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L'architecture monastique

Lorsque se fondèrent les premiers monastères (basiliens au IIIe et au IVe siècle; bénédictins au VIe siècle), l'architecture civile conservait encore les traditions antiques, et les moines adoptèrent, pour les immobiliser dans l'avenir, des habitudes usuelles de leur temps aussi bien dans le plan de leurs habitations que dans leurs costumes et dans beaucoup de détails de leur vie. Lorsque les modes des barbares prévalurent sur l'ancienne civilisation romaine, les moines se montrèrent en général les conservateurs de traditions antiques, et les monastères ont conservé jusqu'aux temps modernes le plan de la maison antique grecque et romaine.

Le plus ancien renseignement positif et complet que l'on possède sur l'architecture monastique est un projet dessiné au IXe siècle pour la reconstruction de l'abbaye de Saint-Gall; il est d'autant plus précieux qu'il est annoté de nombreuses légendes indiquant la destination de chaque partie de l'abbaye; on y trouve jusqu'à l'indication des plantes qui devaient garnir les plates-bandes du jardin. Les moines des siècles suivants ne firent que se conformer à ces dispositions probablement arrêtées longtemps avant le IXe siècle; lorsque, aux XIe et XIIe siècles, les ordres de Grandmont, de Cîteaux et de Prémontré réformèrent la règle bénédictine, ils ne firent qu'assurer une plus grande uniformité aux constructions monastiques sans modifier la distribution consacrée; l'ordre des chartreux, au contraire, adopta un plan tout particulier, compromis entre le plan des abbayes et celui des léproseries (Les lépreux au Moyen Âge); les templiers, de leur côté, allièrent l'architecture monastique à l'architecture militaire, et celle-ci domina dans leurs constructions par une raison de nécessité. Au XIIIe siècle, les franciscains et les dominicains modifièrent quelque peu et négligèrent plus encore les traditions de l'architecture monastique; au XVIe siècle, les Jésuites n'en tinrent plus compte et à partir du XVIIe siècle aucun ordre ne les a plus observées d'une façon complète. Voici en quoi consiste la distribution constante des abbayes bénédictines, cisterciennes, de Prémontré et de Grandmont.

Le centre des bâtiments est occupé par le cloître, qui comprend une cour carrée ou préau entourée entièrement de galeries sous lesquelles s'ouvrent les portes des diverses pièces. C'est l'exacte survivance de l'atrium romain. Au milieu du préau se trouve un puits ou une citerne. L'église de l'abbaye occupe tout un côté du carré, soit au Nord soit au Sud; les églises des abbayes d'hommes se distinguent des églises non monastiques en ce qu'elles ont un plus grand nombre de chapelles, parce que les prêtres qui les desservent sont plus nombreux; les abbayes de femmes, au contraire, n'ayant qu'un aumônier, n'ont le plus souvent qu'un autel.

Le côté occidental du cloître s'appuie au bâtiment qui forme la façade extérieure de l'abbaye. Il se compose de celliers ou magasins à provisions surmontés du dortoir des convers ou religieux serviteurs; ce dortoir communique par des escaliers : d'une part, avec la nef de l'église; de l'autre, avec l'angle où se trouvent les portes d'entrée de l'abbaye et la cuisine. Du côté du carré qui fait face à l'église se trouve, à l'angle occidental, la cuisine qui communique par un guichet avec le réfectoire occupant le centre de ce côté. Le réfectoire a une chaire pour le lecteur. Elle est généralement élégante; elle occupe l'embrasure d'une fenêtre. En face de la porte du réfectoire, une fontaine s'ouvre sur le cloître et sert aux ablutions qui précèdent et suivent le repas. Le réfectoire peut avoir aussi une cloche. A la suite du réfectoire, du côté de l'Est, se trouve une salle de travail ou plusieurs pièces servant de bibliothèque, écritoire, ateliers. Chez les Cisterciens, cette partie, consacrée aux travaux d'intérieur, s'appelait chauffoir, parce que sa grande cheminée était la seule que la règle autorisât avec celles de la cuisine dans toute l'habitation des moines.

Le côté oriental du cloître, entre le chauffoir et le choeur de l'église, comprend un passage donnant accès aux jardins et qui se confond souvent avec le parloir, seul endroit où la règle autorise les moines à converser, puis vient la salle capitulaire presque toujours de quelques marches en contre-bas du cloître avec lequel elle communique par une porte monumentale accostée de deux fenêtres richement ornées. C'est dans cette pièce d'honneur que siège le chapitre sous la présidence de l'abbé. La salle capitulaire est entourée de bancs; elle est presque toujours voûtée et décorée avec soin; les abbés sont souvent enterrés sous son pavement. Entre cette salle et l'église, on trouve la sacristie avec le vestiaire et le chartrier, et parfois aussi un cachot pour les moines punis. Au-dessus de ces divers services s'étend le dortoir des moines, communiquant par un escalier avec le choeur de l'église et, à l'opposé de cet escalier, la cellule de l'abbé qui surveille de là ses moines et traverse le dortoir pour se rendre au choeur. Un escalier aboutissant près du chauffoir relie le cloître au dortoir et à la cellule abbatiale; le cloître communique aussi avec l'église, vers l'Est, et celle-ci a, du côté de l'Ouest, une porte pour les convers et un portail de façade pour les étrangers.

Autour de cet ensemble de bâtiments que l'on appelle les lieux réguliers s'étend un enclos fermé par un cours d'eau et par des murailles et possédant à l'Ouest une porte ouverte en regard de la façade de l'abbaye et accostée du logis du frère portier qui reçoit les hôtes et distribue les aumônes aux pauvres. Dans l'enclos, entre l'enceinte et les lieux réguliers, s'élèvent, près de l'entrée, le logis des hôtes laïques; à l'opposé, vers l'Est, le noviciat et le logis des hôtes ecclésiastiques; de divers côtés, les bâtiments d'exploitation agricole; au bord de l'eau, les moulins et usines, et toujours soigneusement isolée et en bonne exposition l'infirmerie.

Le plan des chartreuses a été inventé dans le but de permettre aux religieux de mener même dans une abbaye et dans une localité habitée la vie des solitaires du désert. Au lieu d'un dortoir commun, chaque moine possède une petite maison complète comprenant un rez-de-chaussée et un étage et isolée dans un petit jardin entouré de murailles. Ces petits enclos entourent un cloître nécessairement très vaste sous lequel s'ouvrent les portes des maisonnettes et les trappes par où les religieux reçoivent leur nourriture. L'église est contiguë non pas à un, mais à deux cloîtres, très inégaux, car les habitations suffisent à garnir le pourtour du plus grand, et les autres services se groupent autour d'un cloître plus petit. L'abbaye possède même un réfectoire qui ne sert que les jours de grande fête. Chez les moines d'Orient, l'église est isolée au centre du cloître.

Les commanderies de templiers et des hospitaliers ressemblent beaucoup plus à de simples châteaux qu'à des abbayes fortifiées; la partie essentielle consiste en un donjon, généralement carré (ancienne tour du Temple à Paris), commanderie de Haute-Avesne (Pas-de-Calais), commanderie d'Eterpigny (Somme), commanderie de Kolossi (île de Chypre); la grande salle du château tenait lieu de chapitre, le cloître avait peu d'importance; la chapelle chez les templiers est petite, et présente souvent la particularité d'être construite sur plan circulaire, à l'image de l'église du Saint-Sépulcre (commanderies de Paris, Metz, Laon, Londres, Ségovie, Pise); le plan d'ensemble paraît avoir été incertain et incohérent par suite de son caractère hybride et des nécessités de la défense. L'ordre de Grandmont a adopté le plan bénédictin en le simplifiant autant que possible; l'ordre de Saint-François avait supprimé le titre d'abbé et le chapitre; ses couvents n'ont donc pas de salle capitulaire; celui d'Assise et plusieurs autres ont le cloître autour du chevet de l'église.

Les dominicains ont souvent construit des églises à deux nefs comme celle des jacobins de Paris (démolie), celles de Toulouse, d'Agen, de Rennes, de Morlaix, de Dinan, d'Angers, de Prague et de Cracovie. Ces églises à deux nefs ont fait école en Scandinavie et principalement dans l'île de Gotland. Aucun ordre religieux n'a eu d'école d'architecture qui lui fût propre; c'est à tort que l'on a parlé d'une école de Cluny et d'une école de Cîteaux; mais, d'autre part, les moines bâtissaient le plus souvent eux-mêmes et ils étaient éminemment cosmopolites, aussi ont-ils très fréquemment porté dans les pays où ils fondaient leurs établissements des modèles d'architecture appartenant à l'école de leur pays d'origine. L'ordre de Cluny a porté l'architecture romane de la Bourgogne ou du Languedoc dans toute l'Espagne et en Toscane à Sant' Antimo; l'ordre de Cîteaux a porté l'architecture gothique de Bourgogne en Allemagne, en Italie, en Espagne; celle de l'Aquitaine en Espagne et au Portugal; l'ordre de Prémontré a bâti en Picardie une église (Dommartin) de plan rhénan, etc.; les chanoines réguliers, les franciscains, les dominicains ont fait en diverses contrées des importations analogues, soit d'une province, soit d'un pays en un autre, et en dernier lieu les Jésuites ont répandu au XVIIe et au XVIIIe siècle, en France et ailleurs, des modes architecturales empruntées à l'Italie et à l'Espagne. (C. Enlart).

Plan du monastère de Fossanova.
Plan du monastère de Fossanova. - A, Église; B, cloître; C, Salle capitulaire; D, Trésor et archives;
E, Sacristie; F, Réfectoire; G, Lavabo; H, Cuisine ; 1, Chauffoir; K, Galeries de passage;
L, Escaliers du dortoir des moines; M, Celliers et granges.
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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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