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Ptolémée


P. Tannery
ca. 1900
Ptolémée (Chaude), de Péluse, célèbre astronome grec du IIe siècle après J.-C. On ne sait rien de sa vie; les dates de ses observations personnelles, consignées dans sa Syntaxe, vont de 126 à 141. Il paraît avoir résidé à Canope, dans les dépendances du temple de Sérapis, où il consacra, en 147, une inscription astronomique dont le texte nous a été conservé. D'après Olympiodore, il y aurait eu alors quarante ans qu'il observait; enfin les Arabes le font vivre soixante-dix-huit ans, et, au dire de Suidas, sa vie se serait prolongée jusque sous Marc-Aurèle (c.-à-d. après 160). Son ouvrage capital, la Syntaxe (= composition) mathématique (vulgairement l'Almageste) en treize livres, est la somme de l'astronomie ancienne, et a joui d'une autorité absolue chez les anciens, depuis son apparition, semble-t-il, chez les Byzantins, les Arabes et dans l'Occident latin jusqu'au temps de Copernic. Les huit livres de sa Géographie (écrite après l'Almageste) forment une oeuvre dont l'importance actuelle, au point de vue historique, reste également considérable. 
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Claude Ptolémée.

On a encore de lui, en grec, un ouvrage d'astrologie judiciaire en quatre livres, le Tetrabiblos (l'abrégé intitulé Carpos, et ordinairement appelé le Centiloquium, paraît apocryphe). - Des Tables manuelles (avec une introduction), comprenant le célèbre Canon des règnes, souvent édité à part, comme fondement de la chronologie antique. 

Un opuscule des Phases des fixes et leurs significations. - Un autre des Hypothèses des planètes, un troisième Sur le jugement et la faculté dominante. - Trois livres d'Harmoniques. -  En latin, traduit de l'arabe, l'Analemme (représentation de la sphère sur un plan), et une Optique.

On sait enfin qu'il avait écrit plusieurs ouvrages perdus : sur les fondements de la géométrie (qu'il ne peut y avoir que trois dimensions; essai d'une démonstration du postulatum des parallèles); sur la mécanique, en particulier la statique; enfin sur les quatre éléments.

La valeur réelle de Ptolémée a été très diversement appréciée; personne ne nie que l'Almageste ne soit une oeuvre remarquable au point de vue du talent de l'exposition, de la science et de la puissance de coordination dont elle témoigne. Mais il s'agit de savoir quelle est la part réelle de l'auteur dans les théories qu'il développe. On lui a reproché de s'être tacitement approprié les travaux d'Hipparque, et d'avoir accommodé ses observations aux résultats antérieurs. Le second de ces reproches paraît ,juste au premier abord; c'est ainsi que Ptolémée ne constate, depuis Ératosthène, aucune variation de l'obliquité de l'écliptique; depuis Hipparque, aucun déplacement de l'apogée du Soleil; qu'il assigne à la précession des équinoxes une valeur indiquée seulement par Hipparque comme limite inférieure. 

Ptolémée n'est donc pas un observateur exact; mais ce n'est pas toujours la confiance en lui-même qui lui fait défaut, car s'il lui arrive de vouloir corriger Hipparque, comme sur les périodes lunaires (Lunaison, phase], ce sera à tort; il lui manque évidemment de savoir apprécier les chances d'erreur et il n'est que trop porté à abuser du calcul en partant de données trop incertaines. Mais sur le premier point, le reproche porte au contraire à faux, car c'est précisément par lui que nous connaissons les travaux d'Hipparque, et en l'étudiant avec soin, il est relativement aisé de discerner ce qui revient à son précurseur, et ce qui, au contraire, lui appartient en propre, et souvent n'est pas le meilleur. Nulle part on ne peut le prendre réellement à exagérer son rôle personnel; il a la conscience de sa valeur, mais c'est un écrivain loyal.
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Le système du monde de Ptolémée.
Le système du monde de Ptolémée (d'après Argoli).

Son grand mérite me paraît être au reste d'avoir discerné nettement la supériorité des travaux d'Hipparque sur ceux des autres astronomes, et d'avoir su s'attacher à faire triompher ses doctrines et ses méthodes; il semble, en effet, que jusqu'à Ptolémée, l'école astronomique d'Alexandrie se soit montrée réfractaire aux progrès réalisés par Hipparque et que ce dernier ait été loin d'atteindre le renom qu'il méritait. La principale découverte attribuée à Ptolémée est celle de l'inégalité périodique de la Lune que I. Boulliaud a nommée évection ; en fait, sur ce point, sa part se réduit à la construction d'une représentation géométrique concordant avec les observations et les tables d'Hipparque, mais en revanche tout à fait en désaccord avec les variations du diamètre apparent de la Lune. D'après Ptolémée lui-même, son travail personnel le plus considérable a été la construction d'une théorie géométrique des planètes (ce qui n'exclut nullement l'existence avant lui de tables des mouvements pour ces astres); cette théorie, pour laquelle il dut abandonner le principe de l'uniformité des mouvements circulaires, du moins en rapportant le mouvement angulaire uniforme à un point autre que le centre, et dans laquelle il introduisit d'autres complications ingénieuses du même genre, constitue un effort considérable de systématisation, toute manquée qu'elle soit [Epicycle, Excentrique]

Ptolémée ne cessa d'essayer de la perfectionner au point de vue de la détermination des constantes; à cet égard, l'inscription de Canope offre déjà des différences avec l'Almageste : les Hypothèses des planètes présentent les résultats définitifs. Les Tables manuelles sont probablement aussi un travail postérieur à la Syntaxe. Quant aux Phases des fixes, dont la composition doit être fixée vers 130, c'est simplement un calendrier donnant pour les différents climats, d'après le calcul, les dates des levers et couchers  héliaques et acronyques des principales étoiles, avec une compilation des prédictions météorologiques des anciens parapegmes. 

Le sommaire de la Syntaxe suffira pour compléter l'indication de l'œuvre astronomique de Ptolémée :

Livre I. Exposé des justifications des postulats fondamentaux de l'astronomie; théorie des calculs des arcs sur la sphère; tables trigonométriques; mesure de l'obliquité de l'écliptique; tables de déclinaison et d'ascension droite pour les points de l'écliptique.

Livre II. Théorie des climats, définis par la durée du plus long jour de l'année; tables d'ascension oblique; détermination des heures temporaires. 

Livre III. Définition de l'année solaire comme tropique. Détermination de sa durée. Tables du mouvement moyen. Anomalie du Soleil. Tables. Distinction du temps vrai et du temps moyen [Les jours et les nuits].

Livre IV. Périodes lunaires, détermination des mouvements moyens de longitude, d'anomalie, de latitude, pour la Lune, et du mouvement des noeuds. Tables. Anomalie d'excentricité

Livre V. Seconde anomalie ou prosneuse (évection). Correction de parallaxe pour le Soleil et la Lune. Tables.

Livre VI. Diamètres apparents du Soleil et de la Lune. Prédiction des éclipses. Tables.

Livre VII.  Précession des équinoxes. Catalogue des étoiles boréales.

Livre VIII. Catalogue des étoiles australes. Levers et couchers des fixes.

Livre IX. Préliminaires de la théorie des planètes : Mercure.

Livre X. Théorie de Vénus et de Mars.

Livre XI. Théorie de Jupiter et de Saturne.

Livre XII. Calcul des rétrogradations, stations et digressions maximées. 

Livre XIII. Mouvement des planètes en latitude; prévision de leurs phases d'apparition et de disparition.

Si, comme astronome, Ptolémée s'attache à suivre les traces d'Hipparque, comme géographe, il suit de même un auteur antérieur, Marin de Tyr, et le dit très nettement. Son travail a surtout consisté à dresser des tables de longitude et de latitude pour les villes et localités connues. Ses évaluations, fondées sur des indications en journées de marche ou de grossières observations relatives au climat, sont, en général, entachées d'erreurs considérables. Mais au moins la géographie mathématique était définitivement assise. Quant aux autres écrits scientifiques de Ptolémée, l'Analemme et l'Optique, qui ne sont connus que par des versions de l'arabe, l'imperfection de ces versions ne permet guère de les approfondir; en tout cas, leur importance est tout à fait secondaire. 

Les Harmoniques offrent en revanche quelque intérêt pour l'histoire de la musique, soit par les renseignements qu'ils fournissent, soit parce qu'ils appartiennent à une époque de transition. Ils sont conçus surtout au point de vue de la théorie mathématique des accords, mais Ptolémée, de fait, s'y montre éclectique. Il en est de même en astrologie, avec une tendance assez marquée pour l'innovation; il semble, au milieu du chaos des systèmes et des méthodes divinatoires, avoir voulu introduire un ordre fondé sur des principes-rationnels (ou regardés par lui comme tels). Il n'a fait qu'apporter de nouvelles complications; son oeuvre, dans ce domaine, a eu une réputation aussi grande que l'Almageste en astronomie; mais l'influence pratique a été beaucoup moindre, car c'est un travail de théoricien, et s'il a eu pour effet d'écarter certaines combinaisons mystiques, il n'est nullement calculé pour servir de guide méthodique. En revanche, il a suffi, par son caractère pseudo-scientifique, pour assurer à l'astrologie une inépuisable provision d'arguments contre les attaques qu'elle put subir jusqu'au jour où elle s'écroula avec le système astronomique auquel son sort s'était lié. Le Tetrabiblos a, d'autre part, sérieusement influé sur le développement ultérieur de l'astrologie dans le sens d'une exigence toujours croissante en fait de rigueur des observations et des calculs astronomiques; car, ce qu'il y a de plus clair dans l'oeuvre de Ptolémée, c'est le mot d'ordre des adeptes de l'art génethliaque : 

Les principes sont assurés; ce qui entraîne les erreurs dans les prédictions, c'est la difficulté de les appliquer sûrement. 
Les principaux ouvrages de Ptolémée devinrent rapidement classiques; dès le IIIe siècle, Porphyre commentait les Harmoniques et le Tetrabiblos, et Pappus commençait sur l'Almageste le travail qui fut repris par Théon d'Alexandrie et étendu aux Tables manuelles. Les Byzantins ont également conservé quelques autres débris d'anciens commentaires (sous les noms d'Hypatia et d'Héraclius) ainsi qu'une importante introduction qui paraît avoir été compilée vers 300 par Héliodore, frère d'Ammonius et fils d'Hermias. Le commentaire ancien sur le livre III de la Syntaxe faisant défaut, il fut suppléé au XIVe siècle par Nicolas Cabasila. Les Arabes conservèrent Ptolémée comme guide en astronomie et en astrologie; mais obligés de modifier ses déterminations et de refaire ses tables, ils substituèrent de bonne heure à ses écrits des paraphrases et des refontes. Ptolémée ne fut donc que très imparfaitement connu pendant le Moyen âgepar leur intermédiaire. A la Renaissance, il fut l'objet d'importants travaux, puis on le négligea, dès que son système astronomique fut abandonné. (Paul Tannery).


Éditions anciennes - Une édition critique de ses oeuvres n'a été entreprise à la fin du XIXe siècle par Heiberg et Boll. Voici des indications sommaires sur les éditions plus anciennes :

La Cosmographia (Géographie) a été donnée en latin dès 1475 (Vienne). La version, du Florentin Jacopo Angeli, plus ou moins corrigée, servit de base à une quinzaine d'éditions jusqu'à la publication du texte grec par Erasme (Bâle, 1533). La Géographie continua d'être l'objet de nombreux travaux jusqu'au commencement du XVIIe siècle (Magini et Mercator).

L' Almageste parut aussi d'abord en latin (version très fautive de Georges de Trébizonde; Venise, 1515), puis en grec (avec les commentaires de Théon) à Bâle, 1538. Cette édition est restée la seule jusqu'à celle de Halma (Paris, 1813 et suiv.).

Le Tetrabiblos et le Centiloquium, traduits de l'arabe par les soins d'Alphonse X, parurent en latin dès 1684 (Venise, Ratdolt), et en grec en 1525 (Nuremberg, avec traduction de Camerarius, puis Bâle, 1558, avec traduction de Mélanchthon). 

Le Peri Kriterion kai egèmonikou a été donné par Boulliau (Paris, 1663); Hypothesis tôn planômenôn, par Bainbridge (Londres, 1620); les Phaseis aplannôn, en latin, par Bonaventura (Urbino, 1592), en grec, par Fabricius (Bibl. Gr., III). On a de ce dernier opuscule une édition critique de Wachsmuth (Leipzig, Teubner, 1873, avec Laurentius Lydus).

Les Procheiroi kanones; n'ont pas été édités avant Halma, dont le travail, suffisant pour l'Almageste, ne l'est nullement pour les ouvrages astronomiques secondaires

Les Harmoniques ont paru, en latin, à Venise (1562), et, en grec, par les soins de Wallis (Oxford, 1682 et 1699).

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