révolutionnaire une loi célèbre a été faite pour régler le transfert de propriété des immeubles, entre vifs, la loi du 11 brumaire an VII.

Aux termes de l'article 26 de cette loi, la propriété des immeu bles est opérée par le seul effet du consentement dans les rapports des parties contractantes, mais à l'égard des tiers l'aliénation n'est consommée que par la transcription de l'acte sur les registres du conservateur des hypothèques.

C'était une réforme salutaire, de nature à consolider le crédit foncier, en donnant une sécurité plus grande aux transactions immobilières.

Cette règle de publicité sera abandonnée par les rédacteurs du Code civil; l'article 1138 décida que le seul consentement des parties suffisait pour opérer le transfert de propriété vis-à-vis de tous. Il en résulta de tels dangers de fraude que la loi du 23 mars 1855 dut remettre en vigueur les principes établis par la loi du 11 brumaire an VII.

Régime hypothécaire. 
En matière hypothécaire d'importantes et utiles réformes furent également réalisées pendant la période révolutionnaire.

Dans l'ancien droit coutumier français, comme en droit romain, le régime hypothécaire était entaché de deux vices irrémédiables la clandestinité et la généralité des hypothèques. Aucune formalité de publicité n'était prescrite pour porter l'existence des hypothèques à la connaissance des tiers intéressés, c'est à dire des acquéreurs possibles de l'immeuble ou des capitalistes qui pouvaient faire crédit au propriétaire.

De plus, les hypothèques pouvaient être établies sur l'ensemble des immeubles du débiteur, ce qui multipliait à l'infini les hypothèques et compromettait sérieusement le crédit foncier.

Deux lois furent rendues pour porter remède à cette situation la loi du 9 messidor an III et la loi du 11 brumaire de l'an VII.

De la première nous ne dirons rien, bien qu'elle soit intéressante à plus d'un titre, notamment par la création des cédules hypothécaires qui permettaient la mobilisation du sol; mais elle ne fut pas appliquée, par suite d'ajournements successifs.

La loi du 11 brumaire an VII posa un double principe qui est encore considéré comme la condition essentielle de tout bon système hypothécaire : le principe de la publicité et de la spécialité, des hypothèques.

Désormais, dans l'acte constitutif d'hypothèque, il faut indiquer d'une façon précise l'immeuble ou les immeubles que le débiteur entend grever; et il lui est interdit d'hypothéquer des biens à venir. C'est en cela que consiste le principe de la spécialité.
D'autre part, l'hypothèque doit être portée à la connaissance des tiers intéressés par une inscription prise chez le conservateur des hypothèques. Cette inscription a un double résultat elle procure à l'hypothèque son efficacité à l'égard des autres créanciers du même débiteur et des tiers acquéreurs de l'immeuble, et elle détermine le rang de préférence des créanciers hypothécaires entre eux.

Ces deux règles ont été maintenues par le Code civil (art. 2129 et 2134).

Régime successoral. 
Le droit successoral touche de très près au régime politique d'un pays. La Révolution devait attacher son empreinte à cette partie de la législation : voulant orienter la France vers la démocratie égalitaire, elle s'attacha à imposer l'égalité dans la dévolution des successions, et à supprimer les obstacles qui, dans l'ancienne législation française, empêchaient la libre circulation des biens. Elle tendit en même temps à réaliser l'unité législative en cette matière.

Oeuvre de l'Assemblée constituante.
L'oeuvre de l'Assemblée constituante a été assez peu importante sur ce point :

1° Elle a supprimé les règles particulières de la succession aux biens nobles (Décret des 15-30 mars 1790), mais elle laissa subsister la distinction des propres et des acquêts;

2° Elle a aboli les droits d'aînesse et les privilèges de masculinité (Décret du 8 avril 1791);

3° Elle fait disparaître le retrait lignager comme contraire à la libre circulation des biens et comme étant de nature à empêcher la diffusion des biens nationaux (Décret des 19-23 juillet 1790).

Quant à l'Assemblée législative elle ne réalisa aucune réforme.

Oeuvre de la Convention
L'oeuvre de la Convention est au contraire considérable. Elle interdit les substitutions fidéicommissaires par un décret du 25 novembre 1792, puis elle rendit la fameuse loi du 17 nivôse an Il dont nous allons faire une analyse rapide.

Loi du 17 nivôse an Il.
Cette loi, qui comprenait 90 articles, réglementait la dévolution de la succession ab intestat et la succession testamentaire.

On peut la caractériser en disant :

1° Qu'elle opérait la transmission ab intestat dans le sens d'un morcellement infini; on l'a appelée pour cela « une machine à broyer le sol-» ;

2° Que, dans sa préoccupation de maintenir, malgré tout, l'é-
galité absolue entre les héritiers, elle aboutissait à la négation presque complète du droit de disposer;

3° Qu'elle était faite avec effet rétroactif jusqu'au 14 juillet 1789.

Réglementation de la succession ab intestat. 
Unité du patrimoine rétablie par la suppression de la distinction des biens propres et des acquêts et par l'abandon de l'idée de conservation des biens dans les familles et principe absolu d'égalité entre les héritiers, tels sont les deux principes directeurs du nouveau régime successoral.

Il y avait trois ordres d'héritiers :

1 ° Les descendants, légitimes ou naturels. Ils partageaient également, et on appliquait la fiction de la représentation à l'infini;
La représentation est une fiction de la loi qui permet à un enfant d'emprunter le degré de son père, prédécédé au défunt, pour venir à la succession de ce dernier, en concours avec des héritiers plus proches que lui. Exemple : Un père meurt laissant un fils et des petits-enfants d'un autre fils prédécédé. Ces derniers, grâce à la représentation, partageront la succession de leur grand-père avec leur oncle.
2° Les ascendants;

3° Les collatéraux.

Pour la dévolution aux ascendants et aux collatéraux on suivait des règles particulières-:
a) La succession était divisée en deux parties égales, l'une affectée à la ligne paternelle, l'autre à la ligne maternelle, c'est le système de la fente.
b) Dans chaque ligne, s'il n'y avait que des ascendants, ils partageaient par tête à égalité de degré. S'il n'y avait que des collatéraux, on les appelait suivant le degré de l'ascendant dont ils étaient issus, par exemple, les descendants de l'aïeul avant ceux du bisaïeul. S'il y avait à la fois des collatéraux et des ascendants, les collatéraux primaient les ascendants dont ils étaient issus; ainsi le père du défunt était primé par ses frères et 
soeurs, le cousin germain excluait le bisaïeul. On préférait les parents les plus jeunes comme étant présumés plus favorables aux idées nouvelles.

c) Enfin, on admit la représentation à l'infini en ligne collatérale. D'où il résultait d'abord une division entre les deux lignes, puis une fente et une refente.

Réglementation de la succession testamentaire. 
Les règles sur la succession testamentaire étaient destinées à renforcer les dispositions précédentes et à en empêcher la violation détournée.
1° Il était interdit de faire une institution d'héritier soit par contrat, soit par testament.

2° La quotité disponible était limitée à 1/10 lorsque le défunt laissait en mourant des descendants, à 1/6 lorsqu'il laissait des collatéraux. De plus, la quotité disponible ne pouvait pas être attribuée à un héritier, pour ne pas détruire l'égalité établie par la loi.

3° Les aliénations à fonds perdu, telles que les aliénations moyennant une rente viagère, étaient nulles.

Tempéraments apportés au régime de la loi du 17 nivôse an II. 
La mise en pratique de la loi du 17 nivôse an II souleva de vives réclamations. Son effet rétroactif fut suspendu par la loi du 5 floréal an III, puis supprimé définitivement par la loi du 9 fructidor an III.

Enfin, la loi du 4 germinal an VIII étendit les limites de la quotité disponible, et permit de la laisser à l'un des héritiers.

La quotité disponible fut fixée à 1/4 à l'égard des enfants; à 1/2 à l'égard des ascendants, des frères et sueurs et de leurs descendants, et aux 3/4 à l'égard des collatéraux jusqu'au degré de cousin germain.

Histoire externe du droit

Sources législatives. 
Sous notre période, à la diversité des sources du droit a succédé l'unité. Les coutumes, le droit romain, les ordonnances royales. le droit canonique, les arrêts,
de règlement disparaissent comme éléments de formation des règles juridiques; le droit positif n'a d'autre origine désormais que la loi, c'est-à-dire une résolution prise par l'organe législatif.

Suivant la Constitution en vigueur, la procédure de la confection de la loi a varié; nous nous bornerons à renvoyer à cet égard à l'exposé que nous avons donné plus haut des différents systèmes constitutionnels de la période révolutionnaire.

Toutefois l'uniformité de la législation privée n'a été définitivement réalisée, en France, que par l'oeuvre considérable de la rédaction des Codes.

Rédaction des Codes. 
C'est au Consulat et à l'Empire que revient l'honneur d'avoir mené à bien ce travail. Successivement ont été promulgués :

1° Le Code civil, le 21 mars 1804 (30 ventôse an XIII);

2° Le Code de procédure civile, en 1806, pour entrer en vigueur
à partir du 1er janvier 1807;

3° Le Code de commerce en 1807, pour recevoir son application
à partir du 1er janvier 1808;

4° Le Code d'instruction criminelle, en 1808, et le Code pénal, en 1810, pour être exécutoires l'un et l'autre dès le 1er janvier 1811.

Le cadre restreint de cet ouvrage ne nous permet pas d'entrer dans les détails de la confection de chacun de ces codes; il nous suffira de faire connaître l'histoire de la rédaction du Code civil; celle des autres codes est sensiblement la même.

Histoire de la rédaction du Code civil. 
Essais antérieurs au Consulat. 
Des les premiers jours de la Révolution le besoin d'établir un ensemble de lois communes à toutes les parties de la France se fit sentir; aussi, l'Assemblée constituante avait consacré un article de sa constitution de 1791 à ordonner la confection d'un code de lois civiles. Mais il ne fut rien fait dans ce sens sous l'Assemblée législative.

La Convention reprit cette idée, mais elle rejeta successivement deux projets élaborés par un de ses membres, Cambacérès.

Sous le Directoire, un troisième projet fut présenté par Cambacérès au Conseil des Cinq-Cents; mais les événements politiques l'empêchèrent encore d'aboutir. Un autre projet, préparé par Jacqueminot, ne fut même pas discuté.

Le Consulat et le Code civil. 
Le Consulat devait être plus heureux. Par un arrêté des Consuls du 24 thermidor an VIII une commission fut nommée pour rédiger un projet de code civil. Elle était composée de Tronchet, Portalis, Bigot-Préameneu et Maleville. Le projet, arrêté au bout de quatre mois, fut soumis à l'appréciation du Tribunal de cassation et des tribunaux d'appel. Il fut ensuite transmis avec leurs observations au Conseil d'Etat.

Là, chaque titre du projet fut examiné et discuté d'abord par la section de législation, puis, par l'assemblée générale, présidée par le Premier Consul ou par Cambacérès. Les titres, définitivement adoptés dans l'assemblée générale, étaient transmis, comme projets de loi, au Corps législatif. Trois orateurs étaient désignés par le Conseil d'Etat dans son sein pour y exposer et y défendre son projet.

Le Corps législatif communiquait officiellement le projet de loi au Tribunat. Celui-ci discutait ce projet sans pouvoir l'amender, puis il chargeait trois orateurs, pris parmi ses membres, d'aller soutenir ses résolutions, contradictoirement avec les membres du Conseil d'Etat, devant le Corps législatif.

La dernière phase de la procédure se déroulait devant le Corps législatif. Les orateurs du Conseil d'Etat et les orateurs du Tribunat développaient successivement leurs arguments pour l'adoption ou pour le rejet de la loi proposée. Après quoi, le Corps législatif, sans pouvoir discuter et sans pouvoir amender, votait ou rejetait en bloc le projet.

Le premier projet fut rejeté par le Corps législatif, en conformité des conclusions des orateurs du Tribunat; et le Tribunat avait pris ses dispositions pour faire également échec à celui qui allait être présenté. Le gouvernement, blessé de cette résistance intolérable, retira tous ses projets de code civil, et le travail fut ajourné.

Procédure de la communication officieuse. 
Cependant, on se remit à l'oeuvre vers la fin de l'an X. Dans l'intervalle, le Tribu-
nat avait été amputé de la moitié de ses membres trop indépendants (S. L C. du 16 temnidor an X). De plus, on imagina une heureuse modification à la procédure précédemment suivie. Dès que chaque projet eut été rédigé par le Conseil d'Etat, il fut communiqué officieusement au Tribunat pour recevoir ses observations; une entente préalable se produisait entre les deux assemblées, en sorte que la communication officielle qui avait lieu ensuite n'était plus qu'une pure formalité; il en était de même de la discussion contradictoire devant le Corps législatif, puisque l'accord avait été fait entre le Tribunat et le Conseil d'Etat.

Grâce à cet habile expédient, le travail de rédaction suivit rapidement son cours, et dans l'espace de deux années, trente-six lois furent successivement votées et promulguées. Il suffisait de les réunir en un seul corps de lois, sous le titre de Code civil des Français, avec des divisions en livres, en titres, en chapitres et avec une seule série de numéros. Ce fut l'objet de la loi du 30 ventôse an XIII (21 mars 1804).

Diverses éditions du Code civil. 
La première édition officielle du Code civil, nous venons de le dire, date du 21 mars 1804, et avait pour titre : Code civil des Français.

La loi du 3 septembre 1807 ordonna une seconde édition sous le nom de Code Napoléon.

La Charte de 1814 rétablit le nom de Code civil dans son article 68.

Une ordonnance de 1816 prescrivit une troisième édition du Code, c'est ce qui explique que le texte officiel fait encore allusion aux institutions de la monarchie; on y voit figurer les mots « roi, royaume, résidence royale, etc. »i (voir l'art. ler par exemple).

Le décret du 27 mars 1852 restitua au Code le titre de Code Napoléon. Cependant en pratique, depuis la chute du Second empire le code s'appelle comme auparavant Code civil.

Monuments du droit.
Comme monuments du droit de la période intermédiaire nous nous contenterons de citer :

 1° Les ouvrages de Merlin de Douai, qui avait joué un grand
rôle dans les assemblées révolutionnaires et fut procureur général sous l'Empire.

Ce sont : un répertoire universel et raisonné de jurisprudence, et un recueil alphabétique des questions de droit.

2° Le recueil complet des travaux préparatoires du Code civil contenant : 1° le texte du projet; 2° celui des observations du tribunal de cassation et des tribunaux d'appel; 3° toutes les discussions littéralement puisées tant dans les procès-verbaux du Conseil d'Etat que dans ceux du Tribunat; 4° les exposés de motifs, rapports et discours tels qu'ils ont été prononcés au Corps législatif et au Tribunat, par Fenet, 15 vol. in-8°, Paris, 1827 et
1828.

La législation civile, criminelle et commerciale de la France par Locré, 31 vol. in-8°, Paris, 1827-1832. Cet ouvrage n'est autre chose que les travaux préparatoires des cinq Codes. (René Foignet).

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