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La
mécanique
des fluides est une branche de la physique
qui étudie le comportement des fluides (liquides
et gaz) en mouvement ou à l'état de repos sous l'effet de forces externes.
Un fluide se distingue d'un solide par sa capacité
à se déformer continuellement sous l'action d'une contrainte, aussi faible
soit-elle. Cette propriété implique que la mécanique des fluides repose
sur des lois et concepts différents de ceux de la mécanique
des solides rigides ou élastiques.
Statique des fluides
La statique
des fluides étudie les équilibres à l'intérieur des fluides sous l'effet
de forces telles que la pesanteur et la pression.
Pression hydrostatique.
La pression
hydrostatique correspond à la pression qu'exerce un fluide au repos sur
les surfaces immergées en raison de son poids.
Elle provient du fait que, dans un fluide soumis à la pesanteur,
les couches supérieures appuient sur les couches inférieures, et chaque
point situé plus en profondeur supporte le poids de toute la colonne de
fluide qui se trouve au-dessus de lui. Mathématiquement, la pression hydrostatique
se calcule par la relation : P = ρgh, où ρ est la masse
volumique du fluide, g est l'accélération de la pesanteur, et
h est la profondeur mesurée à partir de la surface libre du fluide. Cette
formule montre que la pression ne dépend pas de la forme du récipient,
ni de la surface, mais uniquement de la profondeur, de la densité du fluide
et de la pesanteur. Une conséquence importante est que deux points situés
à la même profondeur dans un fluide au repos subissent exactement la
même pression, indépendamment de leur position horizontale. La pression
est également isotrope : elle agit dans toutes les directions de manière
identique : un objet immergé est soumis à des forces pressantes sur toutes
ses faces.
Principe d'Archimède.
Le principe
d'Archimède énonce que tout corps plongé, totalement ou partiellement,
dans un fluide au repos subit une force verticale dirigée de bas en haut,
appelée poussée d'Archimède, dont l'intensité est égale au poids du
volume de fluide déplacé par le corps. Cette force résulte de la différence
de pression hydrostatique exercée par le fluide sur les différentes parties
du corps immergé. En effet, puisque la pression dans un fluide augmente
avec la profondeur, la face inférieure d'un objet reçoit une pression
plus forte que sa face supérieure, ce qui crée une force nette dirigée
vers le haut. L'expression mathématique de cette poussée est donnée
par : F = ρVg, où ρ est la masse volumique du fluide,
V est le volume de fluide déplacé, et g est l'accélération de
la pesanteur. Ainsi, la poussée dépend uniquement du fluide et du volume
immergé, et non de la nature du corps.
Loi de Pascal.
La loi de Pascal
affirme que, dans un fluide incompressible et au repos, toute variation
de pression appliquée en un point se transmet intégralement et de manière
uniforme dans toutes les directions à l'ensemble du fluide et aux parois
du récipient qui le contient. Autrement dit, si l'on exerce une pression
supplémentaire sur un fluide, cette pression est ressentie partout à
l'intérieur du fluide avec la même intensité, sans diminution ni distorsion.
Cette loi s'explique par la nature des fluides : les molécules
sont en mouvement désordonné mais rapprochées les unes des autres, si
bien qu'une force appliquée en un point se répartit immédiatement entre
les particules voisines, puis se propage dans tout le fluide. La pression
hydrostatique s'exerce ainsi perpendiculairement aux surfaces en contact
avec le fluide.
Cinématique des
fluides
Description eulérienne
et description lagrangienne.
La cinématique
des fluides se concentre sur l'étude du mouvement des fluides sans considération
des forces qui les provoquent. Elle traite principalement de la description
qualitative et quantitative du déplacement, de la vitesse
et de l'accélération des fluides dans
un espace donné. Pour cela, deux grandeurs fondamentales sont utilisées
: le champ des vitesses (description eulérienne)
et le champ des déplacements (description lagrangienne)..
• Le
champ de vitesses associe à chaque point de l'espace occupé par le
fluide un vecteur vitesse qui dépend
à la fois de la position et du temps. Concrètement, si l'on se place
en un point donné à un instant précis, on peut définir la vitesse de
la particule fluide qui passe à cet endroit. Cette description est dite
eulérienne,
car on observe le mouvement depuis des positions fixes dans l'espace, sans
suivre individuellement les particules. Le champ de vitesses permet de
visualiser des structures d'écoulement comme des zones de rotation, des
lignes de courant ou des
tourbillons.
• Le champ de
déplacements correspond à une description lagrangienne : on
suit une particule fluide au cours du temps et on mesure le vecteur qui
relie sa position initiale à sa position à l'instant considéré. Chaque
particule possède ainsi son déplacement, qui varie selon son chemin dans
l'écoulement. Le champ de déplacements décrit donc l'histoire du mouvement
des particules et fournit des informations sur la déformation globale
du fluide.
Ces deux approches sont
complémentaires. Le champ de vitesses donne une vision instantanée et
locale du mouvement, directement exploitable pour analyser le transport
de masse, de quantité de mouvement
ou d'énergie. Le champ de déplacements, lui, met en évidence la trajectoire
et la déformation des volumes fluides au cours du temps, ce qui est utile
pour comprendre la dynamique interne du fluide.
L'un se focalise sur l'instant, l'autre sur l'évolution temporelle.
Le
lien entre champ de déplacements et champ de vitesses est direct :
le champ de vitesses est la dérivée temporelle du champ de déplacements.
Si on note X la position initiale d'une particule fluide et x(X,
t) sa position à l'instant t, alors son déplacement est défini par
d(X,
t) = x(X, t)−X. La vitesse
de la particule est obtenue en dérivant sa position par rapport au temps
:
v(X,t) = ∂x(X, t)/∂t.
Comme la position instantanée est la somme de la position initiale
et du déplacement, on a aussi : v(X,t)
= ∂d(X, t)/∂t.
Ainsi, le champ
des déplacements contient l'histoire complète du mouvement, alors que
le champ de vitesses en est la dérivée instantanée. Dans la pratique,
la description eulérienne s'exprime souvent comme un champ de vitesses
v(x,
t) défini directement en fonction de la position actuelle
x, tandis
que la description lagrangienne exprime les déplacements et les trajectoires
en fonction des positions initiales. On peut passer de l'une à l'autre
par un suivi des particules : en intégrant le champ de vitesses au cours
du temps, on obtient le champ de déplacements; en dérivant le champ de
déplacements, on retrouve le champ de vitesses.
Trajectoire, ligne
de courant, ligne de temps.
La description du
mouvement d'un fluide peut encore faire appel à plusieurs concepts distincts
mais souvent confondus,ceux de trajectoire, de ligne de courant et de ligne
de temps. La distinction est cruciale pour les écoulements non permanents
(écoulements instationnaires). Dans un tel écoulement, les lignes de
courant évoluent et sont différentes des trajectoires, qui montrent où
les particules sont réellement allées, et des lignes de temps, qui montrent
l'origine des particules passant par un point. C'est seulement dans un
écoulement permanent que ces trois notions se confondent et sont identiques.
Trajectoire.
La trajectoire
(ou chemin particulaire) est le chemin réellement suivi par une particule
fluide individuelle au cours du temps. C'est une
notion lagrangienne, qui suit la particule dans son mouvement. Mathématiquement,
elle est obtenue en intégrant le champ de vitesse par rapport au temps
pour une particule donnée. Physiquement, les trajectoires fournissent
une description concrète et intuitive du mouvement du fluide. Observer
la trajectoire d'une particule fluide revient à tracer la courbe qu'elle
dessine lorsqu'elle se déplace. C'est ce que l'on obtient par exemple
en semant dans un fluide des traceurs visibles et en filmant leur déplacement
au cours du temps. Les trajectoires permettent donc de comprendre la dynamique
du transport dans un écoulement, la manière dont des particules sont
advectées, mélangées, ou piégées dans certaines régions.
Ligne
de courant.
Une ligne de courant
est une courbe fictive qui est, à un instant donné, tangente en tout
point au vecteur vitesse du fluide. Elle offre une « photographie
» ou un instantané du champ d'écoulement à un moment précis. Dans
un écoulement stationnaire, les trajectoires et les lignes de courant
coïncident, car le champ de vitesses ne change pas avec le temps. Dans
un écoulement instationnaire, elles diffèrent : une particule donnée
ne reste pas toujours sur une ligne de courant, car la direction du champ
de vitesses évolue.
Ligne
de temps.
Une ligne de temps
(ou ligne d'émission) est formée par l'ensemble des particules qui sont
passées (à des instants différents) par un point fixe donné dans l'espace.
Pour la tracer, on choisit un point de l'espace fixe et on observe toutes
les particules qui le traversent successivement. La courbe obtenue en reliant
ces particules à un instantest donc une ligne de temps. Elle est utile
pour visualiser l'histoire des flux à travers une section donnée.Si on
libère un colorant de façon continue en un point fixe, la trace laissée
par le colorant dans l'écoulement forme une ligne de temps.
Déformations
et rotations.
Lorsqu'on s'intéresse
à la cinématique des fluides, on cherche à comprendre ce qui arrive
à un petit élément de fluide lorsqu'il se déplace au sein de l'écoulement.
L'idée est alors de se placer très localement et de regarder comment
cet élément de volume change de forme, de taille ou d'orientation. Deux
phénomènes fondamentaux apparaissent : la déformation (qui inclut aussi
la variation de volume) et la rotation. Son volume peut augmenter ou diminuer,
sa forme peut se déformer par étirement ou cisaillement, et il peut tourner
autour d'un axe. Ces phénomènes peuvent se superposer et leur connaissance
permet la description complète de ce que subit localement le fluide, indépendamment
des forces qui provoquent ces changements.
Déformations.
Une déformation
locale correspond aux changements de forme et éventuellement de volume
de l'élément fluide. Imaginons un petit cube fluide. S'il reste un cube
de même taille lorsqu'il se déplace, il n'y a pas de déformation. Mais
ce n'est généralement pas le cas : le cube peut s'étirer dans une direction,
se contracter dans une autre, ou encore se déformer en se transformant
en parallélogramme. On distingue plusieurs types de déformations.
• Dilatation
ou compression locale. - Le volume de l'élément change. Si les vitesses
des particules qui composent ce petit volume s'écartent les unes des autres,
le cube se gonfle et son volume augmente; si elles convergent, le volume
diminue. Cela est lié au fait que le fluide est compressible ou incompressible.
Les variations de volume d'un fluide sont étroitement liées à l'évolution
de sa densité et à son comportement lorsqu'il est soumis à des forces
externes ou à des pressions ou des températures changeantes. Ces variations
de volume sont ordinairement analysées dans le contexte de la conservation
de la masse, qui stipule que le flux de masse entrant dans un volume contrôlé
doit égaler le flux sortant, sauf si la masse est créée ou détruite
dans ce volume (ce qui est rarement le cas pour les fluides ordinaires).
• Allongement
ou la contraction selon des directions précises. - Même si le volume
total ne change pas, l'élément peut s'étirer dans une direction et se
contracter dans une autre. C'est comme tirer un élastique : sa longueur
augmente, mais son épaisseur diminue. Dans un fluide, cela traduit un
changement de forme qui affecte la structure interne de l'écoulement.
• Déformation
par cisaillement. - L'élément, au lieu de rester un cube, se transforme
en un parallélogramme, comme si ses couches glissaient les unes par rapport
aux autres. C'est typique dans un écoulement où la vitesse varie d'une
couche à l'autre : les points proches de la surface se déplacent lentement,
ceux plus loin vont vite, et le petit élément fluide se déforme.
Rotations.
La rotation locale,
quant à elle, traduit le fait que l'élément fluide, en plus de se déformer
éventuellement, peut tourner sur lui-même comme un petit solide. Considérons
de petites particules tracées dans l'élément : si elles se mettent à
tourner autour d'un axe, alors l'élément subit une rotation. Ce mouvement
ne change pas la forme ni la taille de l'élément, mais il modifie son
orientation. La rotation locale est directement reliée au concept de vorticité,
qui mesure en chaque point l'intensité du tourbillonnement dans le fluide.
• La
vorticité est un vecteur qui caractérise la rotation locale d'un
élément de fluide. Elle est définie comme le rotationnel du champ de
vitesse du fluide. Plus précisément, si u représente le champ
de vitesse du fluide, la vorticité ω est donnée par : ω
= rot u (ou, en utilisant l'opérateur nabla, ω =
∇Λu).
L'orientation de la vorticité indique l'axe de rotation local de l'élément
de fluide suivant la règle de la main droite. Sa norme est proportionnelle
à la vitesse angulaire de rotation. Une vorticité non nulle signifie
que le fluide tourne localement autour de cet axe. Une grande magnitude
de ω indique une rotation rapide, tandis qu'une magnitude faible indique
une rotation lente.
Si l'on considère la
rotation globale, c'est le concept de circulation qui pourra être mis
en oeuvre. La circulation est une quantité qui mesure la somme des
vitesses tangentes autour d'une courbe fermée dans le fluide. Elle permet
de saisir la cohésion et l'organisation des structures tourbillonnaires
sur une échelle plus large.
• La
circulation, mesure la somme des vitesses tangentes autour d'une courbe
fermée dans le fluide, est définie par : ,
où C est une courbe fermée dans le fluide, et dl
est un élément de longueur tangentiel le long de cette courbe. La circulation
représente l'effet total de la vitesse du fluide sur une boucle fermée,
et elle est directement liée aux propriétés de rotation du fluide sur
une échelle plus large. Contrairement à la vorticité, la circulation
est une quantité définie pour une courbe fermée donnée, et elle ne
dépend pas uniquement du point local mais, on l'a dit, de la configuration
globale du fluide. Selon le théorème de Kelvin, dans un fluide incompressible
et non visqueux, la circulation le long d'une courbe fixe dans un repère
lié au fluide est conservée, à condition que la courbe ne traverse pas
de frontières de discontinuité.
La relation entre la
vorticité et la circulation est décrite par le théorème de Stokes,
qui relie la circulation le long d'une courbe fermée à l'intégrale de
la vorticité sur une surface bornée par cette courbe : ,
où S est une surface dont la frontière est la courbe C. Cela montre
que la circulation autour d'une boucle fermée est directement liée à
la distribution de la vorticité dans la région englobée par cette boucle.
Vorticité et circulation sont complémentaires pour comprendre et modéliser
la dynamique des tourbillons et prédire leur évolution. Lorsque la vorticité
est localisée et intense, elle favorise la formation de structures tourbillonnaires
cohérentes, telles que des vortex, des cyclones ou des courants océaniques.
Ces structures peuvent persister dans le temps grâce à leur propre rotation,
qui crée une force centrifuge opposée aux forces de dissipation. La circulation
, quant à elle, est pertinente dans la définition des contours de ces
structures. Par exemple, dans un tourbillon circulaire, une forte circulation
positive ou négative correspond à une organisation rigide de la structure,
tandis qu'une diminution de la circulation peut indiquer une désintégration
ou une interaction avec d'autres structures.
Dynamique des fluides
La dynamique des fluides
est étudie le mouvement des liquides et des gaz, en tenant compte des
forces
qui les gouvernent (pression, viscosité, pesanteur,
forces externes). Elle constitue une extension de la mécanique classique
de Newton appliquée aux milieux continus.
Concepts clés.
Viscosité.
La viscosité décrit
la résistance interne d'un fluide à un changement de forme et entraîne
la formation de couches limites autour des surfaces solides, où les vitesses
du fluide varient fortement en raison de la friction. La viscosité traduit
la résistance interne du fluide aux différences de vitesse entre couches
voisines. Si une couche de fluide glisse rapidement contre une autre plus
lente, des frottements apparaissent, qui tendent à lisser ces différences.
Plus un fluide est visqueux, plus cet effet est marqué. Dans un liquide
comme le miel, les vitesses se régularisent rapidement; dans l'air, beaucoup
moins. Ce phénomène transforme une partie de l'énergie du mouvement
en chaleur, ce qui explique pourquoi les écoulements très visqueux paraissent
« amortis ». La viscosité influence également la résistance au mouvement,
connue sous le nom de traînée,
et est décrite par le coefficient de frottement. Selon la viscosité,
on distingue les fluides parfaits (une idéalisation sans viscosité) et
les fluides réels (avec viscosité).
• Un
fluide parfait est défini comme un fluide incompressible, non visqueux
et isotherme. Il ne présente aucune résistance interne à la déformation,
ce qui signifie qu'il n'y a pas de traînée ou de dissipation d'énergie.
Le mouvement pour un fluide parfait peut être étudié grâce aux équations
d'Euler, qui décrivent le mouvement des fluides en négligeant les effets
de viscosité et de chaleur latente. Cette approximation est ordinairement
utilisée pour analyser des phénomènes tels que le flot stationnaire
ou les ondes
acoustiques dans des conditions idéales.
• Un fluide
réel, quant à lui, prend en compte les forces visqueuses. Un fluide
réel est, en fait non, seulement visqueux, mais aussi plus ou moins compressible
et son comportement thermique n'est pas négligeable. La densité peut
change en fonction de la pression et de la température. Cette propriété
est particulièrement importante dans l'analyse des gaz à haute vitesse,
où les variations de densité peuvent affecter significativement le comportement
du fluide. De plus, les fluides réels peuvent subir des changements de
phase, comme la condensation ou la vaporisation, ce qui complique leur
analyse thermodynamique. Ces transitions de phase sont influencées par
des paramètres tels que la température, la pression et l'énergie interne
du fluide. Enfin, les fluides réels peuvent également présenter des
phénomènes de turbulence, qui se manifestent
par des mouvements chaotiques et désordonnés. La turbulence augmente
la dissipation d'énergie et complexifie considérablement l'analyse des
fluides en mouvement. Pour étudier les écoulement des fluides réels,
on recourt aux équations de Navier-Stokes (V. plus bas).
Écoulements
laminaires et turbulents.
Un régime (ou écoulement)
laminaire et un régime (ou écoulement) turbulent correspondent
à deux types fondamentaux de comportement des fluides en mouvement, différenciés
par leur organisation interne et leurs propriétés dynamiques. Un écoulement
laminaire se caractérise par une organisation stricte des couches de fluide,
sans mélange entre elles. Il est régulier et prévisible. Un écoulement
turbulent, en revanche, présente des mouvements chaotiques (forte sensibilité
aux sensible aux conditions initiales) et des mélangeurs locaux. La couche
limite (zone de friction d'un fluide avec un objet solide) peut être laminaire
ou turbulente. Cela joue un rôle essentiel dans la résistance au mouvement
d'un objet dans un fluide.
• Le
régime laminaire est caractérisé par un déplacement ordonné et
régulier des particules du fluide. Dans ce type de mouvement, les particules
se déplacent selon des trajectoires rectilignes ou courbes en couches
superposées, chacune glissant sur l'autre sans mélange significatif entre
les couches adjacentes du fluide. Chaque couche est relativement immobile
par rapport aux couches voisines. Le frottement interne entre les couches
est faible. Cela se traduit par une faible dissipation d'énergie. Il n'y
a pas d'instabilités locales ou de mélange anarchique. Les mouvements
sont prévisibles et réguliers. Ce régime est habituellement observé
à basse vitesse, faible gradient de vitesse (différence de vitesse
entre différentes parties du fluide) et haute viscosité relative du fluide.
Le régime laminaire est recherché dans les applications où l'ordre et
la prévisibilité sont cruciaux, comme dans certains procédés industriels
de pompage, en microfluidique, ou dans des expériences de laboratoire
pour étudier des phénomènes hydrodynamiques fondamentaux.
• Le régime
turbulent est caractérisé par un mouvement chaotique et désordonné
des particules du fluide. Dans ce type de mouvement, les particules se
déplacent de manière aléatoire et se mélangent fortement entre elles.
Les mouvements sont instables, et il y a une agitation continue à différentes
échelles. On observe, en particulier, un mélange intense entre les couches
adjacentes. Le frottement interne est élevé. L'agitation des particules
génère une dissipation d'énergie importante. Les mouvements turbulents
existent à différentes échelles spatiales et temporelles, allant des
grandes structures à des fluctuations locales très rapides. Ce régime
est généralement observé à haute vitesse, forts gradients de vitesse
et à basse viscosité relative du fluide. Le régime turbulent est présent
dans de nombreux phénomènes naturels et industriels, tels que les courants
océaniques, les vents atmosphériques, les écoulements dans les tuyaux
à haute vitesse, etc.
Transition
entre les régimes. Nombre de Reynolds.
Le critère de transition
entre ces deux régimes d'écoulement est ordinairement donné par le nombre
de Reynolds Re, une grandeur sans dimension qui prédit
la transition, qui compare l'influence de l'inertie à celle de la viscosité.
Il est défini par : Re = ρvL/μ, où ρ est la densité
du fluide, v est la vitesse moyenne, L est une longueur caractéristique
(comme le diamètre d'un conduit), et μ est la viscosité dynamique. Lorsque
ce nombre est faible, la viscosité domine et le mouvement est régulier,
les particules de fluide se déplacent suivant des couches parallèles
sans se mélanger : c'est le régime laminaire, typique de l'écoulement
d'un fluide visqueux dans un petit tube à faible vitesse. À l'inverse,
pour des nombres de Reynolds élevés, le fluide devient instable et se
mélange de manière désordonnée avec des tourbillons et des fluctuations
aléatoires : c'est le régime turbulent, comme le flux d'air autour d'un
véhicule rapide ou l'écoulement d'une rivière agitée.
Compressibilité.
La compressibilité
distingue les écoulements où la densité du fluide peut être considérée
comme constante (ex. eau) de ceux où elle varie sensiblement (ex. air).
Les liquides sont généralement modélisés comme incompressibles, ce
qui est une approximation valable tant que les variations de pression restent
modérées. Les gaz, en revanche, deviennent compressibles lorsque leur
vitesse approche ou dépasse la vitesse du son : dans ce cas apparaissent
des phénomènes spécifiques comme les ondes de choc ou les dépressions
locales, très importants dans l'aéronautique et la propulsion.
Ecoulements
stationnaires et instationnaires.
Dans un écoulement
stationnaire, les grandeurs comme la vitesse, la pression ou la densité
restent identiques en un point donné du fluide à tout instant. L'exemple
typique est l'écoulement permanent dans une canalisation alimentée à
débit constant. À l'inverse, un écoulement instationnaire évolue avec
le temps : le sillage derrière une hélice en rotation ou les pulsations
dans un moteur à explosion sont des exemples d'écoulements instationnaires.
Dimensionnalité.
L'écoulement d'un
fluide peut être unidimensionnel bidimensionnel ou tridimensionnel. Un
écoulement unidimensionnel est étudié comme si toutes les variables
ne variaient que selon une seule direction : c'est une approximation utilisée
dans les conduites ou les jets. Les écoulements bidimensionnels interviennent
lorsqu'une variation se fait surtout sur un plan, comme l'écoulement autour
d'un profil d'aile en soufflerie. Les écoulements tridimensionnels, eux,
nécessitent de prendre en compte les trois directions de l'espace, ce
qui est le cas général dans la réalité, par exemple dans un tourbillon
atmosphérique ou dans la turbulence d'un réacteur.
Fluides
monophasiques et multiphasiques.
Un fluide monophasique
ne comporte qu'une seule phase, liquide ou gazeuse, comme l'eau circulant
dans un tuyau ou l'air s'écoulant autour d'un obstacle. Dans les écoulements
multiphasiques, plusieurs phases coexistent et interagissent, comme l'eau
mélangée à de l'air dans une cascade, les bulles de gaz dans un liquide,
ou encore les particules solides transportées par un courant d'air dans
un cyclone industriel. Ces écoulements sont beaucoup plus complexes à
modéliser car ils impliquent des interfaces mobiles et des échanges entre
phases.
Fluides
newtoniens et fluides non-newtoniens.
La viscosité d'un
fluide n'est pas nécessairement constante. La relation entre contrainte
et vitesse de déformation permet de définir deux classes de fluides,
les fluides newtoniens pour lesquels cette relation est linéaire,
et les fluides non-newtoniens, pour lesquels cette relation est
variable pouvant donner lieu à des comportements parfois contre-intuitifs,
mais utiles dans des applications allant de l'industrie alimentaire à
la formulation de peintures et de cosmétiques.
• Un
fluide newtonien est un fluide dont la viscosité reste constante,
quelle que soit la contrainte ou la vitesse de cisaillement appliquée.
Cela signifie que sa résistance à l'écoulement dépend uniquement de
la température et de la pression, pas de la manière dont on le déplace.
L'eau, l'air ou la plupart des huiles légères en sont des exemples :
doubler la vitesse d'agitation double la force nécessaire, de façon proportionnelle.
• Un fluide
non-newtonien ne respecte pas cette proportionnalité : sa viscosité
varie selon la vitesse de cisaillement ou les contraintes appliquées.
Certains fluides deviennent plus fluides lorsqu'ils sont agités (fluide
rhéo-fluidifiant, comme la peinture ou le ketchup), d'autres plus visqueux
(fluide rhéo-épaississant, comme l'amidon de maïs (maïzena) dans l'eau).
Il existe aussi des comportements plus complexes comme la thixotropie,
où la viscosité diminue dans le temps sous contrainte constante, et la
rhéopectie, où elle augmente.
Principes et outils
de la modélisation des écoulements.
Ces lois se déduisent
des équations générales de la mécanique des milieux continus, adaptées
aux fluides.
Conservation
de la masse.
Le
principe de conservation de la masse est traduite par l'équation de continuité.
Cette loi stipule que la masse totale d'un fluide dans un volume contrôlé
reste constante, à moins qu'il n'y ait d'échange avec le milieu extérieur.
Mathématiquement, elle se traduit par l'équation de continuité, qui
exprime que le flux massique entrant est égal au flux massique sortant.
On peut l'écrire : ∂ρ/∂t + div ρ.v = 0, où ρ est
la densité du fluide, et div est l'opératateur divergence.
Dans le cas des fluides incompressibles (ρ = Cte), cette équation a une
expression simple (div v = 0), permettant de suivre l'évolution
des vitesses de manière cohérente.
Conservation
de la matière. - Dans les cas où des réactions chimiques peuvent
se produire au sein du fluide, il est nécessaire de prendre en compte
la conservation de la matière. Cela implique de suivre non seulement la
masse totale, mais aussi les concentrations des différentes espèces chimiques
présentes dans le fluide. Ces équations de transport de masse sont impliquées
dans la modsélisaton de phénomènes comme la combustion ou la fermentation.
Conservation
de la quantité de mouvement.
Le principe de la
conservation de la quantité de mouvement est fondamental pour comprendre
les interactions entre les fluides et les solides, ainsi que pour modéliser
des phénomènes comme les vagues ou les courants marins. Lors que la masse
volumique ou la densité est constante, ce principe concerne spécifiquement
la vitesse du fluides et son éventuelle variation en présence de forces
volumiques. C'est ce qu'exprime l'équation de Navier-Stokes, qui est la
relation fondamentale de la dynamique des fluides.
• L'équation
de Navier-Stokes est l'équation que l'on déduit du principe de conservation
de la quantité de mouvement et qui est l'analogue de la relation fondamentale
de la dynamique (deuxième loi de Newton :
mγ = F ou d(mv)/dt = F), appliquée à une
particule d'un fluide (un élément de volume) en prenant comprte des forces
de pression, de viscosité et des forces externes. On peut l'écrire, par
exemple :
ρ (∂v/∂t
+ (v.grad)v) = - grad P + ρg + μ∆v,
où ρ est la densité
du fluide, v, le vecteur vitesse de l'élément de volume considéré,
P la pression, g l'accélération de la pesanteur (mais d'autres
forces externes pourraient aussi intervenir, comme la force
de Lorentz dans un fluide contenant des charges électriques), μ∆v
un terme qui rend compte de la viscosité du fluide (forces internes);
grad
est l'opérateur gradient et ∆ est
l'opérateur laplacien.
Dans l'équation
de Navier-Stokes, l'expression de gauche est analogue à l'expression de
gauche de la loi de Newton (m est remplacée pa sa veleur volumique et
le terme (∂v/∂t + (v.grad)v)
exprime la variation de la vitesse dans le temps ajouté à sa variation
(gradient) dans l'espace), ce qui est l'équivalent de γ (l'accélération)
dans la loi de Newton. Les termes de droite de l'équation correspondent
pour leur part à F (somme des forces par unité de volume). L'équation
de Navier-Stokes, équation aux dérivées partielles non linéaire, n'a
généralement pas de solution analytique (quand elle a une solution) et
des approximations et des calculs numériques sont nécessaires pour pouvoir
l'utiliser.
N.B. : Quand on parle
des équations de Navier-Stokes (au pluriel) on ajoute généralement à
cette équation l'équation de continuité. Pour un fluide parfait, ces
équations se réduisent aux équations d'Euler, car la viscosité dynamique
et la viscosité de dilatation sont nulles, mais ces équations (également
aux dérivées partielles et non linéaires) restent elles aussi sans solution
analytique la plupart du temps.
Conservation
de l'énergie.
Le principe de conservation
de l'énergie (premier principe de la thermodynamique)est essentiel notamment
pour pour analyser les systèmes où des phénomènes tels que les turbulences
ou les changements de phase sont présents. L'énergie totale d'un système
fluide est conservée, sauf pertes dues à des forces dissipatives comme
la viscosité. Il englobe plusieurs composantes : l'énergie cinétique,
l'énergie potentielle et l'énergie interne. L'équation d'énergie pour
les fluides comprend des termes supplémentaires pour représenter les
transferts thermiques et les pertes de charge.
Conservation
de la chaleur. - La loi de conservation de la chaleur (équation de
la chaleur) décrit comment la chaleur est transportée au sein d'un fluide,
et définit ainsi ses propriétés thermiques. Elle est particulièrement
importante dans les études de transfert de chaleur, où on prend en compte
la conduction, la convection et le rayonnement.
Les équations de conservation de la chaleur sont ordinairement couplées
aux équations de mouvement pour modéliser des phénomènes comme les
explosions ou les réacteurs chimiques.
Écoulement
de Couette et de Poiseuille.
Les écoulements
de Couette et de Poiseuille sont deux configurations classiques utilisées
pour étudier les propriétés visqueuses des fluides. Ces deux écoulements
jouent un rôle fondamental dans la compréhension des phénomènes de
transport de masse et d'énergie dans les fluides et offrent des modèles
simplifiés mais précieux pour analyser des systèmes plus complexes.
• L'écoulement
de Couette consiste en un fluide enfermé entre deux plaques parallèles,
l'une fixe et l'autre en mouvement. La vitesse du fluide varie linéairement
avec la distance à la plaque mobile, générant un gradient de vitesse
qui est directement lié à la force appliquée sur la plaque. Ce type
d'écoulement est fréquemment utilisé pour mesurer le coefficient de
viscosité dynamique d'un fluide.
• L'écoulement
de Poiseuille, quant à lui, se produit dans un conduit rigide de section
transversale circulaire ou rectangulaire lorsque le fluide est soumis à
une différence de pression constante entre les extrémités du conduit.
Dans ce cas, la vitesse du fluide atteint son maximum au centre du conduit
et diminue progressivement vers zéro aux parois. Cette configuration permet
d'étudier la relation entre le débit massique, la pression, le diamètre
du conduit et la viscosité du fluide. Elle fournit également une base
théorique pour comprendre le comportement des fluides dans des conduites,
notamment en présence de frottement interne.
Principe
de Bernoulli et effet Venturi.
Le principe de Bernoulli
découle directement de la conservation de l'énergie appliquée à un
fluide en écoulement. Lorsqu'un fluide parfait (incompressible, sans viscosité)
circule dans une conduite ou un champ de vitesses, la somme de son énergie
de pression, de son énergie cinétique et de son énergie potentielle
reste constante le long d'une ligne de courant. Cette relation exprime
que si la vitesse du fluide augmente, la pression diminue, et inversement,
afin que l'énergie totale reste conservée. Mathématiquement, on peut
écrire : P + ½ ρv² + ρgh = Cte, où P est la pression statique, ρ
la masse volumique du fluide, v la vitesse, g l'accélération de la pesanteur
et h la hauteur par rapport à une référence. Cette équation traduit
simplement la conservation de l'énergie mécanique sous ses trois formes
(énergie de pression, énergie cinétique et énergie potentielle gravitationnelle)
et signifie en particulier que l'augmentation de la vitesse du fluide entraîne
une diminution de la pression statique et vice versa.
L'effet Venturi,
quant à lui, est une conséquence directe du principe de Bernoulli appliqué
à un conduit qui présente un rétrécissement. Lorsqu'un fluide s'écoule
dans une conduite, la conservation du débit impose que la vitesse augmente
dans la zone où la section se réduit. Selon Bernoulli, cette augmentation
de vitesse s'accompagne d'une diminution de la pression statique, puisque
l'énergie mécanique totale du fluide doit rester constante le long de
la ligne de courant. Ainsi, dans la partie étroite du tube, la vitesse
est maximale et la pression est minimale. Cette baisse de pression peut
être exploitée pour aspirer un autre fluide ou un gaz à travers une
ouverture latérale placée dans le rétrécissement. L'effet Venturi illustre
parfaitement le compromis entre vitesse et pression mis en évidence par
Bernoulli : accélération de l'écoulement dans un passage étroit, et
chute de pression qui peut ensuite être mise à profit pour créer une
aspiration.
On retrouve les effets
du principe de Bernoulli dans de nombreux phénomènes et applications
pratiques. Dans les ailes d'avion, la différence de vitesse de l'air entre
l'extrados et l'intrados crée une différence de pression qui génère
la portance. Dans les atomiseurs et pulvérisateurs, l'air mis en mouvement
à grande vitesse entraîne une chute de pression qui aspire le liquide
et le disperse en fines gouttelettes. Dans les tubes de Venturi ou les
carburateurs, l'accélération du fluide dans une section resserrée provoque
une diminution de pression permettant le mélange air-carburant. L'effet
Venturi s'observe aussi dans les cheminées ou les toits inclinés où
le vent rapide réduit la pression au-dessus, favorisant le tirage ou,
parfois, provoquant une aspiration des tuiles.
Phénomènes interfaciaux.
Les phénomènes
interfaciaux se produisent à l'interface entre différentes phases fluides
(liquide-liquide, liquide-gaz, liquide-vapeur et même gaz-gaz dans des
conditions spécifiques), ainsi qu'à l'interface liquide-solide.
Tensions
superficielle et interfaciale.
La tension superficielle
(ou tension de surface) est une force surfacique qui tend à minimiser
la surface d'un fluide. Elle résulte du déséquilibre des forces intermoléculaires
subies par les molécules situées à l'interface avec un autre milieu
(air, solide ou autre liquide). À l'intérieur du liquide, chaque molécule
est attirée de manière isotrope par ses voisines, mais à la surface,
les molécules subissent une attraction nette vers l'intérieur, ce qui
tend à réduire la surface exposée. La tension superficielle agit donc
comme une « peau » élastique qui s'oppose à la création de nouvelles
interfaces. C'est elle qui permet à certains insectes de marcher sur l'eau
ou qui explique la formation de gouttes sphériques, la sphère étant
la forme minimisant la surface pour un volume donné. En termes mathématiques,
la tension superficielle σ est définie comme la force surfacique par
unité de longueur. Pour une interface liquide-gaz, cette force est dirigée
perpendiculairement à la ligne d'intersection entre la surface et la ligne
de contact avec un solide. La tension superficielle dépend de plusieurs
paramètres :
• Température.
- Elle diminue généralement avec l'augmentation de la température en
raison de l'augmentation de l'énergie cinétique moléculaire.
• Composition
chimique. - Des solutés ou des impuretés peuvent modifier la tension
superficielle. Par exemple, les tensioactifs abaissent la tension superficielle
en perturbant les liaisons hydrogène à la surface.
• Pression.
- La variation de pression peut également influencer la tension superficielle,
surtout dans les systèmes compressibles.
La tension interfaciale
γ est similaire, mais elle concerne les interfaces entre deux fluides
immiscibles, comme dans un système liquide-liquide. Elle est définie
comme la force surfacique par unité de longueur et joue un rôle déterminant
dans la stabilité des interfaces multiples.
Loi
de Young. Mouillage.
La loi de Young
relie l'angle de contact θ entre un liquide et un solide aux tensions
interfaciales existantes entre ces deux phases et avec un troisième matériau,
généralement un gaz (souvent l'air). Cette relation décrit l'équilibre
des forces surfaciques à l'interface entre le liquide, le solide et le
gaz. Elle s'exprime mathématiquement par : γsl =
γsg + γlgcos(θ),
γsl est la tension interfaciale entre le solide et
le liquide, γsg est la tension interfaciale entre
le solide et le gaz, γlg est la tension interfaciale
entre le liquide et le gaz, θ est l'angle de contact mesuré entre la
ligne de tangence de la goutte de liquide sur le solide et la surface du
solide.
Cet angle de contact
entre la surface et le liquide permet de définir la notion de mouillage
qui correspond à l'aptitude d'un liquide à s'étaler sur une surface
solide et découle directement de la compétition entre les différentes
tensions interfaciales en présence.
• Si
θ < 90°, le liquide adhère bien au solide et s'étale (bon mouillage);
la surface du solide est dite hydrophile.
• Si θ > 90°,
on a affaire à un mauvais mouillage : le liquide "répugne" au solide,
dont la surface est dite hydrophobe.
• Si θ > 150°,
on observe une superhydrophobie : des gouttes quasi sphériques se forment
et roulent sur la surface avec très peu d'adhérence.
• Si θ = 0°,
le liquide forme une couche continue sur la surface du solide, signifiant
une excellente adhérence.
La loi de Young permet
de quantifier cet effet en reliant l'angle de contact à la distribution
des tensions interfaciales. Par exemple, si γsl est
plus grand que γsg + γlgcos(θ),
cela indique que l'énergie totale de surface est minimisée dans cette
configuration.
Cette relation est
utilisée dans l'ndustrie textile, pour évaluer la résistance à l'humidité
et la rétention de liquides, en biochimie, pour étudier l'interaction
entre molécules et surfaces biologiques, en microfluidique, pour concevoir
des dispositifs capables de manipuler des petites quantités de liquides
avec précision.
Capillarité.
La capillarité
est une manifestation directe de la tension superficielle lorsqu'un liquide
se trouve en contact avec un support solide dans des conditions de confinement,
par exemple à l'intérieur d'un tube fin ou dans des pores. Elle correspond
ainsi au phénomène où les fluides montent ou descendent dans des conduits
de faible diamètre (tubes capillaires) sous l'influence de la tension
superficielle. L'interaction entre les molécules du liquide et celles
du solide détermine la forme du ménisque et la hauteur de montée ou
de descente du liquide dans le capillaire. Si les forces adhésives entre
liquide et solide l'emportent sur les forces cohésives au sein du liquide,
le ménisque est concave et le liquide s'élève (cas de l'eau dans un
tube de verre). Si au contraire les forces cohésives dominent, le ménisque
devient convexe et le liquide descend (cas du mercure).
La
loi de Jurin relie la hauteur de pénétration h d'un fluide dans un
tube capillaire à la tension superficielle σ, à l'angle de contact θ
et au rayon r du tube, selon l'équation :
h = 2σcos(θ)/ρgr, où ρ est la
densité du fluide et g est le module de l'accélération de la pesanteur.
L'angle de contact dépend des propriétés chimiques de la surface et
du fluide. Ici encore, un angle de contact proche de 0° indique une forte
adhérence, tandis qu'un angle proche de 180° indique une faible adhérence.
Interfaces
dynamiques et instabilités.
Les interfaces dynamiques
se produisent lorsque les fluides en contact sont en mouvement relatif.
Elles peuvent être causées par des phénomènes tels que la convection,
les mouvements de surface, ou des forces externes comme les forces de marée
ou les vibrations.
• L'instabilité
de Rayleigh-Taylor apparaît lorsqu'un fluide plus dense repose au-dessus
d'un fluide moins dense sous l'effet de l'accélération de la pesanteur
(ou d'une autre accélération). Dans cette configuration, l'équilibre
est mécaniquement instable : la moindre perturbation à l'interface provoque
des déplacements qui amplifient la séparation des deux fluides. Les régions
où le fluide lourd s'enfonce forment des « doigts » ou des structures
en champignons, tandis que le fluide léger remonte dans les zones voisines.
Ce processus est observable dans des phénomènes naturels comme l'évolution
des nuages dans l'atmosphère ou l'intérieur des étoiles, mais aussi
dans des situations industrielles comme la fusion inertielle où il peut
compromettre la stabilité des couches de combustible comprimé. Le développement
de cette instabilité est gouverné par la compétition entre la pesanteur,
la différence de densité et la viscosité des fluides.
• L'instabilité
de Rayleigh-Bénard se produit dans un fluide chauffé par en dessous
et refroidi par le haut. Lorsque le gradient de température est faible,
le transport de chaleur se fait essentiellement par conduction et l'état
reste stable. Au-delà d'un seuil critique caractérisé par le nombre
de Rayleigh, la conduction ne suffit plus et des mouvements convectifs
apparaissent. Le fluide chaud et léger au voisinage de la plaque inférieure
tend à s'élever, tandis que le fluide froid et plus dense situé en surface
descend. Il en résulte des cellules de convection organisées, souvent
hexagonales ou en rouleaux, qui témoignent d'un ordre émergent à partir
d'un état apparemment uniforme ( Convection
de Rayleigh-Bénard). Ce mécanisme est
fondamental pour comprendre des phénomènes comme la convection atmosphérique,
les mouvements du manteau terrestre ou encore les écoulements dans des
réacteurs chimiques.
• L'instabilité
de Kelvin-Helmholtz survient à l'interface entre deux fluides de viscosités
différentes en écoulement relatif, lorsqu'il existe un cisaillement de
vitesse suffisant. Si les forces stabilisatrices, comme la pesanteur ou
la tension de surface, ne compensent pas ce cisaillement, l'interface se
déforme en ondes de plus en plus marquées. Ces vagues roulent et finissent
par se rompre en structures turbulentes. L'instabilité est visible dans
les nuages dits « en rouleaux » dans l'atmosphère, dans les vagues générées
par le vent à la surface de la mer ou dans les couches de mélange entre
courants océaniques. Elle joue également un rôle majeur en astrophysique,
par exemple dans les interactions entre vents stellaires et milieu interstellaire.
• L'instabilité
de capillarité (instabilité de Plateau-Rayleigh). - Cette instabilité
survient lorsque la tension superficielle agit sur une interface entre
deux fluides. Elle est particulièrement notable dans les systèmes où
la différence de densité entre les fluides est faible, comme dans les
systèmes liquide-gaz, et correspond, par exemple, à la fragmentation
d'un cylindre de liquide sous l'action de la tension de surface. Lorsqu'une
colonne de fluide, comme un jet ou un filament, s'étire dans l'air ou
dans un autre fluide, la tension de surface tend à réduire la surface
totale. Les perturbations le long de l'axe du cylindre qui présentent
une longueur d'onde supérieure à sa circonférence sont amplifiées,
ce qui conduit progressivement à la formation de goulots puis à la rupture
en gouttelettes. Ce mécanisme explique la désintégration d'un jet d'eau
en pluie fine, la génération de gouttes dans les buses d'impression à
jet dencre ou encore la production de microgouttelettes en aérosol.
Transferts
de masse, de chaleur et de quantité de mouvement.
Les interfaces jouent
un rôle très important dans les transferts de masse, de chaleur et de
moment. Les gradients de concentration, de température et de vitesse se
produisent généralement à l'interface, ce qui conduit à des flux de
matière, de chaleur et de quantité de mouvement.
• Transfert
de chaleur. - À l'interface liquide-gaz, le transfert de chaleur peut
se faire par conduction, convection et radiation. La résistance thermique
à l'interface est une fonction de la tension superficielle et de la conductivité
thermique des fluides.
• Transfert
de masse. - Dans les émulsions, les transferts de masse à l'interface
sont cruciaux pour les processus de diffusion et de dissolution. Les émulsifiants
peuvent être utilisés pour réduire la tension superficielle et favoriser
la dispersion des phases.
• Transfert
de quantité de mouvement. - Les forces de friction à l'interface
influencent les mouvements des fluides. Les schémas numériques de résolution
des équations de Navier-Stokes doivent tenir compte de ces forces pour
prédire correctement les mouvements des fluides.
Applications.
Les phénomènes
interfaciaux ont de nombreuses applications pratiques dans différents
domaines. Les émulsions liquide-gaz sont courantes dans les pipelines
de transport de pétrole brut. La compréhension des phénomènes interfaciaux
permet de mieux optimiser le transport et de prévenir les problèmes de
corrosion. Dans les réacteurs nucléaires à eau pressurisée, la vaporisation
de l'eau à l'interface liquide-vapeur joue un rôle central dans la production
d'énergie. Les phénomènes interfaciaux influencent la stabilité des
interfaces et la performance globale du système. Les formulations pharmaceutiques,
comme les gels et les émulsions, reposent sur des phénomènes interfaciaux
pour garantir la stabilité et l'efficacité des produits. Les phénomènes
interfaciaux sont également importants dans les systèmes biologiques,
comme la respiration, où la diffusion de l'oxygène et du dioxyde de carbone
se produit à l'interface pulmonaire. |
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