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Nous avons peu
de renseignements pour l'histoire des jardins antérieurement Ã
l'époque romaine. Les Orientaux ont de tout temps recherché l'ombre et
l'eau, et tout lieu qui en était abondamment pourvu s'appelait paradis
chez les Perses .
Les Anciens plaçaient au nombre des sept merveilles
du monde les Jardins suspendus de Babylone.
Chez les Grecs ,
les descriptions des jardins des Hespérides ,
d'Alcinoüs ,
de Calypso ,
de Midas ,
sont nées dans l'imagination des poètes; mais on vanta les jardins d'Académus,
de Cimon, d'Épicure, de la courtisane Phryné.
On cite aussi le jardin de Chanon en Médie, visité par Alexandre
le Grand, les jardins des bords de l'Oronte, dits de Daphné, près
d'Antioche, décrits par Strabon,
et les jardins de Cléopâtre.
On peut se faire des idées un peu plus
arrêtées sur ce que furent les jardins romains. Dans l'âge primitif
de Rome ,
Tarquin, au témoignage de Tite-Live,
posséda des jardins. Lucullus, Pompée,
César, et d'autres riches Romains ,
eurent de splendides jardins dans les faubourgs de Rome. A l'époque d'Auguste,
un certain Matius introduisit l'usage de tailler les arbres. Nous avons
une description complète d'un jardin romain dans la lettre que Pline
le Jeune consacre à sa villa de Toscane, et dont les détails sont
confirmés par les peintures murales de Pompéi
: les parterres, les plates-bandes, les longues allées d'arbres, les massifs,
les ifs et les buis taillés en figures selon les règles de l'ars topiara,
les serres, le potager, les promenades couvertes, les sentiers coupant
en tous sens une place circulaire, tout cela montre que les jardins romains
servirent de modèle aux jardins réguliers créés plus tard par les Français
( Dezobry, Rome au siècle d'Auguste,
lett. 33). Il se peut, toutefois, que les jardins de Néron,
d'Hadrien et des empereurs ultérieurs se soient
rapprochés davantage des paysages naturels; on en verrait volontiers la
preuve dans la fameuse villa qu'Hadrien
créa aux portes de Tibur.
La chute de l'Empire romain entraîna la
décadence de l'horticulture, qui parait ne s'être relevée qu'à partir
du XIIIe siècle. Boccace
décrit des jardins qui ressemblent fort à des parcs. Au XVe
et au XVIe siècle, du temps des Médicis,
le goût des grands et beaux jardins devint très répandu : ceux de Boboli
au palais Pitti, de Pratolino, de Tivoli, des palais Borghèse et Aldobrandini,
d'Isola-Bella, etc., sont demeurés jusqu'à nous comme les spécimens
de l'art décoratif des jardins pendant la Renaissance
en Italie .
C'est ce même style épanoui, fleuri, ingénieux, riche et délicat, qui
avait triomphé dans les autres arts : une profusion de terrasses, de temples,
de statues, de bustes, de vases, de fontaines, de rochers artificiels,
d'étangs creusés géométriquement, d'allées droites et régulières,
de charmilles artificiellement contenues. En un mot, l'architecture et
la sculpture dominaient; la verdure et les
arbres n'étaient presque que les accessoires. Le style italien fut adopté
dans les autres États : aux XVIeet XVIIe
siècles, en Allemagne, pour les jardins des banquiers Fugger et de Wallenstein;
en France ,
pour ceux de Saint-Germain et de Fontainebleau,
plus tard encore pour les Tuileries,
le Luxembourg, et Saint-Cloud,
dont Claude Mollet dessina les parterres; en Angleterre ,
pour ceux de Hampton-Court.
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Le
jardin du château d'Eu (Normandie). Vers 1665, Anne-Marie Louise d'Orléans,
dite
"la
Grande Mademoiselle", comtesse d'Eu, fit remblayer une enceinte militaire
pour créer
ce
jardin près du château. Le roi Louis-Philippe fit planter rosiers et
rhododendrons,
vers
1830 et placer des statues. © Photo : Serge
Jodra, 2010.
La direction que l'on suivait était tellement
contraire à la nature, que le chancelier Bacon
l'attaqua avec vigueur (1620). Néanmoins, ce fut seulement un demi-siècle
après que Le Nôtre
créa dans les jardins de Versailles un
style un peu différent du style italien : des plantations régulières
d'arbres, des plans obliques au lieu de terrasses, une grande quantité
d'ornements architectoniques, des ouvrages hydrauliques, des haies et des
arbres bizarrement taillés, des statues et des orangeries,
tels furent les caractères du style français. Appliqué aux anciens jardins
de Meudon, de Vaux, de Chantilly, de Rueil,
de Marly, ce système eut à son tour les honneurs
de l'imitation : vers la fin du XVIIe siècle,
Le Nôtre le porta à Londres, où il dessina
le parc de Saint-James; vers le même temps, et au XVIIIe
siècle, on l'adopta pour les jardins de Schoenbrünn
près de Vienne, de Sans-Souci près de Berlin,
de Nymphenburg près de Munich, de la Favorite
près de Stuttgart, etc. Mais nulle part
on ne le porta aussi loin qu'en Hollande, où les jardins furent le type
de la symétrie, de l'ordre, de la régularité la plus minutieuse et la
plus puérile, où l'on en vint à avoir des jardins de pierres et de coquilIages,
garnis de gros vases contenant des fleurs en porcelaine.
Une réaction s'opéra au commencement
du XVIIIe siècle en Angleterre : Wise,
lord Bathurst, Pope et
Addison attaquèrent le style des jardins français,
et un nouvel art fut créé, vers 1720, par William Kent dans les parcs
de Carlton-House, de Claremont, d'Essex
et de Rousham. Les jardins dits anglais, reposant sur le même principe
que la peinture de paysage, furent une habile imitation de la nature. Les
procédés de l'école anglaise, perfectionnés par Browne
à Blenheim, enseignés par Shenstone, Mason,
Repton, Whateley, Alison, Hilpin, H. Walpole,
Uvedale Price, furent promptement acceptés en Allemagne; on en fit usage
particulièrement à Wilhelmshoehe près de Kassel,
à Charlottenbourg ( Berlin),
etc.; et Hirschfeld, professeur d'esthétique à Kiel,
,jugea utile de les protéger par de nombreux écrits contre la corruption
du goût.
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La
"ruine romaine" des jardins du château de Schönbrunn. Elle remonte
en fait à 1778
et
a été délibérément conçue pour être un décor horticole pittoresque.
Source : The World Factbook.
Aux jardins anglais, introduits en France
après 1763, on essaya de substituer les jardins chinois, remarquables
surtout par la sinuosité des allées et par le caprice des détails. Girardin,
Morel et J. J. Rousseau combattirent cette tendance,
tant en théorie qu'en pratique, par la création des jardins d'Ermenonville.
Le hameau de Chantilly, le charmant jardin
anglais du Petit-Trianon, Ã Versailles,
sont de ce temps, ainsi que plusieurs beaux parcs paysagistes, tels que
Casant, près de l'Isle-Adam (Val-d'Oise), Méréville, aux environs de
Corbeil, Morfontaine, près de Senlis.
Dans Paris même, la Folie-Beaujon, aux Champs-Élysées,
le jardin Boutin, dans la rue de Clichy, et le parc de Monceaux, au faubourg
du Roule, eurent et méritèrent leur célébrité, comme jardins de médiocre
étendue, mais disposés avec art et avec goût. Monceaux, aujourd'hui
jardin public, et très diminué, n'est plus guère que l'ombre de ce qu'il
fut. C'était alors la mode des jardins imitant la nature, et c'est Ã
cette époque, en 1782, que Delille composa son
poème les Jardins.
L'art des jardins acquit quelque chose
de plus libre, de plus sérieux, de plus élevé, après la nouvelle réforme
opérée par Sckell en Allemagne : les jardins qu'il fit à Munich et Ã
Monbijou, ceux du prince de Puckler-Muskau à Muskau et à Branitz, ceux
qui ont été tracés par A. de Hake à Hanovre,
Weyhe à Dusseldorf, Lenné à Berlin,
Siebeck à Leipzig, sont de véritables modèles,
qui ont inspiré Thouin, Hardy, Viart et Lalos en France, Nash et Paxton
en Angleterre. Ces habiles dessinateurs ont cherché à produire des effets
naturels, des embellissements pittoresques bien entendus, Ã grouper avec
grâce, et à composer des ensembles harmonieux. Cet art a été appliqué
de nos jours aux bois de Boulogne
et de Vincennes ,
à la porte de Paris, convertis l'un et l'autre
en magnifiques parcs paysagistes. (B.).
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Le
jardin du Trianon, par Jacques Rigaud.
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Alain
Baraton, Le jardinier à Versailles, Grasset et Fasquelle,
2006. - Décembre 1999. La nuit. La tempête souffle
sur une petite maison blanche à l'intérieur du parc de Versailles. Un
homme en sort, qui assiste au spectacle des arbres arrachés comme des
fétus de paille et des bosquets broyés par la force du vent. Cet homme,
c'est Alain Baraton, le jardinier en chef du domaine national de Trianon
et du Grand Parc de Versailles. Depuis plus de quinze ans, il travaille
dans ce lieu qui est devenu sa vie, de même que cette maison, qui fut
la maison de Molière, est devenue la sienne. A Versailles, l'Histoire
n'est jamais loin la vie. C'est sur l'événement dramatique de la tempête
que s'ouvre ce livre, le premier jamais écrit par un jardinier de Versailles.
Successeur de Lenôtre, Richard La Quintinie, Alain Baraton s'inscrit dans
une lignée qui s'est souvent effacée devant le prestige de Louis XIV.
Il perpétue leur tradition tout en lui apportant son propre style, plus
proche du goût de Marie-Antoinette. Il nous raconte son itinéraire personnel
et l'histoire du parc, y mêlant une foule d'anecdotes touchant à la grande
comme à la petite histoire. Des fêtes de Louis XIV avec ses feux d'artifice
émerveillant l'Europe au poète Stéphane Mallarmé enterrant ses chats
auprès du grand bassin, en passant par les deux institutrices anglaises
qui eurent une vision de Marie-Antoinette rencontrant le cardinal
de Rohan avant même que les historiens n'en fassent la découverte,
il nous montre le Versailles éternel, où chaque bosquet abrite un événement.
Il nous montre aussi le Versailles actuel, celui que, Ã force de passion
et de travail, il a reconquis sur la tempête, avec l'aide des amis du
parc, dans le monde entier, des Etats-Unis au Japon. On croisera les grands
de ce monde, des personnages pittoresques, jusqu'aux moeurs secrètes et
inattendues des bosquets excentrés... L'itinéraire d'un homme qui, muni
d'une documentation précise et souvent inédite, tresse librement passé
et présent, autobiographie et histoire, et nous confie son merveilleux
jardin secret : Versailles. (couv.).
En
bibliothèque - Bacon, Essai sur
les jardins en anglais, Londres, 1620; Jacques Boyleau, Traité
du jardinage selon les principes de la nature et de l'art, Paris, 1638,
in-fol.; Mason, Essai sur la dessin des jardins, ibid. 1768; Whateley,
Observations sur les jardins Modernes, ibid., 1770; Price, Essais
sur le pittoresque dans les jardins, ibid. 1780; Hirschfeld, Théorie
des jardins, en allem., Leipzig, 1775-80 5 vol.; Moral, l'Art de
distribuer les jardins suivant l'usage des chinois, Paris, 1757, et
Théorie des jardins, 1776; Watelet, Essai sur les jardins,
1774; Girardin, De la composition des paysages, Paris, 1777; Silva,
Art des jardins anglais, en ital., Florence, 1803; Thouin, Plans
raisonnés de toutes les espèces de jardins, 3e édit., Paris, 1828,
in-fol.; De Laborde, Description des nouveaux
jardins de la France, Paris, 1808-1814; Viart, Le Jardiniste moderne,
1827; Vergnaud, L'art de créer les jardins, 1839; le comte de Choulot,
l'Art des jardins, Paris, 1557. |
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