|
. |
|
La pensée et ses outils > Philosophie > Logique, théorie de la connaissance |
Le mot analogie (du grec analogia, = rapport), qui signifie ressemblance, est pris quelquefois comme synonyme d'induction : ce qui est une erreur, l'analogie n'étant qu'une induction imparfaite. Elle donne lieu à une sorte de raisonnement qui conclut d'une ressemblance partielle à une ressemblance totale : ainsi, entre les phénomènes de la foudre et ceux de l'électricité, il y a des caractères semblables, et la physique en conclut qu'ils sont les effets d'une même cause. On peut étudier l'analogie comme l'hypothèse, dont elle n'est qu'une forme spéciale, au point de vue psychologique et au point de vue logique. L'analogie se ramène au genre d'hypothèses qui portent sur le terme inconnu d'une loi (cause ou effet) ; elle se résout eu deux opérations : la supposition d'une ressemblance provoquée par l'aperception. d'une ressemblance. Analyser cette aperception, montrer qu'elle résulte d'une association d'idées par ressemblance, c'est faire la psychologie de l'analogie. Considérer la seconde opération (supposition d'une ressemblance) dans ses rapports avec la première (aperception d'une ressemblance), c'est examiner l'analogie à titre de raisonnement, c'est en faire la logique. De l'analogie des effets on conclut à celle des causes; de l'analogie des moyens, à celle de la fin, etc. L'analogie ne doit reposer que sur des ressemblances importantes, et entre des objets de même nature; et encore ne donne-t-elle que la probabilité. Dans ces conditions, elle rend d'utiles services à l'esprit : elle abrège le travail de la science; elle supplée à des recherches impossibles; elle donné parfois des conclusions qui élèvent la probabilité presque à la certitude. Hors de là, elle n'est plus qu'aventureuse : ainsi Wolff prétendait déterminer la taille des habitants de chaque planète d'après la distance de cette planète au Soleil. (R.). Définitions et espècesPar analogie on entend tantôt une propriété des choses, tantôt une opération de l'esprit.Analogie réelle. Espèces : l'analogie réelle est de deux sortes : 1° Ressemblance de nature entre les objets, les termes qu'on compare.Remarques : 1° quand le rapport de ressemblance est un rapport de position et de connexion avec d'autres organes, l'analogie prend le nom d'homologie; vg : le bras et la jambedle l'homme sont des membres homologues.Analogie psychologique. Comme opération de l'esprit, c'est un raisonnement par lequel on conclut d'une ressemblance observée à une autre ressemblance qu'on ne voit pas ; vg. de la ressemblance des organes sensitifs chez l'homme et chez l'animal on infère la ressemblance des sensations. On constate entre deux faits une ressemblance partielle vg. similitude de l'organisme sensitif (c'est l'aperception de l'analogie entre les choses) ; puis on l'étend (c'est l'analogie psychologique) à un cas nouveau : similitude des sensations. Tels sont les rapports entre l'analogie, propriété des choses, et l'analogie, procédé de l'esprit. Formes de l'analogieL'analogie, comme procédé de l'esprit, peut être spontanée ou réfléchie.A. - Analogie spontanée. B. - Analogie réfléchie. Exemple : la terre est une planète, elle a une atmosphère, il y a en elle des alternances de jour et de nuit, des variations de saison; elle a des habitants. Mars est aussi une planète; on y remarque la présence d'une atmosphère, des alternances de jour et de nuit, des variations de saison ; on en conclut que cette planète est aussi habitée. Il semble donc que l'analogie va du particulier au particulier et que Stuart Mill a raison d'en faire une espèce de raisonnement distincte de l'induction qui va du particulier au général; et de la déduction qui va du général au particulier. Mais ce n'est là qu'une apparence. Nature : en réalité l'analogie est une déduction fondée sur une induction préalable; elle va donc du particulier au particulier, mais en passant par le général. C'est un raisonnement complexe : 1° Induction : dans le cas A, on a constaté un rapport causal entre a b et c; on en conclura par induction que si a et b ont produit c dans le cas A, ils le produiront toujours dans les mêmes circonstances, parce qu'une même cause produit toujours les mêmes effets.-
Il est manifeste que le raisonnement analogique implique, outre l'allégation du cas, vg. A, où l'on a constaté la présence des caractères a b c, la preuve ou du moins la supposition que ces caractères sont liés par une loi; or c'est l'affirmation de cette loi, c'est-à-dire d'une liaison nécessaire et universelle, qui devient la majeure de la déduction analogique. C'est donc bien à tort que Stuart Mill prétend qu'il y a une troisième sorte de raisonnements, l'analogie, qui irait du particulier au particulier. P ---- {induction} ------> G ------ {déduction}-----> P' Variétés du raisonnement analogique. 1° Ressemblance des moyens à celle des fins : vg. c'est ainsi que Geoffroy-Sain-Hilaire a mis en relief l'analogie qui existe entre le bras de l'homme, la jambe du quadrupède, l'aile de l'oiseau et la nageoire du poisson. L'Anatomie comparée, dont Cuvier a été le fondateur, repose sur des rapprochements de cette sorte. Valeur de l'analogieCauses d'erreursL'analogie, étant essentiellement hypothétique, n'aboutit qu'à des probabilités. Il y a deux causes possibles de cette incertitude : I. - La première réside dans l'induction préalable : la loi, fondement de l'inférence analogique, au lieu d'être démontrée, peut n'être que supposée.Degrés de probabilité La probabilité des conclusions de l'analogie est : 1° En proportion directe du nombre et de l'importance des ressemblances constatées.L'importance des ressemblances et des différences a pour mesure le degré probable de leur influence. Vérification de l'analogie L'analogie n'aboutit qu'à des hypothèses. Comme toute hypothèse, elle peut être vérifiée directement ou indirectement. A) Vérification directe. I. - Par l'expérience, si l'on peut constater l'existence du caractère supposé par analogie. C'est ainsi que la découverte du Palaeotherium est venue confirmer la justesse de la reconstruction de cette espèce, que Cuvier avait imaginée en raisonnant par analogie d'après la loi des corrélations organiques. Il. - Par la transformation de l'analogie en déduction fondée sur une induction certaine : a) la première cause d'incertitude provenant de l'induction hypothétique qui sert de base à la déduction, on écarte cette première cause si l'on réussit à démontrer la loi qui était simplement supposée : de la sorte la déduction a pour majeure cette loi certaine.B) Vérification indirecte, par l'exactitude des conséquences déduites. Elle consiste à déduire les conséquences de l'hypothèse faite et à s'assurer de leur conformité avec la réalité. Mais cette preuve n'est rigoureuse que si l'on parvient à exclure toute autre hypothèse, c'est-à-dire à démontrer qu'aucune autre hypothèse ne peut rendre compte des faits. De ce que les vibrations de l'air expliquent la propagation du son, les physiciens ont conclu par analogie que les vibrations d'un fluide impondérable, l'éther, pouvaient expliquer la propagation de la lumière. La concordance des conséquences avec les faits semblait donner à cette conclusion une haute probabilité... et cependant on la sait aujourd'hui fausse. Analogie, induction et déductionOn peut dégager de ce qui précède les rapports de l'analogie avec l'induction et la déduction. L'analogie diffère de l'induction et de la déduction par :I. - Le principe qui lui sert de base : l'analogie va du différent au différent, puisqu'elle applique une loi, soit supposée, soit démontrée, à des cas nouveaux qui se distinguent des premiers sur certains points. On peut formuler son principe ainsi : « Des raisons analogues, en tant que semblables, entraînent des conséquences semblables; en tant que différentes, des conséquences différentes. » Or ce principe autorise deux conclusions opposées. - L'induction et la déduction vont du même au même. La première a pour principe fondamental : « Dans les mêmes circonstances les mêmes causes produisent les mêmes effets. » La seconde « Deux termes identiques à un même troisième terme sont identiques entre eux. » L'induction et la déduction reposent donc en dernière analyse sur le même principe, qui n'autorise qu'une conclusion : " Des raisons identiques entraînent des conséquences identiques, » II. - Sa marche : l'induction va du particulier au général et la déduction du général au particulier. - L'analogie étant, prise dans son ensemble, une induction suivie d'une déduction, va du particulier au particulier en passant par le général. III. - Sa valeur : l'induction est théoriquement certaine, parce que d'abord elle va du même au même, en vertu de son principe et ensuite parce que ses méthodes, reposant sur la parfaite exclusion de tout antécédent qui n'est pas cause et de tout caractère qui n'est pas essentiel, sont, idéalement du moins, absolument rigoureuses. La déduction est théoriquement et pratiquement certaine, d'abord parce qu'elle va du même au même comme l'induction et ensuite parce que les règles du syllogisme sont rigoureuses. L'analogie, au contraire, est toujours théoriquement et pratiquement hypothétique; elle ne peut donner la certitude qu'en perdant sa propre nature, en devenant une induction ou une déduction proprement dite. Elle est nécessairement incertaine, parce qu'elle affirme le même de ce qui est simplement analogue, c'est-à-dire à la fois semblable et différent. Comme l'identité fait la force et la certitude de l'induction et de la déduction, ainsi la différence, qui se mêle à la ressemblance, fait la faiblesse et l'incertitude plus ou moins grande de l'analogie. L'analogie n'est donc en définitive qu'un cas du calcul des probabilités, car, en vertu même de son principe, elle comporte deux conclusions possibles. Utilité et dangersA. - Utilité de l'analogie.I. - Vie quotidienne. II. - Grammaire. III. - Littérature. IV. - Sciences physiques. V. - Sciences de la vie. VI. - Sciences humaines et sociales. VII. - Métaphysique. Dangers de l'analogie. I. - Moral. Il. - Littéraire. Ill. - Scientifique. Exemples : c'est pour avoir exagéré les analogies entre l'âme humaine et la société que Platon, dans ses Lois et sa République, sacrifie la liberté individuelle à l'omnipotence de l'État. Des sociologues modernes outrent jusqu'à la minutie les rapprochement, vrais seulement dans les grandes lignes, entre une société et un organisme. -Tel médecin en ordonnant un remède, tel ministère en proposant une mesure législative s'autorisent de précédents; mais ils oublient que les circonstances ont changé. En philosophie, l'abus de l'analogie n'est pas rare : vg. on compare la volonté à une balance et l'on nie la liberté; on se représente les phénomènes de l'âme par analogie avec ce qu'on appelle la matière et l'on est matérialiste; certains philosophes anciens ont rabaissé la divinité en la concevant sur le modèle de l'humanité, dont il lui prêtait même les vices; c'est l'excès Conclusion : Règles pour l'emploi de l'Analogie. I. - Ne pas fonder ses conclusions sur des ressemblances rares et secondaires. |
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|